samedi 20 juillet 2024

Joies et peines d'Angélique Fossier

Ma mie Angélique Fossier, lointaine arrière-grand-mère, à trop fréquenter le registre paroissial de Barisis les Bois en Picardie, je m’interroge sur tes sentiments éprouvés jadis, au cours de ta vie et de ton chemin partagé avec Pierre Jonquoy.

Venue au monde le 22 décembre 1712 un froid jour d’hiver, tu es aussitôt baptisée pour rejoindre la communauté des chrétiens. Fille unique de François Fossier et Jeanne Berton, remariés l’année précédente, tu grandis dans une famille recomposée avec Marie Fossier ta sœur consanguine et Marie Jeanne Guerlot ta sœur utérine et assiste gamine aux mariages de celles-ci, puis fièrement devient marraine d’une nièce à tout juste 10 ans.

Dans ta paroisse ceinte de forêts, où les bûcherons et scieurs de long côtoient les chanvriers et tisserands le métier de ton père m’a longtemps échappé. Un indice glané en 1738 sur l’acte de d’inhumation de François Fossier mon aïeul m’interpelle donc : pestre. En référence à l’ancien français pestrir et au bas-latin pistrix, c’est la personne qui pétrir et remue fortement dans tous les sens avec les mains une substance pâteuse.

Ton père est donc boulanger et œuvre dans un endroit dénommé pétril ou fournil après avoir malaxé la farine dans un meuble appelé actuellement pétrin.



Dans le même village, Pierre Jonquoy, baptisé le 11 mars 1708, se trouve être l’un des nombreux enfants de Pierre Jonquoy bûcheron et Marie Magdeleine Brebant ancêtres mis en lumière dans un ancien billet. Il va à l’école et sais donc signer comme son père et ses frères cadets Louis-Jacques et Jean.

Et parce que la destinée d’une jeune fille est de s’établir, ma petite Angélique de ton trousseau tu as extrait une belle coiffe neuve, tapoté ta meilleure jupe, noué un fichu de laine sur tes épaules et pénétré dans l’église le 8 février 1729 pour unir ta destinée à Pierre en présence de vos pères et mères. Journée d’émotion et de fête, Angélique et Pierre, vous êtes si jeunes, 16 et 20 printemps tout juste, avec un penchant l’un pour l’autre peut-être.

Pierre Jonquoy, ton homme désormais, bûcheron à un moment, est ensuite chanvrier ou marchand-chanvrier selon les actes, et avec son instruction a aussi été marguillier de la paroisse. En tant que membre du conseil de fabrique, la fonction de marguillier de Pierre, suite à son élection par l’assemblée des habitants, l’a fait intervenir dans la gestion des quêtes et offrandes, des revenus ou des legs ainsi que la location des bancs, l’entretien de l’église, des ornements liturgiques, le respect des usages comme l’ouverture de la taverne après la messe.

***

La ronde des naissances débute avec l’ainé Pierre-Louis, puis s’enchaînent pour toi ma petite Angélique six maternités rapprochées, autant de risques lors de l’enfantement, de craintes pour les nourrissons à une époque désarmée face aux maladies infantiles, autant de détresse lorsque tu recueilles leur dernier souffle.



Jean-Louis, Michel, Marie-Louise, Louis, Jean-Baptiste, des petits anges partis trop vite, enfouis dans un tiroir secret de ton cœur, lequel avait tes yeux ou ceux de son père, as-tu gardé en mémoire leur prénoms. Si peu de joies, trop de peines.

Et puis Simon qui rend son dernier soupir à 11 ans, te souviens-tu de ses mimiques, de son caractère ou des traits de son visage.

Du baume au cœur lorsque Pierre-Louis ton fils aîné chanvrier se marie en 1756 avec Marie-Jeanne Lallemand, tu es là avec ton époux. Trois fois grand-mère, survient une hécatombe dans ce foyer avec la disparition des trois petits, de leurs parents aussi. Le vide autour de toi, tout se confond dans ton esprit, dans ta mémoire, veuve qui plus est après le décès de Pierre ton époux en 1762.

Tu n’as pas retenu les dates, je ne peux les décliner dans le détail, une auto-censure inexpliquée de ma part, années sombres et noires pour ton âme et ton corps, trop d’épreuves. tu as pleuré, plié, mais pas cassé, 



Comme il y a toujours un coin de ciel bleu quelque part, lointaine aïeule Angélique il te reste tes trois filles cadettes : Marie-Jeanne Jonquoy née en 1746, Marie-Louise Jonquoy baptisée en 1749 et Angélique Jonquoy la petite retardataire née en 1757. Elles grandissent ces demoiselles et tu assistes à leur mariage, la vie continue avec un peu de joie.

Juste une confidence ta fille Marie-Jeanne est mon ancêtre, des petits-enfants vont faire à nouveau du bruit, babiller ou piquer une colère, réclamer ton attention ou le récit d'une histoire.

Je te retrouverai avec tes trois filles, tes trois gendres avec une tendresse particulière issue de mes premières découvertes dans ta paroisse, et de mes premières émotions.

Joies et peines d'Angélique une femme ordinaire, dans un village au mitan du 18ème siècle à l'écart des grandes routes, lieu peuplé de familles courageuses luttant pour leur quotidien. 


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Sources
AD 02 Barisis aux Bois BMS 
Geneanet indices arbre milou02 

mercredi 26 juin 2024

Tout en haut d'une branche

Dans une forêt d’ancêtres on risque de se perdre, s’égarer, ou s’arrêter sous un majestueux arbre tricentenaire aux multiples branches, et entendre un oiseau gringotter, un rossignol .

Jean Rossignol et Marie Blanchart ou Blanchard, ancêtres tout en haut d’une branche dans un coin du Laonnois, attendent les curieux de leurs racines.

Si j’ai fait un bout du chemin seule en feuilletant les registres paroissiaux de Barisis dans l’Aisne actuelle, j’ai aussi profité de petits cailloux semés par un passionné : tout n’est pas pourri dans le royaume du Danemark, enfin sur le site de Geneanet et les arbres mis en ligne.

Jean et Marie naissent vers 1630-1635 se marient vers 1655 et décèdent vers 1686-1689.

Sujets du Roi Louis XIII puis du Roi Louis XIV, ont-ils eu écho des troubles graves de la Fronde qui frappent le Royaume de France alors en guerre avec l’Espagne.

Jean Rossignol et Marie Blanchart apparaissent dans les registres à travers les actes concernant leurs 10 enfants arrivés à l’âge adulte : une belle famille pour cette époque où tant de petiots meurent très vite, ce qui laisse entendre une certaine aisance et robustesse.

Les 6 garçons se marient Simon, Louis, Raphaël, Charles, Alexis et Jean mon aïeul époux de Marie Pierpont, mention est portée de leur capacité à signer les actes.

Sur les 4 filles Anne, Jeanne et Marie-Magdeleine contractent une alliance,

Marie plus fragile s’éteint dans la demeure familiale âgée de 19 ans en 1685, mention est faite de son inhumation dans la chapelle Notre-Dame de l’église de Barisis. Cela m’intrigue, un indice sur l’honorabilité de ses parents a priori.

AD 02 Barisis BMS extrait 1685

Autour de Jean Rossignol, le patriarche, gravite sa sœur Catherine Rossignol alliée à Henry Carlier fils d’un laboureur du lieu.

Dans la paroisse toute proche de Folembray, Quentin Blanchart le beau-frère exerce les fonctions de garde des bois de son Altesse Royale, lui aussi est inhumé dans l’église du lieu en 1697.

AD 02 Sinceny BMS extrait 1675

A Sinceny autre paroisse voisine, Jean Rossignol a le bon goût d’être parrain d’un enfant où le prêtre mentionne qu’il est garde en la basse forêt de Coucy. Tiens donc il exerce les mêmes fonctions que son beau-frère, ce qui sera aussi le cas de Simon son fils aîné.

Petit résumé de mes réflexions sylvestres sous un grand arbre aux multiples racines, et de vérifications d’actes et de parentés citées.

Un rossignol fredonne, siffle, gringotte au choix et m'encourage à me documenter sur le métier de garde des bois et la basse forêt de Coucy.  


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Sur les désordres commis en 1650 par les troupes dans les lieux cités



Sources 
AD 02 Barisis aux Bois BMS 1677-1721
Folembray BMS & Sinceny BMS 
Geneanet arbre pseudo milou02 
Photo Pixabay


mardi 4 juin 2024

Si peu remariée

Marie Pierpont, si éloignée dans le temps, cela ne t’ennuie pas que je chuchote à ton sujet ? Tu ignores que plusieurs de tes descendants te comptent comme ancêtre, j’en fait partie. 

Dans l'Aisne actuelle, à peine âgée de quinze ans, rougissante et émue, le 22 janvier 1691, tu pénètres dans l’église paroissiale de Barisis pour unir ta destinée à Jean Rossignol, vingt ans tout juste, pas peu fier de s’établir. 

Outre votre jeunesse vous avez en commun de ne plus avoir vos parents mais une importante fratrie, cette alliance n’est pas la première entre vos deux familles. 

Toi Marie tu es fille de défunt Antoine Pierpont et de feue Catherine Leclerc et ton Jean est fils de défunt Jean Rossignol et de feue Marie Blanchard.

Tu accouches de Charles en 1696 qui ne vit qu’une semaine hélas, et d’un garçon ondoyé à la hâte par la sage-femme Marguerite Dauthuille en 1702, là encore ton époux signe l’acte d’inhumation. Heureusement votre fils Jean Antoine et votre fille Marie Catherine sont des enfants plus costauds qui égayent votre foyer en 1699 et 1703.

Tout bascule un 16 février 1705, Jean Rossignol ton époux s’éteint à trente-trois ans à peine, et te voilà veuve à la trentaine avec deux petits sur les bras. Je subodore le clan des frères Rossignol de t’avoir épaulée, et ne doute pas de ton courage.

Un grand silence de ta part dans les registres pendant 19 années et puis une surprise : j’écarquille mes yeux en découvrant un remariage tardif. Le 25 janvier 1724 tu convoles avec Jean Martin veuf de quelques mois avec 2 grands enfants.

Lui demande à son frère François Martin et à son fils Antoine de lui servir de témoins, et toi Marie tu choisis Alexis Rossignol ton beau-frère et ton fils Jean Antoine.

Et autre surprise ton nouvel époux trépasse le 12 février suivant, tout cela s’avère étrange.

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Que de supputations de ma part : un remariage par intérêt, lié aux suppliques d’un veuf qui cherche une ménagère ou une garde-malade, ou lié aux pressions d’enfants qui ne souhaitent plus t’héberger.

Mais non tu n’es pas brouillée avec les tiens puisque tu portes sur les fonts baptismaux ta petite-fille Marie-Catherine Tellier et ton petit-fils Jacques Philippe Rossignol en 1728 et 1732.

Tu as le temps de voir grandir plusieurs de tes petits-enfants, de s’occuper d’eux, tout en continuant à filer le chanvre au coin du feu, sans être flanquée d’un compagnon ronchon ou autoritaire.

AD 02 BMS Barisis extrait 1739 

Début 1739 ton temps est compté, tu reçois les sacrements de pénitence, du saint viatique et l’extrême onction avant de t’éteindre entourée des tiens le 1er octobre 1739 à environ 66 ans. Le lendemain ton fils Jean Antoine signe ton acte d’inhumation, tout comme Antoine Marchand et Jean-Baptiste Marlot un autre ancêtre, soit dit au passage, à la signature affirmée voire envahissante.

Tu es désignée comme veuve de Jean Rossignol, veuve pendant 34 années après 14 ans d'une union avec le père de tes enfants. Si peu remariée avec Jean Martin, que cette éphémère alliance est passée à la trappe.

Etonnante Marie Pierpont juste une dernière confidence : j’ai osé intituler une rencontre avec ta fille Dépoussiérer Marie-Catherine Rossignol



Sources 
- Image détail tableau Le Nain
©Washington National Gallery of Art
- AD 02 Barisis BMS
- Indices arbre Geneanet milou02


mardi 28 mai 2024

Un couple ordinaire

Une vie simple pour un couple ordinaire aux patronymes passe-partout : Jacques Dupont et Anne Martin, couple qui constitue cependant un maillon dans la chaîne de mes ancêtres dans un village de l’ancien Laonnois, aujourd’hui dans l’Aisne.

Regardez cette vieille carte, cherchez leur lieu de vie : Barisis, à l’écart des grandes routes, à proximité de Saint-Gobain et de Coucy entouré de forêts. Chanvriers, tisserands, fileuses, laboureurs, bûcherons et scieurs de long, ou garde-ventes se côtoient dans cette paroisse sous l’autorité de l’abbaye, dont les religieux administrent les sacrements et tiennent les registres.

Gallica Carte Cassini extrait sur Barisis 

Jacques Dupont (sosa 830), premier-né de Claude Dupont scieur de long et Marie Magnier est baptisé le 9 décembre 1696, tout juste âgé d’un jour, entouré de son parrain Jacques Henry et Marie Magdeleine Magnier.

Il grandit avec ses cadets Antoine, Charles, Marie et Pierre sous l’autorité bienveillante et ferme de ses parents, espérons le, sa famille élargie n’est pas connue.

Anne Martin (sosa 831), dernière-née de Claude Martin et Charlotte Hauteur, est portée sur les fonts baptismaux le 2 mars 1699 par Anne Antoinette Richemont et Pierre Jonquoy au nom de Louis son fils.

Si elle partage ses jeux ou contraintes avec sa sœur Marie et son frère Pierre, cela ne peut être le cas avec son grand frère Jean : dix-sept années les séparent. Anne se retrouve orpheline de père très vite, leur mère aidée par son grand fils et soutenue par son frère Jean Hauteur doit faire face au quotidien et lutter pour leur survie.

Les familles ont courbé l’échine pendant le grand hiver de 1709-1710, luttant lors de la disette des grains, ignorant peu ou prou la disparition du Roi Louis XIV en 1715, le temps de la Régence dans la jeunesse du Roi XV.

Et puis viennent les épousailles célébrées solennellement dans la petite église paroissiale le 14 juin 1721. Le marié, sous l’autorité de son père Claude Dupont, a comme témoins ses frères Antoine et Charles, la mariée est assistée de son oncle Jean Hauteur et de son beau-frère Antoine Martin, bien que non citées les mères doivent être présentes.

AD 02 Barisis acte mariage 1721

La vie de couple de Jacques Dupont et Anne Martin s’étend sur une vingtaine d’années, arrivent au foyer quatre enfants : un petit Claude prénommé comme les grands-pères au destin inconnu, puis Marie Anne mon aïeule, Charlotte et Marie Magdeleine. Les filles grandissent.

Mon ancêtre Jacques, avec un père et un frère scieur de long, est-il aussi un homme du bois ? Les registres sont muets sur son métier.

AD 02 Barisis décès du grand-père en 1740

Sa malhabile signature figure seulement sur l’acte d’inhumation de son père Claude en 1740 et celui d'Anne son épouse en 1741, touchant témoignage lors de tristes événements. Le grand-père et sa bru sont décédés dans leur maison et ont reçu les derniers sacrements.

AD 02 Barisis décès d'Anne en 1741

Veuf de cinq mois Jacques s’éteint la même année que son épouse en 1741, leur fille cadette disparait peu après.

Entre 1739 et 1741, vent, froidure et pluie sévissent en France et en Europe : les faux dégels causent bien du dommage sur les terres ensemencées, s’en suit disette, sous alimentation et épidémie.

Rassurez vous Marie-Anne Dupont et sa sœur Charlotte survivent, un grand oncle Jean Hauteur et un oncle Antoine Dupont veillent sur elles et tentent de les établir.

Une trace ordinaire, pour un couple simple, un peu moins ignoré.


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Sources
AD 02 Barisis BMS
Indices Geneanet milou02 

samedi 18 mai 2024

Claude Dupont scieur de long

En piste pour une rencontre ancestrale à Barisis aux Bois, dans l’Aisne actuelle, commune lovée dans un écrin de forêts où se cachent de nombreux ancêtres : Claude Dupont (sosa 1660) a les oreilles qui bourdonnent avec ces quelques lignes.

Trace est gardée de son passage sur notre terre dans les registres paroissiaux, fils des défunts Robert et Jeanne Dauthuile, dans la petite église paroissiale, Claude âgé de 27 ans est solennellement marié le 14 novembre 1695 avec Marie Magnier ou Meunier (sosa 1661) veuve de 34 ans.


Débarquent au foyer Jacques (sosa 830), Antoine, Charles, Marie et Pierre, trace est gardée de leurs baptêmes entre 1696 et 1704, l’aîné est mon lointain grand-père.

Le temps file, Claude Dupont assiste aux mariage des quatre aînés, le temps s’arrête trop tôt en 1727 pour son épouse Marie, mais sa vie continue après ses secondes noces avec Yolaine Pannequin veuve.

Son temps s’achève le 24 décembre 1740, muni des derniers sacrements, entouré des siens, fils et petits-fils émargent son acte d’inhumation le même jour veille de Noël. Il était scieur de long, âgé d’environ 70 ans.


Gallica extrait planche sur le scieur de long

Quel métier épuisant que celui de mon aïeul Claude, métier reconnu en tant que tel depuis le 15ème siècle, exercé en itinérance à travers tout le Royaume de France, où en sédentaire dans son cas, savoir-faire transmis de génération en génération.

Sa tâche, avec d’autres compagnons, vise à transformer un tronc en planches. Le doleur avec une hache équarrit la pièce de bois, puis trace une ligne de coupe avec une corde trempée dans un mélange de cendres et d’eau qui laisse une ligne noire sur le tronc.

La scie de long ou scie à déligner est une grande scie à refendre le bois, conçue pour couper le bois dans le sens du fil de bois, ses dents affutées agissent comme un petit rabot qui retire un copeau.

Cette lourde scie est maniée par deux personnes : le chevrier qui se trouve debout en haut de l’échafaudage et le renardier qui se trouve en dessous et se protège ses yeux de la sciure par un grand sac ou un chapeau. Le chevrier remonte la scie, qui descend ensuite de son propre poids, aidée par l'impulsion du renardier.

Un travail d’équipe que celui de scieur de long, du matin au crépuscule, pour Claude Dupont, ses compères, et ses fils.

Travail judicieusement observé et mis en mots choisis et termes ciselés par un chansonnier et poète du 19ème siècle Pierre Dupont, amoureux du Forez, terre de scieurs de long, ceux qui partaient dans tout le pays, je vous propose d'écouter le poème sur le scieur de long. 


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Retrouver son fils Jacques 


Sources 
AD 02 Barisis BMS et Geneanet pseudo milou02
Pierre Dupont 1821-1870 Chansonnier et poète 
Poème extrait de Chants et chansons, poésie et musique volume 4 


samedi 20 avril 2024

Révérend Rémy Vernier chanoine

Bien m’en a pris de ne pas laisser au bord du chemin, Révérend Messire Rémy Vernier chanoine et prêtre, lointain grand-oncle à la douzième génération dans une famille enracinée en terre de Savoie à Montvernier.

Révérend Messire Rémy vous êtes fils de feu Hugues Vernier et de Jeanne Humille avec deux frères aînés et deux frères cadets, en fait foi un précieux partage. Cinq garçons arrivés à l’âge adulte en ce milieu du 17ème siècle et aussi trois filles dont une seule se marie.

Votre acte de baptême a disparu, comme celui vos cadets car situé entre 1640 et 1646, tandis que trace en est gardée pour les baptêmes de vos sœurs.

Dois-je penser à des jeux partagés avec vos frères Jean Cosme, Philippe, ou avec Jean et François tous deux mes ancêtres, ou plus sûrement des travaux et tâches adaptés à vos âges respectifs dans ce village de montagne où orge et seigle sont semés, la vigne cultivée et les vergers présents.

© Montagnicimes Montvernier et la vallée 

Où avez-vous appris à lire et à écrire, car à votre époque Montvernier n’a pas d’école créée à l’initiative de l’assemblée des villageois, ou par une fondation d’une œuvre pieuse. Certains parents se cotisaient peut-être pour payer un maître quelques mois de l’année, mystère. Vous n’avez pas pour autant pas échappé aux cours de catéchisme du prêtre, a-t-il noté votre propension à la piété, votre intelligence, mystère.

A douze ans vous prenez le chemin du collège et séminaire de la Cité de Saint-Jean de Maurienne créé grâce aux dotations et libéralités faites par Monseigneur Pierre de Lambert, évêque de Maurienne en 1591, création incitée par le Concile de Trente de 1563 pour toute ville épiscopale.

Ce collège dénommé par la suite « Collège Lambertin » fournit un moyen facile de s’instruire aux jeunes gens de tous rangs et toutes conditions dès lors qu’ils sont enfant issu d’un mariage légitime.

Au départ les professeurs doivent être pris dans les rangs du clergé ou à défaut des laïcs suffisamment instruits, un ecclésiastique connaissant bien la musique leur est adjoint.

Le programme de vos études porte sur la grammaire, la philosophie, la rhétorique, et les humanités, sans omettre les exercices spirituels, prières et messes dans la proche cathédrale, certains de vos condisciples deviennent notaires, avocats, apothicaires ou médecins.

Après les études, l’état clérical vous attend avec une ordination à une date inconnue, tout comme votre lieu d'affectation comme prêtre.

Vous êtes prêtre et parrain en 1679 et 1682 à Montvernier lors des baptêmes de deux neveux, baptêmes qui témoignent de vos liens familiaux : Rémy fils de votre frère Philippe et Rémy fils de votre frère Jean Vernier.

Révérend Messire Rémy je confesse être parti à votre recherche par le biais de votre second filleul, mon ancêtre disparu assez jeune, et son surprenant inventaire après décès citant un sac d’actes notariés et le contenu des livres empilés dans un précieux coffre. Je subodorais alors un legs à l’énumération des titres édifiants.


Ces livres, vos livres, s’avèrent être en rapport avec votre position tels le catéchisme du Concile de Trente, le triomphe de la Croix, l’examen et la censure des bibles, le bon curé, le guide du pécheur. A côté de la philosophie universelle, les épitres choisis de Cicéron, l’art de la rhétorique, voisine le Parfait Notaire.

J’avoue m’être étonnée et renseignée sur deux titres :

- les remèdes charitables de Madame Fouquet, pour guérir à peu de frais toutes sortes de maux tant internes qu’externes, invétérés, qui sont passés jusqu’à présent incurables.

Marie de Maupéou épouse de François Fouquet magistrat au Parlement de Paris, mère de nombreux enfants dont Nicolas Fouquet surintendant des finances du Roi Louix XIV, avait une grande connaissance de la médecine des simples et confectionnait elle-même de nombreux remèdes qu’elle administrait à ses protégés.

- les secrets du Révérend Seigneur Alexis Piémontois contenant excellents remèdes contre plusieurs maladies, plaies avec la manière de faire distillation, parfums, confitures, teintures, couleurs traduit de l’italien.

Avez-vous tenté de soulager vos paroissiens et contemporains. à défaut de devenir apothicaire ? 

Et puis un jour vous avez rejoint le vénérable chapitre de la Cathédrale de Saint-Jean de Maurienne en tant que chanoine, une docte assemblée de près d’une vingtaine de personnes, assemblée croisée dans la salle capitulaire à l’occasion d’une quittance faite à Jean et François Vernier vos frères mes ancêtres.

© Wikipedia Stalles du chœur de la cathédrale de St Jean de Maurienne

Chanoine, vous disposez d’une stalle dans le chœur de la cathédrale, sur les hauts dossiers alternent apôtres, prophètes et saints populaires, sous l’assise relevable du siège une précieuse miséricorde sculptée d'un mascaron vous rend moins pénible la station debout pendant les nombreux et longs offices.

***
Révérend Messire, le 30 janvier 1699, le notaire vient dans votre maison capitulaire pour établir votre testament nuncupatif car vous êtes détenu de maladie dans votre lit, sain toutefois d'esprit de mémoire et d'entendement. Vous souhaitez disposer des biens qu'il a plu à Dieu dans sa divine bonté de vous prêter dans ce monde.

Après avoir fait le signe de la Croix, recommandé votre âme à Dieu le créateur, souhaité l’intersession de la glorieuse Vierge Marie, de tous les Saints et de votre bon ange gardien par Saint Rémy votre patron, vous dictez à Maître Berger vos desiderata.

Vous prévoyez la sépulture de votre corps dans les tombeaux des Révérends Chanoines de la cathédrale, et pour les funérailles vous vous en remettez à la volonté de vos héritiers, entendant néanmoins qu'il ne soit pas dérogé aux solennités accoutumées dues à votre égard.

Vous donnez 700 florins au chapitre de la Cathédrale pour la fondation d'autant de messes que le Vénérable Chapitre des Révérends Chanoines jugera à propos de faire célébrer annuellement et à perpétuité pour le salut de votre âme, somme que vos héritiers devront s’acquitter une année après votre décès. Un legs de 10 florins est prévu pour Monseigneur l’Evêque payable six mois après votre décès.

***
S’agissant de la dévolution de vos biens terrestres, permettez très lointain grand-oncle de m’en tenir à votre second testament, daté du jour d’après soit le 31 janvier 1699. Je ne sais si la nuit vous a porté conseil et les raisons de votre revirement.

Toujours est-il que vous maintenez le legs de 300 florins pour les enfants de votre frère feu Philippe Vernier, payable deux ans après votre décès sans intérêts, moyennant vous les excluez du résidu de votre hoirie.

A votre nièce Marie Vernier fille de votre frère François, vous léguez 400 florins payables une année après son mariage. Marie âgée de vingt ans est mon ancêtre, future épouse de Joseph Deschamps.

A vos nièces Françoise et Jeanne filles cadettes du même François, le legs est réduit de 400 à 200 florins, soit 100 chacune payables une année après leur mariage.

Vous donnez et léguez à vos deux neveux François Vernier fils de feu Jean Cosme et Rémy Vernier fils de Jean la part de bâtiments, place, vergers de Montvernier, 4 quartellées de terre vers la croix des Rameaux vers Montbrunal, plus des vignes.

Pour tout le reste vous nommez comme héritiers universels Jean et François Vernier vos frères par parts égales, et prévoyez des clauses de substitution, si François décède sans héritier mâle, et si vos trois nièces meurent sans enfants, leur part sera réversible sur les autres héritiers mâles.

Désormais Révérend Messire vous êtes en paix avec vous-même, après avoir exprimé vos préférences avec différents liens familiaux. Le temps vous est cependant compté, au mois de mars 1699 votre présence est attestée dans une séance du chapitre cathédral, mais en juin 1669 Claude Roche, prêtre de Villarembert, vous remplace et devient chanoine, le Seigneur vous a rappelé à Lui entretemps.


Je confesse avoir apprécié vous découvrir à travers différents actes notariés, vous êtes un lointain collatéral, un collatéral-clé à plusieurs titres, dont les legs à vos nièces toutes filles de votre frère François qui me confirment l'alliance de celui-ci, je vous en remercie très respectueusement. 


A suivre

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Sources 

AD 73 Tabellion Saint-Jean de Maurienne
            1699 2C 2436 vues 208 et s
Gallica Histoire du collège Lambertin par l'abbé Rambaud
Gallica les deux livres cités
Google Books Travaux de la SHAM
             Chapitre de la cathédrale


samedi 6 avril 2024

Jean et François Vernier en la salle capitulaire

Dans le sac de titres de l’inventaire après décès de mon ancêtre Rémy Vernier feu Jean établit en 1725, une quittance a attiré mon attention vu les protagonistes concernés.

Me voilà donc en compagnie de Jean et François Vernier frères et fils de feu Hugues comme indiqué dans un partage de 1708, tous deux mes ancêtres soit dit au passage, et bonjour les implexes dans le village de Montvernier en Savoie.

Là en ce 5 février 1700, Jean et François ont pris la route pour la Cité de Saint-Jean de Maurienne, anxieux des formalités à accomplir, enveloppés dans des houppelandes pour lutter contre le froid, sans un regard sur les beaux sommets enneigés.

© Wikipedia Cloître Cathédrale St-Jean de Maurienne 

Ville active de 2000 âmes environ, située sur une voie de passage, s’y côtoient journaliers et laboureurs, domestiques, artisans et commerçants, procureurs et notaires, sans oublier un important clergé. La Cité s’enorgueillit d’un bel ensemble cathédral dont la construction démarra au XIème siècle, l’évêque y est entouré de nombreux chanoines.

Préoccupés, Jean et François Vernier, une fois la cathédrale traversée, se laissent guider sans s’attarder dans le cloître canonial aux baies trilobées en gypse. On les attend dans la salle capitulaire, lieu privilégié de la communauté canoniale.

En ce 5 février 1700, assemblé au son de la grande cloche en la manière accoutumée, le très Vénérable Chapitre de l’église cathédrale de la Cité de Saint-Jean est au complet face à mes ancêtres intimidés par ces doctes personnages.

Le notaire ducal énumère les patronymes des Révérends Messires tous prêtres et chanoines Nicaise Coste en premier et ensuite treize commensaux (1), trois chanoines absents sont excusés.

La mission du notaire consiste à rédiger une quittance pour honnêtes Jean et François Vernier frères de Montvernier passée par le Vénérable Chapitre de la cathédrale de Maurienne

« Faisant les Révérends Chanoines de ladite Eglise lesquels de leur gré tant en leur nom que des autres des Révérends Chanoines absents,

Ont confessé et confessent avoir reçu d'honnêtes François et Jean Vernier frères de Montvernier ici présents et acceptant, pour eux et les leurs, en qualité d'héritiers de Révérend Messire Rémy Vernier leur frère quand vivait prêtre et chanoine de la même église,

Savoir la somme de sept cents florins monnaie de Savoie à eux léguée par feu Messire Chanoine Vernier pour la fondation de messes par son testament du 31 janvier 1699. »

Voilà donc la présence de mes ancêtres dans ce lieu particulier explicitée et les liens familiaux mis en exergue.

« Icelle somme présentement et réellement délivrée par les frères Vernier de vingt-cinq louis d'or de bon or sur le pied de vingt-sept florins six sols étant communs six écus de France à raison de sept florins aussi …»

Blason de St-Jean de Maurienne 
Ciel, une valse entre le florin monnaie de Savoie, les louis d’or et écus monnaies de France, révélatrice des échanges et usages !

Tout cela a été compté par les Révérends Chanoines puis retiré et porté dans le dépôt du chapitre en présence du notaire, et quitus est fait à mes ancêtres. Ouf le compte est bon.

Le Vénérable Chapitre s’engage à célébrer et faire célébrer les messes perpétuelles pour l’âme du Chanoine Rémy Vernier, n’a-t-il pas commence le 1er juillet 1699 selon son souhait. 

Maître Berger notaire du diocèse de Maurienne recueille les signatures de deux des chanoines au nom des leurs, Jean et François Vernier ne sont pas en mesure de le faire.

Mes ancêtres savaient ils que le blason de la Cité : d'azur à une main droite bénissant d'argent comportait trois doigts en référence à la relique de Saint-Jean-Baptiste conservée dans la cathédrale ? Leur frère Rémy certainement, il me reste à dénicher son testament.  

Un peu de curiosité et un pan de vie ancestrale et religieuse s'esquisse. 



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N.B 
(1) Liste des chanoines présents : Nicaise Coste, Antoine Bonivan, François Desains ? Antoine Dalbert, Jean-Baptiste Tardy, Pierre Jacques Platé, Vincent Marcoz, Bernard Didier, Jacques Grange, Joseph Collomb, Félix Thomas, Claude Milleret, Jean-Baptiste Martin, Claude Roche

Sources 
AD 73 Tabellion Saint Jean de Maurienne
1700 2C 2440 folio 711 vue 113/452 

samedi 23 mars 2024

Un acte d'hiverne

Le ciel est bleu, l’herbe verte, mais pas toute l’année, mon ancêtre Jean Vernier feu Hugues est préoccupé et me fournit une archive insolite pile poil dans le généathème de mars de l’association Geneatech.

Direction la belle Maurienne en Savoie et le village de Montvernier au début octobre de l’an de grâce 1701, Jean Vernier manque de place dans son étable pour une de ses vaches, soucieux du bien-être animal et de son capital, il veut lui trouver un hébergement pour l’hiver.


Jean Vernier a barjaqué, enfin causé avec un dénommé Pierre Durieu feu Michel qui dispose de place pour la vache, et lui jure qu’il fera tout comme pour les siennes et lui propose de toper dans la main en guise d’acquiescement.

Mais mon ancêtre Jean Vernier, tatillon et prudent, préfère que l’affaire soit conclue devant le notaire avec un acte d’hiverne.

« Acte d’hiverne pour honnête Pierre feu Michel Durieu l’an mille sept cent et un le second octobre par devant moi Notaire ducal soussigné, et présents ci-après nommés et personnellement établis

honnête Pierre feu Michel Durieu de Montvernier lequel de son gré pour lui et les siens, déclare et confesse tenir, et promet tenir à honnête Jean feu Hughes Vernier dudit lieu présent et acceptant pour lui et les siens, savoir une vache poil rouge d’environ trois ou quatre veaux en hiverne

et icelle promet de nourrir pendant tout l’hiver jusqu’à la Saint Claude prochaine comme les siennes propres

et icelle promet rendre audit Vernier à la Saint Claude en bon état.. »

Maître Bonivard ajoute des formules de réserve pour les impondérables, et recueille entre ses mains les serments des deux parties à l’acte d’hiverne. Non mais c’est sérieux tout cela, deux témoins sont présents bien sûr.

Jean Vernier mon aïeul est rassuré sa vache rouge passera la mauvaise saison dans un lieu propice sous bonne garde jusqu’au 6 juin en principe. La terminologie « vache de trois ou quatre veaux » donne une indication de l’âge de la bête, 4 ou 5 ans a minima. 

La généalogie, les archives et la vie montagnarde avec ses us et coutumes. 




Source 
AD 73 Tabellion Saint Jean de Maurienne
1701 2C 2446 vue 466

samedi 16 mars 2024

Les pépites d'un partage

Là dans l’hiver, ils ont décidé de régler cette histoire de partage, allées et venues entre maisons, hommes qui se déplacent et lorgnent le bâti, gestes des bras et hochements de tête approuvant ou déniant, tant des intéressés que des intermédiaires.

Bref le rendez-vous ancestral se déroule à Montvernier en Savoie le 27 février 1708, en présence du précieux notaire local Louis Dupré, l’acte de partage est à la fois une chronique généalogique et une tranche de vie,



Dès le préambule mes yeux papillonnent « étant ainsi que par les partages verbaux entre feu Révérend Messire Rémy Vernier, Jean Vernier et François Vernier et feu Philippe Vernier tous frères et enfants de feu Hugues Vernier, et encore François feu Jean Cosme Vernier fils audit feu Hugues Vernier… »

Apportée su plateau, voilà une fratrie de cinq frères, tous fils de feu Hugues Vernier, dûment estampillée par le notaire.

Notre ancêtre Jean Vernier est bien entouré, dans ce partage il intervient pour le compte de son fils Rémy déjà marié, face à son neveu François Vernier feu Jean Cosme, tous deux sont cohéritiers de leur frère ou oncle Révérend Messire Rémy Vernier.

Le notaire souligne « qu’il reste encore à partager les bâtiments de feu Rémy Humille avec le jardin devant lesdits bâtiments. » Tiens voilà encore un Rémy, à situer dans l’arbre généalogique.



- Oui confirme Jean Vernier, il me revient le quart pour mon fils, et les trois-quarts concernent mon neveu François.

Mine interrogative de Maître Dupré, donc avec l’entremise d’amis communs vous avez négocié ce partage, précisez moi bien ce que vous avez convenu. Je vous écoute afin de formaliser l’acte.

- Oh pour moi, énonce Jean notre ancêtre, me revient le grenier de pierre et son serre-tout qui jouxte ma grange. Puis au-dessus du plancher de ce grenier de pierre, le grenier de bois revient à mon neveu, car il fait partie de sa grange.

- Oui, oui opine ledit François neveu.

- Ensuite, ajoute notre aïeul Jean, pour le jardin me reviennent trente toises selon les bornes mises du côté de mon pré, le reste de jardin est pour François. La haie au-dessus du jardin m’appartient.

- Là François souligne que son oncle ne peut pas planter de noyer et qu’ils ont décidé de limiter la hauteur des haies à quatre pieds.

De plus j’ai droit à la moitié des fruits d’un poirier qui est à la tête du jardin sur la part de Jean mon oncle, qui ne doit pas couper les branches tant qu’il y a des fruits.

Sourcil relevé du notaire, sa patience diminue-t-elle ?

- Faut inscrire, ajoute Jean notre ancêtre, « moi et les miens conservons toujours le passage libre par devant les bâtiments pour s’en servir comme bon lui semble, et comme par le passé les ruelles demeurent communes. »

Régler les droits de passage j’adhère, mais je m’étonne face à l’exigence de Jean de laisser pendant sa vie une cuve qu’il a dans le serre-tout de son neveu.

- Ledit François n’est pas en reste, car il tient à pouvoir bâtir sur le grenier de pierre de son oncle « sans poser des emportes sur les angles des murailles dudit grenier pour faire voûte, si bon lui semble, sans qu’il puisse néanmoins endommager le couvert de la grange dudit Jean. »

Sacrebleu qui est le plus tatillon, et le plus exigeant ?

Bon ce n’est pas tout, les biens partagés s’avèrent de valeurs inégales, au détriment de notre ancêtre, François pour sa soulte donne à son oncle sa part d’un pré situé à La Bachillière qui vient de l'aïeul Hugues.

Ouf, les modalités du partage sont bouclées, la plume du notaire court encore un bon moment pour noter cette chronique familiale et patrimoniale.

François Vernier le neveu, chez qui l’acte est passé, sait signer contrairement à Jean Vernier notre ancêtre. Cette scène villageoise, outre le patient notaire, s’est déroulée en présence des témoins et amis communs Michel Humille Gonnet et Joseph feu Antoine Dussuel.

Pas si anodin ce partage qui fourmille de pépites, donne un indice avec Révérend Messire le frère et oncle : un prêtre vu la qualité déclinée, celui dont les livres à connotation religieuse figurent dans le surprenant inventaire de son neveu Rémy. 

 


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Qui êtes-vous Jean Vernier

Le temps des épreuves

Un surprenant inventaire

En la salle capitulaire 

Révérend Rémy Vernier chanoine 



N.B. le serre-tout est une pièce de débarras


Sources

AD73 Tabellion Saint Jean de Maurienne 

1708 2C 2460 vue 126

Relevé GénéMaurienne

Généanet arbre pseudo lepontin

et arbre pseudo montvernier 

 



vendredi 8 mars 2024

Un surprenant inventaire

En quarante-huit heures Dominique Humille notre aïeule s’est retrouvée veuve de Rémy Vernier feu Jean, et désignée tutrice de trois garçons, il lui reste encore à subir l’épreuve d’un loyal inventaire.

Pour tout généalogiste, l’inventaire après décès est un acte notarié particulier, un temps suspendu où on pénètre en catimini dans la maison de ses ancêtres, découvre la configuration des lieux, les meubles et objets du quotidien, les immeubles, voire les dettes ou les créances.

Là-haut à Montvernier en Savoie, le 11 juin 1725, débarque Maître Dupré à sept heures du matin en la maison des hoirs de Rémy Vernier, dûment muni d’encre, de plusieurs plumes d’oie et de feuilles de papier. L’inventaire détaillé se poursuit le lendemain et comporte quatorze pages et demie du minutaire notarial, feuillets dépassant le format A4 contemporain et flirtant avec le format A3. 


Le notaire royal collégié rappelle en préambule que l’inventaire après décès est effectué au bénéfice des enfants mâles mineurs et pupilles Michel âgé de quatorze ans, Joseph âgé de douze ans, et Dominique âgé de huit ans (mon ancêtre).

La mère désormais tutrice déclare ne rien cacher et dire tout ce qui est vrai.

Maître Louis Dupré cite trois témoins tous honorables :
- Jean feu François Tronel
- Joseph feu Jean Louis Deschamps (bonjour lointain grand-père)
- Jacques feu Jean Louis Roux.

De même, il intervient avec l’assistance des plus proches agnats et affins tous honorables ;
- Joseph feu Michel Humille oncle maternel
- Pierre fils de feu Philippe Vernier cousin germain
-Jacques et Pierre frères enfants de feu Michel Durieu cousins germains dudit feu Rémy.

Excellente idée de préciser les parentés et précieux indices qui vont permettre d’avancer dans mon arbre.

La visite commence dans la cuisine avec pour mobilier
- un buffet à deux portes de bois blanc tout à fait usé,
- une tablette de noyer avec ses montants de bois blanc et un tiroir, le tout de peu de valeur,
- deux bancs de bois blanc de peu de valeur
- une arche de fayard contenant environ 30 quartes (un coffre)
- une forme de lit de bois blanc,
- deux petits chenets de fer et un petit soufflet,
- une crémaillère à trois jambes et sept boucles.

Côté déco : un petit bénitier en étain commun et un chandelier en laiton, ainsi que deux lampes.

Pour préparer les repas et s’alimenter :
- une poêle à feu et deux poêles à frire,
- un grand mortier de pierre,
- deux poches dont une percée de fer (louche)
- un seau de bois à tenir l'eau et son bassin assez bon,
- un bronzin de cuivre, et un bronzin de métal,
- deux chaudrons, et deux marmites ont une avec son couvercle,
- deux pots à feu de métal,
- neuf plats d'étain commun et huit assiettes,
- trois salières d'étain, deux pots d'étain, huit colliers d'étain,
- huit tranchants, huit écuelles de bois et un couteau,
- un faissellier et une faisselle, deux pots de terre à tenir le beurre.

Mais encore des objets divers :
- un récipient de bois blanc contenant environ 24 quartes,
- deux petits achons et un gros,
- une caisse assez bonne de cuir,
- deux paires de cordes et un filet,
- une faux, deux faucilles, et une pelle assez bonne,
- un petit joug avec ses courroies et un joug collé ferré,
- un van et un crible. et aussi un marteau. 

 © Photos Musée Savoisien

Sur les talons du méticuleux notaire, l’inventaire se poursuit dans la pièce dite le poêle en Maurienne avec pour mobilier :
- une grande table de noyer avec son montant de bois blanc,
- un banc de bois blanc,
- une chaise rapetassée et tout à fait usée et quatre sièges de noyer,
- une forme de lit de bois blanc,
- une garde-robe de noyer à quatre portes et deux tiroirs, lesdites portes fermant à clef,
- trois coffres en bois blanc fermant à clé de différentes contenances dont un appartient à la veuve Dominique Humille.

Côté objets, j’ai sourcillé sur :
- un tableau sans cadre à l'effigie de Saint Rémy,
- un poids à peser l'or et l'argent, et un compas,
- une marque de famille : objet pour apposer une initiale ou un sigle sur les bêtes qui partent à l’alpage,
- un « baptisé » qui est en indivis entre tous les consorts Vernier, linge qui entoure le nouveau-né conduit à l’église pour son baptême.

Morceaux choisis du linge des coffres :
- deux nappes de toile ciré usées,
- deux nappes à grain d'orge mi-usées,
- deux pendants de lit mi-usés, et une vieille couverte de Catalogne,
- dix chemises du défunt mi-usées,
- douze draps de lits assez bon, dont sept appartenant à la veuve,
- quatre draps de couture neuf ou assez bon,
- sept serviettes et trois nappes assez bon.

Des espèces à savoir : trente-huit livres en argent de différentes monnaies provenant de la vente de froment et c'est pour servir au paiement des différentes tailles et usages de la maison.

***

Ensuite le notaire grimpe à l’étage et entre dans une chambre au-dessus du poêle, il repère deux coffres fermant à clé en bois blanc et en noyer. De même il répertorie des mesures de plusieurs contenances réservées soit au froment et au seigle, soit à la laine.

Puis dans les caves, Maître Dupré note un mauvais bachat à tenir du fromage (seau), un entonnoir pour baril, énumère des tonneaux et des barils de différentes contenances, avec deux ou un grand cercle, de peu de valeur. Il fatigue et je me déconcentre un tantinet.

Enfin à l’étable se trouvent :
une mule âgée d'environ deux ans, un bœuf, un petit bœuf, une vache d'environ huit veaux, une génisse d'une année, une chèvre et deux brebis.

***

Fin du premier acte pour la docte assemblée, et début de second acte avec l’inventaire des biens immeubles poursuivit courageusement par le notaire :

Donc à Montvernier, la famille de Rémy Vernier notre ancêtre habite au lieu-dit La Place dans un bâtiment consistant en la cuisine, le poêle et une chambre au-dessus, un galetas, avec deux caves, et au-dessous de la maison : un jardin et un peu de verger, une grange et une étable, tout cela au chef-lieu de la paroisse.

Tant au levant qu’au couchant, sont précisés les noms des propriétaires riverains.

Côté bâti plus haut, à Montbrunal au lieu-dit Mollaret, Rémy Vernier possède une grange et étable et sa part d'une maison, le tout tombant en ruine.

 

.***


Avec encore un peu de force, le notaire se lance dans l’énumération des terrains, et recense des parcelles de vignes mesurées en toises, avec chaque fois la précision des propriétaires riverains. A priori une bonne douzaine de parcelles dans les hoirs de feu Rémy Vernier notre ancêtre.

Ne soyez pas étonnés de la présence de vignes, bien qu’en altitude la paroisse est bien exposée.

Là se termine une dure journée.

Le lendemain dès six heures cette fois, en présence de la même équipe, Maître Dupré démarre, frais et dispos, la litanie des parcelles de terrain, trois quartellées par-ci, quatre quartellées par-là, confinée par etc etc etc  …. Il noircit plusieurs pages, comment fait-il pour se souvenir de tous ces terrains, aidé par les témoins et les membres de la famille certes.

A ce stade j’ai décroché, malgré tout l’intérêt que je porte à cette branche d’ancêtres, et faute d’avoir un stagiaire sous la main à faire trimer pour un beau tableau, vous échappez à l’ultime énumération.  

Rassurez-vous l’inventaire a été bouclé avec les formules adéquates et les signatures de ceux qui peuvent apposer leur griffe. Dominique Humille la veuve est soulagée de cette longue et pénible formalité, rejointe par ses trois fils, elle va assumer le quotidien. 


Cela vous dit deux bonus tirés des coffres : une friandise (enfin pour les généalogistes) et une énigme ?

D'un un coffre a été extrait un sac de titres contenant les actes notariés passés par Rémy Vernier ou son père Jean Vernier, pas moins de quarante-deux cottets, énumérés et cités dans le détail par notre professionnel notaire. Logiquement d’autres pans de vie devraient pouvoir être dévoilés.

Dans un autre coffre était planquée toute une bibliothèque, vingt-deux livres au total, je suis restée bouche bée à la lecture des titres édifiants. Juste un extrait et vous laisse méditer :
- le guide du pécheur,
- un antiphonaire,
- le catéchisme du Concile de Trente,
- le notaire parfait.

Dois-je me noyer un peu plus dans les registres du Tabellion pour éclaircir éventuellement certains mystères ? 
En attendant je m'esquive sur la pointe des pieds. 


A suivre 

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N.B
Un agnat est issu d'une même souche masculine
Un affin est un parent par alliance 
La toise est une mesure de longueur
La quartellée est une mesure de surface
Le grain d'orge est une étoffe croisée avec un dessin imitant le grain d'orge 
Le cottet est une numérotation utilisée en Savoie pour lister les actes notariés 

Source 
AD 73 Tabellion Saint-Jean de Maurienne 1725 
2C 2495 f 511 vue 558/586 et Relevé GénéMaurienne