dimanche 28 janvier 2024

Qui êtes-vous Jean Vernier

Qui dit mois de janvier, pour les aficionados de généalogie, dit quête de l’ancêtre de l’année : le sosa 2024. Pas de lointain grand-père pour moi, il se cache dans un village protestant de la Drôme dont les registres ont disparu dans les tourments de l’histoire.

Mais une solution de repli existe avec le sosa 2024 de feu mon Papa en Savoie à la 11ème génération, ancêtre bien planqué dans un village de Maurienne et entouré de toute une pléiade de commensaux et collatéraux.



Le nominé est Jean Vernier natif et habitant Montvernier à 800 mètres d’altitude, paroisse de 500 âmes environ comprenant le village de l’église et les lieux-dits le Noirey et Montbrunal.

Le patronyme de cet aïeul, et son lieu de vie, selon les anciennes chartres, « Mons Varnerii ou Montis Guarnerii » renvoie soit aux vernes – les aulnes – soit à Garnier ou Varnier nom d’homme d’origine germanique.

Jean Vernier naît vers 1645 dans le duché de Savoie et grandit dans son village, puis convole en justes noces le 12 février 1664 avec Marguerite Durieu fille de Michel Durieu.

Le couple accueille le petit Jean Cosme le 5 septembre 1672, et plus tard Rémy le 1er janvier 1682 qui pousse bien. 

Hélas notre Marguerite Durieu s’éteint le 30 août 1683 à 40 ans environ, laissant notre Jean Vernier veuf avec sur les bras un gamin de 10 ans et un enfançon de 18 mois.

Courageux, il a retroussé ses manches pour semer du seigle, s’occuper de quelques bestiaux, de son verger, faire face sans se remarier a priori, avec l’aide de proches espérons-le. Et voilà que le sort frappe son fils aîné Jean Cosme enseveli le 20 janvier 1696 un froid jour d’hiver.

Bref résumé de mes débuts avec cet ancêtre, dont l’entourage familial reste flou, rencontre possible avec le précieux arbre mis en ligne sur Geneanet sous le pseudo montvernier d’un lointain cousin passionné et minutieux, arbre sourcé avec lien direct à l’appui sur les archives qui plus est.

??? 

Bon, dîtes-moi Jean Vernier, êtes-vous allé souvent chez le notaire pour vos affaires de famille ? Dénicher une peu de matière pour étoffer votre fil de vie et connaître votre fratrie et vos parents serait l’idéal.

Soucieux d’établir au plus tôt votre fils cadet Rémy et de lui dénicher un parti convenable, vous vous accordez finalement avec Michel Humille père de Dominique sur les conditions de la dot.

Voilà du grain à moudre avec le contrat de mariage du 8 mai 1701 établi par le notaire ducal de Montvernier pour les jeunes promis de 19 printemps

AD 73 Tabellion St-Jean 1701 extrait contrat dotal


Rémy Vernier et Dominique Humille sous l’autorité et licence de leurs pères promettent de se prendre en loyal mariage pour y recevoir la bénédiction nuptiale.

Selon la coutume du pays de constituer une dot aux époux par leur épouse afin de supporter plus facilement les charges du mariage, le père Michel Humille feu Ambroise constitue en dot et verchère à sa fille Dominique la somme de 900 florins de Savoie.

Pour arriver à honorer son engagement ledit Humille transfère à son futur gendre deux acquis de cense et de décharge de 200 et 80 florins à exiger auprès de dénommés Tronel. De même il donne 2 quartelées de terre dans le lieu de Perraz, et aussi 80 toises de terre à proximité d’une valeur de 320 florins

Le solde de 300 florins est délivré en espèce sonnante et trébuchante devant le notaire et notre Jean Vernier et son fils, à savoir 12 louis d'or valant 25 florins chacun. 

Si, si, le compte est bon, avec de belles pièces d’or du Royaume de France, monnaie utilisée aussi dans le Duché de Savoie, la quartelée et la toise correspondent à des mesures agraires de surface.

🎀🎀🎀

Dans un coffre en bois blanc fermant à clef neuf, la future épouse a rangé soigneusement son trousseau : deux cornachons l'un de velours, l'un de satin presque neuf, treize coiffes dont deux en soie et deux de couleur, ainsi que seize bonnets et vingt-cinq gorgères.

Dominique Humille possède six tabliers de laine, de cadis ou toile de pays, chemises et camisole bien sûr, des paires de manches, une robe de toile avec ses manches et corps en estamet neuf et une paire de souliers mi-usés. Elle a plié dans son coffre une nappe, deux draps de pays, sept linceuls de toile, une couverte de lin assez bonne.

Va la suivre dans sa nouvelle famille une vache à choisir sur quatre jeunes, nul doute que notre Jean Vernier va être tatillon.

S’en suit que ledit Jean Vernier père promet à son fils Rémy une quote-part des bâtiments situés à Montbrunal au Mollaret pour sa demeurance (sic). Il relâche à son fils les droits de Marguerite Durieu sa mère décédée.

Et en même temps, père et fils, donnent à Dominique pour cause de noces un blanchet de drap de Romans bon, une coiffe, un tablier de serge, une gorgère, un cornachon, une robe de drap de pays ainsi que son corps d'estamet.

Notre notaire conclut que les parties sont demeurées d’accord, acte rédigé dans la maison dudit Michel Humille en présence de quatre témoins François Vernier, Michel Durieu, Pierre Roux et Jacques Costerg sans précision de leur parenté.

Vêtue de ses beaux atours offerts, Dominique Humille s’unit le 9 mai 1701 à Rémy Vernier dans l'église de Montvernier. Le couple accueille la petite Honorine seulement le 5 novembre 1708, suivie de quatre garçons dont Dominique

Notre Jean Vernier devenu grand-père est le parrain de la petiote et la marraine est la grand-mère maternelle Honorine Costerg. Lui tire sa révérence le 15 janvier 1709. 

Telle est la première approche d'une nouvelle branche, entre registre paroissial et acte notarié, il reste à exploiter les indices relevés en farfouillant dans le Tabellion. Que vais-je dénicher sur Jean, Rémy, Dominique et les autres.

A bientôt donc 

Retrouver cette famille 

N.B. 
Le cornachon est un manteau sans manche
La gorgère me semble être un fichu de cou 
Le blanchet est une camisole
La couverte est une couverture 
Cadis, estamet et serge sont des tissus en laine 

Sources 
AD 73 Montvernier BMS 
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 
           1701 2C 2446 f 425 vue 461/595
Geneanet arbre pseudo montvernier 



vendredi 5 janvier 2024

Trouvé dans un panier

Dans le froid glacial et la nuit noire, on devine à peine une silhouette furtive et courbée dont les bras sont chargés d’un fardeau. Voilà mon esprit s’emballe au vu d’un acte particulier du registre d’état-civil de Montmeyran dans la Drôme, et ce après avoir fait pile sur une indexation.

Le maire a commencé sa journée sur les chapeaux de roue un certain 16 février 1815, et nous offre une chronique villageoise sur l’exposition d’un enfant avec un procès-verbal détaillé de ce qu’il advint ce matin-là, acte reporté sur le registre d'état-civil.

Photo Pixabay

« Par devant nous Jean Jacques Pons Faure atteste qu’à environ cinq heures du matin on a frappé plusieurs coups redoublés à ma porte et m’étant levé et mis à ma fenêtre, j’ai aperçu Joseph Milhan et Jean Louis Boullau tous deux aubergistes et Antoine Gueyraud fils habitant de la commune d’Upie qui m’ont dit avoir entendu en passant crier un enfant qui était dans un panier lequel était placé sur un banc de pierre devant notre porte.

Je me suis sur le champ habillé et ouvert ma porte, j’ai fait entrer le panier couvert d’osier dans la maison et fait entrer avec moi les dénommés ci-dessus, ayant vérifié qui était dedans, j’ai reconnu que c’était un enfant mâle qui ne paraissait âgé que d’un jour, le panier avec de couvertes de même bois. (1)

L’enfant était plié dans un mauvais lange, une vieille chemise et une autre pièce d’étoffe brune avec une bordure au bas de fleurs noires en laine, et avec un mouchoir de tête en toile de Hollande avec un bord en mousseline.

N'ayant trouvé dans le panier aucune marque ni distinction pour reconnaître à qui appartenait cet enfant, nous avons de suite fait appeler la nommée Fantine Chomier épouse de Pierre Boullau qui est nourrice pour donner à téter à cet enfant afin de lui conserver la vie. »

Donc après les premières constatations, les dispositions pratiques pour nourrir et calmer le nouveau-né, le maire passe à l’enquête flanqué de personnages compétents.

« Cela fait, accompagné du garde-champêtre, de Pierre Arnoux adjoint à la mairie, de Marie Anne Vial accoucheuse et de Pierre Néry secrétaire à la mairie, nous sommes allés chez une fille de la commune que nous savions être enceinte pour nous assurer si ce n’était pas elle qui avait exposé l’enfant. Nous avons vu qu’elle n’était pas encore accouchée. N’ayant pu découvrir aucune autre personne, nous avons cessé notre visite.

De suite, avons inscrit l’enfant sous le nom et prénom de Panier Joseph et avons ordonné qu’il fut remis à François Janet garde-champêtre et son épouse pour le porter à Valence afin de le faire mettre à l’hôpital, et de quoi avons dressé procès-verbal. »

Le petiot, à défaut d’avoir été sauvé des eaux et être prénommé Moïse, a été sauvé du froid, et reçoit le prénom Joseph comme un des sauveteurs, avec le patronyme Panier que je trouve attendrissant, cet objet précieux qui l’a protégé et dans lequel une mère ou grand-mère désespérée l’a déposé et abandonné avec un secret espoir.



Rassurez-vous après les premières années passées à l’orphelinat ou chez une nourrice, Joseph Panier a été mis en apprentissage auprès d’un boulanger.

Deux-trois indexations plus tard et quelques clics permettent de découvrir que Joseph Pannier se marie à Upie commune voisine de son lieu d’exposition, un jour de 1844 il ouvre une nouvelle page de vie avec Marguerite Rodet. Son premier enfant naît chez sa belle-mère, puis le couple s’installe à Montoison juste à côté, là aussi on a besoin d’un boulanger et d’autres enfants égaient la famille. Joseph s’éteint à Upie chez un fils en 1877.

Juste une trace concrète de cet enfant trouvé dans un panier, ces signatures extraites d'actes qui révèlent la maîtrise d’un beau paraphe et par là un certain niveau d’instruction.



(1) Sens de rabats ou de couvercles

Sources
AD 26 
EC Montmeyran 1813-1822 vue 119/541
EC Upie & EC Montoison