samedi 30 janvier 2021

Jean Louis Savoye bénatier

Anne Durand sosa 229 la fille cadette de Moyse Durand et Isabeau Arnoux voyait les années passer, elle avait plus de 26 ans et son trousseau était quasiment prêt, elle était marraine depuis 1727 d’une petite Anne sa nièce, fille de sa sœur aînée Gabrielle qui avait fait un bon mariage.

Anne était-elle soucieuse de cette situation, faisait-elle confiance au choix paternel ? Les registres ne le diront jamais, avait-elle remarqué depuis quelque temps un gars venu de la vallée de la Gervanne, qui s’était installé à Montmeyran dans la plaine du Valentinois ?

Toujours est-il, que le jeudi 1er octobre 1733, dans l’église de Montmeyran, Anne mon aïeule épousait Jean Louis Savoye sosa 228 originaire de Montclar sous les auspices du toujours présent Curé Morier. Inspiré cette fois le prêtre précisait la filiation de l’heureux élu et s’appliquait pour désigner les témoins.

Etaient témoins Claude Mary le beau-frère d’Anne, Charles Arnoux, Pierre Durand de La Baume apparentés ou pas ces derniers ? Du côté de l’époux était présent Louis Savoye.

Montclar sur Gervanne

La vallée de la Gervanne, du nom de l’affluent de la rivière de la Drôme qui donna son nom au département, est un havre de paix à 1000 mètres d’altitude dans le Vercors, coin idéal pour les randonneurs.

Montclar édifié sur une butte conserve une de ses deux portes - dite Bayard - à l’entrée principale du village, un chemin de ronde subsiste partiellement, des maisons alignées de pierres sèches. Là-haut tout au sommet après une bonne grimpette, l’église romane Saint-Marcel du 12ème siècle est toujours présente, à défaut du château disparu et un panorama à couper le souffle. Je ne fabule pas, j’y suis passée, hélas trop rapidement.

Fils cadet d’Abraham Savoye et de Jeanne Chenebier, Jean Louis Savoye est baptisé le 19 décembre 1706 par le curé de Montclar, il grandira au sein d’une fratrie d’au moins 5 enfants .

Travailleur de terre, Abraham et les siens demeuraient peut-être au hameau de Vaugelas en contre-bas doté d’une petite église paysanne. Le couple perd une fille dénommée Marguerite âgée de 15 ans, sa mère s’en est allée informer le curé : déclaration ainsi libellée :

« Le dix-sept mars mille sept cent quatre Jeanne Chenebier m’a déclaré que Marguerite Savoye âgée de quinze ans et trois mois était morte le douze de ce mois et que son mari Abraham Savoye l’a faite enterrer dans un sien champ près de la grange. Je n’ai pas été averti de sa maladie et je ne l’avais jamais vue à l’église, ainsi le certifie. »

AD 26 BMS Montclar décès Marguerite Savoye 

Beaucoup plus tard en 1733, toujours une femme s’en va informer le prêtre du décès de son beau-père :
« Ce huitième mars mille sept cent trente-trois, j’ai été averti par Jeanne Marie Chastel que Abraham Savoye son beau-père était décédé le jour d’hier âgé d’environ quatre-vingt-dix-sept ans sans avoir été averti pour lui aller administrer les sacrements. »

Ces formulations du curé révèlent des paroissiens pas spécialement assidus aux offices, des nouveaux-convertis. La déclaration de la bru m’a fait découvrir un fils aîné Pierre Savoye, resté au pays avec ses enfants, son frère Vincent Savoye s’est marié et installé à Châteaudouble, village disons plus attractif.

***

Le cadre et entourage de Jean Louis Savoye brièvement retracé, dans sa nouvelle vie à Montmeyran, mon ancêtre aura 8 enfants avec Anne Durand : 5 fils hélas feront un passage trop rapide sur cette terre. D’une petite Marie je n’ai que son baptême, le cadet Moyse prénommé comme son grand-père a failli être mon ancêtre et par la suite s’est avéré être un collatéral…

Le bon aïeul est Etienne Savoye, baptisé en 1740, marié en premières noces « au Désert » par le pasteur avec Marie Richard : je l’ai déjà évoqué dans un billet sur sa fille le petit monde de Marianne Savoye 

AD 26 BMS Montmeyran baptême Etienne Savoye 


Est alors me dites-vous pourquoi la mention de bénatier dans le titre : fort inspiré le vicaire lors du baptême de l’enfant né en 1748 a précisé le métier du père à ce moment-là.

Un bénatier fabrique des bénates, en assemblant des bâtons de bois avec de l’osier et de la ficelle pour former des espèces de paniers. Mon ancêtre a pu exercer d’autres activités, tout indice est à grapiller. Dans les salines, les bénates contenaient 12 pains de sel, ici elle devaient servir pour le négoce et le transport de produits. 

Juste quelques lignes axées sur un couple d'ancêtres à la 8ème génération, très modestes traces de vie pour  Jean-Louis Savoye et Anne Durand entre Montclar sur Gervanne et Montmeyran faute de pouvoir accéder aux archives notariales. Leur petite-fille épousant Jacques Arnoux cette branche me relie à ma grand-mère Isabelle, par là elle a toute sa place. 
 




en lien avec cette branche



Sources 
AD 26 BMS Montclar et Montmeyran
Relevés EGDA 
Photo La Drôme Tourisme




samedi 16 janvier 2021

Grand oral avec Moyse Durand

Distanciel, vous avez formulé distanciel ? Le nez plongé dans les registres en ligne de mes chères archives pour pister mes ancêtres, j’écarquille les yeux ou fronce les sourcils selon l’écriture du prêtre, du notaire, de l’agent recenseur, des dates ou délais. Tantôt étonnée ou mécontente, je barjaque à voix haute avec l’ordinateur. A ce stade, une coupure s’impose, avec une autre formule. 

Présentiel, rien ne vaut une petite dose de présentiel : chic voilà le samedi du mois où on peut partir à la rencontre de ses ancêtres : les voir, les écouter, les toucher. 

Géoportail  Montmeyran-La Baume

Petit passage à vide, frissons, des mains précautionneuses viennent de déposer sur mes épaules un châle au touché d’une matière authentique mais un peu rugueuse, je suis assise dans une pièce où les flammes crépitent dans la cheminée. La lumière chaude révèle deux silhouettes. 

- Quelle idée d’être dehors par ce temps épouvantable d’hiver, mon épouse Isabeau Arnoux vous a rencontrée à deux pas de notre porte et incitée à la suivre, vous avez sursauté et grelotiez. Je me nomme Moyse Durand et vous reçoit volontiers en toute simplicité. Vous allez mieux ? 

Moyse, Moyse ? Pas étonnant hier soir j’ai « sauvegardé la petite famille » de mon hôte en fermant mon logiciel de généalogie. Au vu des visages ridés de mes hôtes nous sommes vers 1730-1735. 

- Merci infiniment de m’accueillir : alors je suis en Dauphiné à Montmeyran, et comment résumer nous sommes un peu parents… certes avec plusieurs générations de décalage Quelle coïncidence vous savez, je suis émue d’être là avec vous. 

- Bizarre je n’ai pas souvenir de vous avoir croisée au village, comment sommes-nous liés ? 

- C’est tout simple par votre fille cadette Anne qui est ma lointaine grand-mère ! 

Isabeau est maintenant assise à côté de Moyse sur le même banc : à leur tour d’écarquiller leurs yeux et de froncer les sourcils. 

- Mais dites-moi Moyse si je connais votre filiation c’est grâce à votre premier mariage en 1689 à Montmeyran avec Marie Mourat ; vous avez grandi dans la paroisse voisine de La Baume Cornillane avec Claude Durand et Judith Petit pour parents. 

- Mouais marmonne l’ancêtre. 


AD 26 Montmeyran BMS 1689


- Votre signature Moyse sur cet acte, lors des baptêmes de vos premiers enfants à l’église de Montmeyran, tout comme sur l'acte de remariage avec Isabeau Arnoux en 1699 m’a beaucoup aidée : tristesse à découvrir la fragilité des vies des petits enfants ou de leur mère. 

- Ah bé ! pour l’un. Oh muet de l’autre. 

- Ensuite avec Isabeau, vous aurez quatre autres enfants pour éclairer vos jours, mais seules deux filles grandiront Gabrielle et Anne désormais mariées si je ne fais pas erreur. 

Silence, Moyse a pris la main d’Isabeau : je sais, je sais, compte tenu des paperasses pour leur dispense de 3ème degré d’affinité leur 1er enfant était disons assez prématuré. Ce côté-là me les rend sympathiques et humains, je me le garde dans ma tête et ne l’évoque pas. 


AD 26 Montmeyran BMS 1699

- Ben dit moi chère parente, tu as planché sur notre famille. Cela me fait bizarre de t’entendre évoquer ces événements de ma vie, de nos vies, nous modeste famille. 

Ce basculement au tutoiement me plait. 

- Vous savez nous sommes plusieurs à partir sur les traces de nos ancêtres, à penser que toute vie mérite de sortir de l’oubli. Je vous ennuie avec mon radotage peut-être ? 

- Pas du tout, qu’as-tu encore noté ? 

- Les témoins choisis ou les parrains et marraines lors des cérémonies à l’église : on croise Me Néry le notaire, son épouse Gabrielle Banc fille d’Antoine Banc le châtelain de Montmeyran ou Benoît Charles procureur d’office, personnages liés au fonctionnement de la communauté villageoise. Que d’éléments à approfondir. 

Ciel, la nuit est tombée, il est tard, le couvre-feu est de rigueur, comment vais-je faire ? 

- Tu fais erreur, nous ne sommes pas en 1721 lorsque circulait de village en village la rumeur de la peste qui décimait une grande ville, Marseille je crois. A cette époque, Montmeyran comme d'autres villages établit une clôture rigoureuse avec une garde veillant aux portes, après des mois d’anxiété l’épidémie n’atteignit pas le Dauphiné 

On est actuellement en 1734, tout cela est loin, je ne comprends pas ta réaction. De toute façon on ne te laisse pas partir ce soir, on te garde, nous sommes seuls depuis le mariage de nos filles. 

Entre temps Isabeau s’est levée, activée.

Après la soupe épaissie par du pain, et une tisane odorante à la verveine, savourée avec Isabeau et Moyse en silence, sous l’éclairage vacillant d’une chandelle, juste des regards échangés, des pensées qui vagabondent, j’ai atterri dans un des lits de la maisonnée lovée sous un chaud édredon. 

J’ai oublié de demander son métier à Moyse. 
J’ai oublié de demander les noms de ses parents à Isabeau ou de ses frère et sœur. 
Mais qu’a mis dans la tisane Isabeau en plus de la verveine, de la passiflore ? 
Dans les bras de Morphée je suis, malgré la paillasse qui me gratouille. 
J’ai fait un rêve. 

Isabeau et Moyse décédés en 1735 et 1744 seront ensevelis en terre profane, indice révélateur des nouveaux convertis après 1685, date-couperet de la Révocation de l’Edit Nantes pour les protestants.



 


Dialogues imaginaires 
selon les principes du RDVAncestral
 mais personnes liées à ma généalogie 




Sources
AD 26 Montmeyran BMS
Relevés EGDA 


samedi 9 janvier 2021

Entre gendarmerie et hameau

Pour le premier billet de l’an neuf, j’ai choisi deux évènements porteurs d’espoir, deux entrées dans le monde et pas n’importe lesquelles. 

En cette fin d’année 1886, une dépression rapide avec de violentes rafales avait balayé le 26 décembre les îles britanniques avant de toucher la moitié nord de la France en se décalant vers l’est. L’Angleterre ensevelie sous la neige, des poteaux télégraphiques détruits et les paquebots bloqués dans les ports, se trouva isolée du continent. A Paris les vents occasionnèrent d’importants dégâts matériels et paniquèrent les animaux de la ménagerie de la Porte Maillot… 

Le 27 décembre la neige s’attarda sur le nord-est du pays, puis la pluie et le redoux furent au programme, comme la préparation du réveillon de la Saint-Sylvestre et notamment à Hirson dans l’Aisne, bourg situé à proximité de la frontière belge. 

Delcampe - Hirson Rue Alexandre Dumas et gendarmerie 

Je ne sais qui de la maréchaussée locale étaient les gendarmes de permanence, toujours est-il que le 31 décembre 1886 rue Alexandre Dumas où était implantée la gendarmerie, à l’étage des logements de fonction, il y avait de l’effervescence, de l’attente, de l’anxiété, de l’émotion. 

Un locataire officieux au foyer de Clotilde Anatalie Lescouet et Jean-Baptiste Adolphe Mercier, gendarme de son état, s’apprêtait à pousser son premier cri : à onze heures du soir exactement. Le couple marié depuis plus de 6 ans accueillait leur premier et unique enfant, un fils prénommé Emile Octave Georges : la maman âgée de 32 ans saurait s’en occuper, elle qui était l’aînée d’une fratrie de 10 enfants. 

Je ne sais si l’heureux père de 34 ans déboucha plusieurs bouteilles pour fêter cette naissance, toujours est-il que le surlendemain 2 janvier 1887 à 10 heures, il alla déclarer l’enfant à la mairie d’Hirson flanqué de deux gendarmes, deux collègues François Cuvellier 40 ans et François Poix 27 printemps. 

Je ne sais si Emile eut l’occasion de trottiner dans la rue Alexandre Dumas faute de situer avec précision les dates des différentes mutations de son gendarme de père originaire de Barisis, tandis que sa mère est originaire de Watigny. 

Premiers mois à Hirson pour Emile, premiers mois en Thiérache et à plus 700 kilomètres de là en terre drômoise quelque temps plus tard en 1888. 


AD 26 Extrait cadastre Montmeyran Les Dorelons

Une nuit de début de printemps le 28 mars 1888 aux hameau des Dorelons à Montmeyran, il y avait de l'agitation au foyer de Jean Pierre Arnoux cultivateur de son état, son épouse Noémie Olympe Lagier était « en travail ». L’attente il connaissait déjà le père et l’exclusion aussi … Désirée son aînée très raisonnable surveillait sa sœur Fanny et son petit frère Bénoni qui allait perdre son rang de cadet. 

L’enfant pointa son nez à 9 heures du matin : Isabelle était son seul prénom choisi par Noémie la maman de 38 ans, sa mère l’inscrira sur la page de garde de la Bible familiale. Le même jour, bien emmaillotée, la petiote était présentée au Maire de Montmeyran par son père Jean Pierre Arnoux 45 ans, avec comme témoin le précieux Elie Cornand 66 ans ancien instituteur et Elie Masserole lointain cousin le garde-champêtre 42 ans au compteur. 

Cette année-là se poursuivait la construction de la Tour Eiffel à Paris en vue de l’exposition universelle qui devait prochainement se tenir. L’été 1888 très frais compliqua les récoltes, localement à Montmeyran, le Gymnase civil de Valence donna une séance de gymnastique avec intermèdes par la fanfare de Beaumont les Valence. Le produit d’une quête a été versé aux pauvres et le maire s’engagea à créer une société de gymnastique et un cours pour les écoles. 

J’ignore si cette promesse fut tenue par l’édile de Montmeyran, mais Isabelle Arnoux alla bien à l’école celle du hameau des Dinas, et même un peu plus. Ma grand-mère maternelle devint institutrice et fraiche et émoulue diplômée se retrouva nommée en terre axonnaise, où elle se laisser conter fleurette par Emile Mercier mon grand-père maternel devenu instituteur. 

Deux lieux de naissance, lieux de première enfance ou d'enfance.      


Retrouver Isabelle et Emile 


Sources 
Tempêtes Meteo France 
Retronews Le Petit Marseillais 3 juillet 1888