Etre à Paris sous le second Empire est une première en ce qui me concerne. En ce mois de mai 1868, sous l’impulsion de l’Empereur Napoléon III, la capitale s’est considérablement transformée, n’a-t-elle pas accueillie l’année précédente l’exposition universelle.
L’animation boulevard de Magenta est de rigueur, dans cette voie percée en 1855 : plusieurs carrioles tirées par un cheval transportent des vivres ou des meubles, une calèche coupe la voie, et au fond un omnibus, tous ces véhicules résonnent sur les pavés. Une dame traverse, des passants s’interpellent, j’observe le nez en l’air les immeubles haussmanniens aux façades en pierre de taille, et …
Oh pardon Madame ! Je vous ai bousculée, je suis distrait et préoccupé, et cherche aussi mon chemin étant de passage à Paris.
Ce n’est rien Monsieur ! Puis-je vous aider ?
Hôpital St Martin Paris 10e - Source Delcampe |
Je ne suis pas habitué au rythme de la capitale, et je dois aller de nouveau rue des Récollets.
C’est à deux pas je peux vous y conduire.
Merci beaucoup, puis-je me présenter Daniel LAGIER je suis originaire de la Drôme.
Fanny Delaronde (c’est presque çà !) je connais un peu votre région.
Comme c’est étrange, une de mes filles cadettes se prénomme Fanie.
Oups que fait en 1868 dans le 10e arrondissement de Paris, mon quadrisaïeul Daniel LAGIER Sosa 30 lui qui habite le village d’Upie ? Je tombe des nues.
On va passer par là pour se diriger vers la rue des Récollets, dans l’ancien couvent des religieux franciscains se trouve je crois un hôpital.
Mon fils ainé Pierre Daniel est hospitalisé, gravement malade, je suis donc venu à son chevet.
Oh mon Dieu, je compatis à votre peine et à votre souci. Qu’est-il arrivé à votre fils ?
Militaire depuis plusieurs années, il est caporal au 3ème Régiment de Voltigeurs de la Garde Impériale, toutes ses campagnes, les conditions … vous savez …
Silence, et je me remémore pour ma gouverne : la guerre de Crimée très vraisemblablement, le Mexique peut-être, voire la campagne d’Italie et la victoire de Magenta. Les soldats du Second Empire ne manquaient pas de terrains d’actions.
Voilà Monsieur nous sommes arrivés. C’est l'empereur Napoléon III qui a déplacé l'hospice des Incurables pour affecter les lieux à l’Armée qui abrite désormais l’hôpital militaire Saint-Martin.
Puisse l’état de santé de votre fils s’améliorer, mes pensées vous accompagnent et mes vœux d’espérance.
Daniel LAGIER passe le monumental portail de pierre, le poids de l’inquiétude courbant ses épaules dans un environnement citadin si éloigné de sa Drôme natale.
Wikiwand |
Né en 1835 à Upie, mon arrière-grand-oncle a-t-il tiré un mauvais numéro lors de la conscription en 1855 ? Toujours est-il qu’il s’est réengagé dans l’armée impériale.
Les deux régiments supplémentaires de Voltigeurs créés en 1855 furent organisés pour le front d’Orient. Ce même corps eut un rôle décisif en 1859 dans le Piémont lors de la bataille de Solférino : les voltigeurs chargèrent, baïonnette au canon, culbutant des forces quatre fois supérieures en nombre …
Soit dit en passant c’est lors de la campagne d’Italie qu’Henri Dunant pris conscience de l’insuffisance des services sanitaires qui manquaient de tout, des blessés omniprésents, à même les rues faute de place dans une église ou une école. Marqué à tout jamais Henri Dunant sera l’instigateur de la Croix Rouge pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagnes.
Je m’éloigne du sujet, pas forcément, j’ai bien laissé mon aïeul devant la porte d’un hôpital militaire à Paris, certes la fiche matricule de son fils trop ancienne n’est pas consultable en ligne, si tant est qu’elle ait été conservée.
C’est bien mon aïeul Daniel Lagier qui a déclaré dans une mairie parisienne le décès de son fils aîné, et j’ai bien reconnu sa signature un peu moins assurée vu les circonstances, acte qui me révélait un douloureux pan de vie.
« L’an 1868, le 21 mai acte de décès de Pierre Daniel Lagier décédé hier à cinq heures 8 rue des Récollets, caporal au 3e régiment des voltigeurs de la Garde Impériale 2e bataillon 7e compagnie matricule 1120 âgé de 35 ans né à Upie (Drôme) caserné à Saint-Denis (Seine) célibataire fils de Daniel Lagier âgé de 64 ans propriétaire et de Elisabeth Métifiot son épouse âgé de 56 ans sur la déclaration faite par nous, Officier de l’état-civil du 10e arrondissement de Paris, par le père et Ignace Antoiniotti âgé de 21 ans caporal-infirmier rue des Récollets. »
Archives Paris 10e D 1868 vue 375 |
Triste voyage de retour de mon ancêtre Daniel LAGIER, par le train de Paris à Valence, trajet pendant lequel il a du se demander comment dire la vérité à son épouse Elisabeth, ses autres fils, ses filles dont les cadettes Fanie, et Noémie mon arrière-grand-mère la plus jeune de ses onze enfants.
Billet du RDVAncestral mensuel
permettant d'aller à la rencontre de ses ancêtres