lundi 31 janvier 2022

Un aïeul mentionné aveugle

Loin dans le temps, mon aïeul Thadée Clappier ouvre les yeux le 27 septembre 1634 à Villarodin au foyer de Daniel et Marie, juste après un petit Jean, ils sont des rescapés de la grande épidémie de peste de 1630-1631 qui a sévi dans la vallée de la Maurienne en Savoie.

Daniel Clappier le père, s’installe à Modane, avec Andrée il a 2 enfants en 1648 et en 1652, perd une petite Emerentienne dont le nom de la mère est inconnu, et établit sa fille Dominique Clappier en 1674 avec Jean Clappier.

Cette esquisse du cadre familial a nécessité recherches et vérifications pour une branche en haut de mon arbre, afin de situer mon protagoniste principal Thadée, et répondre à l’invitation du généathème de Geneatch sur un ancêtre aveugle ou malvoyant.

Gallica détail estampe J Callot

Thadée dont le prénom signifie courage, et le patronyme Clappier renvoie à un lieu rocailleux, s’unit d’abord avec Marie Albert en 1660, veuf avec 3 enfants, il convole cette fois avec Claudie Ramollon feu Claude mon ancêtre le 20 janvier 1670.

Sept autres enfants pour Thadée, l’aînée de son premier lit qui se marie, les années défilent, le souci de mettre en ordre ses affaires et voilà que j’écarquille les yeux sur une donation faite à sa seconde épouse.

AD 73 1697 Tabellion Termignon 

Le 26 juin 1697, devant Maître Floret notaire ducal et royal de Villarodin, honnête Thadée Clappier feu Daniel, de son plein gré a exprimé vouloir donner son augment de 60 florins de Savoye à honnête Claudie Ramollon feu Claude, pour assurer le futur de son épouse lorsqu’il ne sera plus.


AD 73 1698 Tabellion St-Michel

Nouveau passage chez le notaire, Maître Joseph Dufour au village de Saint-André, on est le 6 mai 1698 pour la ratification d’une vente faite au profit d’honnête Michel Pinet feu Mathieu demeurant lui à Fourneaux.

Des formules ampoulées du notaire, il ressort qu’une vente d’une pièce de chènevière (1) est intervenue précédemment et qu’il convient de ratifier l’acquis certifiant le paiement de la valeur du bien, bref que tout s’est bien déroulé …

Mon ancêtre Thadée est présent, ainsi que Jean son fils de 19 ans issu de son premier lit, ce dernier intervient aussi pour le compte de ses sœurs Marie et Catherine, sous l’autorité de son père et ledit Jean Clappier est dit assister son père à présent aveugle.

Trouver cette mention dans un acte si ancien m’a émue, mon ancêtre est âgé de 64 ans en 1698, c’est un vieil homme pour l’époque, avait-il un glaucome ou la cataracte, une basse vision ou une cécité totale ? Mes questions resteront sans réponse.

AD 73 1699 Tabellion St-Michel 

Allez encore un acte du 23 août 1699 passé à Modane au Logis des Trois Roys, dont l’hôte (2) est Jean Pierre Ratel feu honnête Prosper, on y retrouve Thadée qui assiste en tant qu’époux Claudie Romollon, pour une ratification d’un contrat d’acquis.

Maître Michel Martin notaire officie, de ses phrases emberlificotées mais précieuses, je découvre dans cette ratification que Marie Mellurin est la mère de ma Claudie. Donc ladite Marie Mellurin alors veuve, pour assurer sa vieillesse a cédé à un Prosper Ratel en 1680 cinq modures (3) de terre moyennant 57 florins monnaie de Savoye.

L’épine dans cette affaire et que ces modures figuraient dans le contrat de mariage de sa fille passé antérieurement, ces parcelles étaient réservées à Claudie et devaient lui revenir à son décès, et donc ne pas être vendues à un tiers …

A première lecture, j’ai eu du mal à démêler ce sac d’embrouilles, puis j’ai imaginé les conciliabules de Thadée et Claudie, les tractations avec l’autre partie, et l’arbitrage et conseils du notaire.

Car avouons-le, Claudie était sur le point de livrer un procès à Jean Pierre Ratel feu Prosper comme héritier universel pour reprendre les 5 modures, non mais c’est à moi devait dire mon ancêtre.

Avec sagesse, voulant éviter les frais de dépens qui pourraient s’en suivre de part et d’autre, les parties ont convenu devant le notaire, en présence de témoins, d’un dédommagement au profit de mon aïeule Claudie qui reçoit 25 florins de Savoye remis devant ledit notaire par Jean Pierre Ratel. Thadée et Claudie sont dit ne pas savoir signer ce jour-là, mais tout est bien qui finit bien …

***
Thadée Clappier fermera les yeux le 13 septembre 1704 à Modane, autour de lui Claudie Ramollon et aussi leur fille Dominique, toute une vie dans des villages de montagne. 

Ce noyau familial m’a bien occupé, il est moins anonyme et mérite une suite.





(1) la chènevière est un champ où on cultive le chanvre 
(2) hôte dans le sens d'hôtelier et aubergiste 
(3) la modure est une mesure de surface en Savoie


Sources
AD 73 BMS Villarodin - Modane
AD 73 Tabellion Termignon 1697 2C 2316 vue 486
                            St-Michel  1698 2C 2738 vue 27
                            St-Michel  1699  2C 2740 vue 7
Relevés GénéMaurienne 
Généanet arbres arcval et mbarnier69


samedi 15 janvier 2022

La femme le carrier et le chevreuil

Aujourd’hui une brève de presse qui date du 9 juillet 1837, fournie par un encart du Journal de la Ville de Saint-Quentin, à la rédaction délicieuse, Barisis aux Bois, commune du Département de l’Aisne lovée dans un écrin de forêts, est au cœur de l’action.

« On nous écrit de Coucy le Château :
« Le 2 juillet courant, vers quatre heures matin, un chevreuil d’assez forte taille se précipita en faisant grand bruit, dans une carrière de Barisis, habitée par le nommé Jérôme (Louis) tireur de pierres. Jérôme était encore au lit, se reposant des travaux de la veille, mais sa femme était déjà debout.

Au bruit fait par cet animal, dont elle ne peut reconnaître la nature toute pacifique, à cause de la grande obscurité de la carrière, cette femme craignant pour les jours de son mari, s’arme d’un grand courage et se précipite sur ce qu’elle prend pour un loup ; après une lutte de peu de durée, elle terrasse son adversaire.

Le mari réveillé arrive à son tour armé d’une pioche et tue d’un seul coup le visiteur matinal. »
« Que de femmes à la place de celle-ci eussent pris la fuite, se félicitant du heureux hasard qui pouvait les rendre veuves. »

Pixabay

Bon, monsieur épuisé, était encore au plumard, tandis que sa moitié était déjà au labeur, enfin un peu dans le noir ! Faible femme, elle est capable à mains nues de terrasser la bête, et son vaillant bonhomme - émergé de sa léthargie - achève avec un outil ce pauvre chevreuil échappé de la vaste forêt de Coucy et de Saint-Gobain.

Je vous laisse méditer sur l’allusion au veuvage de celui qui a écrit cet encart en 1837, correspondant local du journal ou « journaleux ». Le pauvre chevreuil a-t-il été restitué aux autorités, vendu ou cuisiné ?

Vous vous doutez que le tireur de pierres ou carrier est l’ouvrier qui travaille dans une carrière, mais vous ne savez pas forcément qu’à Barisis se trouvent des carrières dites « de Lentillières » et « de la Ville » comportant des habitations troglodytes dénommées « creutes » localement. Des familles modestes y demeuraient et tiraient profit de ces endroits en extrayant des pierres qui servaient à la réfection des chemins, parmi celle-ci nos protagonistes.

Soucieuse de dénicher le prénom dudit Jérôme et sortir sa femme de l’anonymat, j’ai lorgné sur le site de Généanet et repéré Jean Louis Jérôme né à Fresne en 1795 et marié à Folembray le 16 août 1814 avec Marie Catherine Rosalie Hery, heureux parents de 5 enfants nés à Barisis aux Bois.

Je ne sais si les descendants directs connaissent la mésaventure de leurs ancêtres, désormais je tiens une anecdote pour une lointaine collatérale Marie Catherine Rosalie Hery, collatérale à plusieurs titres. J’ai découvert que sa mère Marie-Marguerite Lançon veuve s’est remariée à un dénomme Jean Pierre Jérôme veuf, et ils ont incités leurs enfants respectifs à convoler ensemble !


La presse et Barisis


Sources 
Retronews : extrait de presse 
AD 02 EC Barisis Folembray
Geneanet arbre gdubray1

vendredi 7 janvier 2022

Des parents volages

Lire, relire, s’intéresser au noyau familial de ses ancêtres, et à ce qu’il advint d’une lointaine collatérale : en piste pour Barisis aux Bois un village situé aujourd’hui dans l’Aisne.

Le dixième jour du mois d’août 1698 naquît une fille de Simone Grandin, laquelle a déclaré à la sage-femme, en présence de témoins, être du fait et œuvre d’Anthoine Cointoy marchand à Barisis aux Bois.

Le lendemain dans la petite église, l’enfant reçut le baptême et le prénom de Simone, entourée de son parrain François Carlier et de sa marraine Elisabeth Carlier.

AD 02 Barisis 1698 Baptême Simone Cointoy 

Sous l’Ancien Régime, depuis l’édit du Roi Henri II de 1556, pour prévenir les avortements et les infanticides, les femmes enceintes - non mariées ou veuves - étaient fortement incitées à déclarer leur grossesse devant le notaire ou le lieutenant de justice. Cet édit devait être rappelé tous les 3 mois aux prônes des messes paroissiales.

La sage-femme, lorsque la parturiente n’était pas mariée, ou était veuve, devait la questionner sur l’identité du père. Marguerite Ravissot est arrivée à obtenir le nom du séducteur, propos confirmé par Charlotte Hauteur une de mes ancêtres, et Barbe Guerlot, femmes qui assistaient à l’accouchement.

***

Simone Grandin la mère, était veuve depuis 8 années avec 2 fils de son union avec Antoine Bachery, et quant au dénommé Anthoine Cointoy, il était engagé dans les liens sacrés du mariage, avec une certaine Marie Bachery !

Simone Grandin n’était pas une frêle jeune fille séduite, mais elle a eu des faiblesses avec le beau-frère de son défunt époux. Marie Bachery l’épouse bafouée avait le défaut d’avoir 20 ans de plus que son dernier et jeune époux, aussi Anthoine Cointoy chercha-t-il un lot de consolation.

L’histoire ne dit pas, si le géniteur contribua à l’entretien de la petite, la mère se remaria en 1706 avec Claude Boulongne un veuf, et s’éteindra en 1731.

AD 02 Barisis 1719 Mariage Simone Cointoy

Simone Cointoy l’enfant naturel et illégitime, grandit et se maria en 1719 avec Antoine Dupont scieur de long, son père volage est mentionné décédé, mais sa mère assagie verra naître des petits-enfants, l’un d’entre eux Charles Dupont garde-vente fut le second mari de Marie-Marguerite Barbençon une de mes aïeules. Charles est présent en 1742 lors du décès de sa mère Simone Cointoy comme l’atteste sa belle signature sur l’acte d’inhumation.

AD 02 Barisis1742 Décès Simone Cointoy

Les chemins de vie se croisent souvent dans les villages, la descendance de ces parents volages recoupe en partie celle d’autres branches de ma généalogie…



Sources 
AD 02 Barisis BMS 
Indices d'arbres de Geneanet