mercredi 21 décembre 2022

Françoise une petite étoile

Chabeuil, à quelques lieues de Valence en Dauphiné, soit une dizaine de kilomètres, en Drôme des Collines, Chabeuil petite et fière cité au pied du Vercors - s’apprête à fêter Noël en cet an de grâce 1716.

En ce jour d’espérance et d’allégresse, en la maison d’Abraham Barnier et d'Eve Imbert, une petite étoile Françoise est née ce 25 décembre 1716 sous le règne de Roi Louis XV.


Cette petite étoile est notre lointaine aïeule, pour moi à la 8ème génération, une ancêtre de Noël, un SosaNoël dans le jargon des addicts de généalogie. Bienvenue à elle, un fil invisible au travers du temps nous relie.

Le jeune couple a déjà un garçonnet Mathieu de 2 ans, né 15 jours après le mariage de ses parents soit dit au passage. Il ne s’est pas précipité à l’église pour faire baptiser la petiote. puisque que le curé de Chabeuil note la date au 30 décembre 1716, mentionnant dans une graphie rapide, que Jean Barnier et Jeanne Barnier les parrain et marraine sont illettrés.

AD 26  BMS Chabeuil 1716 

Avec Abraham Barnier drapier et ses proches, ses amis ou voisins, cardeur ou tanneur, s’ouvre les portes d’un monde merveilleux de savoir-faire, en attendant d’aller le découvrir, Françoise petite étoile de Noël nous chuchote : 
  « Ouvrons nos cœurs pour y laisser rentrer le bonheur. »

Parmi les descendants de Françoise Barnier, Jean Pierre Arnoux, qui est l’époux de Noémie Olympe Lagier une autre ancêtre de Noël précédemment évoquée ICI



Sources
AD 26 BMS Chabeuil 
Indices Geneanet 

samedi 17 décembre 2022

Louise Berton en pointillé

Dans un coin de Picardie, entre Barisis aux Bois et Saint-Gobain, domaine de la forêt, vaste espace où s’activent bûcherons, scieurs de long, gardes des bois, et garde-vente, j’ai croisé Louise Berton sosa 387 une lointaine grand-mère.

Millet paysanne et fillette - Musée d'Orsay
Oh Louise, à ton époque ce n’est pas le département de l’Aisne, lorsque tu pointes le bout du nez vers 1686 au foyer de Jacques Berton et de Marguerite Hery, tu es l’aînée suivie de sept frères et sœurs. Dans ta fratrie, se détachent Anne ta sœur la première à se marier, et tes frères Jacques garde des bois, et aussi Jean et Jean-François.

Temps immuable, rythmé par le soleil et la lune, et la répétition des saisons, avec un quotidien ordinaire, les temps religieux, mais un temps qui file, tu grandis sous le règne du Roi Louis XIV, dit « Roi-Soleil ».

Tu ne le sais peut-être pas, mais pour ce souverain belliqueux, dispendieux pour sa gloire, il lui faut beaucoup de bois pour construire des bateaux de guerre, du chanvre pour les cordes et encore du bois pour alimenter les fours de la Manufacture de Saint-Gobain qui produit de magnifiques glaces.

Furtive silhouette, aux traits dans l’ombre, je t’ai aperçue en 1706 tenant sur les fonts baptismaux ta nièce Marguerite Duparque dans la petite église de Barisis aux Bois, puis en 1711 pénétrant dans cet édifice religieux aux bras de ton père, pour t’unir à Louis Guerlot.

Ce premier époux, plus âgé que toi de douze ans, est deux fois veuf, avec une gamine de dix ans sur les bras, je doute que tu l’aies choisi. Tu retrousses les manches, tu t'occupes de ton nouveau foyer, pendant que Louis trime dans la forêt en tant que bûcheron.

Louis, que j'ai cru longtemps perdu dans la forêt ou écrasé par un arbre, a trépassé muni des derniers sacrements à la fin de l'an 1717, te laissant désemparée avec deux petits garçons dont les destins m’échappent.

Géoportail Barisis et St Gobain extrait carte Cassini
Et tout d’un coup, voilà que tu convoles à nouveau le 1er octobre 1720 à Barisis aux Bois avec Jean Barbençon - sosa 386 – ce lointain grand-père est originaire de la paroisse de Saint-Gobain. L’acte rédigé ce jour-là n’est pas filiatif, mais les témoins cités permettent de tisser la toile de ton parcours, ton père est présent de même que Jacques et Jean tes frères.

Ton nouvel époux, du même âge que toi, s’avère être aussi deux fois veuf, flanqué de quatre garçons cette fois. Leur mère Louise Antoinette Legrand vient de décéder, un inventaire après décès a été dressé en septembre, où Abraham Legrand leur oncle veille au grain pour préserver les intérêts de ses neveux et les biens maternels.

Il se dit que le couple - Jean Barbençon et Louise Antoinette Legrand- fait partie des « nantis » du village, mon aïeul étant garde de la forêt de Saint-Gobain.

La présence d’Abraham le beau-frère à votre remariage se comprend, ainsi que le contrat de mariage passé juste avant la cérémonie, mais toi Louise tu n’apportes rien : là aussi il convient de protéger les enfants du lit précédent.

Bon, Jean Barbençon est à nouveau pourvu d’une femme pour tenir le logis et gérer les enfants, et toi Louise te voilà mère de substitution ou servante corvéable ? Comme un souffle de dénégation de ta part à travers les siècles, il en était ainsi autrefois de la destinée d’une femme, oui je le sais, mais je ne peux m’empêcher de faire une grimace…

Un peu plus d’une année plus tard, peu après la naissance de Marie-Marguerite en 1721 à Saint-Gobain, la grande faucheuse a encore sévi emportant Jean dans la tombe en 1722 qui laisse cinq enfants orphelins.

Un nouvel inventaire après décès est dressé, toi Louise tu ne possèdes rien en propre, ton seul trésor et ton souci c’est Marie-Marguerite ta toute-petite dont tu es désignée tutrice avec Jean Delapierre comme curateur.

As-tu abandonné tout de suite le village de Saint-Gobain pour revenir vers les tiens ? Je t’imagine servante, manouvrière ou fileuse de chanvre, qui t’as aidée peut-être Antoine Dupire le parrain de ton enfant ? Que d’interrogations …


Cliquer pour agrandir - Fait avec Canva 

Je t’ai retrouvée à Barisis aux Bois un jour de 1738, présente au mariage de ta fille âgée de dix-sept printemps : Marie-Marguerite Barbençon, épouse Antoine Mercier clerc laïc, tu es soulagée la vie continue ainsi que la chaîne des générations.

Tu es moins seule avec les naissances de tes petits-fils ; Simon Mercier manouvrier et Antoine Mercier futur garde-vente, lui est mon ancêtre direct tu sais. Tu es rassurée lorsque ta fille se remarie avec le précieux Charles Dupont garde-vente qui veille sur ses beaux-fils, et rassénérée avec la naissance de ta petite fille Marie-Marguerite Dupont. Un peu de répit, un peu de douceur dans ton fil de vie, tu le mérites.

Sous le règne du roi Louis XV, qui a eu l’occasion de faire un détour à Saint-Gobain pour se faire expliquer le coulage des miroirs, un jour d’avril 1759 tu quittes le monde terrestre munie des derniers sacrements, tes proches t’accompagnent à ta dernière demeure, le cimetière juste à côté de la petite église de Barisis aux Bois.

Une vie en pointillé, une vie de labeur et de peine, quelques lignes pour sortir Louise Berton de l’opacité du temps.


Retrouver 


Sources 
AD 02 BMS Barisis et Saint-Gobain 
Eléments sur les actes notariés communiqués par une lointaine cousine 

dimanche 4 décembre 2022

Un registre et deux régimes

Sur un même registre on découvre la fin de l’ancien régime, et le début d’un nouveau régime. La monarchie n’est plus, vive la première République, on est le 22 septembre 1792 ou plus précisément le premier vendémiaire de l’An I selon le calendrier républicain.

Feu le registre paroissial avec les baptêmes, les mariages et les sépultures, vive l’état-civil avec les actes de naissances, de mariages et de décès. Les prêtres rangent leur encrier et leurs plumes, les officiers municipaux prennent le relai et déballent leur matériel d’écriture.

Exemple à l’appui, je vous emmène dans la paroisse de Barisis aux Bois devenue commune du nouveau département de l’Aisne.



Sur le même registre (1) sur une même page - vue 33 - du volet des mariages et baptêmes, à la date du premier octobre 1792 est baptisé par le Vicaire Bernard Meresse un fils d’André Couvreur manouvrier et de Marie Françoise Victoire Brochart.

Le lendemain 2 octobre, officie le Curé Dom Jonat Farineau pour le baptême du fils de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe.

Dans la foulée s’en suit l’arrêt du registre pour les mariages et baptêmes par les membres et officiers municipaux de la commune de Barisis conformément à la loi du 20 septembre 1792 avec l’entrée en scène de :

Pelletier maire, Thuilot officier, Liénard officier, Ville officier, Mercier officier, Bleuet officier

Juste un peu plus loin, - vue 35 - du volet des sépultures, le 2 novembre 1792, le Vicaire Bernard Méresse inhume un enfant d’Antoine Bleuet et de Marie Marguerite Dorothée Bleuet.

Et là encore dans la foulée le maire flanqué de ses officiers municipaux arrête ledit volet conformément à la nouvelle réglementation.


S’en suit chronologiquement le premier acte d’état civil enregistré par le citoyen Bleuet en tant qu’officier public : « l’an mil sept cent autre vingt douze, le 1er de la République française, le 3 novembre, le corps de Jean François, fils de Louis Lavacherie scieur de long et de Marie Louise Duponcel sa femme, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par Méresse Vicaire en présence de son père et sa mère et de Chrisostome Lavacherie qui a signé et ledit Louis Lavacherie a déclaré ne savoir signer et ce interpellé. »

Je trouve touchant cet acte civil d’inhumation, Bleuet officier public a une belle écriture, et bon il faut prendre les nouvelles habitudes de rédaction.

En fait la première déclaration de décès figure juste après, sans mention du jour, et concerne l’enfant d’un mois de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe baptisé par le curé et évoqué plus haut.

Et la vie continue avec le premier acte de mariage rédigé par le citoyen Bleuet, le 18 novembre 1792, il marie Antoine Héri manouvrier à Marie Jeanne Berton.

Sur les déclarations de naissances, les termes fille ou garçon apparaissent, et non pas les mentions d’enfant femelle et d’enfant mâle, et curieusement j’ai détecté par trois fois la référence « enfant baptisé à la maison » dans le corps de déclarations de naissance ou dans la marge. 

Fidèle au poste le citoyen Bleuet opère en 1792, 1793 et ensuite voilà que surgit Méresse en tant qu’officier public, et oui l’ex-vicaire a été nommé pour recevoir les actes qu’il dresse en la salle publique de la maison commune de Barisis ! Preuve à l’appui le 13 germinal de l’An II …


Rassurez-vous, je ne vais pas écumer toutes les pages du registre, parce que je tiens à faire un zoom sur le quintet cité plus haut, enfin le premier corps municipal de Barisis aux Bois. Ce petit monde a été élu par les citoyens actifs payant une contribution équivalente à dix jours de travail.

Je lève tout de suite le suspens pour deux officiers qui sont deux lointains ancêtres à la 7ème génération :
- Jean François Ville laboureur est mon sosa 98 dans le jargon généalogique
- Antoine Mercier garde-vente est mon sosa 96, fils d’Antoine Mercier et Marguerite Barbençon dont j’ai déjà parlé dans le blog ICI et LA.

J’ai peu d’indices pour cerner le dénommé Thuilot, aucun pour Liénard à cette époque, et pas cherché pour Bleuet le consciencieux officier d’état-civil, car ce patronyme est trop présent sur la commune.

Quant au premier maire élu, il me paraît plausible, au vu de signatures, de retenir Claude Pelletier tailleur d’habits, un collatéral époux de Marie-Louise Pasques, petite-fille de mon aïeul Louis Daubenton garde-vente évoqué dans un billet ICI.


Ce modeste éclairage constitue ma contribution - avec un décalage certes - au généathème suggéré en septembre dernier par Geneatech sur nos ancêtres et la Première république

Je vous engage à farfouiller dans les registres des lieux de vie de vos aïeux pour découvrir comment ce basculement s'est opéré pour l'état-civil et à me tenir au courant de vos éventuelles trouvailles



Source
AD Aisne Barisis BMS 1791-An V 


mardi 25 octobre 2022

Le père Manet n'est plus

Parce qu’il n’y a pas de raison – sous prétexte que c’est un inconnu – de laisser de côté un bref encart dans la presse, le Journal de Saint-Quentin et de l’Aisne du 14 avril 1898, qui relate un fait « divers » sur la commune de Barisis dans l’Aisne où demeuraient certains de mes ancêtres. 



« Dimanche soir, un vieil ouvrier des champs, chargé d’années, le père Manet, qui demandait à la charité publique le peu qui était nécessaire à sa subsistance, venait chercher asile, ainsi qu’il en avait coutume, au refuge communal de Barisis. 

Lundi vers 9 heures du matin, le garde-champêtre qui s’étonnait de retrouver la clé sous la porte du refuge et il pensait que le père Manet était parti sans la lui rapporter. Il pénétra dans le bâtiment et constata que le pauvre homme avait perdu connaissance et râlait. A deux heures de l’après-midi, il rendait le dernier soupir. Cette mort est attribuée aux privations, jointes aux 80 ans du père Manet. 

A la suite de ce décès, et en raison de la vermine qui couvrait le cadavre, M. le Maire de Barisis a pris d’urgence des mesures de propreté et de désinfection. » 

Un rapide tour dans le registre d’Etat-Civil de la commune m’a permis de trouver l’acte de décès du père Manet en date du 4 avril 1898. 

Comparaissaient Florimond Vivet garde-champêtre 59 ans et Anatole Clément 43 ans instituteur pour déclarer le décès à l’asile de nuit d’Auguste Joseph Manet âgé de 79 ans, sans domicile. Le défunt était terrassier, né à Saint-Pithon dans le Nord, il a été examiné par un médecin ; qualifié de célibataire - après ratures de l’acte - il est indiqué époux d’une certaine Sophie Josèphe Manet âgé de 80 ans fileuse domiciliée à Saint-Pithon, et fils de Pierre Joseph Manet et Victoire Loubry

Il restait à M. Desprez, Maire de Barisis, à délivrer le permis d’inhumer et faire le nécessaire pour que la commune prenne à sa charge l’enterrement de cet indigent Auguste Joseph Manet en l’occurrence. 

Trop de dures peines, le poids des ans, la solitude, au détour d’un journal, sur une page de registre.


Sources 
AD 02 Barisis EC 
Retronews 
Le Journal de St-Quentin et de l'Aisne

 

samedi 15 octobre 2022

Joseph Deschamps décline

Atmosphère glaciale à l’extérieur, atmosphère pesante dans une maison en Savoie, où le chef de famille a fait quérir le notaire. Là, près de l’église à Montvernier, se sont engouffrées sept silhouettes : parents et amis qui sont les témoins en ce jour d’hiver 1756, l’après-midi du 10 février exactement.

Dans la pièce, où flambe un feu dans la cheminée pour lutter contre la froidure, Joseph Deschamps feu Jean-Louis décline, il a longuement échangé avec Maître Simon Joseph Dupré sous les regards inquiets de Jeanne Marie Laurent sa belle-fille, et de ses petits-enfants Jean-François un grand gaillard, Rémi huit ans tout juste qui se cache derrière sa sœur Thérèse gamine de treize ans.

Gallica estampe D Vinant-Denon

A soixante-dix-neuf ans, Joseph Deschamps est un vieillard qui se sent partir et souhaite dicter ses dernières volontés et se mettre en règle avec Dieu. Sa voix est faible, celle du notaire est plus forte lorsqu’il relit le testament.

« Lequel de son gré, sain de ses sens et paroles, présent d’esprit et en bon jugement quoique détenu de maladie corporelle a fait son testament nuncupatif et dispositions de dernière volonté nuncupative sans écrire - bien que par moi notaire ici y soit rédigé à sa réquisition - et à ses fins, en bon chrétien, il soit muni du vénérable signe de de la croix …

Et recommande son âme à Dieu le créateur. Qu’il soit intercédé auprès de sa divine majesté pour obtenir la rémission de ses péchés et le salut de son âme. »

Pause de Maître Dupré qui reprend : votre sépulture se fera au tombeau de vos parents prédécédés et le jour de votre enterrement un luminaire honorable sera fourni, vos funérailles et obsèques seront faites du mieux qu’il sera possible selon la coutume du lieu.

Geste faible de Joseph.

- Rassurez-vous formule le notaire, j’ai bien noté tous vos souhaits :

« A être ledit jour de l’enterrement célébrées deux messes chantées et une à basse voix, autant à la fin de la neuvaine, et autant à la fin de l’an de son décès, toutes pour le repos de son âme. Veut que lors dudit enterrement, pendant la neuvaine et aussi pendant l’année de son décès, soient faites des offrandes.

A la fin de l’an de son décès devra être fait un service avec une aumône à tous les pauvres qui se présenteront en pain vin et potage. »

« Donne et lègue à la vénérable confrérie du Saint Sacrement et pour une fois trois livres, et à chacune de celle des Carmes et du Rosaire deux livres payables dans l’année de son décès. »

AD 73 Tabelllion St-Jean 1756 extrait

En homme pieux, Joseph Deschamps tient à instituer pour son salut éternel plusieurs messes annuelles et perpétuelles.

« Plus donne et lègue à la vénérable Confrérie du Saint Sacrement la somme de cent vingt livres payables en argent ou en créances moyennant quoi il charge ladite confrérie, soit les administrateurs, de faire annuellement deux services pour le repos de son âme et à perpétuité : le premier dans l’octave de la commémoration des trépassés et le second dans l’octave de Saint Joseph.

Lors de ses dits services, les prieurs et recteurs de ladite confrérie devront, le dimanche le plus prochain desdits jours, faire avertir tous les confrères et même le peuple d’assister audit service et chanter les vêpres des morts avec les prières accoutumées. Ils devront le jour des services dire l’office et y assister. Pour ses messes et vêpres, le curé sera rétribué vingt-quatre sols et six sols annuellement et à perpétuité, le surplus restera à la confrérie pour la maintenance ».

« Plus donne et lègue à la confrérie des Carmes et Rosaire quarante livres pour faire une messe annuelle à perpétuité dans l’octave de la fête de la Conception lequel service sera célébré en une grande messe ».

Plus veut qu’il soit célébré le plus tôt après son décès la quantité de cinquante messes par les révérends pères Capucins de Saint-Jean (1) pour la rétribution desquelles il sera payé la somme de trente livres ».

« Au cas, que la paroisse prenne la dévotion de faire une procession à Notre-Dame de Charmaix, (2) le testateur veut qu’il soit payé six livres qu’il lègue en faveur de ladite chapelle pour une fois seulement. »

***

Cher Joseph, très respectueusement, j’ai écouté Maître Dupré, ressenti la présence anxieuse et attentive de votre entourage, discerné de votre part une sorte de soulagement à l’énoncé de vos dispositions pour l’au-delà, témoignage de votre profonde foi.

***

Moment de silence, et le notaire poursuit :

« Le testateur donne et lègue à Thérèse sa petite fille, issue de feu Claude Deschamps son fils, la somme de sept cents livres payables en monnaie de Savoie et une vache ou la somme de trente livres au choix de ses héritiers,

et quant à ladite somme payable la moitié lors son établissement et l’autre moitié lors de son trois années après celui-ci, sans intérêt, et à défaut d’établissement la totale somme sera payée en cas de séparation d’avec ses héritiers, ci bas nommés, et qu’elle cessera d’habiter avec eux, »

« Plus lui donne et lègue six draps de lit, quinze chemises, une nappe et deux serviettes et un coffre de noyer avec aussi toutes les robes, linges, effets qu’elle se trouvera avoir,

et à cet effet, jusqu’à son établissement ou en cas de séparation, le testateur veut qu’elle soit nourrie vêtue et entretenue suivant son état et travaillant au profit des héritiers moyennant tout le dessus il la prive et l’exclue de son hoirie. »

Joseph, selon l’usage de ce temps, prévoit la dot de sa petite-fille qui devra travailler pour les siens, en attendant de se marier ou une décohabitation hypothétique.

« Le testateur donne et prélègue à Rémi son petit-fils, issu de feu Claude Deschamps son fils, en second lit, la somme de cent livres qui sont dues par le Sieur Dominique Deschamps de la Cité, et la somme de cent vingt livres dues par Michel Vernier pour être lesdites sommes prélevées sur son hoirie. »

Ensuite les regards se portent sur Jeanne Marie Laurent.

« Le testateur donne et lègue à sa belle-fille veuve de dudit Claude Deschamps, les fruits et revenus sur la part d’hoirie qui échoira à Rémi son petit-fils, et la fait maîtresse et gouvernante de cette portion, en l’utilisant pour vêtir, nourrir et entretenir ledit Rémi son fils suivant son état, et ce pendant qu’elle tiendra sa vie de veuve chaste et honnête, au nom de son feu mari, et à la charge qu’elle habitera toujours au présent lieu.

La nommant aussi tutrice et administratrice dudit Rémi son fils en supportant les contraintes de la confection de l’inventaire à faire pour ledit pupille. »

Joseph Deschamps, en grand-père organisé, « si Rémi son petit-fils a de l’inclination pour les études, veut que Jean-François son autre petit-fils et cohéritier le fasse élever et faire des études aux frais communs de l’hoirie mais seulement toujours suivant son état et condition pour qu’il ne puisse pas abuser.»

L’instruction est prise en compte par mon ancêtre, du moins pour les garçons, mais hors de question d’être un étudiant éternel !

Maître Dupré, sur un ton docte, énonce :

« Enfin le testateur, sur ses autres biens dont il a ci-dessus non disposé ni ordonné ni créé de droit, institue de sa propre bouche et nomme pour ses héritiers universels spéciaux et généraux lesdits Jean-François et Rémi ses petits-fils, issus de feu Claude son fils, par parts égales, et si ce dernier venait à mourir en pupillarité lui substitue son frère Jean-François ».

Et notre notaire royal de certifier, qu’il s’agit du seul et dernier testament de Joseph Deschamps feu Jean-Louis, et de recueillir les signatures des témoins, enfin de certains.

Face à une assemblée pensive et inquiète, le testateur est souffrant et affaibli, son temps est compté, quelques lacunes des registres paroissiaux ne permettent pas de connaître la date précise de son passage de l'autre côté. 

Que son âme repose en paix, ses petits-fils ont repris le flambeau, avec encore des descendants porteurs du patronyme sur la même paroisse, et attachés à leur racines. 



(1) il s'agit de la Cité de Saint-Jean de Maurienne, proche de la paroisse 
(2) la chapelle de Notre-Dame de Charmaix, proche de Modane, est un important lieu de pélerinage 
 

Billet rédigé dans le cadre d'un RDVAncestral 
qui permet d'aller à la rencontre de ses ancêtres 
et aussi du thème mensuel de Geneatech sur nos ancêtres et la religion


Retrouver cette famille 



Sources 
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 2C 2569 folio 157 vue 238 
Généanet arbre pseudo Montvernier 

dimanche 9 octobre 2022

Si discrète Marie-Antoinette

Ce jour-là 9 octobre 1744, Marie-Antoinette Deschamps pousse son premier vagissement au foyer de Claude Deschamps un lointain ancêtre et de sa seconde épouse Jeanne Marie Laurent.

Tout de suite on s’affaire autour de la petiote, on la prépare pour le baptême, Marie-Antoinette Durieux la marraine est déjà là, le parrain pressenti Georges Desoules débarque au logis près de l’église de Montvernier en Savoie. On file au lieu consacré avec l’enfant bien enveloppé, l’air est vif dans cet univers proche de hauts sommets, et le prêtre note sur le registre la preuve que Marie-Antoinette a bien reçue le sacrement du baptême.

Autour de cet enfant du 18ème siècle un frère consanguin Jean-François de huit ans, une sœur Thérèse petit bout d’une année, des grands-parents paternels le vaillant Joseph Deschamps et Marie Vernier, une communauté villageoise de 500 âmes accrochée à la montagne.

Marie-Antoinette passe le cap de la première enfance : avec un emmaillotage très serré qui entrave un tantinet son développement, des couches juste séchées, malgré l’hygiène disons limitée, allaitée par sa mère elle échappe aux maladies infantiles et aux accidents domestiques.

Sevrée vers deux ans, elle entre dans le deuxième âge de l’enfance qui s’étend jusqu’à ses sept ans. Dans ce monde d’adultes dont elle partage l’existence, son alimentation comprend des lourdes soupes de pain ou des bouillies épaisses. Vêtue désormais d’une robe mise à sa taille, je l’imagine trottinant avec sa sœur, surveillée par sa mère-grand.

En ce temps-là, dans le Duché de Savoie ou le Royaume de France, l’enfant n’a pas de statut spécifique, il doit déranger le moins possible dans les tâches de ses proches qui œuvrent pour assurer leur subsistance et leur survie.

Avec ses sept ans en 1751, commence pour Marie-Antoinette sa troisième enfance, âge de raison ou de discrétion selon les hommes d’Eglise, raison dans le sens de discernement du bien et du mal.

Pour une très grande majorité d'enfants issus du monde paysan ou de classes urbaines modestes, cela signifie l'entrée dans le monde du travail. Le travail d'un enfant participe à son éducation, sa socialisation et à l'activité économique des membres de sa famille.

Oh pour Marie-Antoinette cela signifie rendre quelques services et travaux à la mesure de ses forces. Dans le cadre du hameau, et du village, elle a pu démarrer une vie de groupe avec des camarades du même âge, ne serait-ce que lors du catéchisme enseigné par le curé. Côté apprentissage de la lecture et écriture, cela a été réservé aux garçons de la famille.

Ma lointaine collatérale n’achève pas sa troisième enfance, faute de passer le cap de quatorze ans, Marie-Antoinette est inhumée à Montvernier un jour d’été, le 8 juillet 1754, avant d’avoir atteint dix ans.

Au cimetière de la paroisse, sont déjà enterrés son père Claude Deschamps, mère-grand Marie, un petit frère François-Xavier disparu très vite.

Autour de Jeanne Marie Laurent veuve de Claude restent sa fille Thérèse, son fils le tout jeune Rémi, et bien sûr son beau-fils Jean-François un fier gaillard, parce que le grand-père commence à être moins vaillant.

Toute vie mérite d’être racontée : si discrète Marie-Antoinette Deschamps une enfant du 18ème siècle dans un village de montagne.

En tant qu’enfant, elle appartient aux grands silencieux de l’histoire, comme l’ont été les paysans, ou les femmes, ces invisibles qui commencent à être dévoilés par les travaux des chercheurs.

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Sources 
Image Bibliothèque numérique Chambéry Greuze J-B 
AD 73 BMS Montvernier
Généanet arbre pseudo Montvernier 

 

 

samedi 1 octobre 2022

Le temps est venu

Parmi les nombreuses aïeules prénommées Marie de mon arbre généalogique, aujourd’hui est mise à l’honneur Marie Vernier sosa 1529 fille de François Vernier et de Jeanne Dusuel. Baptisée le 19 janvier 1679 dans la paroisse de Montvernier en Savoie, elle s’allie le 10 mars 1701 à Joseph Deschamps sosa 1528 fils de Jean-Louis Deschamps.

Cette lointaine ancêtre à la 11ème génération, enracinée dans un village de montagne, met au monde 6 enfants, dont seulement 3 atteignent l’âge adulte : Jeanne, Thérèse et Claude, les 2 cadets se sont mariés.

Marie Vernier connaît la fragilité de l’existence, des tout-petits enfants partis dans l’au-delà trop vite, sa belle-fille Damiane Durieux disparue trop tôt, obligeant son fils Claude à refaire sa vie en 1741.

Tiens, à peine Claude remarié, elle est soucieuse, pas très en forme, préfère se mettre en règle pour le futur tant vis à vis de Dieu que des siens.

Photo Pixabay

C’est ainsi qu’honnête Marie Vernier fille de feu honnête François, le cinquième jour du mois d’août 1741 après midi à Saint-Jean de Maurienne, en la maison canoniale de son beau-frère Révérend Messire Claude Deschamps des chanoines seigneurs de la cathédrale de la cité, a établi son testament nuncupatif.

Toujours est-il devant Joseph Dupré notaire royal, Marie mon aïeule « de son gré, parole, mémoire et bon jugement, bien que détenue de maladie corporelle fait son testament nuncupatif et dernière volonté nuncupative sans écrit, quoique par moi notaire il en soit rédigé, à sa prière et réquisition et à ses fins … »

Tarabiscoté ce jargon, que non ! Ce type de testament qui vient du latin « nuncupare » nommer, déclarer, est prononcé verbalement par la testatrice et rédigé par le notaire en présence de 7 témoins.

Marie « comme véritable chrétienne catholique apostolique et romaine fait sur son corps le signe de la croix et recommande son âme à Dieu, à la glorieuse Vierge Marie, à tous les saints et saintes de la cour céleste qu’elle invoque, et prie de bien vouloir intercéder pour obtenir la rémission de ses péchés et le salut de son âme. »

Pour ses dispositions funéraires, c’est-à-dire les messes et luminaire et sa sépulture, Marie Vernier s’en remet à la discrétion de Joseph Deschamps son mari et de son héritier universel persuadée qu’ils s’en acquitteront avec honneur.

AD 73 Tabellion St-Jean 1741 extrait 

A ce stade, le notaire a l’obligation d’exhorter la testatrice à léguer quelque chose aux hôpitaux de l’Ordre de Saint Maurice et Saint Lazare de Turin et aux autres hôpitaux de Savoie. Que non, Marie n’a pas l’intention de faire un legs pieux à cet ordre.

Mais elle donne et lègue à la vénérable confrérie du Saint Sacrement de Montvernier 3 livres, ainsi que 30 sols à la confrérie des Carmes et 30 sols à la confrérie du Rosaire toutes deux de la paroisse. Tiens donc, je découvre trois confréries de dévotion et d’assistance pour cette paroisse de 500 âmes environ.

Mon aïeule prévoit des legs particuliers à ses filles Jeanne et Thérèse, cette dernière femme de Jean-Baptiste Tronel, elles recevront chacune la somme de 300 livres payable la moitié un an après le décès de son mari Joseph et l’autre moitié une année après son décès le tout sans intérêt.

Enfin, elle fait de sa propre bouche son héritier universel son fils Claude Deschamps sosa 764 mon ancêtre. Si cette désignation d’héritier universel est importante, elle est aussi frustrante pour les lointains descendants car elle nous prive d’une énumération des biens.

En notaire consciencieux Joseph Dupré recueille les signatures de quatre chanoines et prêtres de la cathédrale, ainsi que celles d’un maître chirurgien de la Cité et de deux praticiens, la testatrice ne sait pas signer.

La présence de plusieurs ecclésiastiques pour un acte passé dans la maison canoniale d’un parent chanoine me paraît logique, tout comme la qualité des autres témoins, comme un entre-soi, enfin ceux qui sont lettrés et demeurent dans la Cité.

Mon ancêtre Marie Vernier est-elle vraiment souffrante, sachant qu’il y a de deux bonnes heures de route à pied entre Montvernier et la cité de Saint Jean de Maurienne, le notaire emporté par son élan - ou son modèle d’acte de testament - a pu mentionner « détenue de maladie » par habitude. 

Il lui reste encore huit années à vivre avant de s’éteindre à 70 ans le 5 juillet 1749 dans sa paroisse natale de Savoie, années pour voir naître et grandir ses petits-enfants dont Jean-François et Rémi. 

A bientôt 

 
Retrouver cette famille


Sources 
AD 73 
Tabellion Saint-Jean 1741 2C 2539 folio 895 vue 31
BMS Montvernier
Geneanet arbre pseudo Montvernier 
et indice arbre pseudo jglisse 

samedi 17 septembre 2022

Lumière sur Claude Deschamps

Rendez-vous furtif, pour qui sait le provoquer, rendez-vous de confidences avec Claude Deschamps (sosa 764) un ancêtre savoyard à la 10ème génération, natif et demeurant à Montvernier un petit village de montagne.

Une voix lointaine énonce : ma petite Fanny, je suis né dans le foyer de Joseph Deschamps et Marie Vernier, prénommé comme un frère de mon père, je reçois le baptême le 5 septembre 1711, entouré de mon parrain Joseph fils de Michel Deschamps un cousin, et de ma marraine Louise Deschamps une tante.

Tu as un peu peiné pour te retrouver entre les différentes branches de tes ancêtres dans ma paroisse, farfouillé dans différents registres, noté des éléments sur des papiers ou dans une étrange machine avec un clavier qui te permet de communiquer entre les gens et les siècles.

Montvernier communes.com © Claude Garnier

- Oh Claude, comment savez-vous ? Comment avez-vous entendu mes cris de joie, ou de rage, mes étonnements ou grimaces, décelé mon obstination à cerner votre famille et entourage ?

- Chut, il en est ainsi parfois, et je te confirme qu’une gentille et courageuse fille, un peu plus âgée que moi, me convenait la Damiane Durieux (sosa 765), l’aînée de Jacques Durieux et Honorade Crosaz. On a grandi à deux pas l’un de l’autre, à 20 et 18 ans on est pressé, mais nos parents se sont accordés sur les conditions de notre union.

- Cher aïeul, à ma grande surprise, votre contrat de mariage avec Damiane a été rédigé par le notaire dans la grange de Jacques Durieux son père, sans doute l’espace le plus vaste pour accueillir la docte assemblée, pas moins de cinq témoins dont trois chanoines venus de Saint Jean de Maurienne en cet après-midi du 25 avril 1729 !

Aux premières places, bien installés, j’imagine les Révérends Messires Pierre Mollaret prêtre et chanoine de la cathédrale de la cité, Claude Deschamps votre oncle aussi prêtre et chanoine, et de même Jean Pierre Brun prêtre et bénéficiaire en ladite cathédrale.

AD 73 Tabellion St-Jean 1729 extrait

- Que cela me semble loin, ma Damiane était fière de son trousseau, avec en autres, des mouchoirs d’indienne, de nombreuses coiffes de toile blanche neuve et un coffre de bois de poirier fermant à clef. Selon la coutume je lui ai offert les habits nuptiaux : une robe de gros drap avec son corps et manches de bon drap, un tablier de serge et une paire de souliers neufs.

Ma promise a apporté des pièces de terre et 325 livres de dot, et nos pères ont aussi réglé des éléments financiers plus anciens, si je me souviens bien.

- Claude, le lendemain 26, la ferveur est grande lors de la cérémonie religieuse dans la petite église, avec une nombreuse assistance et la présence des chanoines. Je présume, une ambiance plus chaleureuse, au cours du repas de noces servi dans la grange, et les danses animées par un violoneux. Dites-moi ? 

Silence, pensées nostalgiques, et soupir de mon interlocuteur, qui enchaîne :

- Ma Damiane m’a laissé seul en 1740 avec Jean-François notre fils âgé de 4 ans à peine, ton ancêtre également si j’ai bien compris ma petite Fanny. Le père et la mère m’ont incité à me remarier, la vie doit continuer avec un petit enfant, et tout le travail des champs et des bêtes.

Un jour de mai, le 23 de l’année 1741, je me suis retrouvé dans la maison canoniale de Révérend Claude Deschamps, mon oncle, un des chanoines de la cathédrale de Saint-Jean de Maurienne. Outre le père, était présent dans mes témoins Sieur Dominique à feu Louis Deschamps habitant la cité, un cousin je te précise.

AD 73 Tabellion St-Jean 1741 extrait

Ma nouvelle future est Jeanne Marie Laurent fille de Jean Claude, originaire de Montricher village plus haut dans la vallée, son trousseau est bien fourni, 420 livres de dot en plus, sans oublier une vache et une brebis, et on l’a dit bien vaillante. J’ai apporté plusieurs pièces de terres sur Montvernier, et bien sûr offert les habits nuptiaux, dont un mouchoir de soie cette fois acheté à la cité.

Bah, on s’est accordé tous les deux, Jeanne Marie vient de me donner un quatrième enfant, un garçon prénommé Rémi.

La voix de mon aïeul se fait plus faible, un bruit de toux. Ce fragile fil sonore est coupé.

***

Difficile à formuler, Rémi Deschamps le fils cadet est baptisé le 7 septembre 1748, Claude son père est inhumé le 26 décembre de la même année, à tout juste 37 ans. 

Heureusement le grand-père Joseph est solide et veille sur ses petits-enfants, il établit Jean-François en 1755, et celui-ci prend le relai pour veiller sur ses cadets Thérèse et Rémi en lien avec sa belle-mère.

Juste un peu de lumière sur Claude Deschamps, un ancêtre à la vie trop brève dans un coin de Savoie, la sobriété des actes du registre paroissial de Montvernier est compensée par le détail d’actes notariés qui mettent en évidence les liens familiaux, et les intérêts pécuniaires.


Dialogue imaginaire 
et personnes liées à ma généalogie
selon les principes du RDVAncestral

Retrouver le mariage de Jean-François ;  Une histoire de lacets


Sources
AD 73 BMS Montvernier
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 1729 2C 2507 folio 338 vue 440
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 1741 2C 2538 folio 532 vue 85
Relevés GénéMaurienne
Geneanet arbre pseudo Montvernier

mercredi 13 juillet 2022

Une histoire de lacets

Associer la généalogie et le tour de France, Geneatech  a osé, et suggère comme défi un billet en rapport avec une étape de la grande boucle. Sacrebleu je suis piégée car la caravane de cyclistes passe en Savoie.

Le 13 juillet, les forcenés de la « petite reine », après Pontamafrey, vont galérer pour gravir les 18 kilomètres et autant de petits lacets accrochés à la montagne. Les pentes de la route, construite vers 1930, oscillent entre 7 et 9 %, pour déboucher sur Montvernier, village situé sur un plateau vers 800 mètres d’altitude.

Montvernier © Delcampe
Petit tour de machine à remonter le temps au pays de mes ancêtres, ces derniers, tout au plus, ont pratiqué le chemin muletier préexistant.

En ce mardi 25 mars 1755, on s’agite dans la maison Deschamps près de l’église de Montvernier, le grand-père Joseph feu Jean-Louis Deschamps s’apprête à établir son petit-fils Jean-François enfant de son regretté fils Claude.

Il convient de prendre la route pour Hermillon, paroisse de la promise, les plus jeunes vont caler leur rythme de marche sur le plus âgé, 77 printemps tout de même, une bonne heure de temps sous un ciel dégagé, un air vif avec des plaques de neige dans les champs et sur les sommets.

Avec les trois témoins – dont un autre de mes ancêtres Joseph feu Michel Deschamps – tout au long du trajet, le grand-père va pouvoir réviser les clauses du contrat dotal.

***

Simultanément au logis d’Hermillon près de l’église, Louis Arbessier, aidé de son épouse Benoîte Durieu, s’apprête à recevoir le notaire Maître Simon Joseph Dupré qui se déplace depuis Saint-Jean de Maurienne, accompagné du Sieur Dominique Deschamps bourgeois de la Cité et témoin.

Au fait, la future Marie Arbessier, est telle éprise ou pas de son futur Jean-François de son petit nom ? Comment voulez-vous que je sache, pas plus si ses parents ont offert une collation à tous les acteurs du contrat !

Le très pointilleux et précis notaire Dupré stipule que le contrat dotal intervient, l’après-midi du 25 mars 1755, et entérine les promesses verbalement contractées, avec les ritournelles habituelles et redondantes, mentionne que les promis devront se présenter en face de l’église pour la bénédiction nuptiale.

Jean-François Deschamps intervient avec l’assistance et autorisation de son grand-père et Louis Arbessier pour être agréable à sa fille lui constitue une dot.

Marie Arbessier mon ancêtre apporte le legs d’un feu oncle, soit une somme de 60 livres et, d’une valeur de 140 livres, une pièce de vigne située sur la paroisse voisine en contre-bas, et apporte aussi d’une feue tante une pièce de terre et une pièce de vigne.

En espèces sonnantes et trébuchantes, pour que Marie puisse contribuer aux charges du mariage, Louis Arbessier promet de payer 400 livres, à savoir 200 livres dans une année sans intérêts, les 200 livres dans deux années prochaines aussi sans intérêts,

Dans le trossel de la belle, on trouve pêle-mêle une vache estimée 35 livres, deux brebis estimées à 3 livres chacune, un coffre de bois blanc fermant à clé contenant tous les effets d’une valeur estimée à 207 livres.

Je vous épargne l’énumération des effets en partie neufs, ou mi-usés, mais souligne 20 chemises, 18 tabliers de bon drap, sans compter 4 douzaines de coiffes de toile de Cambrai, 7 mouchoirs de soie, et 9 autres mouchoirs d’indienne, sûrement achetés à la ville voisine. 

***

Quant à Jean-François Deschamps, selon les coutumes de Savoie, faute de fonds personnels, pour son augment accorde à sa future en propre, le quart des droits sur les biens qu’elle apporte, réversibles sur ses enfants. C’est un peu tortueux, mais son père est décédé et le grand-père est encore en vie !

Ce qui est plus simple à saisir, c’est que le futur offre des habits nuptiaux neufs à sa future : une robe de gros drap avec un corps et des manches de serge, deux coiffes avec leurs dentelles, un mouchoir de soie, un tablier et des bas de bon drap et une paire de souliers,

Parmi les signatures recueillies par le notaire royal se trouvent celles du futur, ses cousins Deschamps, le jeune frère de la future.

***

Restera à chacun de retourner dans ses foyers, restera à charger sur un mulet le coffre avec le trousseau, sans oublier de faire suivre la vache et les brebis pour le village de Montvernier le moment venu, où Marie s’installera avec le clan Deschamps dans ce coin de Maurienne.

Mes tourtereaux convoleront le mardi 15 avril 1755, en présence de leurs proches, en témoignent dans le registre paroissial, juste deux petites lignes fort mal écrites par le curé de Montvernier, avec comme témoin le curé d’Hermillon.

Un nouveau et jeune couple de 20 ans, une nouvelle vie pour Marie et Jean-François, une première approche de ma dynastie Deschamps. 

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Sources 
AD 73 BMS Montvernier 
AD 73 Tabellion St-Jean de Maurienne 1755 2C 2567 vue 266
Relevé Maurienne-Généalogie
Généanet arbre pseudo montvernier 

samedi 25 juin 2022

Allons voir Marie Rose

Allons voir Marie-Rose EARD, puisque j’essaie un acrostiche avec les lettres de ses prénoms et patronyme. Ce fil de vie condensé concerne une quintaïeule dont toute la vie s’est déroulée à Modane en Savoie, une grand-mère de mon grand-père paternel si vous préférez.

Unité de lieu, et dualité d’Etat, la Savoie dépend jusqu’en 1860 du Roi de Piémont-Sardaigne installé à Turin, année où elle est rattachée à la France sous le règne de Napoléon III et le Second Empire.




Marraine et parrain inconnus en 1833

Autorité bienveillante de ses parents

Ronde de frères et sœurs, dix diablotins

Instruction de rigueur, lecture et écriture

Etoffes pour une tailleuse méticuleuse



Retrouvailles après les noces en 1859

Oncles, tantes et parenté autour d’elle

Sylvie Ludimille la première née

Ensuite quatre autres tout-petits



Emotions et prières pour les siens

Activités répétitives de ménagère

Route de vie difficile pour ses petits fragiles

Disparue et regrettée en 1870, 37 ans à peine


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Marie-Rose EARD, tailleuse lors de son mariage avec Jean Benjamin AUDÉ tailleur, est la fille de François-Benjamin EARD ancêtre qui m'occupa tout un mois d'avril de confinement.

Ce dernier, agriculteur, mais aussi conseiller municipal puis secrétaire de mairie, vous invite à lire son histoire, et à découvrir son univers. 




Sources 
AD 73 Modane 



samedi 18 juin 2022

Bonjour Catherine Lefort

Une main ridée, celle de ta grand-mère, un petit pied tout neuf, le tien ma petite Catherine, à qui je viens dire bonjour à l’occasion du généathème de juin suggéré par Geneatech ICI, et du rendez-vous ancestral mensuel, ce bonjour se déroule du côté de l’Aisne.

Pixabay

Ma petite quintaïeule, le 17 mars 1827, ton arrivée sur terre provoque de l’effervescence dans la maison de Jean-Baptiste Alexis LEFORT et Marie Catherine Florentine DARDENNES tes grands-parents (sosas 102 et 103). Agitation, cris de douleur, plusieurs femmes s’affairent autour de ta mère Pélagie Anastasie LEFORT (sosa 51), elle est jeune, c’est long, on s’inquiète, la sage-femme fait appel à son époux Joseph LEDIEU chirurgien, et puis à 11 heures du soir c’est la délivrance, tu pousses ton premier cri.

Toi enfant naturel, née de père inconnu tu passes ta première nuit dans la maison où ta mère a grandi, Pélagie n’a pas été mise à la porte par les siens, en dépit des remontrances et colères… Seule Pélagie sait si elle a eu un moment d’insouciance l’été d’avant, un galant tentateur, oh non pas un malotru !

Le lendemain le maire de Barisis reçoit la déclaration de ta naissance, avec le comparant Joseph LEDIEU chirurgien, 57 ans, accompagné de Jean-Louis FONTAINE charron âgé de 38 ans ton grand-oncle, et de Jean-Baptiste LEFORT tisserand, âgé de 23 ans ton oncle ma petite Catherine.

Prénom choisi à la va-vite, en référence à ta grand-mère ou à ta tante comme marraine, je ne sais, le prêtre a certainement esquissé une moue lors de ton baptême ma petite quintaïeule.

***

Ragots, quolibets, fille perdue, bâtarde, Pélagie ta mère n’en a eu cure, elle a retroussé ses manches pour travailler, t’élever, t’envoyer à la petite école. Le père LEFORT a veillé au grain, cherché à établir ta mère, quelqu’un qui accepte un enfant.

Tu as six printemps, lorsque le 15 mai 1833, tu vois ta mère vêtue d’une robe neuve se diriger vers la mairie. Pélagie ouvrière âgée de 24 ans s’unit à Joseph Auguste DEMILLY, valet de charrue originaire du village voisin, 29 printemps au compteur, vêtements et chapeau bien brossés. Pour cette cérémonie un mercredi à sept heures du soir, les parents LEFORT sont présents et consentants.

Sur l’acte de mariage, ton grand-père fait sa signature habituelle un peu maladroite, il se dit cultivateur cette fois-ci, l’oncle du marié fait un beau pâté sur l’acte, ton oncle charron est encore là, l’instituteur témoin est au top pour son paraphe, les protagonistes principaux ne savent pas signer.

AD 02 Barisis Etat-civil extrait mariage 1833

Et puis, les mois ont défilé, vous êtes resté trois au foyer, Pélagie et ton beau-père n’ont pas eu d’enfant. Stérilité maternelle après un accouchement difficile, ou celle de monsieur, je ne sais.

Barisis, ton monde c’est un village de 1200 âmes environ, un peu à l’écart des routes fréquentées, village lové dans un écrin de forêts, des champs de froment, de seigle et d’avoine, des vergers avec des pommiers pour le cidre, sans omettre le chanvre dans les endroits humides, chanvre dont la culture décline au 19ème siècle.

A fréquenter les tiens Catherine, j’ai croisé tant et plus des chanvriers, des fileuses, des tisserands, des marchands de chanvre, comme ton grand-père à une époque ou ton arrière-grand-père, une véritable dynastie, les LEFORT sur 6 générations, pas moins !

Et puis les années ont défilé, je vous retrouve tous les trois, très officiellement le 18 janvier 1848, lors de ton propre mariage ma petite Catherine LEFORT, à 20 ans et l0 mois, fileuse, tu convoles avec Jean-Baptiste MERCIER un chanvrier de 24 printemps. Et la mention fille naturelle réapparait, ta mère Pélagie est consentante, beau-papa est témoin, tout comme le père LEFORT ton grand-père toujours vaillant et désormais propriétaire.

Ces grands-parents qui ont veillé sur ta mère et sur toi, ont connu certains de tes enfants, cela me plaît de savoir que mon arrière-grand-père Jean-Baptiste Adolphe a pu écouter leurs histoires, être tenu sur leurs genoux, ou être réprimandé à l’occasion.

Oh c’est une rapide esquisse, pour te dire bonjour Catherine et saluer Jean-Baptiste. Mes ancêtres, dits sosas 25 et 24, chers à mon cœur, vous êtes mes premières vraies trouvailles en terre axonaise, sources d’émotion, d’autant qu’elles corroborent des souvenirs maternels.

A une autre fois.

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samedi 16 avril 2022

Laisser derrière soi

Elles miroitent au loin ces fières Aiguilles d’Arves, à plus de 3500 mètres d’altitude, emblème de la Maurienne, la plus belle trilogie des Alpes selon l’anglais Coolidge qui en fit la première ascension en 1878.

Un peu en contre-bas - comme déposée sur une butte arrondie, l’église Saint-Nicolas de Montrond, paroisse de Savoie, témoigne de la piété des hommes.

Montrond  © Montrond Tourisme 

Ne soyez pas étonnés d’un rendez-vous à Montrond, village dont Jean Claude Roche est natif. Rappelez-vous, lors d’une quittance mutuelle signée à Modane, j’avais déniché ce lointain ancêtre marié à Dominique Clappier, veuve d’un vieux barbon, flanqué de beaux-enfants et tuteur de ces derniers.

Inévitablement, je suis allée à la rencontre de l’enfance de cet ancêtre fils de Balthazard Roche (sosa 600) et à la rencontre des siens, à Montrond, village niché à 1400 mètres d’altitude avec 300 à 400 habitants tout au plus.

Alchimie curieuse de pages tournées, d’indices grappillés, d’éléments de documentation et voilà une série de séquences qui défilent, et s’animent.

AD 73 extrait carte Maurienne

Balthazard Roche feu Jean-Baptiste, vos parents et amis, vous me semblez encore présents dans votre église paroissiale de montagne au modeste volume, un simple rectangle mais avec un portail en tuf bien taillé selon les accords passés en 1674 par les « communiers » avec un maître-maçon du Val Sesia (1), église consacrée en 1677 par l’évêque de Maurienne.

Vous tous, simples communiers, dans cet élan de piété et de diffusion de l’art baroque, comment avez-vous pu passer et honorer tous ces contrats avec les artistes locaux, pour le riche décor de chœur, le retable, les tableaux et la poutre de gloire. Je sais que le clergé vous incitait à témoigner votre foi et à penser à votre salut, mais vous aviez si peu.

Dans cette petite église Saint-Nicolas, conservée et restaurée, Balthazard Roche je vous vois recevoir le baptême en 1662, nouveau-né de Jeanne Sibué votre mère, puis je suis présente à votre mariage avec Françoise Grand en 1683, et de même lorsque vos fils à leur tour furent tenus sur les fonts baptismaux.

***

Votre quotidien Balthazard, celui de vos parents et amis, est rythmé par les saisons, le travail aux champs l’été, et les soins au bétail.

En hiver, qui dure la moitié de l’année, votre horaire est tributaire de votre bétail, très tôt le matin il vous faut nourrir les vaches et les traire, à midi, vous occuper des porcs, puis dans l’après-midi œuvrer pour le nouveau repas de fourrage des vaches. Et le soir Balthazard, il vous faut « ranger » les animaux de l’étable, c’est-à-dire les soigner, encore traire, et « couler » le lait dans le chaudron.

Oh, j’ai bien saisi qu’en hiver, lorsque la bourrasque accumule la neige mètre par mètre contre les murs des maisons de pierre, l’horaire des repas des gens ne peut s’écarter de celui des animaux.

Repas frugaux pour votre famille Balthazard, servis dans une écuelle de terre cuite, avec seulement une cuillère pour avaler, matin et soir, la soupe préparée par Françoise, sorte de bouillie de farine de seigle et d'orge, arrosée d’un peu de lait, dans laquelle vous trempez tous du pain noir et dur cuit deux fois l’an.

Un peu de lard le dimanche j’espère, voire du chou seul légume qui pousse en altitude, ce n’est pas encore l’époque de la pomme de terre, ni celle de la diffusion de la farine de maïs pour faire la « polente ». Une fois le repas achevé, vous relevez la table fixée au mur par des charnières, pour éviter que les poules y grimpent !

Eh oui, dans la pièce unique partagée avec tout le bétail, contre le mur de l’étable des lits superposés pour votre repos, à proximité des vaches, des moutons et volaille, hommes et bêtes vivant ensemble se tiennent chaud.

***

Et lors de ces longues journées d’hiver à Montrond, j’imagine les femmes filant et tissant le chanvre, préparant les trousseaux de leurs filles, et vous messieurs, adroits de vos mains, travaillant le bois pour confectionner des sabots, des seilles (2) et des bouteilles de bois.

Et lors des veillées hivernales, j’imagine l’évocation des absents du pays, émigrés le temps de la mauvaise saison ou plus, marchand mercier par exemple,

A trop écouter les récits de ceux tentés par l’aventure d’un ailleurs, un jour vers 1715 - paysage, lieu et famille - furent abandonnés par Jean Claude Roche fils de Balthazard, pour démarrer sa vie d’homme à Modane.

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(1) les communiers sont les habitants d’une paroisse en Savoie et le Val Sesia est une vallée alpine italienne au nord de Turin

(2 la seille est un seau en bois, les bouteilles de bois sont destinées au village proche de Saint-Julien qui a des vignobles


Sources
AD 73 BMS Montrond - St-Jean d'Arves
Indices trouvés sur Geneanet et vérifiés
Ancien site Sabaudia Histoire de Montrond