samedi 25 novembre 2017

Généathème : les Poilus et moi

Bleu comme le bleuet, blanc comme la marguerite, rouge comme le coquelicot : Auguste Marius MARGARITO est un soldat mort pour la France le 19 août 1914.
 
J’ai hésité avant de traiter le généathème «  les Poilus et moi » proposé par Sophie de la Gazette des Ancêtres. Mon indexation sur Mémoire des Hommes est un peu en pointillé actuellement. C’est très difficile d’évoquer la disparition de mon Grand-Père maternel, et même de mon grand-oncle paternel. Au fil de mes recherches, plusieurs cousins font partie des Poilus tués, et qu’en est-il des blessés ? Qu’en est-il des blessés dans leur âme ?

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Doucement mon choix s’est porté vers Auguste Marius, un cousin au 9e degré. Tout a commencé par un parrain, dit originaire du Piémont, qui signait en 1850  clairement « Margarito » alors que le curé d’Avrieux en Savoie orthographiait  le patronyme « Margherit ».
 
Le grand-père d’Auguste Marius MARGARITO, prénommé Etienne, né vers 1814 à Bruzolo dans le Piémont, a épousé en 1843, en Savoie, Marie Christine CORDOLAZ sœur d’Euphrosine une de mes ancêtres.
 
Tous les enfants de ce couple naissent en Savoie à Aussois, dont Charles MARGARITO,  père du Poilu. La famille s’est ensuite installée à Givors dans le Rhône, a priori vers 1860, où elle fait souche, migration probablement liée à la recherche de travail.
 
La fiche matricule révèle qu’Auguste Marius manouvrier, né le 17 février 1892 à Givors, est le fils de Charles MARGARITO et de Catherine NOIR, tous domiciliés à Givors. Il mesure 1 m 62, il a des cheveux et des yeux châtains, un front ordinaire, un nez moyen et un visage ordinaire. Son degré d’instruction est de 3 : il sait lire, écrire et compter.
 
Le détail des services de ce Poilu est hélas très court : « incorporé le 8 octobre 1913 au 42e Régiment d’Infanterie (basé à Belfort) et tué à l’ennemi le 19 août 1914 au combat de Dornach en Alsace ».
 

Mémoire des Hommes
Auguste Marius avait 22 ans, soldat de 2e classe tué au tout début du conflit de la première guerre mondiale. Il aura la Croix de Guerre avec étoile de bronze.
 
Le 19 août 1914,  la bataille de Dornach oppose les Allemands et les Français dans le quartier de Dornach à Mulhouse, ville alors incorporée au Reich de Guillaume II depuis la défaite française de 1870. 
 
Après l'offensive française en Haute-Alsace, lancée le 7 août 1914, les troupes sont entrées à Mulhouse dès le lendemain après une première bataille ; peu après, elle doivent se replier lors d'une contre-attaque de l’armée allemande. Le 10 août, les Allemands occupent à nouveau Mulhouse.  Le 18 août, les troupes françaises reprennent l'offensive.
 
Allemands et Français se retrouvent face à face à Dornach le 19.  Dans ce nouveau faubourg de Mulhouse, où se trouvent des villas, des jardins, des murs, des haies, la résistance allemande à l'attaque française est la plus intense. Pour ralentir l'avance française, les Allemands tendent des fils électrifiés.
 
L'artillerie française, sous le commandement du colonel Nivelle, commandant du 5e régiment d'artillerie de campagne, envoie un grand nombre d'obus sur les maisons de Dornach pour soutenir l'avancée de son infanterie. Le 19 août vers 17 heures, les troupes françaises reprennent possession de Mulhouse. On relève alors des centaines de morts et de blessés des deux côtés. Les troupes françaises font un millier de prisonniers.
 
Dans le Journal de Marche du 42e Régiment d’Infanterie, j’ai noté à la date du 19 août 1914 :
Officiers : 3  tués, et 11 blessés
Hommes de troupes 62 tués, 217 blessés, 135 disparus - total : 414
 
Auguste Marius MARGARITO était le premier de la lignée à être né sur le sol français dans le département du Rhône, sous la IIIe République, son père et son grand-père étant nés au départ sujets du Roi de Piémont-Sardaigne. Son frère aîné Joseph fera toute la guerre de 1914-1918 et en reviendra.
 
Il est inscrit sur le Livre d’Or de la commune de Givors, mais n’apparaît pas dans la base des sépultures de guerre de Mémoire des Hommes. Au cimetière de Givors photographié par des volontaires pour la base de Généanet,  une tombe de la famille Belletable-Margareto porte une plaque à la mémoire du Poilu disparu.
 
Bleu comme le bleuet, blanc comme la marguerite, rouge comme le coquelicot et le sang versé pour son pays.


Sources :
AD 73 Etat-civil Avrieux et Aussois
AD 69 Etat-civil Givors et fiche matricule
Mémoires des Hommes
JMO 42e régiment d'infanterie
Gallica - Généanet
Wikipédia : Bataille de Dornach

samedi 18 novembre 2017

Dépoussiérer Marie Catherine Rossignol

Sapristi, on y voit goutte, tout est gris, gris bleuté, gris laiteux aussi, et une très forte odeur de poussière. Je manque d’être déséquilibrée par une faible marche sur laquelle traine un vieux registre.

Ledit registre est entièrement recouvert d’une toile d’araignée figée sous une couche de poussière de plusieurs siècles. Je ne peux m’empêcher de ramasser ce document, éternue bien sûr, d’autant que j’ai passé la main sur la couverture. Nouvel éternuement, je lis Barisis aux Bois …… Voilà c’est la destination de mon rendez-vous mensuel avec mes ancêtres.
 
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Je suis en terre du Laonnois, en l’an 1770, à Barisis aux Bois, dans un lieu à la fonction pas vraiment définie, où les teintes de bruns dominent. Soudain  un halo de lumière illumine une table où sont posés des registres et Marie Catherine ROSSIGNOL (SOSA 819) sort de l’ombre.
 
Cette silhouette détachée de la ronde de mes ancêtres me fait signe.  Je pressens qu’elle est disposée à murmurer ses secrets, chuchoter sa vie dans un village entouré de forêts.
 
Petit sourire de part et d’autre, puis  je salue ma Grand-mère.
« Bonjour ma petite, je suppose que tu es une de mes descendantes. Tiens lis donc, puisque ce livre de M. le Curé est ouvert ! »
 
« C’est votre acte de baptême Grand-Mère, vous avez été tenue sur les fonts baptismaux le jour de votre naissance le 13 septembre 1703, il y a 67 ans maintenant. Vos parents Jean ROSSIGNOL et Marie PIERPONT ont choisi des proches pour parrain et  marraine : Simon Rossignol et Anne Pierpont. »
«  Tiens, je ne m'en souvenais pas ! »
 
Comme un courant d’air dans la pièce, et les pages du registre tournent toutes seules. Elles se sont arrêtées sur la célébration du mariage le 14 mai 1720 de Charles TELLIER (SOSA 818) laboureur, fils d’un autre Charles et de Barbe BALE avec Marie-Catherine  ROSSIGNOL. La mariée n’avait pas encore soufflé ses 17 bougies, elle avait seulement sa mère. Les parents du marié étaient présents, de même qu’un oncle et son frère : Raphaël et Jean Rossignol.
 
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File le temps, passent les saisons.
J’entends ; «  oh j’ai eu d’abord que des filles Marie-Thérèse, Marie-Elisabeth, Marie-Magdeleine, Marie-Catherine, et aussi Marie-Marguerite. »
«  Vous savez Marie-Marguerite est également ma grand-mère ! »

« Et  puis j’ai eu enfin un fils Jean-Charles, mais mon pauvre mari avait été porté en terre avant, le petiot n’a pas connu son père. »
 
C’était alors en 1734 : il lui a fallu du courage à Marie-Catherine ROSSIGNOL et de la volonté pour élever ses enfants. Vraisemblablement sa famille a dû l’aider, y compris pour les terres.
 
Autre courant d’air dans la pièce, les pages du registre se soulèvent et s’arrêtent sur le remariage de ma Grand-Mère  - 10 ans plus tard -  le 6 septembre 1744 avec Jacques BLEUET un laboureur, veuf lui aussi depuis un certain temps.
 
Les mariés ont-ils voulu rompre leur solitude respective, avaient-ils du « sentiment ». Sauf que ? « Ne me regarde pas comme çà et ne compte pas sur tes doigts : oui notre fille Marie-Catherine BLEUET est née 5 mois après …en février 1745. »
 
Famille recomposée, Marie-Catherine et son second mari chemineront ensemble 15 ans jusqu’en 1760. A nouveau veuve, ma Grand-mère dû veiller à l’établissement de son seul fils Jean Charles, sa promise fût dénichée dans un village voisin à peu plus d’une lieue.
 
On parle de la pluie, du beau temps, des dernières récoltes, de l’hiver déjà installé. Je lui apprends le mariage, en cette année 1770, du Roi Louis XVI et de Marie Antoinette d’Autriche. Marie-Catherine me demande dans quelle province je demeure. Pourvu qu’elle ne me questionne pas sur le souverain qui règne à mon époque.
 
Je me dis qu’elle a entre autre  côtoyé dans son village Jean DAUBENTON garde-vente et aussi Jean MARLOT charron qui sont mes ancêtres.  Belle personne que j’imagine volontaire, et solide, car elle abandonnera ses cinq enfants mariés et sa quinzaine de petits-enfants à seulement 80 ans en 1784.

Marie-Catherine, ma grand-mère à la 10e génération, me demande de la raccompagner à son logis. En novembre tout est gris, tout peut être poussiéreux. Nous disparaissons…



Marie Catherine ROSSIGNOL (SOSA 819) 1703-1784
mariée en 1720 avec Charles TELLIER (SOSA 818) ca 1699-1734
mariée en 1754 avec Jacques BLEUET 1697-1760

- Marie-Thérèse Tellier 1722- ? mariée à Nicolas Philibert Léchevin
- Marie-Elisabeth Tellier 1724-? mariée à Louis Demilly
- Marie-Magdeleine Tellier 1726-?
- Marie-Catherine Tellier 1728-1737
- Jean-Charles Tellier 1731-?
- Marie-Marguerite TELLIER (SOSA 409) 1732-1791 mariée à Antoine Jérôme LEFORT (SOSA 408) ca 1730- ca 1782
- Jean Charles Tellier 1734-<1789 marié à Marie-Jeanne Prévôt
- Marie-Catherine Bleuet 1745 -1812 mariée à Pierre Bruïer



Un autre portrait d'une aïeule :


Sources
Archives Départementales de l'Aisne
BMS Barisis aux Bois et Amigny-Rouy