samedi 18 décembre 2021

Marie Hidron à demi-mot

Etonnement et perplexité dans le registre d’Ambleny, une paroisse du Soissonnais, lorsqu’au milieu des actes de l’an 1653 est transcrit un acte de baptême de l'an 1630, et pas n'importe quel acte, celui d'un de mes ancêtres. 

« Hubert Hidron fut baptisé en la paroisse d’Olie par Monsieur l’Evesque, curé dudit lieu, et son père s’appelait Anthoine Hidron et sa mère Barbe Chartret, son parrain Hubert Bourgeois et sa marraine Catherine Maturet, le 10 mars 1630, ainsi qu’il appert par l’extrait du registre des baptêmes. »

Voilà une mention qui me révèle les noms de deux aïeux supplémentaires et une naissance dans une paroisse voisine, à 23 ans de décalage, la trace d’Hubert à Ambleny.

Gallica extrait carte de Cassini 

Pourquoi cette transcription à ce moment-là ; à trop supputer j’ai l’étrange impression d’être dans la sacristie de l’église : une table bancale, une chandelle qui se consume, une silhouette qui s’esquive, celle du vicaire ou du prêtre ?

Hubert Hidron, je vous retrouve seulement en 1677, lorsqu’avec Barbe Boilleau, vous accueillez à votre foyer Marie votre fille, avant de vous éteindre 5 années plus tard. Ombre furtive et silencieuse, je ne sais rien d’autre de vous Hubert hormis quelques lignes sur un registre paroissial.

Registre tant feuilleté, lecture laissée en suspens vers 1750.

Des pas, mes pas, résonnent sur les dalles de la nef de l’église d’Ambleny, par la pensée je retrouve ce lieu consacré. Une femme agenouillée se recueille, se relève ses prières achevées, s’assoie sur le banc, me regarde, un geste m’incite à m’installer à ses côtés. S’en suit un échange à demi-mot.

Ma petite Marie Hidron, héroïne de mon premier rendez-vous ancestral au pied du donjon d'Ambleny, depuis 4 ans j’ai étoffé votre entourage.

Veuve, Barbe Boilleau votre mère, s’est remariée avec Antoine Cottin, greffier de la justice, l’acte était peut-être dans les pages lacunaires de 1683 à 1685 d’Ambleny, à moins que la cérémonie ne soit intervenue dans la paroisse voisine de Saint-Bandry.

Barbe votre mère s’éteint lorsque vous avez quinze ans un triste jour de février 1692, et Antoine Cottin votre beau-père se remarie 2 mois après avec Marie Ruin, et aussi en 1694 avec Jeanne Bonduelle.

Que dois-je penser pour ce petit enfant dit d’Antoine Cottin - sans prénom mentionné par le prêtre paresseux - et enterré un 24 décembre 1692, qui était sa mère : Barbe ou Marie Ruin ?

AD 02 Ambleny 1689 baptême 

Surprise à vous trouver marraine en 1689 et 1690, 12 et 13 ans à peine, et déjà une signature bien affirmée que vous conserverez : je suis fière de vous Marie. Il est vrai que dans le village existe une école où le maître enseigne, tant le matin que l’après-midi, la lecture, le calcul et l’écriture, sans oublier le catéchisme. Le maître conduit aussi les enfants à la messe le dimanche et les jours fériés.

Bon, Antoine Cottin votre beau-père vous déniche, assez vite, un mari Jean Mercier fils de Jean Mercier et Suzanne Grau, votre union de 1695 je l’ai déjà évoquée. A Jean, manouvrier, vous donnez 7 enfants, et êtes veuve hélas en 1718 avec les cadets Jean et Antoine.

Ma petite Marie, vous avez la présence de beaux-frères et de leurs épouses pour vous soutenir, jusqu’au jour où vous unissez votre solitude avec Antoine Tordeux, veuf et vigneron, ce dernier vous laisse cheminer seule à nouveau en 1729.

Sur Ambleny, il y a 20 arpents de vignes, autant de bois, 5 arpents de marais, et surtout 100 arpents de prés, sur lesquels sont semés du froment, du méteil et du seigle grâce à 17 charrues.

Juste une confidence ma petite Marie, notre première rencontre, ancrée dans ma mémoire, est votre présence lors du mariage d’Antoine Mercier votre petit dernier, en 1736 à Barisis aux Bois, où il allait démarrer ses fonctions de clerc laïc.

AD 02 Barisis 1737 inhumation enfant Mercier 

Présente vous l’étiez aussi, lors de l’inhumation d’un petit enfant, où vous avez témoigné que la sage-femme avait eu le temps d’ondoyer l’enfant à la naissance, et signé l’acte tout comme votre jeune fils.

Autre confidence, votre cadet Antoine est un de mes ancêtres préféré, tout comme son fils Antoine qui vécut entre 1745 et 1817 à Barisis aux Bois. Avec vous, avec eux, j’ai partagé leurs joies, leurs peines, et vu cette présence d’âmes anciennes comme un signe d’espérance.


                                           
Retrouver Marie et Antoine  



Sources 
AD 02 Ambleny et Barisis aux Bois 
Pour Ambleny précieux relevés du site de


vendredi 10 décembre 2021

Une frise pour Marie Jonquoy


Chic le généathème de décembre de Geneatech  me permet d’évoquer une des Marie de mon arbre. Marie Jonquoy a ma faveur, c’est l’épouse de Louis Liénard salpêtrier, métier récemment mis en valeur. ICI

Toi lointaine Marie, petite feuille en haut d’une branche de Barisis aux Bois - dans le département de l’Aisne actuellement - tu pousses ton premier cri le 27 février 1693 et reçoit le baptême, âgée de 3 jours, avec pour parrain Jean-Baptiste Janssenne greffier, tandis que ta marraine se nomme Marie Pelletier. Tu es la 4ème à naître au sein du foyer de Jean Jonquoy et Marie Rondelle qui auront 10 enfants.

Le métier de ton père n’est inconnu, peut être en lien avec la forêt qui ceinture la paroisse, il est présent au remariage en 1732 de ta sœur Marguerite la seule dont un fil de vie s’esquisse.

L’hiver de ta naissance est rude, suivi d’un printemps et d’un été pluvieux, la famine s’installe dans le royaume, et trop de guerres sont menées par le monarque absolu Louis XIV.

Frise papier peint Gallica

Toi vaillant Louis Liénard tu as déjà 9 ans, car né et baptisé un jour d’hiver le 26 décembre 1684. Tu es la 4ème pousse au sein du foyer de Pierre Liénard et Suzanne Haye partie trop tôt, décédée aux carrières de Lentillières, tout comme ton frère Antoine.

Dois-je en déduire que ton père exploitait ces carrières, ou que vous logiez dans les maisons troglodytes de cet endroit ? Ta fratrie s’étoffe avec les enfants que ton père aura avec Jeanne Driencourt sa nouvelle épouse.

L’été 1684 précédent ta naissance, a été caniculaire, stérile en grains, suivi de vendanges précoces, et ton premier hiver est très froid.

***

Solides Marie Jonquoy et Louis Liénard, arrivés à l’âge adulte, vous regardez vers l’avenir, en vous mariant le 26 novembre 1709 dans l’église de Barisis aux Bois, entourés de vos parents et proches.

Tous, vous deviez être costauds – ou chanceux – pour lutter lors du grand hiver 1709-1710 : neige, gel, verglas, dégel, inondations, redoux, semailles quasi impossibles et famine dans tout le royaume en raison de la pénurie des grains.

Vous avez cheminé ensemble Marie et Louis, et 10 enfants en témoignent, baptisés sur plus de 20 ans, 5 petits gars et 5 petiotes, à parité !


cliquer pour agrandir la frise 


Marie tu es en vie lors des mariages de 7 de vos enfants arrivés à l’âge adulte, mais je perds la trace de ton époux après 1741, de nombreux petits-enfants autour de toi, parfois partis trop vite.

Un froid jour d’hiver, ton acte de sépulture est signé par deux de tes petits-fils le 22 janvier 1767, tu avais 73 ans, toute une vie dans le même village, une vie humble, jalonnée par de modestes indices, de brefs actes paroissiaux en sont les témoins.

Lointaine Marie Jonquoy, et vaillant Louis Liénard salpêtrier, vous comptez double dans mon arbre puisque votre fille Marie Jeanne Liénard unie à Vincent Ville est mon ancêtre, tout comme votre fils François Liénard laboureur marié à Marie Anne Dupont.

Juste quelques lignes, pour que Marie et les siens ne soient pas oubliés.


Sources 
AD 02 BMS Barisis aux Bois
Généanet: arbre avec sources de milou02
Meteofrance 

 

samedi 23 octobre 2021

La fin tragique d'Alphonsine Lefort

Oh Alphonsine Béatrix Lefort vous étiez bien jeunette lors de votre mariage en 1827 à Barisis, pas tout à fait 17 ans, vous épousiez Clément Berlize un tisserand.

Au lieu et place de vos parents décédés - Jean Louis Charlemagne Lefort et Marie Marguerite Justine Dufresne - votre mère-grand Marie-Catherine Marlot, notre ancêtre commune, donnait son consentement. Je savais que vous aviez 4 enfants mariés.

Et puis voilà que je découvre votre fin tragique dans la presse : « le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne » dans son édition du 28 novembre 1886 en fait une relation précise : émotion et peine à lire.



« La nommée Lefort Alphonsine, veuve Berlize, âgée de 76 ans, était depuis 3 ans atteinte d’une paralysie du côté gauche et pouvait à peine faire quelques pas en s’aidant de bâtons. Elle demeurait à quelques pas de la maison de ses enfants et sa belle-fille allait chaque jour lui donner les soins nécessités par sa triste position.

Le 11 Novembre vers 10 heurs du matin, sa belle-fille, la dame Berlize-Bleuet âgée de 54 ans, la laissa seule après lui avoir donné à déjeuner et lui avoir recommandé de ne pas s’approcher du feu de la cheminée situé à moins de 2 mètres où était assise la pauvre paralytique. »

Cette dame citée est Célestine Justine Bleuet épouse de François Clément Berlize l’aîné de la fratrie.

« Vingt à trente minutes plus tard, la veuve Berlize appelait au secours ; sa belle-fille accourut mais ne put ouvrir la porte tout de suite, la veuve Berlize avait les doigts sur la gâche de la serrure. Quand elle réussi à entrer, la malheureuse veuve avait tous ses vêtements en flammes. »

« Aidée d’un cultivateur du voisinage, Monsieur Henri Royolle, appelé par ses cris de détresse, la dame Berlize réussit à envelopper sa belle-mère dans une couverture et à atteindre les flammes qui la dévoraient. »

« Un médecin fut mandé, mais la victime avait le côté droit brûlé ; la tête et les reins étaient également atteints ; vers 3 h ½ de l’après-midi avant l’arrivée du médecin, elle rendait le dernier soupir. »

« Avant de mourir la veuve Berlize a pu dire, que comme elle s’approchait du foyer, le feu s’était communiqué à son tablier, et que, ne pouvant l’éteindre, elle avait cherché à gagner la porte. Comme elle marchait fort lentement, le feu avait eu le temps de gagner ses vêtements.

« Cet accident cruel a excité une vive émotion à Barisis où les époux Berlize-Bleuet jouissent de l’estime générale, et où ils passaient pour très bien soigner leur vieille mère. »

A 5 heures du soir, Clément Berlize le fils aîné, chanvrier, est allé à la mairie, accompagné de son beau-frère Henry Désiré Dardennes cultivateur, pour déclarer le décès de sa mère. L’acte réglementaire dressé par le maire ne laisse rien transparaître du terrible drame d'Alphonsine Lefort une lointaine collatérale..

Il est parfois des coupures de presse qu’on préfererait ne pas dénicher.


Sources
AD 02 EC Barisis
Retronews  Le Guetteur de Saint-Quentin et de l’Aisne 28 novembre 1886

samedi 18 septembre 2021

Louis Liénard salpêtrier

Soudain, à la lecture de l’acte que je viens de découvrir, ma curiosité a été piquée par le métier mentionné : le 13 novembre 1737 Marie Jeanne Liénard convole avec Vincent Ville, cette aïeule à la 8ème génération, est dite fille de Louis Liénard salpêtrier et de Marie Jonquoy. On est sous le règne du roi Louis XV, à Barisis aux Bois, sur les terres de la Généralité de Soissons.

Tiens donc, un ancêtre dont le métier tourne autour du salpêtre « sel de la pierre ou sal petrae » selon les alchimistes, et nitrate de potassium selon les chimistes. Le salpêtre est connu depuis longtemps pour ses propriétés explosives et on s'en servait pour faire de la poudre matière indispensable pour les fusils et les canons.

Là se limitent mes connaissances, autant profiter du rendez-vous ancestral pour questionner directement l’intéressé sur son métier. Je laisse divaguer mon esprit et m’évade dans le temps, me retrouve en lisière de forêt, dans un hameau de plusieurs bâtisses avec des habitants sur leur seuil et la mine inquiète, des hommes entrent et sortent un peu partout, une silhouette se détache et se dirige vers moi : Louis Liénard sans nul doute.


Hotte et claie

- Bonjour Monsieur, ose-je prononcer, disposez-vous de quelques instants pour m’éclairer sur votre tâche ? Ne soyez-pas étonné si je viens d’une autre époque, des curieux s’intéressent aux métiers ancestraux.

- C’est que je suis en mission… enfin … cela va me faire une petite pause, me marmonne mon ancêtre Louis d’une voix lasse, installons-nous sur ce banc.

Notre profession est réglementée, puisque la récolte du salpêtre et la confection de la poudre constituent un monopole d’Etat géré par une régie royale avec un représentant régional. Celui-ci, nommé aussi salpêtrier royal, délègue à des préposés également nommés salpêtriers la tâche de récolter le salpêtre.

- Vous suivez ? 
- Oui

- Le préposé ou ouvrier, comme je suis, reçoit un ordre de mission avec un itinéraire et un calendrier détaillé par les soins du subdélégué local.

Le salpêtrier du roi passe dans toutes les communautés, tous les deux ans et demi, entrant d’autorité dans toutes les maisons en disant « Au nom du Roi ! » Il fouille, et racle tous les murs pourris recouverts de salpêtre, pénètre dans les logis, les caves, les lieux bas, les écuries, les étables imprégnées de purin.

On dit que les salpêtriers causent bien du désordre, par la liberté qu'ils ont d'entrer et de travailler dans toutes les maisons, où ils croient trouver du salpêtre et dégradent les lieux. On est à la fois craint et respecté.

Gros soupir de Louis, un silence, puis il se reprend.


Outils du salpêtrier 

- Regardez mes outils de base : le pic, la pioche pour démolir les vieux murs dont les gravas contiennent du salpêtre, la pelle pour charger le tombereau ou la hotte, la masse pour écraser les plâtras et la claie pour filtrer les gravats.
 Vous êtes toujours intéressée ? 

- Oui évidemment cher ancêtre !

Louis Liénard me conduit vers les cuviers posés sur des chaudières où s’affairent deux autres préposés.


Cuvier et chaudière 

- Regardez, on a mis dans les cuviers les terres propres à salpêtre, en ménageant l’écoulement de l’eau en posant au fond des pierres ou du menu bois. Il faut de l’eau et remuer comme le fait mon collègue pendant un jour et demi, et faire bouillir les eaux-mères, les laisser reposer, et les remettre en chaudière.

- Donc pendant tout ce temps il faut alimenter les chaudières de bois ?

- Bien sûr, les paroisses doivent fournir le bois nécessaire, si elles n’en ont pas, elles l’achètent et prennent à leur charge le transport des cuviers et des fourneaux.

- Et après la seconde chauffe, que faîtes-vous ?

- Il y a « l’épreuve » formule mon interlocuteur !

Froncements de sourcils de ma part, nouveau silence de Louis, petit suspens.

Un peu goguenard mon aïeul : ce sont quelques gouttes sur une assiette, si cette liqueur se fige le sel est extrait.

- Et ensuite quelle est l’opération ?

Bassin et couvercle 

- Avec le puisoir en cuivre rouge et manche en bois on recueille le salpêtre issu de la chauffe pour le mettre dans un bassin de cuivre rouge aux fins de cristallisation. Un couvercle de paille est posé sur le bassin pour ralentir le refroidissement de la liqueur et favoriser l’arrangement du salpêtre.

Curieuse personne, en confidence, j’ajoute une astuce qui se transmet entre bon salpêtrier. Pour connaître si les terres, pierres ou autres matières sont chargées de salpêtre, il faut les pulvériser, les goûter sur la langue ; si l’on y trouve une saveur salée, à laquelle succède de la fraîcheur, elles sont propres à être lessivées.

Allez, je dois reprendre ma tâche, vous me direz si mes propos suscitent des vocations.

Mentionné salpêtrier en 1737, Louis Liénard est deux fois mon ancêtre, par sa fille Marie Jeanne et aussi par son fils François, un oncle exerçait ce métier et de même le parrain d’un de ses enfants ayant le même patronyme.


Sources 
AD 02 Barisis BMS
Wikipedia
Encyclopédie de Diderot et d'Alembert : 
Edition Numérique Collaborative et Critique ICI
Images extraites de ladite Edition 



samedi 11 septembre 2021

Sommaire enquête pour un baptême

Lacunes dans le registre : mots honnis et terreur pour le généalogiste, mais avez-vous pensé à la situation des intéressés de leur vivant ? Que devaient-ils faire pour prouver leur existence devant Dieu et les hommes ? Suivez le mode d’emploi du Révérend Cordel qui sortit de l’ornière Pierre Badin natif de Montgilbert en Savoie. 

Le mémoire du chanoine, en français, est inséré dans les actes en latin, il constitue un intéressant instantané sur une paroisse de mes ancêtres, en faisant certes abstraction de répétitions inhérentes à ce type d’acte

AD 73 Montgilbert BMS 


« Sommaire enquête faite par le RD Claude Cordel prêtre chanoine du chapitre d’Ayguebelle official du district du même lieu aux faits du baptême de Pierre à feu Georges Badin de la paroisse de Montgilbert 

L’an mille sept cent cinquante deux, et le douze février, au lieu d’Ayguebelle dans ma maison canoniale, et dans l’enclos du chapitre Sainte Catherine d’Ayguebelle, 



A comparu par devant moi, honnête Pierre à feu Georges Badin, natif de la paroisse de Montgilbert, et demeurant à la croix d’Ayguebelle, paroisse de Bourgneuf, 

lequel m’aurait représenté, qu’ayant fait chercher dans l’église paroissiale dudit Montgilbert, et aux archives dudit chapitre d’Ayguebelle, les registres de baptême de feu Rd Baptiste Didier vivant pour lors curé de ladite paroisse de Montgilbert, 

pour avoir une expédition de son baptême, dont il a grand besoin, tant pour gérer ses affaires, que pour espérir ? ses droits et prétentions, envers ses …? détenteurs de ses biens. 

Ses diligences recherches ayant été inutiles et, sur l’assertion qui lui a été faite, que les registres dudit feu Rd Didier ont été perdus et égarés, il m’aurait prié et requis de vouloir procéder à l’audition de deux témoins idoines, savant du fait, circonstances, et dépendant de son baptême, 

Et m’aurait à cette fin produit honnête Pierre à feu Catherin André et Barthélemy à feu André Rivet tous deux natifs et habitant ledit Montgilbert, témoins de probité et par moi connus, qui après serment dûment entre mes mains sur les saintes écritures, séparément touchées l’un après l’autre, et leur avoir expliqué l’importance d’iceluy, et les peines qu’encourent les parjures, tant en ce monde qu’en l’autre, ouï et examiné sur le baptême dudit Pierre Badin, 

Et promis et juré de bien fidèlement déposer et rapporter selon Dieu et conscience, et ont rapporté comme s’en suit : 

Savoir Pierre André dit et dépose qu’en l’année mille sept cent onze, le quinzième jour de janvier, ne se souvenant pas de l’heure mais bien du jour, à cause de la solennité que l’on fait ledit jour dans l’église du chapitre d’Ayguebelle en l’honneur de Saint Maur (1) où il y a une grande dévotion et concours de peuple, et où une grande partie des habitants de notre paroisse sont en coutume de se rendre, pour invoquer ce Saint, 

il vint au monde ce jour une enfant dont accoucha la Clauda Maillet femme dudit Georges Badin, mère dudit Pierre dont il s’agit, ce que sais de science certaine que l’on ait appelé de la part de la Clauda Maillet, la Françoise Durand qui était chez moi et qui étais venue pour se rendre en qualité de sage-femme ses charitables secours à ma femme qui avait aussi accouchée d’une fille, 

Et dit et rapporte que l’enfant dont accoucha la Clauda Maillet et femme dudit Georges Badin et dont il devait être le parrain, fut porté à l’église ledit jour et qui fut baptisé et appelé Pierre, ce que je sais précisément pour être leur plus proche voisin, et que le nommé Pierre Maillet dit Raton fut son parrain et que c’est le même qui est aujourd’hui en existence et qui m’a requis mon témoignage. 

Barthélemy Rivet dépose et rapporte, qu’étant ouvrier journalier me souvenir qu’étant allé aider à Georges Badin père dudit Pierre dont il s’agit, à battre son blé en l’année mille sept cent onze le quinzième jour que l’on fait fête au chapitre d’Ayguebelle où il y a une grande dévotion en l’honneur de St Bon et St Maur et où se rendent de toutes les paroisses voisines un grand nombre de personnes et notamment de la paroisse pour y implorer le secours du ciel par le mérite et l’intérêt de ce saint, 

j’entendis depuis la grange où je battais le blé depuis la maison beaucoup de bruit et des cris pitoyables dans ladite maison y accouru pour y voir ce que c’était, l’on me dit que la Clauda Maillet femme de Georges Badin venait d’accoucher d’un enfant que je vis entre les mains de Françoise Durand sage-femme de notre paroisse, que l’on portât baptiser à l’église, et dont le nommé Pierre Maillet dit Raton fut parrain, tout ce que dessus et rapporte, pour être savant du fait, et que ledit Pierre Badin vivant aujourd’hui est le même que j’ai vu naître, et qui a été baptisé par feu Rd Didier pour lors notre curé et autre dit ne savoir. 

Ensuite de quoi j’ai interrogé lesdits témoins pour savoir leur âge, profession, valeur de leurs biens et s’ils ne sont point parents, alliés, créanciers, débiteurs, ou domestiques des parties, et s’ils n’ont point commis pour rendre leurs dits témoignages 

Ont répondu savoir le Pierre André j’ai presque soixante et dix ans, j’ai environ dix mille livres en biens fonds, je suis encore un peu parent audit Pierre Badin mais de loin et pour de loin au 5e ou 6e degré sans savoir comment, je ne suis ni créancier, ni débiteur, ni domestique et je n’ai point été commis pour faire ma disposition 

Barthélemy Rivet j’ai environ septante ans, j’ai environ deux cent livres en biens fonds, je ne suis point parent, allié, créancier, débiteur ni domestique dudit Pierre Badin, je n’ai point été commis, ni par respect humain, ni par autre manière de rendre mon susdit témoignage. 

AD 73 Montgilbert BMS 
J’aurais fait lecture aux susdits témoins de leurs susdits témoignage et les ai interpellés s’ils veulent persister, ajouter ou diminuer et nous y persistons et pour être illettré de ce enquis ont chacun fait leur marque ordinaire, et moi soussigné ai mon office envoyé et expédié au présent audit Pierre Badin le requérant, 
A Ayguebelle, ce susdit douze février mille sept cent cinquante deux. » 

J’adore la formulation de la parenté entre le requérant et le premier témoin Pierre André fils à Catherin André qui est un lointain collatéral. 

Précieux sésame que ce mémoire valant certificat de baptême pour Pierre Badin, qui confirme formellement la perte des registres du Révérend Didier. 


Source
AD 73 BMS Montgilbert 3E 356 vues 159/160
http://www.archinoe.fr/v2/ark:/77293/0422d52bfaf9fb89


(1) le15 janvier est fêté Saint Maur patron des charbonniers et chaudronniers 
Disciple et successeur de saint Benoît, Saint Maur était abbé de Glanfeuil sur la Loire en Anjou

samedi 19 juin 2021

Nicolas Bard s'établit

Instant de pause et de rêverie avec le merle en fond sonore, et soudain une main posée sur mon coude me fait sursauter: viens, dépêche-toi et suis-moi. Pas de doute me voilà embarquée dans un nouveau RendezVousAncestral, en Savoie, sur les basques de Nicolas Bard au 18ème siècle

Je peine à suivre mon aïeul à la 8ème génération, il est en forme cette fois-ci, s’est étoffé, un petit air guilleret sur les lèvres, où sommes-nous et où me mène-t-il ?

- Pourquoi écarquilles-tu les yeux, là c’est l’église de Saint-Michel juste à côté de la tour carrée, Dans les ruelles étroites du bourg, j’entraperçois de belles portes : hâtons-nous, on doit être chez le notaire avant midi, ajoute Nicolas.

- Regarde voilà sa maison, et juste devant : ma future épouse Jeanne-Françoise Place et son frère Joseph, ils viennent de la paroisse de Saint-Julien pour le contrat de mariage. Le taiseux avec moi, est mon cousin Joseph Bard mon témoin.

En ce 21 juillet 1758, on s’engouffre en chœur dans le logis où officie le notaire royal et collégié (1)

Image Pixabay

A peine installés, Gaspard Bertrand démarre la lecture du contrat :
« Se sont personnellement constitués Honnête Nicolas fils de feu Bard natif et demeurant de la paroisse d’Orelle
Et la Jeanne Françoise Fils de feu Jean-Baptiste Place native et habitant celle de St-Julien

lesquels par leur plein gré ont promis de se prendre et épouser en face de notre Sainte Mère l’Eglise, pour recevoir la bénédiction nuptiale à la premier réquisition de l’un ou l’autre des parties aux peines et conditions ci-après, pour qu’il n’arrive aucun légitime empêchement canonique,

et comme les charges du mariage sont difficiles à supporter et qu’il convient que les femmes concourent à cette cause, ladite Jeanne Françoise Place future épouse constitue audit Nicolas Bard son futur époux en ses biens droits et actions portions raisons et héritages présents et futurs, ladite constitue ledit Nicolas pour son procureur spécial … »

Un blanc, enfin dans le sens où le notaire marmonne et certains propos me sont inaudibles.

« ladite Jeanne Françoise Place a constitué audit Nicolas son futur époux la somme de 200 livres, somme évaluée par lesdites parties et leurs parents, toutes ses nippes et habillements, une génisse d’une année et une brebis, que ledit confesse avoir présentement reçu . »

Juste une réflexion à moi-même : pas d'indication des modalités de versement des espèces sonnantes et trébuchantes, pour le détail du trousseau je suis de la revue. Les nippes  de Jeanne Françoise et les bêtes vont la suivre dans son nouveau village ; en tant que personne  elle « vaut » 200 livres, il en était ainsi autrefois.

Le notaire pressé de poursuivre : « lui ledit Nicolas Bard futur époux, comme il est bonne et louable coutume de faire augment aux filles et épouses, fait donation à Jeanne Françoise Place du quart de ce qu’il recevra en accord avec elle … »

Tout le monde écoute attentivement, enfin surtout les commentaires du notaire aux intéressés, qui se font préciser certains termes. Je n’ose pas exprimer à Maître Bertrand que ses confrères rédigent mieux leur contrat dotal. Le futur et la future, mes ancêtres, invités à signer, ne sont pas en mesure de le faire, Joseph Place le frère lui sait signer.

Avec mes pensées en mode « off » j’ai perdu le fil, enfin la connexion ! Pourtant le 1er août 1758, l’union de Nicolas Bard et Jeanne-Françoise Place fut bien célébrée dans l’église d’Orelle.


AD 73 Orelle BMS 1758

Bip, bip, le wifi ancestral répond à nouveau 7/7, et je suis devant la maison de Nicolas Bard à Orelle, au hameau du Pousset. Ce n’est plus l’été, je frisonne un peu. 

- Où étais-tu passée ? Tu n’étais pas présente à nos noces et viens de manquer l’agent qui recensait pour la gabelle du sel.
Là pour cette année 1758, j'ai été inscrit comme chef de famille, avec mon épouse et ma mère Marguerite Jullien, pour le bétail c'est 2 vaches, 2 veaux, 2 brebis et 3 chèvres. 

- Oh Nicolas cela implique quoi exactement pour vous ? Juste une petite interrogation pour mettre en valeur mon ancêtre…

- La gabelle c’est un impôt qui va dans les caisses royales (2), on est taxé à un nombre déterminé de livres de sel suivant le nombre de bouches à nourrir dans la maison, gens et bêtes. Je vais être obligé d’acheter 8 livres de sel par personne, 6 livres par vache, un peu moins pour les autres animaux. Tu sais le sel est nécessaire pour la conservation des aliments, note que les cabaretiers, les hôteliers et boulangers sont taxés à 10 livres : une taxe dite de grand débit.

- Au fait, êtes-vous nombreux dans le hameau du Pousset ?

- La maison d’à côté est occupée par mon oncle Maurice Bard et Anne Marie Fontaine et leurs enfants, et au total on est plus d’une trentaine mais qu’ici, parce qu’il y a d’autres hameaux à Orelle.
Allez, on rentre se réchauffer et les femmes vont sûrement te questionner.

Moments furtifs et imaginés, une façon d’avancer dans le fil de vie d’un ancêtre, d’un couple qui vient de se constituer, et qui accueillera 7 enfants, dont Claude le père de Marie-Angélique Bard.



Retrouver cette famille 
 


N.B.
(1) le notaire collégié en Savoie a fait des études dans un collège de droit, et royal car le Duché de Savoie dépend en 1758 du Roi de Piémont-Sardaigne dont la capitale est à Turin

(2)  la gabelle du sel est un impôt aussi impopulaire dans le Duché de Savoie que dans le Royaume de France


Sources
AD 73 Orelle BMS
Tabellion St-Michel 1758 2C 2815 vue 428
GénéMaurienne : relevé de la gabelle
Gallica SHAM 1911

samedi 12 juin 2021

Nicolas Bard le précautionneux

Le héros principal, baptisé Nicolas en 1733, est le fils de Joseph Bard et de Marguerite Jullien. Le moins qu’on puisse dire est que cet ancêtre savoyard n’est pas au sommet de sa forme en ce 7 décembre 1751, malgré ses 18 printemps.

Nous sommes en Savoie, dans la maison du testateur au hameau du Pousset de la paroisse d’Orelle - Maître Claude Francoz notaire royal collégié (1) note qu’il est midi en la présence des témoins, et s’apprête à recevoir les volontés du jeune testateur Nicolas fils de feu Joseph Bard qui était fils de feu autre Joseph Bard natif et habitant dudit lieu :



« lequel considérant l’incertitude de l’heure de la mort et voulant disposer de ses biens temporels de son gré et libre volonté et fait son testament nuncupatif et ordonnance de dernière volonté nuncupative qu’il a requis, moi Notaire, de rédiger par écrit en la forme ci-après et à ces fins,

« étant, ledit testateur en son bon sens, parole, mémoire et entendement, ainsi qu’il est apparu à moi Notaire et aux témoins, quoique détenu de maladie en son lit,

« et, après s’est muni du vénérable signe de la Sainte-Croix, et avoir fait la profession de foi en bon chrétien, élit la sépulture de son corps dans le tombeau de ses feux parents ses prédécesseurs,

Dans ce testament verbal prononcé devant le notaire, selon une trame quasi immuable, mon ancêtre après avoir recommandé son âme à Dieu, détaille ses dispositions funéraires.

« et veut que le jour de son enterrement soit célébrée une messe de requiem a notte pour le repos de son âme, et que soit ledit jour faite l’offrande de pain et de vin, et fournit le luminaire convenable le tout selon les coutumes du présent lieu,

« selon lesquelles il ordonne de faire une aumône générale le jour de son enterrement, en laquelle aumône il veut que soit distribué le pain et le potage à tous les pauvres qui se présenteront selon les coutumes du présent lieu,

« selon lesquelles il veut et ordonne que soit aussi fait sa neuvaine, à la fin de laquelle il ordonne que soit célébrée une messe de requiem a notte, et une autre à la fin de l’année de son décès,

« item un jour de l’année de son décès, il veut être célébrée une messe de basse voix à l’honneur et à la chapelle de Saint-Joseph érigée dans le présent village du Pousset,

« et pour le surplus de ses funérailles et œuvres pies, il s’en rend à la bonne volonté et dévotion de sa chère Mère et héritière ci-bas nommée,



« et ayant été ledit testateur, interrogé et même exhorté par moi Notaire, s’il voulait faire quelque légat aux hôpitaux respectif du présent lieu, de la Province et de celui des Saints Maurice et Lazare érigé à Turin, il m’a répondu qu’il ne peut rien donner,

La question d’un legs pour les hôpitaux piémontais est obligatoire selon les dispositions royales, et comme de coutume, en bon savoyard, Nicolas refuse. 

« et parce que l’institution de l’héritier universel est le chef et fondement de tous les testaments, à cette cause ledit testateur a institué de sa propre bouche nomme et fait pour son héritière universelle la Marguerite fille de feu Claude Jullien sa chère mère veuve dudit Joseph Bard,

J’imagine mon aïeule Marguerite, dans la pénombre au bord du lit de son fils Nicolas souffrant, penchée sur son visage enfiévré, inquiète de son état, angoissée à l’énoncé de ces dispositions si particulières : elle n’a que ce fils, son époux n’est plus.

Maître Francoz de poursuivre « par laquelle il veut que ses dettes, funérailles et œuvres pies soient payées et accomplies sans forme de procès et son présent testament vaille par droit de testament nuncupatif et par tout autre meilleurs moyens qu’il pourra subsister selon les lois et duquel il m’a requis acte qui lui est accordé et dont le droit du Tabellion est de trois livres (2),

Dans les témoins cités, je souligne seulement l’oncle du testateur : Maurice Bard fils de feu Joseph fils de Jean-Louis Bard, et un cousin germain, Maurice Bard feu Jean Antoine. Ceux-ci savent signer, ce qui n’est pas le cas de Nicolas Bard le malade, et le notaire est un collatéral, une affaire de famille somme toute. 

Ne soyez-pas inquiet, Nicolas mon ancêtre précautionneux a survécu à sa maladie, puisque je vous relate son testament. Cet acte antérieur à son contrat de mariage m’a étonnée, puisque ce gars de la Maurienne a fondé une famille : fil de vie à poursuivre.

Retrouver cette famille 


N.B
(1) le notaire collégié en Savoie a fait ses études dans un collège de droit, il est dit royal car le duché de Savoie en 1751 dépend du Roi de Piémont-Sardaigne dont la capitale est à Turin 

(2) en Savoie, le Tabellion désigne le registre sur lequel sont copiés obligatoirement tous les actes notariés, et par extension le service chargé de l'enregistrement de ces copies, moyennant une taxe

Sources
AD73 Tabellion St-Michel 1751 2C 2808 vue 717

jeudi 20 mai 2021

Remariage et sac de noeuds

Au menu ce mois de mai pour le généathème de Geneatech : évoquer une histoire de remariage. L’aïeul candidat - dans une version remariage et sac de nœuds – est Claude Jullien un savoyard qui habitait Le Thyl un village de montagne en Maurienne.

Le Thyl-dessus 

Allez grimpons à la rencontre d’une famille, d’un lieu, dans une autre époque, celle du Duché de Savoie, et écoutons Claude Jullien un ancêtre à la 10ème génération, mon sosa 530 pour les initiés.

" Mon père Jean-Baptiste Jullien, fils d’un Jean, est originaire de Mont-Denis, un autre village plus haut perché. Il a épousé Mauricette Bard ici au Thyl en 1673, fille de Balthazar, elle appartient à une  lignée accrochée à ce terroir qui s’étage sur un versant ensoleillé, entre 1200 et 1400 mètres d’altitude, selon que l’on demeure au Thyl-dessous ou au Thyl-dessus.

" Nos maisons, accolées les unes et aux autres pour se protéger des intempéries, sont en pierre avec des toits recouverts de lauze, et de petites ouvertures. Les ruelles et les chemins sont pentus, dur est le labeur pour les cultures.

" Je suis tenu sur les fonts baptismaux en 1679 par Claude Gallioz et Marie l’épouse de Louis Bertrand ; âgé d’à peine 6 ans ma mère meurt en 1685, et le père s’unit peu après avec Michelette Lazard.

" Jeune et vaillant gaillard, de tout juste 16 ans, on me marie en 1695 avec Elisabeth Pascal, sosa 531 fille d’Antoine, d’à peine 17 printemps. On a eu des enfants, plusieurs filles, et seule Marguerite a grandi, elle a géré la maison après le décès de mon épouse en 1728.

" Toujours vaillant, et encore gaillard à 50 ans, j’ai prospecté pour me remarier et établir aussi Marguerite. Et juste au proche village d’Orelle, Joseph Bard avait une fille pas toute jeune, a l’air solide et les hanches larges dénommée Esprite, de même un de ses fils Joseph pouvait convenir pour ma grande. Ma foi il fut convenu de nos alliances et de ses modalités.




" Et c’est ainsi que le jeudi 5 mai 1729 furent célébré dans l’église du Thyl une double union : je me remariais avec Esprite Bard 38 ans qui me donnera 3 enfants, et Marguerite Jullien sosa 265 ma fille épousait Joseph Bard sosa 264 le frère de ma nouvelle épouse. Les jeunes s’établirent à Orelle.

" Pourquoi mes descendants ou les curieux s’étonneraient de ce sac de nœuds, cela vous fait un petit exercice mental pour établir les degrés de parenté.




Moi Claude Jullien père de Marguerite je deviens son beau-frère
Marguerite Jullien ma fille devient ma belle sœur
Joseph Bard frère d’Esprite Bard devient son beau-fils
Joseph Bard époux de ma fille Marguerite est à la fois mon gendre et mon beau-frère
Les demi-sœurs de ma fille Marguerite sont aussi ses nièces.
Les fils de ma fille Marguerite et Joseph Bard sont à la fois mes petits-enfants et mes neveux.

Me reste-t-il un lecteur ? Cela se passe ainsi avec les familles recomposées, parfois !

Faute de connaître le lieu de vie précis de Claude Jullien et les siens, je ne sais si les cérémonies religieuses se déroulaient à l’église Saint-Laurent du Thyl-dessus, ou la chapelle Saint-Grégoire du Thyl-dessous, ou pour le hameau de la Traversaz à la chapelle Saint-Georges. 

Ce village, rattaché désormais à Saint-Michel de Maurienne, peu peuplé, est un point de départ de randonnées pour les assoiffés de nature, d’autant que des passionnés ont œuvré pour la mise en valeur de ce lieu.



Sources 
AD 73 
BMS Orelle et le Thyl dont E345 vue 145
Petits cailloux semés sur Généanet
Photo le Thyl sur Wikimédia 

 

mercredi 28 avril 2021

Des petits êtres fragiles

Les naissances multiples, tel est le généathème d’avril, proposé par la dynamique association Geneatech.

Chaque village possède sa sage-femme, soumise au contrôle du curé, qui doit vérifier qu’elle est capable d’ondoyer le nouveau-né en danger de mort et veiller qu’elle ne se livre pas à des pratiques abortives ou infanticides.

« On exhortera soigneusement les femmes enceintes de communier souvent pour se disposer à la mort, à laquelle elles sont exposées, et là où les prêtres sont en coutume d’aller bénir les accouchées, ils ne leur mettront l’étole ni sur la tête, ni sur le col, ni autrement »

Cet extrait du texte des Constitutions synodales de Saint François de Sales rappelle que l’accouchement représentait alors un péril de mort. Dans les cas les plus favorables, la matrone se borne à laisser faire la nature et à encourager la parturiente. Si l’enfant se présente mal, elle demeure souvent impuissante, faute de connaissances et l’accouchement tourne au drame.


Eglise d'Avrieux - photo personnelle 

Après ce rappel un peu austère, et hélas réaliste, concernant toutes les mères de nos arbres, je vous invite à prendre la route de la Savoie pour un village de montagne en Maurienne.

Il me revient en mémoire la naissance de triplées à Avrieux, en l’an de grâce 1648, le 22 juillet exactement, au foyer de Claude Pascal maréchal et son épouse Barbe.

Trois petits êtres fragiles : Andrée, Françoise, Magdeleine

J'imagine l'effervescence au foyer de mes ancêtres à la 11ème génération, Barbe se doutait-elle d’une possible naissance multiple, elle qui avait déjà eu des enfants, dont François Pascal mon ancêtre. Barbe veuve de Denis Lafaux, s’était remariée avec Claude Pascal en 1634, peu de temps après la grande épidémie de peste de 1630.

J’imagine l’effervescence à trouver de toute urgence trois parrains et trois marraines, pour présenter tout de suite au baptême ces petits êtres fragiles : trois petites filles emmaillotées. Les maisons du village sont groupées, à deux pas de lieu de culte.

Je les vois tous s’engouffrant dans l’église Saint-Thomas Becket d’Avrieux, les marraines tenant avec précaution Andrée, Françoise et Magdeleine : elles ont alors un souffle de vie lorsqu’elles reçurent le baptême le 22 juillet 1648.


AD 73 BMS Avrieux 3E 299 v37

Le prêtre a détaillé l’acte de baptême et précisé les noms des parrains et des marraines pour les trois enfants. Sur la seconde page de registre, au même jour, il inscrit le décès de ces petits êtres si fragiles : un souffle de vie de quelques heures.

Barbe survivra à cette naissance et aura au moins un autre enfant : Agnès baptisée en 1652

Restons à Avrieux, où un siècle plus tard dans cette même église - qui entretemps est devenue un des joyaux de l’art baroque savoyard – Anne et Joseph les jumeaux de François Porte et Marie-Françoise Parmier sont baptisés le 17 février 1762.

AD 73 BMS Avrieux 3E 299 v251

Joseph Porte mon ancêtre à la 7ème génération fait partie de ma lignée agnatique, de sa sœur jumelle je ne sais rien, sa grande sœur Marie convolera en justes noces en 1771, lui épousera en 1783 Catherine Pascal. Je lève le suspens tout de suite, j’ai plusieurs branches Porte et Pascal sur Avrieux et me suis fait une raison !

AD 73 BMS Modane 3E 346 v59

Allons non loin de là, toujours en Haute Maurienne, à Modane naissent le 17 septembre 1683 des jumeaux Claude et Pierre, deux garçons d’égrège Mathieu Audé et Sébastienne Martin son épouse. Seul le devenir de Pierre Audé mon ancêtre m’est connu.

Sébastienne la maman avait-elle une ceinture bénie en guise de talisman pour s’assurer de couches faciles et heureuses, elle aura 2 autres enfants.

AD 73 BMS Modane 3E 348 v38

Un petit saut dans le temps et toujours à Modane le 6 avril 1757 Marguerite et Jeanne-Marie poussent leur premier cri au foyer de Jean-Baptiste Bernard et Anne Long, couple d’ancêtres mariés depuis 9 ans.

Mille excuses Jeanne-Marie Bernard mon aïeule, si je n’ai pas encore cherché le destin de ta jumelle, et toute ta fratrie, ni étoffé la ligne de vie de tes parents, il va falloir m'y atteler !

Juste un petit tour dans un coin de mon arbre, quelques lignes sur certaines naissances multiples, et la citation de Nicolas Boileau semble de rigueur ; 

« hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez le sans cesse et le repolissez, ajoutez quelquefois et souvent effacez. »




N.B : Egrège : avant-nom en Savoie, terme synonyme de sieur ou honorable, usité pour les professions du droit comme les notaires 

Sources
- AD 73 BMS Avrieux et Modane
-  Relevés GénéMaurienne pour Modane 
- Roger Devos, François Martin, Mc Intyre : 
  Vie et traditions populaires Savoyardes 



samedi 17 avril 2021

Cousine Mathilde racontez-moi

Voilà que la silhouette entrevue se fond dans l’opacité du temps, et s’esquive. Discrétion, manque de temps, ou côté taiseux, j’ai tout juste un signe de dénégation de la main. S’agissait-il vraiment de Jean Pierre Arnoux mon arrière-grand-père époux de Noémie Lagier, pourtant cet ancêtre dans un souffle m’a suggéré : vas voir Mathilde.

Mathilde, serait-elle bavarde, disponible ?
Cousine Mathilde, pour ne rien vous cacher.

En ce jour de rendez-vous ancestral, je me dirige un peu plus loin dans le hameau des Dorelons à Montmeyran.

Sur le pas d’une porte, comme guettée, un signe de main d’invitation de ladite Mathilde m’enjoint à pénétrer, très avenante, un petit bout de femme d’une bonne soixantaine d’années, tout est bien ordonné dans le logis, un calendrier des postes au mur m’indique que je suis en 1924.

- Je vais faire du café, là pas loin de la cuisinière et de la fenêtre on sera bien pour papoter m’énonce mon hôtesse. Un rêve récent - encore en mémoire - me laissait entendre que quelqu’un s’était intéressé à Marie Arnoux ma belle-mère et à son époux fontainier. Qui êtes-vous, enfin qui es-tu si nous sommes parentes ? Non prends plutôt la chaise avec le coussin, et expliques moi tout.

- Pour faire court et simple, je suis une petite-fille d’Isabelle Arnoux et je vous ai rencontrée lors de son mariage en 1912 avec Emile Mercier, où vous étiez témoin en tant que cousine, sous le patronyme de votre époux Henri Edouard Deffaisse.
Si j’osais, racontez-moi, racontez-vous.

Convaincue ou pas de se livrer ma chère cousine Mathilde, Lambert de son patronyme de naissance, elle tourne et vire autour de la cafetière, sert le breuvage, s’installe, hésite.

- Originaire d’Aouste-sur-Sye à 20 kilomètres d’ici, je m’y suis mariée avec mon pauvre Edouard en 1902, un jour d’hiver, son père souffrant n’a pu se déplacer, j’avais déjà 40 ans et nous n’avons pas eu d’enfants, je me suis retrouvée seule en 1910, il m’a fallu recourir à une personne pour exploiter les terres.

- Mais tu le sais bien il y a tant eu de malheurs avec la dernière guerre, tant de douleur autour de nous, et partout dans le pays. Moi qui avais assisté au mariage de tes grands-parents tous deux instituteurs, c’était une belle journée, journée d’espoir.

- Regardez Mathilde la copie de l’acte, les signatures à la fin, celle de mon arrière-grand père paraît hésitante ce jour-là, peut-être l’émotion ou des problèmes de vue.
Vous-même, comme Isabelle Arnoux, signaient de votre nom d’épouse, mon grand-père a une signature nerveuse tout comme celle de son beau-frère René Picard époux de tante Nésida !
Faute de photo de la noce, je ne peux que me rabattre sur ce témoignage d’un jour de bonheur.
Racontez-moi Mathilde, souvenez-vous, si seulement …

- Mon petit doigt, m’a dit que tu as écrit sur tes grands-parents instituteurs à Braine où avec le conflit Isabelle s’est retrouvée seule pendants 4 longues années avec sa petite Jeanne. Emile ton pauvre grand-père disparu à Verdun, sa petiote était chétive lors de son arrivée ici : tout son entourage était soucieux.

Hé oui, dans notre village on a eu des réfugiés de l’Aisne dont les maisons étaient détruites, venus de Barisis il y avait tes arrière-grands-parents paternels, on a gardé des liens depuis qu’ils sont rentrés dans leur région dévastée.

Silencieuse d’un coup, très pensive mon interlocutrice, dont les souvenirs remontent à la surface et se bousculent : seul le tic-tac de la pendule dans la pièce.

Oserai-je sortir de ma pochette, une carte rescapée des hasards des transmissions, précieuse carte d’un vieil album de mon arrière-grand-père paternel Jean-Baptiste Adolphe Mercier ?

Une carte du 9 janvier 1925 écrite dans le Diois par cousine Mathilde qui séjournait chez des amis, elle répond à une lettre de vœux et s’excuse pour le retard lié à un rhumatisme du bras qui s’est estompé après une bonne friction. Cette carte est le dernier témoignage de son auteur, dont je perds la trace ensuite, adressée à Barisis dans l’Aisne, elle a plusieurs cachets, car elle a été réexpédiée chez M. Lescouet à Saint-Michel, donc un beau-frère chez qui mon arrière-grand-père devait séjourner à ce moment-là.

Modeste correspondance entre les personnes, modeste souvenir, des séquences en sépia qui défilent dans l’esprit de Mathilde, de son destinataire, de sa collatérale ou descendante et détentrice : exploiter le moindre indice pour sortir de l’opacité du temps, l’espace de quelques minutes.


                                                                                                  Retrouver  



Sources 
AD 26 EC Montmeyran et Aouste-sur-Sye
Document familial 

samedi 10 avril 2021

Marie Arnoux et le fontainier

Mise en lumière de Marie Arnoux une de mes arrières-grand-tante du côté maternel qui naquit un jour de printemps le 27 mai 1839. Le lendemain son père Pierre Arnoux, cultivateur domicilié à Montmeyran, s’en alla déclarer à la mairie la naissance de son premier enfant, fille de son épouse Catherine Marie Clément.

Le couple s’était uni 3 ans auparavant au même lieu dans la Drôme, lui était fils de Jacques Arnoux et Marianne Savoye, elle était un enfant de Claude Clément et de Catherine Sayn protagonistes déjà évoqués dans des billets.




Tante Marie partagea ses parents avec son frère Jean Pierre né en 1842, le temps s’écoula au hameau des Dorelons, l’un et l’autre allèrent à l’école.

Et puis, et puis, au même hameau demeurait une famille avec 3 garçons et 1 fille dont le père était maçon et fontainier, tous installés vers 1845, le recensement de 1851 révèle la composition de la maisonnée Deffaisse à 2 pas de celle de mes ancêtres.

Et puis, et puis, Marie Arnoux aimait la couture, Elisabeth Deffaisse couturière demeurait juste à côté, Henry Deffaisse son frère avait vu grandir Marie : pourquoi chercher plus loin.


AD 26 Montmeyran 1851 extrait recensement 

Et puis, et puis, un vendredi 7 décembre 1855 à cinq heures du soir était célébré le mariage civil d’Henri Deffaisse maçon de 30 ans révolus fils de Pierre et de feu Elisabeth Deffaisse avec Marie Arnoux tailleuse en robe âgée de 16 ans révolus. L’horaire tardif m’a étonnée surtout en hiver, ainsi que la jeunesse de la mariée et sa différence d’âge avec l’heureux élu ; la cérémonie religieuse au temple a du se tenir le lendemain, suivie du repas de noces.

Pas de mauvais esprit : le seul enfant du couple Henri Edouard naîtra en 1858 trois années plus tard.

Instructif est le recensement de 1856, Marie du haut de ses 18 printemps y figure, avec son époux, son beau-père, 2 beaux-frères, et 1 apprenti, une lourde tâche que gérer la tablée de ces éléments masculins.

AD 26 Montmeyran 1856 extrait recensement


Alors Oncle Henri si tout un chacun situe fort le métier de maçon, comme vous avez aussi la casquette de fontainier, qu’en est-il de cette tâche ?

Bon d’accord dans votre cas, la fontaine est prise dans le sens de source. En tant que fontainier vous faites des sondages pour amener les eaux souterraines à la surface du sol, creusez des fossés, construisez des conduites et des regards sauf erreur de ma part, ainsi que des bassins.

Importance de l’eau et de sa distribution, d’autant qu’à Montmeyran jusqu’au début du 20 ème siècle le village ne disposait pas de l’eau courante. Les habitants tiraient l’eau du puits, du lavoir ou de la fontaine pour le nettoyage, la lessive et la cuisine.

Vous étiez privilégiés au quartier des Dorelons en raison de la proximité de la source des Petiots, la desserte en eau de votre maison, comme celle des parents de votre épouse, était assurée dès le dernier quart du 19ème siècle.

« En 1874, 46 propriétaires demeurant dans le centre du village et aux Dorelons s’associèrent pour acheter les adductions d’eau potable d’une source privée située au quartier des Petiots.

En 1895, les statuts du Syndicat des Eaux et Fontaines de Montmeyran sont déposés chez le notaire Marius Ferlay par les 46 propriétaires ».

« Les copropriétaires sur le trajet de l’eau en disposaient gratuitement et en payait que les travaux d’entretien ou de réfection ».

Tante Marie, le temps passant, les enfants de votre frère Jean Arnoux avec Noémie Lagier égayèrent les alentours. Avec le décalage des naissances, votre nièce Nésida naquit en 1879, l’année où son cousin germain, votre fils, partit à l’armée pour 4 ans et pris la direction du 18ème bataillon de chasseurs à pied.

Il avait grandi votre fils Henry Edouard, enfin pas trop, tout juste 1 mètre 59, cheveux et yeux châtains, un gros nez et un menton rond, avec une bonne instruction, il se déclare fontainier lors de son incorporation.

Tante Marie, j’imagine votre souci de le savoir au loin, et m’interroge sur sa santé, car il fut réformé par la commission de réforme départementale de Grenoble en 1892 pour infirmités ne pouvant être attribuées au service militaire.

L’été le dimanche, à l’ombre des platanes pour éviter la canicule, avec le clapotis de l’eau du bassin, vous devisiez Tante Marie et Oncle Henri sur l’avenir de votre fils unique pas trop pressé de s’établir, quelle serait la fiancée, et quand ?

Henri votre époux aura le temps de donner son accord au mariage de votre fils en 1902, juste avant de s'éteindre, vous le suivrez dans l'haut-delà en 1907, et laissez donc votre belle-fille prendre le relai pour quelques confidences. 

Juste quelques lignes sur des collatéraux proches de ma grand-mère maternelle Isabelle, collatéraux dont je ne savais rien avant de me lancer dans l’aventure de La Ronde des Ancêtres.

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Retrouver dans des billets


Sources    

Montmeyran au siècle dernier Editions Mémoire de la Drôme ; citation et extrait de plan 
AD 26 Etat-civil et recensements Montmeyran
AD 26 Fiche matricule