vendredi 10 janvier 2025

Des instants volés

Partir à la rencontre de ses ancêtres revient peu ou prou à leur voler des instants, voici ceux que j’ai chapardé autour de Marguerite Lathoud - sosa 519 - en Maurienne au temps du Duché de Savoie, entre registres paroissiaux et actes notariés.

Il me tenait à cœur d’étoffer le petit monde de Marguerite tout juste évoqué lors du baptême de sa fille Marie et du contrat de mariage de celle-ci dans d’anciens billets :


Retour donc à Aussois pour un épisode qui démarre vers 1655, dans un village installé sur un replat à 1500 mètres d’altitude, bien ensoleillé l’été et bien enneigé l’hiver, avec des maisons de pierre tassées les unes contre les autres.

Eglise d'Aussois - cliché personnel 

Mère-grand Marguerite, aïeule à la 10ème génération, grandit entourée de Dominique et Marie ses sœurs aînées et d’Anne-Marie, seul le baptême de la petite dernière en 1664 donne le prénom de leur mère sans patronyme : Cécile.

L’époque est lointaine, les actes succincts, quelques lacunes, et surtout les pages du registre paroissial en désordre compliquent la tâche, à croire que le vent s’est engouffré dans le presbytère ou le local d’archives pour éparpiller les feuillets.

Lourde tâche paternelle pour Antoine Lathoud - sosa 1038 - que celle d’établir un quatuor de filles, d’abord les deux aînées et puis mère-grand Marguerite Lathoud convole le 2 juin 1680 avec son Michel Ratel - sosa 518 -  feu Angelin.

AD 73 Aussois extrait mariage 1680 

Cérémonie dans l’église du village pour le nouveau couple, comme pour les baptêmes des petits et petiotes, instants de joie et de crainte, les vies sont fragiles à cette époque. Sur six enfants, Marguerite mon ancêtre ne voit grandir que Marie, Angelin et Anne.

La sachant veuve en 1711 lors du contrat de sa fille, je me demandais à quelle époque remontait la disparition de son époux, sans plus.

Et puis, récemment j’ai découvert des instants douloureux de cette famille dans la maison de la rue d’amont. Mon lointain père-grand Antoine Lathoud feu Gabriel a dicté au notaire ses dernières volontés, celles pour le repos de son âme avec plusieurs messes dont celle des trépassés, mais aussi une aumône aux pauvres qui se présenteront à son domicile selon la coutume du lieu.

AD 73 Tabellion Termignon extrait testament 1703

Dans ce testament du 19 septembre 1703, Antoine évoque son frère feu Claude mais ne cite pas d’épouse, ce qui laisse à penser qu’elle est défunte. Ses dispositions pour ses biens terrestres confirment les liens avec ses quatre filles d’autant que les conjoints sont cités, ce qui est très important en Savoie où les mariages ne mentionnent que les pères.

Mon ancêtre nomme héritières universelles ses quatre filles - à part égale- soit ses deux filles vivantes : Dominique veuve de Georges Couvert, et ma Marguerite veuve de Michel Ratel. Deux parts reviennent aux enfants de ses défuntes filles Marie et Anne-Marie qui laissent des veufs.

Il complète la part de l’aînée par un legs de terrain car Dominique s’est occupée de lui pendant sa maladie, dix jours plus tard Antoine Lathoud est inhumé dans le cimetière accolé à l’église.

Cliquer pour agrandir 

Ma Marguerite, de veuve en 1711, passe veuve en 1703 dans le testament de son père, feuilleter en arrière le registre paroissial m’a permis de trouver la mention de l’inhumation de Michel Ratel le 17 septembre 1694 âgé de quarante-quatre ans à peine. Mon ancêtre s’est retrouvée seule avec plusieurs enfants dont Marie âgée de neuf ans, elle fit face courageusement.

AD 73 Aussois  acte de décès 1694 

Elle n’est pas mentionnée lors du partage des biens de son époux : Anne Ratel - sosa 259 - sa fille juste mariée, représentée par son époux Jean-Baptiste Parmier - sosa 258 - , reçoit un lot, comme sa sœur Anne, Angelin dispose du reste : des prés et des champs et … je ne sais car l’acte du 23 juin 1711 est difficile à déchiffrer. Libre de droits ledit Angelin intervient directement lors de son contrat de mariage en 1714.

Je retrouve Marguerite Lathoud, presque septuagénaire, établie chez son gendre et sa fille au Bourget depuis plusieurs années, où elle teste le 12 janvier 1728 pour mettre ses affaires en ordre. 

AD 73 Tabellion Termignon extrait testament 1728

Jean-Baptiste Parmier bâtier de son état bénéficie d’un legs, soit 16 modures de terre et 8 modures de prés, pour qu’il puisse régler les œuvres pies et les funérailles de sa belle-mère. Celle-ci charge son héritière de lui rembourser sa dette de 100 livres, soit sa fille Marie Ratel désignée héritière universelle.

Les trois petits-enfants de son fils Angelin décédé aussi à Aussois (décidemment que de vies courtes) reçoivent un legs de terre, deux vaches et une génisse, ainsi qu’une somme de 120 livres correspondant à une dette de son fils à son encontre, moyennant quoi leur mère-grand les prive de son hoirie. Sa fille Anne non citée doit être dans l'au-delà. 

L’esprit libre, ma Marguerite entourée des siens voit grandir ses petits-enfants Parmier, avant de s’éteindre sept ans plus tard en 1735, suivie de peu de sa fille hélas.

Instants volés, instants sortis de l’ombre pour les curieux.



N.B.
modure : mesure de surface 


Sources
AD 73 BMS Aussois et Le Bourget
AD 73 Tabellion Termignon 1703 2C 2327 f504 vue 547
AD 73 Tabellion Termignon 1728 2C 2316 f15 vue 359
Geneanet indices jglisse 


samedi 21 décembre 2024

Un Noël ancestral

Neige d’Avent dure longtemps selon un adage : un village de montagne enfoui sous une épaisse cape blanche s’avère être mon étape ancestrale en ce mois de décembre 1765.

Le clocher de l’église d’Avrieux se distingue encore, mais les sommets alentour sont absents. Dans ce coin de Maurienne du Duché de Savoie, les maisons tassées les unes contre les autres pour se protéger du vent et du froid, desservies par de ruelles tortueuses, cachent un bon nombre de mes ancêtres.


© La Norma'attitude - Avrieux 
Dans une des maisons aux solides murs de pierre, une femme s’affaire, Marie-Françoise Parmier hésite sur sa vêture pour cette veillée si particulière, va-t-elle mettre sa foudelle de ratine verte ou enfiler celle qui est violette, quel fichu d’indienne retenir. Attifiaux présents dans son trousseau du temps de sa jeunesse, mais les années ont passées,

Joseph Porte l’héritier mâle tant attendu va sur ses 4 ans, c’est la fierté du père François Porte feu Vincent. Anne la grande fille du couple, avec ses 17 ans, devient un souci avec son établissement.

Le maître de maison presse sa troupe familiale, d’autant que sa sœur Barbe Porte débarque avec ses deux enfants, accompagnée de son homme Honoré Porte (oui le même patronyme…). Ensemble, comme tant d’autres paroissiens enveloppés dans une cape ou un mantel, ils convergent dans la pénombre vers l’église.

Le temps de l’Avent – du latin « adventus », s’achève, la nuit de la Nativité commence. ; obscurité du village, lumière et ors de l’église baroque villageoise, torsades dorées, angelots, lumière pour accueillir le Divin Enfant.

Mon petit monde suit-il l’intégralité du déploiement cultuel ?

Après les premières Vêpres - prières su soir - de la Nativité, célébrées solennellement avec encens, les confrères du Saint Sacrement chantent Matines de dix heures du soir à minuit, heure où débute la Grand’messe, suivie de Laudes, Prime et de la messe de l'aurore.

Les fidèles se réunissent évidemment pour la Grand’messe du jour de Noël, où la confrérie du Rosaire cette fois assure le service et les chants religieux auprès de la crèche.

Qui peut me souffler dans l’oreillette si des noëls populaires existaient à Avrieux comme à Bessans ?

« D'où viens-tu, belle bergère ? D'où viens-tu ?
Je viens de l'étable de Bethléem.
Qu'as-tu vu ? Est-il beau ?
J'ai vu quatre z'anges, le bœuf et l'âne ».


Chuchotements de Marie-Françoise, François et les autres, ils insistent sur la célébration joyeuse et vivace du Cycle des Douze jours qui s’étale de Noël à l’Epiphanie, du 25 décembre au 6 janvier.

Dans leur pays, c’est le moment de l'année où se déguste le pain blanc : le pain de Chalande fournée spéciale de Noël, il améliore le menu quotidien avec des rissoles ou un farçon parfois.

Au cours des longues veillées on parle aux enfants du Père Chalande et de sa femme la Chauche-Vieille, personnages mythiques qui enflamment l'imagination des jeunes cerveaux... L’un est l’ancêtre du père Noël, l’autre une sorcière maléfique et bénéfique toute à la fois.

Veillées où on chante un noël populaire en patois, et on casse des noisettes si savoureuses quand elles s'accompagnent de pain blanc, la véritable gourmandise de cette époque. Veillées qui rompent la monotonie de l’hiver où on regarde brûler l'énorme bûche qui doit durer jusqu'au Nouvel An, bûche parfois saupoudrée de sel pour garantir de bonnes récoltes pour l'année à venir... et qui met en fuite les sorcières.

Le sel encore lors de la Grand'messe de la Saint-Sylvestre, où offrande est faite du sel qui sera mélangé à celui que l'on donne aux bêtes pour demander à Dieu de les garder de tout accident et de contagion. 

Esquisse de rencontre nostalgo-ancestrale avec Marie-Françoise, François, Joseph et les autres, sur fond de rituel religieux et de coutumes, et leurs murmures suggèrent de l'espérance : 

« Sainte Marie, benoîte dame,
Petit Poupon fils du Saint Père
Et d'une si dévote Mère, 
Nous vous adorons à genoux. 
Ne regardez pas notre méchanceté
 Au grand jour de yotre Justice
Et nous faites pardon à tous ».


Pour compléter un billet sur les Noëls d'autrefois à Bessans 


Source 
Les noëls savoyards
du Chanoine Victorin Ratel   


vendredi 13 décembre 2024

Des jeunes parrain et marraine

Comme dans toute paroisse du Royaume de France, le prêtre de Barisis a fait une bénédiction solennelle des fonts baptismaux le samedi saint de Pâques et la veille de la Pentecôte en cette année 1706. De même il a béni une grande quantité d’eau eu égard au nombre de ses ouailles, et s'assure de détenir en quantité suffisante les saintes huiles bénites et consacrées par l’évêque le jeudi saint.

© Inventaire Patrimoine Ile de France Ecouen - Louis Ville 

Ce 13 juin 1706, le prêtre a été prévenu d’une naissance intervenue récemment chez Jean Pasques, dont l’épouse Marie Magdeleine Rossignol a été délivrée d’un garçon le cinquième enfant du couple. Au plus tôt, l’enfançon doit être accueilli dans le monde chrétien en recevant le sacrement du baptême.

Le père débarque dans la petite église, son fils, soigneusement emmailloté, est tenu par une femme d’expérience, un homme la bonne trentaine les accompagne.

Le sacristain (ou le clerc laïc peut-être) a préparé le vase des saintes huiles, un vase plus petit pour prendre l’eau baptismale dans les fonts, un bassin pour recevoir l’eau qui tombe de la tête du baptisé, un petit vêtement blanc pour être mis sur la tête de l’enfant, de l’étoupe pour essuyer les endroits où on fait les onctions.

Rédigé à l’issue de la cérémonie du 13 juin 1706, l’acte de baptême d’Alexandre Pasques stipule que le parrain est Jean Rossignol au nom d’Alexandre Rossignol, et la marraine est Marie Pierpont au nom de Marie-Catherine Rossignol.

AD 02 Barisis BMS 1721-1750 extrait

Pourquoi cette représentation et qui sont les parrain et marraine choisis par les parents :

     - Alexandre Rossignol le parrain est âgé de 4 ans, son père Jean est le cousin germain du baptisé, tous deux issus de la branche aînée de la famille.

     - Marie-Catherine Rossignol la marraine, âgée de 3 ans, est une cousine germaine du baptisé, elle et sa mère, Marie Pierpont sont mes ancêtres.

A priori ce choix s’inscrit dans l’esprit de renforcer les liens familiaux, mais cette désignation de si jeunes enfants m’interpelle.

En effet, le Rituel du Diocèse d’Amiens édité en 1784, qui cite le Concile de Trente stipule : « Comme le parrain et la marraine sont obligés de répondre pour le baptisé, et de l’instruire à défaut de ses parents, ils doivent avoir un âge suffisant, être de bonnes mœurs, savoir la doctrine chrétienne. Il serait à désirer qu’ils eussent été confirmés et il faut qu’au moins, le parrain ou la marraine ait fait sa première communion. »

Plus tardif en 1849 le manuel de théologie morale à l’usage des curés mentionne l’âge de raison soit 7 ans.  

Toujours est-il, le baptisé a pu être épaulé sur le plan spirituel par les parents des jeunes parrain et marraine. Alexandre Rossignol adulte a été témoin en tant que parrain au mariage d'Alexandre Pasques en 1732.

J'ai croisé trois ou quatre cas similaires de très jeunes parrain et marraine dans ce village.  



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Alexandre Pasques dans la mariée oubliée
Marie Pierpont dans si peu remariée 



vendredi 6 décembre 2024

La mariée oubliée

La famille de Jean Rossignol et Marie Blanchard, ancêtres picards tout en haut d’une branche, m’a fait errer dans les registres de Barisis aux Bois, village aujourd’hui dans l’Aisne : versions années 1677-1720 et années 1721-1750.

Une fille de ce couple : Marie Magdeleine Rossignol unie à Jean Pasques a donné naissance à un fils Alexandre en 1706.

Voilà que ce gaillard d’Alexandre Pasques convole en l’an de grâce 1732 avec ?

AD 02 Barisis BMS 1721-1750 extrait 

Là, le bât blesse parce que le prêtre sur sa copie du registre a été distrait, même en lisant l’acte de mariage à haute voix, et en le transcrivant cela donne :

« le 26 mai 1732 ont été solennellement mariés par moi curé soussigné Alexandre Pasques fils des défunts Jean Pasques et Marie Magdeleine Rossignol,

et ?

après les avoir fiancés, les bans publiés par trois dimanches, à la messe de la paroisse, sans qu’il s’y soit trouvé aucun empêchement,

en présence d’Alexandre Rossignol parrain, Jean Louis et Raphaël Pasques frères de l’époux, François Grandvalet père, Albert, Nicolas Grandvalet frères de l’épouse qui ont signé avec l’époux non l’épouse aux minutes. »

Qui est cette mariée oubliée, au patronyme connu, avec un père en vie et deux frères ?

Un petit tour sur les indices de Geneanet et une flânerie dans les registres s’imposent donc pour repérer la famille de la mariée, et les enfants du nouveau couple.

Côté famille répondent présents François Grandvalet meunier uni avec Marie Mennessier, heureux parents de deux fils Albert et Nicolas et d'une fille prénommée Marie-Catherine : est-elle la mariée oubliée.

Côté descendance, en février 1733 naît Alexandre fils d’Alexandre Pasques et de Marie-Catherine Grandvalet, voilà le prénom de la promise et de la jeune mère, suit en 1735 une petiote baptisée Marie-Catherine comme celle qui lui a donné la vie.

Extrait d'arbre fait avec Généatique 


Hélas l’an 1737 voit disparaître à 29 ans à peine le père de famille, et son fils le suit de peu dans l’au-delà.

Veuve le 13 mars 1737 d’Alexandre Pasques, Marie-Catherine Grandvalet se remarie moins de 3 mois après : le 4 juin avec Jean Louis Liénard laboureur fils de mon ancêtre Louis Liénard salpêtrier.

Curieux ce remariage si rapide pour une femme, dont l'enfant de ce second lit pointe son nez 17 mois plus tard. Gardons en mémoire que le délai de viduité n'existe pas sous l'Ancien Régime ni pour les femmes ni pour les hommes. 

Une mariée retrouvée, des branches qui s'entrecroisent dans mes recherches généalogiques sur la paroisse de Barisis aux Bois. 



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samedi 21 septembre 2024

Le marié venu d'ailleurs

De la lecture d’un acte, avec un esprit qui s’évade, surgissent des silhouettes sépia, aux contours flous, aux visages à contre-jour, parviennent des bruits assourdis : et un rendez-vous ancestral s’enclenche.

Là dans un coin de l’Aisne actuelle, ils se sont croisés, recroisés, souri, parlé, accordés surtout avec sa famille pour elle, occupés des papiers surtout pour lui.

En cette année 1773, la promise de 24 printemps se nomme Marie-Louise Jonquoy, avant-dernière fille d’Angélique Fossier mon aïeule veuve de Pierre Jonquoy chanvrier, l’élu venu d’ailleurs s’appelle Christophe Fauguel et affiche 41 années déjà.

Ce petit monde habite la paroisse de Barisis aux Bois, paroisse qui dépend d’un monastère fort ancien avec à sa tête un prévôt et deux ou trois autres religieux dont un faisant office de curé.

AD 02 Barisis extrait acte de mariage

Selon les règles, annonce est faite par le prêtre des fiançailles de Marie Louise et Christophe les 16, 20 et 23 mai au prône de la messe paroissiale,

On a jasé au village sur la différence d’âge des promis : dix-sept ans tout de même. On a causé sur ce marié garde des bois, chargé de veiller sur les forêts de la Prévôté et de prévenir les délits, venu d’ailleurs qui plus est, étranger au pays quoi.  Il ne faut pas compter sur sa mansuétude en cas de rapine dans les taillis…

On ne sait pas trop où se situe le village dudit Fauguel : Bonfol dans le diocèse de Besançon parait-il, dépendant des terres de Ponrrantruy, enfin c’est ce qu’a énoncé le prêtre.

Tout comme les paroissiens, j’ai tenté de combler mes lacunes sur Bonfol jusqu'en 1782, Bonfol relevait au niveau spirituel du diocèse de Besançon avant de rejoindre l'autorité du prince évêque de Bâle dont il dépendait déjà sur le plan temporel. Après les vicissitudes révolutionnaire et napoléonienne Bonfol et Ponrrentruy deviennent suisses avec le fameux congrès de Vienne en 1815. Pour faire court mon lointain grand-oncle est originaire du Jura.

Carte axée sur Barisis et Bonfol -ViaMichelin

Bon après cette petite digression, et en l’absence d’opposition à l’union, le mardi 25 mai 1773 branle-bas dans la maison d’Angélique Fossier mon aïeule. Marie-Jeanne Jonquoy Sosa 97 la fille aînée, aide sa jeune sœur Marie-Louise à s’apprêter, échange de confidences et de conseils qui sait.

Deux hommes attendent sur le pas de la porte : Simon Grandin le parrain de l’épousée est tisserand et Antoine Mercier le beau-frère, garde-vente, qui assure la garde et l’exploitation des coupes de bois pour un tiers, tous deux témoins.

En route pour la petite église où patientent Christophe Fauguel, fils de feu Jacques et défunte Marie Anne Gabroy, en compagnie de ses deux témoins Jacques Dromat sergent de la justice de Barisis son ami et Jean-Baptiste Gabroy son cousin germain garde de la paroisse de Selens, à plus de 3 heures de marche.

Des images lointaines me parviennent, des pas résonnent sur le sol de la travée au passage d’Angélique et son parrain qui la conduit à l’autel, sons confus de la cérémonie et des engagements, mots échangés lors des signatures de l’acte de mariage rédigé avec soin par Dom Jonat Farineau, seuls les hommes signent mais pas Marie Louise la mariée, même pas une croix apposée.

***

Une nouvelle page démarre pour ce couple de collatéraux, les baptêmes de trois petits : Nicolas Thomas Christophe en 1775 parti trop vite au ciel, puis un gars plus costaud Jean-Baptiste en 1778 et Marie-Louise Eléonore bonne pousse. 

La grande faucheuse, hélas, emporte le père trop tôt en 1788 à 57 ans. Veillent sur les deux enfants leur mère Marie-Louise Jonquoy  et leurs oncles qui assistent à leur mariage. 

AD 02 Barisis BMS extrait  

Christophe Fauguel tout comme ses beaux-frères Jean François Duparque et Antoine Mercier mon ancêtre Sosa 96 sont présents lors de l'inhumation d'Angélique Fossier la grand-mère, un trio souvent croisé lors de mes premières recherches et de mes interrogations sur les liens familiaux. 

Des actes et des êtres du passé ramenés à la lumière en quelque sorte. 



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Sources
AD 02 Barisis BMS
Wikipedia


samedi 20 juillet 2024

Joies et peines d'Angélique Fossier

Ma mie Angélique Fossier, lointaine arrière-grand-mère, à trop fréquenter le registre paroissial de Barisis les Bois en Picardie, je m’interroge sur tes sentiments éprouvés jadis, au cours de ta vie et de ton chemin partagé avec Pierre Jonquoy.

Venue au monde le 22 décembre 1712 un froid jour d’hiver, tu es aussitôt baptisée pour rejoindre la communauté des chrétiens. Fille unique de François Fossier et Jeanne Berton, remariés l’année précédente, tu grandis dans une famille recomposée avec Marie Fossier ta sœur consanguine et Marie Jeanne Guerlot ta sœur utérine et assiste gamine aux mariages de celles-ci, puis fièrement devient marraine d’une nièce à tout juste 10 ans.

Dans ta paroisse ceinte de forêts, où les bûcherons et scieurs de long côtoient les chanvriers et tisserands le métier de ton père m’a longtemps échappé. Un indice glané en 1738 sur l’acte de d’inhumation de François Fossier mon aïeul m’interpelle donc : pestre. En référence à l’ancien français pestrir et au bas-latin pistrix, c’est la personne qui pétrir et remue fortement dans tous les sens avec les mains une substance pâteuse.

Ton père est donc boulanger et œuvre dans un endroit dénommé pétril ou fournil après avoir malaxé la farine dans un meuble appelé actuellement pétrin.



Dans le même village, Pierre Jonquoy, baptisé le 11 mars 1708, se trouve être l’un des nombreux enfants de Pierre Jonquoy bûcheron et Marie Magdeleine Brebant ancêtres mis en lumière dans un ancien billet. Il va à l’école et sais donc signer comme son père et ses frères cadets Louis-Jacques et Jean.

Et parce que la destinée d’une jeune fille est de s’établir, ma petite Angélique de ton trousseau tu as extrait une belle coiffe neuve, tapoté ta meilleure jupe, noué un fichu de laine sur tes épaules et pénétré dans l’église le 8 février 1729 pour unir ta destinée à Pierre en présence de vos pères et mères. Journée d’émotion et de fête, Angélique et Pierre, vous êtes si jeunes, 16 et 20 printemps tout juste, avec un penchant l’un pour l’autre peut-être.

Pierre Jonquoy, ton homme désormais, bûcheron à un moment, est ensuite chanvrier ou marchand-chanvrier selon les actes, et avec son instruction a aussi été marguillier de la paroisse. En tant que membre du conseil de fabrique, la fonction de marguillier de Pierre, suite à son élection par l’assemblée des habitants, l’a fait intervenir dans la gestion des quêtes et offrandes, des revenus ou des legs ainsi que la location des bancs, l’entretien de l’église, des ornements liturgiques, le respect des usages comme l’ouverture de la taverne après la messe.

***

La ronde des naissances débute avec l’ainé Pierre-Louis, puis s’enchaînent pour toi ma petite Angélique six maternités rapprochées, autant de risques lors de l’enfantement, de craintes pour les nourrissons à une époque désarmée face aux maladies infantiles, autant de détresse lorsque tu recueilles leur dernier souffle.



Jean-Louis, Michel, Marie-Louise, Louis, Jean-Baptiste, des petits anges partis trop vite, enfouis dans un tiroir secret de ton cœur, lequel avait tes yeux ou ceux de son père, as-tu gardé en mémoire leur prénoms. Si peu de joies, trop de peines.

Et puis Simon qui rend son dernier soupir à 11 ans, te souviens-tu de ses mimiques, de son caractère ou des traits de son visage.

Du baume au cœur lorsque Pierre-Louis ton fils aîné chanvrier se marie en 1756 avec Marie-Jeanne Lallemand, tu es là avec ton époux. Trois fois grand-mère, survient une hécatombe dans ce foyer avec la disparition des trois petits, de leurs parents aussi. Le vide autour de toi, tout se confond dans ton esprit, dans ta mémoire, veuve qui plus est après le décès de Pierre ton époux en 1762.

Tu n’as pas retenu les dates, je ne peux les décliner dans le détail, une auto-censure inexpliquée de ma part, années sombres et noires pour ton âme et ton corps, trop d’épreuves. tu as pleuré, plié, mais pas cassé, 



Comme il y a toujours un coin de ciel bleu quelque part, lointaine aïeule Angélique il te reste tes trois filles cadettes : Marie-Jeanne Jonquoy née en 1746, Marie-Louise Jonquoy baptisée en 1749 et Angélique Jonquoy la petite retardataire née en 1757. Elles grandissent ces demoiselles et tu assistes à leur mariage, la vie continue avec un peu de joie.

Juste une confidence ta fille Marie-Jeanne est mon ancêtre, des petits-enfants vont faire à nouveau du bruit, babiller ou piquer une colère, réclamer ton attention ou le récit d'une histoire.

Je te retrouverai avec tes trois filles, tes trois gendres avec une tendresse particulière issue de mes premières découvertes dans ta paroisse, et de mes premières émotions.

Joies et peines d'Angélique une femme ordinaire, dans un village au mitan du 18ème siècle à l'écart des grandes routes, lieu peuplé de familles courageuses luttant pour leur quotidien. 


Retrouver cette famille 


Sources
AD 02 Barisis aux Bois BMS 
Geneanet indices arbre milou02 

mercredi 26 juin 2024

Tout en haut d'une branche

Dans une forêt d’ancêtres on risque de se perdre, s’égarer, ou s’arrêter sous un majestueux arbre tricentenaire aux multiples branches, et entendre un oiseau gringotter, un rossignol .

Jean Rossignol et Marie Blanchart ou Blanchard, ancêtres tout en haut d’une branche dans un coin du Laonnois, attendent les curieux de leurs racines.

Si j’ai fait un bout du chemin seule en feuilletant les registres paroissiaux de Barisis dans l’Aisne actuelle, j’ai aussi profité de petits cailloux semés par un passionné : tout n’est pas pourri dans le royaume du Danemark, enfin sur le site de Geneanet et les arbres mis en ligne.

Jean et Marie naissent vers 1630-1635 se marient vers 1655 et décèdent vers 1686-1689.

Sujets du Roi Louis XIII puis du Roi Louis XIV, ont-ils eu écho des troubles graves de la Fronde qui frappent le Royaume de France alors en guerre avec l’Espagne.

Jean Rossignol et Marie Blanchart apparaissent dans les registres à travers les actes concernant leurs 10 enfants arrivés à l’âge adulte : une belle famille pour cette époque où tant de petiots meurent très vite, ce qui laisse entendre une certaine aisance et robustesse.

Les 6 garçons se marient Simon, Louis, Raphaël, Charles, Alexis et Jean mon aïeul époux de Marie Pierpont, mention est portée de leur capacité à signer les actes.

Sur les 4 filles Anne, Jeanne et Marie-Magdeleine contractent une alliance,

Marie plus fragile s’éteint dans la demeure familiale âgée de 19 ans en 1685, mention est faite de son inhumation dans la chapelle Notre-Dame de l’église de Barisis. Cela m’intrigue, un indice sur l’honorabilité de ses parents a priori.

AD 02 Barisis BMS extrait 1685

Autour de Jean Rossignol, le patriarche, gravite sa sœur Catherine Rossignol alliée à Henry Carlier fils d’un laboureur du lieu.

Dans la paroisse toute proche de Folembray, Quentin Blanchart le beau-frère exerce les fonctions de garde des bois de son Altesse Royale, lui aussi est inhumé dans l’église du lieu en 1697.

AD 02 Sinceny BMS extrait 1675

A Sinceny autre paroisse voisine, Jean Rossignol a le bon goût d’être parrain d’un enfant où le prêtre mentionne qu’il est garde en la basse forêt de Coucy. Tiens donc il exerce les mêmes fonctions que son beau-frère, ce qui sera aussi le cas de Simon son fils aîné.

Petit résumé de mes réflexions sylvestres sous un grand arbre aux multiples racines, et de vérifications d’actes et de parentés citées.

Un rossignol fredonne, siffle, gringotte au choix et m'encourage à me documenter sur le métier de garde des bois et la basse forêt de Coucy.  


Retrouver cette famille 

Sur les désordres commis en 1650 par les troupes dans les lieux cités



Sources 
AD 02 Barisis aux Bois BMS 1677-1721
Folembray BMS & Sinceny BMS 
Geneanet arbre pseudo milou02 
Photo Pixabay