mardi 4 juin 2024

Si peu remariée

Marie Pierpont, si éloignée dans le temps, cela ne t’ennuie pas que je chuchote à ton sujet ? Tu ignores que plusieurs de tes descendants te comptent comme ancêtre, j’en fait partie. 

Dans l'Aisne actuelle, à peine âgée de quinze ans, rougissante et émue, le 22 janvier 1691, tu pénètres dans l’église paroissiale de Barisis pour unir ta destinée à Jean Rossignol, vingt ans tout juste, pas peu fier de s’établir. 

Outre votre jeunesse vous avez en commun de ne plus avoir vos parents mais une importante fratrie, cette alliance n’est pas la première entre vos deux familles. 

Toi Marie tu es fille de défunt Antoine Pierpont et de feue Catherine Leclerc et ton Jean est fils de défunt Jean Rossignol et de feue Marie Blanchard.

Tu accouches de Charles en 1696 qui ne vit qu’une semaine hélas, et d’un garçon ondoyé à la hâte par la sage-femme Marguerite Dauthuille en 1702, là encore ton époux signe l’acte d’inhumation. Heureusement votre fils Jean Antoine et votre fille Marie Catherine sont des enfants plus costauds qui égayent votre foyer en 1699 et 1703.

Tout bascule un 16 février 1705, Jean Rossignol ton époux s’éteint à trente-trois ans à peine, et te voilà veuve à la trentaine avec deux petits sur les bras. Je subodore le clan des frères Rossignol de t’avoir épaulée, et ne doute pas de ton courage.

Un grand silence de ta part dans les registres pendant 19 années et puis une surprise : j’écarquille mes yeux en découvrant un remariage tardif. Le 25 janvier 1724 tu convoles avec Jean Martin veuf de quelques mois avec 2 grands enfants.

Lui demande à son frère François Martin et à son fils Antoine de lui servir de témoins, et toi Marie tu choisis Alexis Rossignol ton beau-frère et ton fils Jean Antoine.

Et autre surprise ton nouvel époux trépasse le 12 février suivant, tout cela s’avère étrange.

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Que de supputations de ma part : un remariage par intérêt, lié aux suppliques d’un veuf qui cherche une ménagère ou une garde-malade, ou lié aux pressions d’enfants qui ne souhaitent plus t’héberger.

Mais non tu n’es pas brouillée avec les tiens puisque tu portes sur les fonts baptismaux ta petite-fille Marie-Catherine Tellier et ton petit-fils Jacques Philippe Rossignol en 1728 et 1732.

Tu as le temps de voir grandir plusieurs de tes petits-enfants, de s’occuper d’eux, tout en continuant à filer le chanvre au coin du feu, sans être flanquée d’un compagnon ronchon ou autoritaire.

AD 02 BMS Barisis extrait 1739 

Début 1739 ton temps est compté, tu reçois les sacrements de pénitence, du saint viatique et l’extrême onction avant de t’éteindre entourée des tiens le 1er octobre 1739 à environ 66 ans. Le lendemain ton fils Jean Antoine signe ton acte d’inhumation, tout comme Antoine Marchand et Jean-Baptiste Marlot un autre ancêtre, soit dit au passage, à la signature affirmée voire envahissante.

Tu es désignée comme veuve de Jean Rossignol, veuve pendant 34 années après 14 ans d'une union avec le père de tes enfants. Si peu remariée avec Jean Martin, que cette éphémère alliance est passée à la trappe.

Etonnante Marie Pierpont juste une dernière confidence : j’ai osé intituler une rencontre avec ta fille Dépoussiérer Marie-Catherine Rossignol



Sources 
- Image détail tableau Le Nain
©Washington National Gallery of Art
- AD 02 Barisis BMS
- Indices arbre Geneanet milou02


20 commentaires:

  1. J'adore le compagnon ronchon ou autoritaire .... on dirait du vécu !

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  2. Une ancêtre "invisible" sortie de l'ombre avec pudeur

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  3. Traces et petits cailloux4 juin 2024 à 14:37

    Jolie évocation

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  4. Ha ! Toutes ces questions qui assaillent l'esprit à la lecture de cet étrange second mariage.

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  5. Un des intérêts et non des moindres de la généalogie, les supputations, les suppositions, les interprétations des actes, de la vie de nos ancêtres. Un acte d'Etat-civil, notarié, un manuscrit associé aux histoires nationale, régionale, locale nous donnent des indices mais autant de voies de réflexion sur leur existence. Était-ce des gens simples, honnêtes, réfléchis,
    espiègles, inconstants... Comment ont-ils réagi face aux événements familiaux, historiques... Deux fois veuve, comment Marie Pierpont a t'elle supporté ces deux malheurs? Résignée, effondrée, dignement... Merci de ce récit touchant, intime, respectueux envers Marie que l'on aurait envie de prendre affectueusement dans nos bras.
    Jean-Paul.

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    1. Très sympathique commentaire détaillé, il nous faut en effet tirer le moindre indice d'actes, de liens familiaux ou de l'histoire locale aussi

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  6. J'aime beaucoup votre façon d'écrire , on s'y croirait

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  7. Belle narration...j'adore

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  8. Votre texte, que je découvre, grâce à la Gazette du vendredi, est touchant et très joliment troussé : c'est un plaisir de voir Marie Pierpont reprendre vie grâce à la magie de vos mots !

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  9. Fanny, je vais émettre, si tu le permets une hypothèse. Marie et Jean Martin se sont aimés de longues années, après son veuvage, mais lui était toujours marié à une épouse malade ou infirme. Lorsqu'elle est morte, le couple a enfin pu officialiser son union, connue de tous et ainsi échapper à l'enfer qui leur aurait été promis s'il n'y avait pas eu régularisation.

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  10. Merci pour ce récit, que j'aime beaucoup, et qui me renvoie à mes propres supputations sur un certain nombre de personnages de ma généalogie... Merci !

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  11. Touchant , ça ne donne envie de faire la même chose pour certains des miens ...merci pour ce bon moment !

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    1. Allez lancez vous, mettre des mots sur ses trouvailles pour partager autour de soi

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  12. C'est vraiment une belle façon la manière de raconter sa vie à ton ancêtre et tant pis pour les supputations, les suppositions. Je suis très touchée par ce récit et je vais m'en inspirer pour conter la vie (pour certains supposée) de certains de mes ancêtres. Bravo à vous.

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  13. Il n'est pas fréquent que j'apprécie un texte dans lequel un généalogiste -comme je le suis aussi- fait parler un aïeul dont rien ne permet, en réalité, de connaître les réactions et sentiments face à des situations que nous ne pouvons que peu contextualiser. J'ai lu ici un texte sensible, fin, respectueux de votre aïeule Marie Pierpont. cela m'a touchée.

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