samedi 16 décembre 2023

Catherine Clément à demi-mot

Cette courte journée hivernale me donne envie de rejoindre par la pensée Catherine Marie CLEMENT une arrière-arrière-grand-mère drômoise. Là, à Montmeyran, cette discrète femme du 19ème siècle, m’attend au crépuscule de sa vie.

Ai-je pénétré ou pas dans cette maison des Dorelons pas très haute avec une génoise de trois rangées de tuiles ? Qui sait ? Je la situe, découverte adolescente, alors qu’elle était désertée et muette.

Assise au coin du feu sur une petite chaise paillée, un châle tricoté sur les épaules, un chat endormi à ses pieds, seul le tic-tac de la pendule rompt le silence de la pièce, Catherine laisse ses pensées vagabonder dans le passé. Elle est largement octogénaire en cette fin 1896, visage ridé, et articulations douloureuses en témoignent.

Photo Pixabay

Catherine Marie tu débarques au foyer de Claude CLEMENT cultivateur et Catherine SAYN le 10 juin 1808, et ta grande sœur Catherine Madeleine se penche sur son berceau du haut de ses dix-sept mois. Tu gardes comme prénom d’usage Catherine, et ta sœur celui de Madeleine !

Ensuite ton petit frère Claude fait un passage trop rapide sur cette terre, tes frères Jean Claude et Jean Pierre agrandissent la fratrie, l’un devient cultivateur, l’autre cordonnier, suivis de Louise disparue à vingt-cinq ans hélas.

Enfants sages ou dissipés qui sait ? Enfants devant rendre des services aux grands sûrement, enfants envoyés à l’école, pour tes frères je suis affirmative, et pour ta sœur Madeleine aussi, mais toi Catherine je doute, car tu ne sais pas signer, cela me chagrine.

Autour de toi gravitent alors tes grands-parents paternels Claude CLEMENT et Magdeleine VINCENT et ta tante Elisabeth SAYN la sœur de ta maman.

Papa Claude, comme grand-papa Claude, est cultivateur mais aussi marchand de bestiaux.

***

Montmeyran, gros bourg de 2000 habitants, est un grouillement tumultueux de gens et de bêtes lors de quatre foires annuelles où, blouses bleues des hommes et coiffes blanches des femmes, se côtoient dans les rues, et sur le champ de foire envahi par les bœufs, mulets et chevaux. Marchands venus du Languedoc et de Provence croisent les militaires qui s’approvisionnent pour équiper les troupes d’Algérie au moment de la conquête, lors du marché spécial mensuel aux chevaux et mulets.

Pas étonnant que ton village Catherine, outre les cultivateurs, comporte une batterie de charrons, forgerons, des bourreliers et cordonniers. De nombreux cabaretiers peuvent épancher la soif des maquignons et assouvir la faim de tout le monde drainé par les différents marchés et foires.

Le perruquier offre ses services à qui souhaite avoir une meilleure allure, la modiste et la marchande d’indienne proposent leurs nouveautés pour qui détient une bourse bien garnie, l’épicier répond présent aussi, et bien sûr l’inévitable étude notariale.

Montmeyran place de la mairie 

Le bourg se transforme avec la construction d’une nouvelle mairie et des salles de classe attenantes, sans oublier l’école des Dinas et celle des Rorivas.

Le temps file, et voilà que tu convoles avec Pierre ARNOUX cultivateur fils de Jacques ARNOUX et Marianne SAVOYE, vos parents respectifs qualifiés de cultivateurs et propriétaires donnent leur consentement le 26 février 1836, un froid jour d’hiver.

Puis le temple tout neuf accueille votre bénédiction de mariage et ensuite les baptêmes de Marie et Jean Pierre en 1839 et 1842.

Tu as délaissé la maison familiale de la Chapiane pour intégrer le noyau familial de ton époux aux Dorelons, avec un temps ton beau-frère Jacques et tes belles-soeurs Marie Anne.

Les curieux agents recenseurs fournissent de précieuses indications des proches qui t’entourent selon les années, ceux qui disparaissent, ceux qui font retentir leurs rires ou leurs caprices ! Tous les quatre, toi Pierre et les enfants êtes recensés en 1846.

AD 26 Recensement Montmeyran 1846 extrait


Et dis-moi Catherine, ta fille Marie tailleuse en robe, elle a déserté bien jeunette le giron familial pour épouser « son » fontainier Henri DEFFAISSE un froid jour d’hiver encore le 7 décembre 1855, je les ai déjà rencontrés ICI, ils logent à deux pas de toute façon.

Ton gendre a été autorisé en 1871 à amener l’eau potable, à ses frais, jusqu’au village pour améliorer la desserte des maisons du centre en plus de la fontaine publique, les ménagères disposent par la suite d’un lavoir public.

Ton village continue de changer, avec une nouveauté extraordinaire : l’éclairage au gaz avec 5 lampes à pétrole qu’on échelonne dans la principale artère, un médecin s’installe, le pasteur dispose d’un presbytère, le curé est aidé par un vicaire.

On parle d’un projet de chemin de fer entre Valence et Die passant par Montmeyran, mais toi Catherine désormais veuve tu ne connais que les villages environnants !

Cliquer pour agrandir- fait avec Canva

Ta vie, votre vie d'agriculteurs sur une petite exploitation n'a pas du être facile, soleil intense l'été, gelée blanche parfois tardive en mai, récolte détruite par la grêle hachant les blés et défeuillant les arbres. 

Enfin voilà que ton fils Jean Pierre dit Jean s’établit à plus de trente ans avec Noémie Olympe LAGIER un jour d’été cette fois le 20 août 1875, passage chez le notaire d’abord, la mairie à Upie et au temple de Montmeyran. Tu sais Catherine j’ai toujours une nappe aux initiales de Noémie.

Désormais, des jeunes pousses autour de toi égayent ton quotidien, et comme inscrit dans le marbre, enfin dans un registre de recensement de 1891 vous êtes tous là  une dernière fois : Jean agriculteur, Noémie et les enfants  Désirée, Nésida, Bénoni, Isabelle et puis toi Catherine la grand-mère. Laquelle de tes petites filles te ressemble ?

AD 26 Recensement Montmeyran 1891 extrait

Peu après Nésida et Isabelle ma grand-mère partent étudier pour devenir institutrices, incitées en ce sens par leurs parents, et toi Catherine tu désertes cette terre le 7 février 1897 âgée de 88 ans, un jour d'hiver. 

Evocation parcellaire d'une trop discrète aïeule ancrée dans un même lieu, au fil de vie ordinaire, juste pour que la mémoire de Catherine CLEMENT soit moins délavée par le temps. 
 


Retrouver 
sa belle-fille : chère Noémie merci 



jeudi 7 décembre 2023

Gasparde guérisseuse ou sorcière

Surprenant, s’avère être, le fil de vie de Gasparde Romollon, fille de Claude Romollon et de Marie Mellurin mes ancêtres à la 11ème génération, et sœur aînée de Claudie Romollon épouse de Thadée Clappier, couple précédemment mis en valeur dans un billet intitulé Un aïeul mentionné aveugle.

La famille habitait en Haute Maurienne à Modane dans le Duché de Savoie à la fin du XVIIème siècle, et faisait partie des rescapés de l’épouvantable épidémie de peste qui avait sévi dans la vallée en 1630 et 1631.

Gasparde Romollon, lointaine collatérale, lors de son baptême le 19 décembre 1632 à Modane, reçut le prénom de sa marraine épouse de Jacques Romollon le parrain, des proches donc.

Hans Sebald Beham-Musée du Louvre
En ce temps-là, dans une société montagnarde et paysanne qui luttait pour sa survie, on craignait Dieu, les éléments, les épidémies, les sortilèges et maléfices, car on était désarmé face aux maladies des gens mais aussi du bétail, désarmé face aux calamités naturelles.

Le parcours singulier de Gasparde est retracé dans l’ouvrage de Jean et Renée Nicolas sur « la vie quotidienne en Savoie aux XVII et XVIII èmes siècles » et évoqué dans un article de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne de Michèle Brocart-Plaut.

La matière leur a été fourni par un procès conservé aux archives départementales de Savoie « ma » Gasparde apparaissant dans une affaire jugée par le Sénat en 1686 pour un type de délit : sortilèges et maléfices.


Stupeur de ma part lors de cette découverte, et grande curiosité surtout !

Gasparde Romollon était considérée pour être une fameuse guérisseuse, elle qui fut une élève pendant douze années auprès d’un médecin de La Grave en Dauphiné, et la rumeur lui prêtait de réels talents.

« Entre autres cures, appelée pour un petit enfant « enflé » elle le frotte d’une certaine huile et fait aller chercher trois "babies" c’est-à-dire des crapauds, qu’elle enveloppe dans du linge, et pendants trois nuits fait coucher le petit enfant dessus pour qu’ils attirent le venin. Ailleurs elle prescrit l’herbe de la " rotaz" pour faire décailler le sang, ou encore un emplâtre pour les ruptures, coupures, et catarrhes ».

« L’herbe de l’encombre, dont elle use aussi, est bonne à ôter les maléfices ; il faut la cueillir à jeun le matin, ou plutôt la veille de la Saint-Jean car elle agit ainsi avec beaucoup plus de force. »

« Elle lève aussi les sorts aux bêtes, vaches ou poules dit-on. 

Tout cela pour un salaire modeste, sa nourriture tant qu’elle est là, une place à l’écurie, une quarte de pommes ou de noix quand elle s’en va. »

Requise par le cordonnier Arnaud de Termignon, dont l’épouse souffrait de mille maux et avait fait des pèlerinages, Gasparde s’installa à demeure chez le couple pour préparer ses drogues et exorcismes, désigna une coupable mais ne réussit pas cette fois à lever le sort.

Pour lever ledit sort, Gasparde désignait l’ensorceleur, le faisait venir et utilisait le cérémonial suivant :

« Elle dépose un vêtement sale du malade, bien imprégné de ses sucs, dans un chaudron neuf, avec une livre de sel béni. Après l’avoir posé sur le feu, elle fait jeter tous les liquides contenus dans la demeure, fermer toutes les fenêtres et même le trou de la serrure, car, dit-elle, là ou peut se tenir une mouche il y entre un heregoz soit une forme de sorcier. 
Puis elle prend l’une après l’autre cinq petites verges d’osier composées chacune de neuf brins et en bat le cul de chaudron de la main droite, jusqu’à usure des brins. Dans le même temps, elle maintient le chaudron avec un bâton de frêne béni tenu de la main gauche, et remarque au passage que, si l’on prend de l’eau bénite avec le doigt, on lui ôte toute sa vertu. »


La corde est raide entre guérir et désensorceler vous vous en doutez-bien, les curés trouvent à redire à ses manèges, des bruits courent sur sa mauvaise influence et Gasparde fut dénoncée par ceux-là mêmes qu’elle a soignés et parfois guéris.

Gasparde Romollon feu Claude de Saint Julien-Montdenis a la cinquantaine au moment de son procès vers 1687. Les juges ont renoncé à la cataloguer sorcière, le Procureur Général du Sénat ayant souligné « ses remèdes ont presque toujours eu un heureux succès. » Toutefois le bruit qui se fait autour d’elle indispose la justice qui finalement la condamne au bannissement à vie.

En cette fin du XVIIème siècle dans les Etats du Duc de Savoie la mort par le feu des sorciers ou sorcières n’existait plus, et le bannissement des états du Duc de Savoie, fut reconnu comme la peine maximale. Au préalable les condamnés devaient subir  une peine humiliante et afflictive, conduits à tous les carrefours de la ville, pour y être battus jusqu'à effusion de sang, ils devaient payer une lourde amende, assortie quelque fois de la confiscation de leurs biens.

Je ne sais si ma lointaine collatérale bannie (mais pas sorcière) eut à subir l’ensemble de ces procédés, pensées à elle enfuie dans une région inconnue, morte au bord d’un chemin ou dans une hutte abandonnée …

Pour ma part Gasparde Romollon figure dans mon arbre comme guérisseuse. 


Sources 
AD 73 BMS Modane 

samedi 21 octobre 2023

Autour de Judith Arnoux

Dans un premier temps, ce furent de brèves rencontres avec Judith Arnoux une lointaine aïeule née vers 1620 en Dauphiné, rencontres à l’occasion des baptêmes de ses sept enfants entre 1642 et 1658, Jacques Imbert en est le père.

Bien emmaillotés, les tout-petits sont conduits depuis Montmeyran leur paroisse natale au village tout proche de Beaumont les Valence. Là officie le Pasteur, car la famille adhère aux idées de la Réforme, et il convient que ces enfants naissent au monde chrétien par le sacrement du baptême.

Grand merci au Pasteur Dumarché d’avoir précisé que le couple habitait au hameau des Dinas à Montmeyran lors du baptême de Suzanne en mars 1654. Jacques Imbert, fils de Jean, doit être travailleur de terre, et les parents de Judith Arnoux me sont inconnus.

Ai-je aperçu des silhouettes lointaines de couleurs grises, entendu de très vagues pleurs et des rires d’enfants, des consignes maternelles ou des ordres paternels aux sons assourdis, des bruits de sabots, les meuglements d’un bœuf ? Bref j’ai un peu rêvé, et ensuite bien écarquillé mes yeux sur des écrits notariaux.

Musée du Louvre gravure Jacques Callot

Après des années de silence, ma vraie rencontre avec Judith Arnoux, s’opère lors du contrat de mariage de la petite dernière Eve Imbert tout juste vingt-deux printemps en ce premier novembre 1680.

Tout devient plus concret dans mon esprit, les couleurs apparaissent dans une gamme de brun selon les étoffes, des petites touches de blanc avec une petite coiffe ou un sobre rabat et les personnages prennent forme malgré le faible éclairage. Bruits de sabots encore, de souliers et de crissements de bottes en cuir, chaises que l’on déplace autour d’une table.

Là dans la métairie d’un dénommé Arnoux, venu d'Upie Maître Cornier officie doctement en tant que notaire royal et garde-note, 

Là, honnête Judith Arnoux, veuve de Jean Imbert, intervient en tant que tutrice de sa fille, ainsi que Jean son fils aîné, seul le visage de la promise reçoit un brin de lueur.

Le promis, honnête Jacques Bonnet, vingt-cinq ans révolus, fils de feu Pierre Bonnet et d’honnête Gérentonne Allier, se trouve sous l’autorité de Jean Terrail son beau-frère, en présence de son cousin Antoine Arnoux fils de Jacques.

Selon les formules habituelles les fiancés s’engagent de se prendre pour époux à première réquisition en face de l’église de la Religion Prétendue Réformée. Tiens donc ces familles n'ont pas abjuré malgré les pressions et les dragonnades. 

Judith Arnoux en tant que mère, à qui le mariage est agréable, constitue une dot à sa fille qui s’élève à cinquante-cinq livres payables dans quinze jours, et Jean Imbert constitue à sa sœur une dot de quarante-cinq livres et lui lègue cent livres en référence au dernier testament paternel.

Voilà la promise en mesure de contribuer aux charges du mariage et à deux pas de passer sous l’autorité de son mari.

Ledit Jacques Bonnet donne pour augment à ladite future épouse, en cas de survie, le tiers-deniers de tout ce qu’il recevra, lequel augment appartiendra aux enfants à naître du présent mariage et l’autorise à demeurer dans la maison de ses héritiers tant qu’elle restera veuve.

Tel est l’esprit du contrat noté par le méticuleux notaire, dans un jargon savoureux truffé de répétitions, car nos anciens étaient pointilleux et organisés.

AD 26 Notaires extrait contrat 1680

Ensuite Maître Cornier cite les témoins du contrat de mariage et les invite à parapher l’acte, et défilent à mon grand étonnement : Mr Milhan Bouchaud Ecuyer et Conseiller du Roi et Lieutenant de la maréchaussée de Valence, Noble Laurent de Montoyson Lieutenant au régiment de Languedoc, Mr Charles Banc notaire de Montmeyran, Sieur Jean Faure de Beaumont.

Lointaine Judith Arnoux (sosa 2023) mère de deux de mes ancêtres dont Eve Imbert (sosa 1011) vous êtes avec du beau monde ce jour de contrat. Avez-vous vraiment choisi ces témoins ? Un mystère à tout jamais.

Une quittance de Jacques Bonnet (sosa 1010) votre gendre atteste le 26 août 1681 du versement de votre part soit cinquante-cinq livres en louis d’or et d’argent ayant cours, et de l’apport par Eve votre fille d’un coffre en sapin et d’une garniture de lit.

Le couple "ayant fêté Pâques avant les Rameaux" selon l’expression populaire, une petite Judith Bonnet (sosa 505) naît moins de trois mois après la signature du contrat, baptisée à quinze jours le 9 février 1681 par le Pasteur, Jean et Suzanne vos enfants en sont les parrain et marraine.

Lointaine ancêtre de l'année, chère Judith vous êtes encore mentionnée dans les contrats de mariage de vos filles Suzanne et Magdeleine, vos yeux se sont donc fermés après l'an 1691 et vous avez été conduite à votre dernière demeure très vraisemblablement en terre profane comme vos filles. 

Merci à celles et ceux qui auront parcouru ces quelques lignes sur une invisible ancêtre. 



Thème du Rendez-Vous Ancestral mensuel des généablogueurs
Thème de l'ancêtre de l'année n° 2023 suggéré
 par la Fédération Française de Généalogie 



Sources 
AD 26 BMS Beaumont les Valence et relevés EGDA
AD 26 Archives notariales
Me Cornier 1680-1682 2E 3157 vues 23-25 et 126-127



samedi 9 septembre 2023

L'école des Dinas

Avouons le, on a tous rêvé de découvrir l’école et la salle de classe d’une arrière-grand-mère ou d’un grand-oncle. Avec la mise en ligne sur les Archives Nationales des questionnaires remplis en 1884 par les institutrices et instituteurs sur les écoles primaires publiques, c’est possible. Ne vous en privez pas. 

Tout est répertorié par Département et par cantons de l'époque, il suffit de patience et d'indulgence pour la visionneuse.

J'ai ciblé ma première recherche sur la Drôme et Montmeyran, pour l'école primaire de filles du hameau des Dinas, école qui accueillit Désirée et Nésida Arnoux mes grand-tantes et Mamie Isabelle toute trois filles de Jean Pierre Arnoux et Noémie Lagier. 

AD 26 Montmeyran cadastre 1960

Pour être honnête ma premières approche de cette école s'est déroulée par le truchement d'un rendez-vous ancestral imaginaire en 1896 où j'ai assisté à la classe de l'époque : l'alphabet d'Isabelle. 

Cette fois-ci, le rapport officiel de Mademoiselle Marie Louise Garaix institutrice en 1884 me donne l'occasion d'entrer dans son école et de découvrir les conditions d'accueil des enfants. 

Soigneusement j'ai recopié sur une ardoise imaginaire l'essentiel des réponses, cliquez donc sur les visuels pour les découvrir. 








La dépense est le local où l'on dépose les provisions, synonyme de débarras, et le galetas est synonyme de grenier. 

La section de 762 habitants doit regrouper plusieurs hameaux situés à l'est de la commune, outre les Dinas, les Rorivas, les Dorelons, le Mourayer par exemple.

A la tête d'une troupe de plus de 45 filles, Melle Garaix l'institutrice a besoin d'être organisée entre occuper et initier les toutes petites à la lecture, l'écriture et au calcul, et préparer les grandes au certificat d'études primaire. L'année du questionnaire Désirée Arnoux  âgée de 9 ans est scolarisée dans sa classe et peut-être Nésida âgée de 5 ans. 

Marie-Louise Garaix, protestante, née le 21 mai 1820 à Dieulefit dans la Drôme, a enseigné à l'école des Dinas de Montmeyran depuis 1856 d'après les recensements, où parfois une ou deux pensionnaires sont mentionnées. Elle prend sa retraite le 1er octobre 1887 après 27 ans et 9 mois de services, restée sur la commune elle s'éteint à son domicile, place du Temple, le 4 novembre 1895, entourée de deux neveux négociants.

***
Isabelle Arnoux mon aïeule, scolarisée à cette école des Dinas vers 1893, a comme institutrice Mademoiselle Amandine Cécile Cornélie Bachasse. Cette dernière, fille d'instituteur, naît à Saint-Roman le 2 novembre 1848, reste aussi à Montmeyran une fois sa retraite prise, où elle décède à 97 ans le 13 février 1945.

Melle Bachasse était la fondatrice de l'association amicale des anciennes élèves des écoles primaires publiques et fut nommée Officier de l'Instruction Publique en janvier 1913.

***

Voici mon petit tour à l'école de filles des Dinas, à la rencontre de ses premières institutrices, il existe aussi l'école des Dinas, dite également des Rorivas, pour les garçons avec une classe, sans oublier les écoles publiques primaires du village avec quatre classes en 1884. 

Allez soyez curieuses et curieux et farfouillez dans les questionnaires de 1884.


Sources 
Archives Nationales 
AD 26 Montmeyran EC et recensements
AD 26 Saint-Roman EC
Gallica JO 1887 et JO 20 janvier 1913

Pour aller plus loin 

samedi 2 septembre 2023

L'école avant Jules

L’école avant Jules - sous-entendu Jules Ferry - 
c’est l’école de François Guizot ministre de l’instruction publique dans une loi votée en 1833 sous la Monarchie de Juillet,
et c’est aussi l’école d’Alfred de Falloux en 1860 sous le second Empire 

L'instruction n'est ni obligatoire ni gratuite. Cependant, un comité communal a la responsabilité de s'assurer « qu’il a été pourvu à l’enseignement gratuit des enfants pauvres. » soit un sur trois environ. Cette école est réservée aux garçons et oui ! 
Puis elle est étendue aux filles par l’ordonnance de 1836. 



Cette instruction primaire élémentaire comprend nécessairement l’instruction morale et religieuse, la lecture, l’écriture, les éléments de la langue française et du calcul, le système légal des poids et mesures. 

Si dès 1833, toute commune - de plus de 500 habitants - a l’obligation de financer une école de garçons, ce n’est qu’en 1850 et 1867 que cette obligation est étendue à une école de filles selon que la commune comporte 800 ou 500 habitants.

Le cadre ainsi posé, allez en route pour la Drôme : j’imagine la lecture attentive de deux instituteurs de Montmeyran et Upie, communes où j'ai des ancêtres, et leur nez plongé dans le rapport de 1856 du Préfet au Conseil Général du Département du Rhône. 

De ce rapport établi sous le Second Empire, je vous propose une modeste mise en lumière d’éléments chiffrés sur les enfants scolarisés.  Cliquez sur les visuels pour les agrandir.



A noter que le traitement moyen des instituteurs laïcs est de 666 francs environs et celui des frères est de 500 francs. 
Certaines écoles accueillent les enfants du culte catholique, d'autres reçoivent des enfants du culte protestant et enfin d'autres écoles acceptent les enfants des deux cultes. 
Ecoles tantôt réservées aux garçons, tantôt aux filles ou ouvertes à l'ensemble des enfants. 



A cette même époque, les états dressés pour la formation des contingents de l'armée indiquent que près d'un tiers des gars de 20 ans ne savent ni lire ni écrire dans la Drôme .


Ah si l'école était obligatoire et gratuite se disaient peut-être mes instituteurs de Montmeyran ou d'Upie, le niveau d'instruction s'améliorerait, pour cela il faudra attendre les lois du ministre Jules Ferry en 1881 et 1882.

Quant à mes ancêtres adultes en 1855 dans la Drôme, si Pierre Arnoux et Daniel Lagier cultivateurs savaient signer, il n'en était pas de même de leurs épouses respectives Catherine Clément et Elisabeth Métifiot.

Dans l'Aisne, Jean-Baptiste Mercier et Catherine Lefort enfant naturelle signaient tous les deux, bien que de condition modeste, tout comme Rosalie Ernestine Brugnon et Jean Joseph Lescouet lui brigadier-forestier. 

Clap de ce tour d'horizon partiel, en vous suggérant de dénicher des éléments dans les documents en ligne sur les écoles et l'enseignement dans les départements de vos ancêtres. 



N.B les salles d'asiles, au départ, sont créées en milieu urbain pour les enfants d'ouvrières sous les auspices d'œuvres de bienfaisance 

Source 
Gallica : Annuaire du Département de la Drôme 1857
Visuels faits avec Canva 



samedi 26 août 2023

Le noyé identifié

Alors que je farfouillais dans un registre paroissial de Barenton sur Serre, village de l’ancien Laonnois, où certains de mes ancêtres ont vécu, mon attention a été attirée par le libellé détaillé d’un acte d’inhumation de 1726.


Je vous livre la version toilettée de l’acte de Monsieur le Curé Denailles :

« C’était le vingt cinquième jour du mois d’août mille sept cent vingt six, un jeune homme conduisant un chariot tiré par des bœufs, qui pressés par la chaleur se jetèrent dans l’eau avec précipitation, pour les en retirer, il fut noyé,
ses camarades s’en étant allé bien vite sans se mettre en peine de faire chercher le corps du défunt, des pêcheurs de Cohartille l’ont cherché et mis au bord de l’eau, où nous l’avons été quérir sur le champ et déposé dans l’église,
l’on n’a rien trouvé sur lui qui puisse faire connaître son nom, son pays, ni sa religion, présumant qu’il fut chrétien et catholique nous l’avons fait ensevelir et l’avons inhumé le même jour,
une bonne partie des paroissiens ont assisté à l’enterrement et quelques uns ont signé comme en suit le jour et an que susdit. »


« Le douzième jour de septembre de la susdite année que susdite ont comparu Guillaume Toupé bouvier demeurant à (blanc) lequel a déclaré que le jeune ci-dessus était son fils et s’appelait Jean Toupet.»


Pauvre Jean qui se noya alors qu’il tentait de rapatrier ses bœufs sur la rive, lâcheté de ses acolytes qui prirent la fuite, dévouement des pêcheurs du village voisin et empathie de la population de Barenton sur Serre.

Pauvre père aussi qui récupéra ses bœufs sans son fils et se déplaça sur les lieux pour informer le prêtre,

Telle est cette mini-chronique villageoise dans une plaine près du confluent de la petite rivière la Souche et du ruisseau de Chambry, aujourd'hui dans le département de l'Aisne.


Sources 
AD 02 BMS Barenton sur Serre 1668-1740 vue 68
Image de Gallica et extrait de la carte de Cassini

jeudi 29 juin 2023

Impériale crinoline à Chauny

En voiture, mais pas n’importe laquelle, impériale s’il vous plait, puisqu’au top de 11 heures le train spécial de l’Empereur Napoléon III s’ébranle depuis Compiègne où la Cour séjourne à l’automne.

Donc ce vendredi 26 novembre 1858, Sa Majesté accompagnée de l’Impératrice Eugénie embarque pour une promenade improvisée dans une localité environnante pour visiter ses loyales populations et découvrir le savoir-faire français.

Si si, je réponds bien à la suggestion du généathème mensuel autour du second Empire, enfin à ma manière et grâce au truchement de deux journalistes qui relatent d’une manière délicieusement précise, surannée et dithyrambique l’épopée impériale à Chauny dans l’Aisne.

Billet dédié à tous les ouvriers et employés anonymes de l’usine de la Soudière de Chauny et ceux de la maison-mère de la Société de Saint-Gobain, manufacture royale de glaces crée en 1665, pas moins !

Billet dédié à un arrière-arrière-grand-oncle Barthélemy Frédéric Mercier qui fut un temps doucisseur de glaces à Chauny, et à un lointain collatéral Charles Brodelet employé aux chemins de fer à Chauny et à sa dulcinée, descendante de Félicité Lefort dont j’ai relaté la vie.

Donc l’impérial train atterrit, pardon arrive à midi en gare de Chauny, en descendent l’Empereur, l’Impératrice, et sa garde rapprochée mise dans ses bagages : un ministre, un chambellan, un général, un membre de l’Académie Prosper Mérimée en l’occurrence, et trois dames d’honneur aussi.

©Archives Saint-Gobain : l'atelier de polissage

Dans la gare pavoisée de Chauny, sur le quai pour réceptionner cette arrivée impromptue, se bousculent le Préfet de l’Aisne, le Maire et l’Evêque accouru de Soissons et j’en passe, et répondent présents les administrateurs de la Manufacture de glaces.

Après les honneurs rendus par la Garde nationale, en calèches découvertes (arrivées la veille de Compiègne) ou chars à bancs locaux, et sous les ovations, jusqu’à l’usine de la Soudière pavoisée, le cortège débouche sur les lieux où tous les ouvriers des glaces sont rangés par corporations pour accueillir leurs majestés impériales, et bien sûr le directeur M. Lacroix.

« Trois jeunes ouvrières savonneuses se sont alors avancées au-devant de Leurs Majestés et après leur avoir fait un compliment l’une d’elle a offert un bouquet à l’impératrice. »

Au programme de Chauny sont inscrites les visites des ateliers du polissage, de la savonnerie, le magasin des glaces et l’étamage.

Dans la savonnerie une ouvrière renseigne avec franchise sur le mode opératoire qui consiste à frotter l'une contre l'autre deux glaces entre lesquelles on a interposé de l'émeri en pâte, délayé dans l'eau.

© Archives Saint-Gobain ; démonstration de l'étamage

« Mais c’est dans la salle de l’étamage qu’a lieu un incident charmant qui a produit une délicieuse émotion chez toutes les personnes présentes. L’Impératrice a voulu accomplir toutes les opérations de l’étamage et se servir des différents outils pour ce travail d’une exécution délicate. On lui fournit une glace, la feuille d’étain et le mercure.

Une ouvrière guidait Sa Majesté dans cette tâche dont elle s’acquittait avec une grâce et une animation charmantes et que l’Empereur suivait du regard avec satisfaction. L’opération terminée, l’ouvrière a présentée à l’Impératrice la glace achevée qui a reproduit les traits de son charmant visage animé par le travail qu’elle venait d’accomplir.

Au dénouement de cette scène que la plume est impuissante à raconter, un cri d’admiration a éclaté dans la salle et en se retirant l’Impératrice a donné cent francs à l’ouvrière qui avait eu l’honneur de l’aider. »

L’autre source précise que la gracieuse Eugénie avait relevé les manches de son par-dessus bleu pour opérer sans gêne et que sa contribution visait à payer son apprentissage (disons son essai). Elle préféra que « sa glace » soit conservée dans l’établissement.

« Sorti de l’usine au bruit des acclamations, le cortège pris la route de Saint-Gobain en traversant Sinceny et Rouy dont la population faisait haie. »

A l’établissement de Saint-Gobain, les directeurs ont prévu une collation pour leurs majestés et pris toutes dispositions pour le spectaculaire coulage d’une glace. « Qu’on se figure en effet au milieu de l’obscurité aménagée d’une salle, une coulée de feu se déroulant comme la lave du volcan sur une table et illuminant d’une lumière magique la salle dans laquelle étaient rangés les ouvriers dans leur costume pittoresque. »

Sur le chemin de retour de cette excursion dite improvisée, alors que la nuit commence à tomber, le clocher de Sinceny s’illumine de feux de Bengale, et puis à l’arrivée de Chauny dans le beau parc de M. Lacroix directeur un superbe feu d’artifice éclate, dans la ville les illuminations d’arcs de triomphe se reflètent jusqu’au canal.

Il ne reste plus qu’à toutes ces illustres personnes à prendre congé mutuellement, et à se souvenir de cette mémorable journée, de la raconter à leurs proches.

Avez-vous trouvé des visites impériales dans les villes ou régions de vos ancêtres ?


Pour les curieux 

samedi 24 juin 2023

A deux jours près

Tout avait bien débuté par une cérémonie dans l’église de Cuts en terre picarde, à une lieue de Camelin berceau de la famille Lefort, entouré par ses proches Antoine Charles Lefort signait son acte de mariage le 14 novembre 1775 avec Marie Cécile Cauchy.

Le couple s’était installé à Cuts au lieudit Gournay, et avait accueilli cinq enfants entre 1776 et 1784. En tant que tisserand, mon lointain grand-oncle œuvrait de longues heures, penché sur son métier à tisser.

Eglise de Cuts ©Mireille Grumberg communes.com

Dans cette paroisse de plaine, au territoire morcelé et aux hameaux dispersés, on cultivait le lin et le chanvre et on y comptait de nombreux tisserands, voisinant avec des laboureurs.

Au cours de l’hiver 1784 il tomba une énorme quantité de neige, dont la fonte amena des inondations. L'été fut d'une grande sécheresse et la récolte fut mauvaise.

Une maladie épidémique vint en 1786 frapper les habitants de Cuts, et suivant le rapport du chirurgien Dolignon cette épidémie aurait été une fièvre putride.

Aussi à la date du 31 mars 1786, le minutieux Curé, inscrivit-il dans son registre l’inhumation d’un jeune Antoine Charles Lefort âgé de huit ans.

Et à la date du 2 avril 1786, le prêtre inscrivit l’inhumation d’Antoine Charles Lefort le père, âgé d’environ trente-deux ans, à laquelle assistait Antoine Rabeuf chanvrier, son parrain et oncle par alliance venu de Camelin, et Louis Lefebvre un cousin manouvrier venu de Saint-Aubin.

AD 60 Cuts BMS 1786

Ces deux disparitions rapprochées étaient-elles imputables à la maladie qui sévissait ?

Marie Cécile Cauchy l'épouse et mère se remaria par deux fois à Cuts pour assurer le devenir des orphelins qui firent souche dans la paroisse. 

Il restait à prévenir la famille de Barisis aux Bois et peu importe le patronyme du marchand qui fut porteur de mauvaises nouvelles.

Une grande tristesse s’abattit dans la maison qu’occupait Marie Marguerite Tellier la mère et grand-mère des défunts. Cette dernière alors veuve d’Antoine Lefort avait pour la soutenir et l’entourer son second fils Louis Alexis Lefort mon ancêtre.


Retrouver le mariage d'Antoine Charles et Marie Cécile 


Sources
AD 60 Cuts BMS
Wikipedia

 

samedi 17 juin 2023

Un double baptême

Brume matinale, d’autant que la veille j’ai abusé du registre paroissial de Barisis aux Bois, terre picarde, et début de rendez-vous ancestral, puisque me parvient l’écho d’une discussion de deux commères.

- Tiens la matrone est passée très tôt ce matin et à toute vitesse !
- Qui a les douleurs de l’enfantement ?
- Peut-être la Marguerite Tellier, elle s’est tant arrondie cette fois !
- La femme d’Antoine Lefort le marchand-chanvrier ? Alors elle est passée par là avec ses premières couches, plus de cinq fois au moins.
- Oui mais tu sais avec les complications ou les instruments de la sage-femme, si l’enfant est trop gros, s’il se présente mal, si la mère faiblit.

Une des femmes se signe, l’autre hausse les épaules d’un air entendu.
Solidarité féminine et souvenirs de parturientes à une époque, où chaque grossesse et enfantement, rime avec inconnu, inquiétude, risque d’issue fatale de la mère et de l’enfant.

AD 02 Barisis BMS 1766

Bon, pour me faire expliquer le métier de chanvrier par mon aïeul, il ne faut pas y compter, mais plutôt réciter une prière à Sainte Marguerite la patronne des femmes en couches pour ma très lointaine grand-mère.

Passe une troisième commère, pliée en deux sous le poids d’un fagot, qui crie aux précédentes bavardes : j’ai croisé l’aîné de l’Alexis qui est allé prévenir notre curé pour le baptême.

Planquée dans une étroite venelle entre deux maisons, je frissonne en ce court jour de novembre 1766, où tout devient grisaille, avec une atmosphère humide très pénétrante. Il est tard.

Et dire que les autorités de l’Eglise insistent sur l’ondoiement du nouveau-né à la maison par la sage-femme en cas de péril, pour assurer son salut spirituel, et de prévoir à peine sorti du sein de sa mère son baptême, et par là, le confronter au monde extérieur quel que soit le temps et les distances.

Soudain des bruits de sabots sur la rue empierrée, car un groupe débouche : les silhouettes de trois hommes, deux femmes tenant précieusement deux petits paquets bien emmaillotés, deux gamins et une petiote à la traîne qui pleurniche.

AD 02 Barisis
Je sors de ma cachette et suit Antoine Lefort à l’air soucieux, ses deux fils aînés et la petite, et les parrains et marraines pour un double baptême puisque Marie-Marguerite Tellier vient de mettre au monde des jumeaux. Je me faufile aussi dans l’église et aperçoit les sobres fonts baptismaux de la paroisse.

En ce 12 novembre 1766, le prêtre officie avec diligence pour introduire dans le monde chrétien deux petits êtres fragiles, tout noter correctement selon les indications du père sur le registre et recueillir les signatures.

Deux garçons jumeaux pour mes ancêtres : l’un  prénommé Louis reçoit pour parrain Médard Soyer de Saint-Gobain  et Marie Jeanne Prévot une tante maternelle pour marraine.

Le second prénommé Cosme François est tenu sur les fonts baptismaux par Antoine Nicolas Mignot et Marie Jeanne Jonquoy. Je soupçonne le Sieur Mignot être le chirurgien de Deuillet, proche paroisse, dont un fils a été prénommé Cosme ! A-t-il été appelé au chevet de la parturiente en renfort de la sage-femme ?

Le premier jumeau trop faible s’éteint en février 1767.
Le second grandit et se marie en 1787 avec la fille d’un marchand-verrier, mais décède à peine trentenaire.

Invisible Marie Marguerite Tellier en tant qu’accouchée, tu ne peux être présente aux baptêmes de tes enfants à cette époque, huit tout-petits pour sept grossesses, qui seront suivies de trois autres, dont un enfant ondoyé par la sage-femme.

Onze enfants, dont seulement cinq arrivent à l’âge adulte.

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Es-tu résignée comme toutes tes contemporaines face à toutes ces maternités, ces douleurs physiques et morales ? As-tu souhaité un meilleur pour les rameaux solides qui ont poursuivi cette dynastie Lefort à laquelle tu as contribué, avant de rendre ton dernier soupir en 1791 à soixante ans ? Je l’espère lointaine aïeule.

Courageuse Marie Marguerite et un peu moins invisible qui sait,
Toute une vie dans le village de Barisis aux Bois.


Dialogue imaginaire en lien avec mes ancêtres
dans ce Rendez-vous Ancestral mensuel

Retrouver cette famille 


Sources
AD 02 BMS Barisis   
AD 02 Iconographie 


jeudi 8 juin 2023

Un acte peaufiné

Alléluia en découvrant un registre paroissial de Cuts en Picardie !

Je vous félicite Monsieur le Curé pour votre écriture soignée, avec moult précisions, vous respectez les prescriptions de l’Ordonnance de Blois de 1579, et par là aidez les curieux des temps présents.

Dans votre paroisse - aujourd’hui dans le département de l’Oise - s’est marié le mardi 14 novembre 1775 un lointain grand-oncle fils aîné de mes ancêtres Antoine Lefort et Marie Marguerite Tellier sosa 408 et sosa 409.

Gallica extrait carte de Cassini

« L’an mille sept cent soixante-quinze le quatorzième jour du mois de novembre, après les fiançailles célébrées le quinze du mois d’octobre, et après la publication des bans du futur mariage entre Antoine Charles Lefort âgé de vingt et un ans fils d’Antoine Lefort chanvrier à Barisis aux Bois diocèse de Laon et Marguerite Tellier ses père et mère,

de la paroisse dudit Barisis par sa naissance et de droits, et celle de Camelin, de par son domicile de fait, d’une part,

et Marie Cécile Cauchy âgée de vingt-huit ans fille de feu Louis Cauchy vivant tisserand à Cuts et de défunte Marie Anne Lemoine ses père et mère de cette paroisse d’autre part,

publication faite, tant en cette église, que celle de Barisis aux Bois, que celle de Camelin, suivant les certificats des sieurs Don Farineau curé dudit Barisis et Maureau curé de Camelin les dimanche vingt et vingt un d’après la Pentecôte et le mardi 1er novembre d’après la Pentecôte et le mardi fête de tous les Saints, vingt-deuxième et vingt-neuvième jour d’octobre dernier et premier jour du présent mois, au prône des messes paroissiales, sans qu’il se soit trouvé aucun empêchement ni opposition,

je, prêtre curé de cette paroisse soussigné, ait reçu en cette église le mutuel consentement de mariage des susdits Antoine Charles Lefort et Marie Cécile Cauchy et leur ai donné la bénédiction nuptiale avec les cérémonies prescrites par la Sainte Eglise

et consentant Antoine Lefort père de l’époux, Louis Lefort tisserand à Camelin aïeul paternel de l’époux,

Pierre Buire mulquinier de Cuts parrain de l’épouse, Joseph Panchet chanvrier de Cuts bel oncle maternel de l’épouse, Antoine Cauchy tisserand de Cuts frère de l’épouse,

Pierre Bruier tisserand à Barisis bel oncle maternel de l’époux, Alexis Lefort chanvrier à Barisis frère de l’époux, Antoine Rabeuf chanvrier à Camelin bel oncle paternel de l’époux,

qui avec l’époux ont ci-dessous signé, l’épouse ayant déclaré ne le savoir de ce interpellée. »

S’en suit les paraphes des protagonistes énumérés fort adroit, ou un peu saccadé, voire malhabile, et puis celui du comptable des âmes JACQUES curé de Cuts.

AD 60 BMS Cuts extrait acte 

Antoine Charles Lefort mon lointain grand-oncle, fils aîné d’Antoine Lefort et de Marguerite Tellier mes aïeux, naît à Barisis ainsi que ses frères et sœurs où leur père s’est installé comme chanvrier. Il fait le choix de retourner dans le village du grand-père à Camelin pour exercer le métier de tisserand, ses proches se sont déplacés à Cuts pour les noces dont son frère cadet Louis Alexis Lefort mon ancêtre sosa 204. 

Le jeune couple s’installe au lieudit « Gournay » sur Cuts tout proche de Camelin et accueille cinq enfants.

Mais profitons de l’instant, de cet acte peaufiné ;
un bijou cet acte de mariage,
une bénédiction pour les généalogistes,
un registre à consommer sans modération,
un péché pour celui qui ne prend pas la peine d’ouvrir ce précieux grimoire



Retrouver Antoine Lefort père ICI
Retrouver Marie Marguerite Tellier mère ICI

Sources
AD 02 Barisis et Camelin BMS
AD 60 Cuts BMS 1773 - 1776 3E 189/6 vue 39/54 
Geneanet arbre jfd07

mardi 30 mai 2023

Noces de chanvre avec Antoine Lefort

Sous prétexte qu’au mois de mai, il est suggéré d’évoquer une profession de ses ancêtres, me voilà obligé de me livrer à des confidences, moi Antoine Jérôme Lefort dit Antoine. Quelle époque !

Premier-né vers 1730 au foyer de Louis Lefort et Marie Anne Descarsin, tout juste mariés en 1729 à Camelin, il me faut ensuite partager l’attention de mes parents avec trois sœurs et un frère.

Mon second prénom Jérôme est en lien avec la famille de ma mère, dont je n’ai pas connu ses parents. Mais côté Lefort, si j’ai des vagues images de mon grand-père Antoine Lefort, de tendres souvenirs me lient avec ma grand-mère paternelle Louise Narbonne décédée à un âge avancé.

Chanvrier le père,
Chanvrier le grand-père,
Chanvrier l’arrière-grand-père,
Chanvrier je suis !
Mon fils chanvrier le sera !
Une dynastie de chanvriers quoi !

Mon village Camelin, bâti sur un monticule allongé, situé dans l’ancien Soissonnais, est désormais dans le département de l’Aisne. Il existe déjà au 9ème siècle, désigné sous Campus Lini en latin ce qui signifie « champ de lin »

Camelin renvoie aussi à un tissu de laine, dans lequel entre une proportion de poil de chèvre, le Roi Saint-Louis portait un manteau de camelin paraît-il, de ce qu’un érudit m’a soufflé !

Courageux, sachant compter, connaissant mes lettres, je signe les actes des registres paroissiaux, tout comme le père et le grand-père. Dans la famille, en bon chanvrier, on repère un chanvre de qualité et on connaît toutes les étapes de sa transformation. On se déplace comme marchand-chanvrier pour trouver cette matière textile et des débouchés pour nos toiles ou cordages.

Bref, cinq heures de marche pour arriver à Barisis aux Bois, ne me font pas peur, quelques lieues, soit vingt kilomètres à votre époque. A faire le va et vient, j’ai remarqué une avenante et sage fille.


Avec le consentement de nos parents, en une froide journée d’hiver, le 5 février 1754, à Barisis aux Bois qui devient ma nouvelle paroisse, je dis « oui » à Marie Marguerite Tellier, fille de feu Charles Tellier laboureur et de Marie Catherine Rossignol remariée à un laboureur.

Cliquer pour agrandir 


Je m’enracine, sans rompre les liens avec mon village natal, et poursuit mon activité de chanvrier, je ne suis pas dépaysé avec une kyrielle de fileuses, un bataillon de chanvriers, une flopée de tisserands.

Barisis, paroisse entourée de forêts, à l’écart d’une grande route, voit en effet plus du cinq-douzièmes de ses habitants se livrer à l’apprêt du chanvre, la confection du filet et de la toile tant au 17ème qu’au 18ème siècles.

Ma vaillante épouse Marie Marguerite met au monde onze enfants, huit garçons dont des jumeaux et trois filles, certains tout-petits passent trop vite sur cette terre. Avant de tirer ma révérence vers 1783, j’ai la joie d’assister aux mariages de trois de mes garçons et d’une de mes filles

Il paraît que celle qui me sert de secrétaire, pour mon bref récit, descend de Louis Alexis Lefort marchand-chanvrier aussi. Une dynastie de chanvriers quoi !

Toute cette chaîne de chanvriers, serait-elle vraiment étonnée de découvrir, qu'après un déclin au 19ème siècle, la culture de chanvre est remise à l'honneur aujourd'hui : sa graine intéresse l'industrie agroalimentaire et sa fibre peut être utilisée pour l'isolation des bâtiments. 


Retrouver son épouse

Retrouver une des filles

 


Sources
AD 02 BMS Camelin et Barisis 
Photo Pixabay
Carte faite avec Viamichelin
Visuel fait avec Canva