mardi 28 février 2023

Félicité Lefort divorce

Permettez Félicité Lefort, très lointaine grand-tante que j’évoque votre vie tourmentée à l’occasion du généathème de février sur une histoire d’amour qui s’est mal terminée.

Tout a commencé de façon classique à Barisis le 25 avril 1769 avec votre baptême, vous recevez les prénoms de Marie Charlotte Félicité et êtes le neuvième enfant du couple formé par Antoine Lefort marchand-chanvrier et Marie Marguerite Tellier mes ancêtres (sosas 408 et 409).



Trois années avant en 1766, dans ce coin du Laonnois au village tout proche d’Amigny-Rouy, était né Jean Louis Demilly fils de Pierre charpentier et Marie Madeleine Moreau.

Vous avez grandi Félicité, rencontré Jean Louis devenu charpentier, une petite dose de sentiments mutuels - je l’espère - et convolé en justes noces le 29 mars 1791 dans votre église en présence de vos mères et de vos proches.

De façon classique, vous mettez au monde le 4 mars 1792 une fille prénommée Marie Catherine Joséphine Demilly, sur l’acte de baptême le vicaire Méresse de Barisis mentionne l'absence du père.

Tiens donc, votre conjoint est-il tenu éloigné par un chantier ou parti dans la capitale en cette période troublée du début de la Révolution, à moins qu’il se soit engagé dans l’armée ? Après la chute de la Bastille, la fuite du Roi Louis XVI à Varennes, il se dit que la patrie est en danger menacée par les souverains étrangers.

Et ce même Méresse, ex-vicaire devenu entre-temps officier public sous la première république, m’a fait frémir dans sa minutieuse transcription à la date du 30 brumaire de la troisième année républicaine.

Au 20 novembre 1794 des actes de décès de l’état-civil est reporté le procès-verbal rédigé par le juge de paix du canton de Mont-Libre ci-devant Saint-Gobain à la suite de son déplacement chez Félicité Lefort où il n’a pu que constater « la mort prématurée de la petite Joséphine âgée de trois ans et demi trouvée brûlée en sa maison hier vers dix heures du matin et morte à deux heures après midi ».

Quel drame épouvantable ma pauvre Félicité, perdre cette petiote dans de telles circonstances, le danger du feu, un enfant laissé quelques instants sans surveillance, et un ange nommé Joséphine succombe à ses terribles brûlures.

Autour de vous pour vous réconforter vous avez votre sœur Marie-Anne et vos frères Louis Alexis mon aïeul et Cosme.

***

Mère meurtrie, femme délaissée, femme qui rassemble ses forces, Félicité je vous retrouve souhaitant tourner la page, effacer une union malheureuse et voulant vous libérer.

Qu’à cela ne tienne, comme bien d’autres femmes à cette époque vous demandez le divorce pour rompre votre mariage avec Jean Louis Demilly profitant de la loi du 20 septembre 1792.

« Aujourd’hui 27 pluviôse quatrième année républicaine à trois heures du soir en la maison de commune de Barisis, et par devant nous Bruyer agent municipal de cette commune, nommé pour recevoir les actes de naissance, mariage et décès, s’est présentée Félicité Lefort femme de Jean Louis Demilly, 

Icelle demeurante à Barisis marchande de chanvre, laquelle nous a présenté les actes de poursuite par elle aux fins de divorce, ainsi que l’exploit de réquisition à lui signifié le vingt-sept frimaire présent an dûment enregistré de se trouver à ces jour, lieu et heure pour entendre prononcer la dissolution de leur mariage,

Elle nous a requis acte de ses diligences et comparution et à que cette dissolution soit prononcée tant en son absence que présence,

Qu’en conséquence lecture faite des pièces qui sont ensemble de la réquisition, le délai prescrit par la loi et le jour indiqué, par nous étant échus,

Nous en présence de Nicolas Thuilot tailleur d’habits, Cosme Lefort manouvrier, Jean-Baptiste Viéville commerçant de chanvre, et de Charlemagne Lolliot, tous quatre témoins majeurs demeurant à Barisis, qui ont accompagné la requérante,

Et en l’absence de Jean Louis Demilly, avons prononcé en ces termes, Félicité Lefort je vous déclare au nom de la loi et en vertu du pouvoir qu’elle nous confère que votre mariage avec Jean Louis Demilly est dissous,

De ce avons de suite dressé le présent acte sur le registre double du mariage à ce lieu jour et an comme dessus et ont les témoins signés excepté Félicité Lefort qui a déclaré ne savoir signer de ce interpellée ».

Voilà au 16 février 1796, Félicité Lefort vous êtes une femme dénouée de tout lien matrimonial, à défaut d’avoir connaissance des pièces évoquées que retenir pour les causes : abandon, incompatibilité d’humeur, sévices ?

***
Et puis, ce qui est sûr vous donnez naissance le 30 mars 1797 à une enfant déclarée par la sage-femme à l’officier public comme fille de Jean Louis Demilly ci-devant capitaine (sic) et Félicité Lefort, la petite reçoit les prénoms de Sophie Félicité.

***
Marchande de chanvre ou fileuse, mère célibataire avec un petit-bout sans vraiment de père, lucide Félicité, vous vous remariez l’année suivante avec Médard Grandin chanvrier puis tisserand, et lui donnez trois enfants nés à Barisis dans l'Aisne.

Attachante Félicité Lefort et lointaine collatérale vous vous éteignez dans votre village le 21 septembre 1807, âgée de 38 ans seulement, Médard Grandin votre époux intervient pour la déclaration de décès et mention est faite de votre divorce d’avec Jean Louis Demilly ci-devant commandant au vingt-troisième régiment de chasseurs à pied. Tiens donc voilà l’ex-époux qualifié d’un autre grade dans l’armée !

Vous laissez deux filles Sophie Félicité avec tout juste 10 printemps et Alexandrine Anastasie Grandin 7 ans à peine, elles vont grandir et se marier rassurez-vous, témoignant ainsi de votre passage sur terre.



Une autre victime du feu 

Qui était vraiment l'époux de Félicité Lefort 


Sources
AD Aisne
Barisis aux Bois BMS et EC
Indices d'arbres sur Geneanet 
Images de Pixabay

6 commentaires:

  1. C'est incroyable comme une vie, longue de seulement 38 ans, peut paraître intense à la lecture de ce récit.

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  2. Félicité : au début du mariage « une petite dose de sentiments » et une grande dose de courage pour sa vie ensuite.

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  3. Une vie bien courte, toute de tristesse

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  4. Que d’obstacles pour un si bref passage ici bas. C’est un bel hommage que tu rends ici à Félicité.

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  5. C'est extra-ordinaire un divorce si loin dans le temps, une pépite !

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