mercredi 21 décembre 2022

Françoise une petite étoile

Chabeuil, à quelques lieues de Valence en Dauphiné, soit une dizaine de kilomètres, en Drôme des Collines, Chabeuil petite et fière cité au pied du Vercors - s’apprête à fêter Noël en cet an de grâce 1716.

En ce jour d’espérance et d’allégresse, en la maison d’Abraham Barnier et d'Eve Imbert, une petite étoile Françoise est née ce 25 décembre 1716 sous le règne de Roi Louis XV.


Cette petite étoile est notre lointaine aïeule, pour moi à la 8ème génération, une ancêtre de Noël, un SosaNoël dans le jargon des addicts de généalogie. Bienvenue à elle, un fil invisible au travers du temps nous relie.

Le jeune couple a déjà un garçonnet Mathieu de 2 ans, né 15 jours après le mariage de ses parents soit dit au passage. Il ne s’est pas précipité à l’église pour faire baptiser la petiote. puisque que le curé de Chabeuil note la date au 30 décembre 1716, mentionnant dans une graphie rapide, que Jean Barnier et Jeanne Barnier les parrain et marraine sont illettrés.

AD 26  BMS Chabeuil 1716 

Avec Abraham Barnier drapier et ses proches, ses amis ou voisins, cardeur ou tanneur, s’ouvre les portes d’un monde merveilleux de savoir-faire, en attendant d’aller le découvrir, Françoise petite étoile de Noël nous chuchote : 
  « Ouvrons nos cœurs pour y laisser rentrer le bonheur. »

Parmi les descendants de Françoise Barnier, Jean Pierre Arnoux, qui est l’époux de Noémie Olympe Lagier une autre ancêtre de Noël précédemment évoquée ICI



Sources
AD 26 BMS Chabeuil 
Indices Geneanet 

samedi 17 décembre 2022

Louise Berton en pointillé

Dans un coin de Picardie, entre Barisis aux Bois et Saint-Gobain, domaine de la forêt, vaste espace où s’activent bûcherons, scieurs de long, gardes des bois, et garde-vente, j’ai croisé Louise Berton sosa 387 une lointaine grand-mère.

Millet paysanne et fillette - Musée d'Orsay
Oh Louise, à ton époque ce n’est pas le département de l’Aisne, lorsque tu pointes le bout du nez vers 1686 au foyer de Jacques Berton et de Marguerite Hery, tu es l’aînée suivie de sept frères et sœurs. Dans ta fratrie, se détachent Anne ta sœur la première à se marier, et tes frères Jacques garde des bois, et aussi Jean et Jean-François.

Temps immuable, rythmé par le soleil et la lune, et la répétition des saisons, avec un quotidien ordinaire, les temps religieux, mais un temps qui file, tu grandis sous le règne du Roi Louis XIV, dit « Roi-Soleil ».

Tu ne le sais peut-être pas, mais pour ce souverain belliqueux, dispendieux pour sa gloire, il lui faut beaucoup de bois pour construire des bateaux de guerre, du chanvre pour les cordes et encore du bois pour alimenter les fours de la Manufacture de Saint-Gobain qui produit de magnifiques glaces.

Furtive silhouette, aux traits dans l’ombre, je t’ai aperçue en 1706 tenant sur les fonts baptismaux ta nièce Marguerite Duparque dans la petite église de Barisis aux Bois, puis en 1711 pénétrant dans cet édifice religieux aux bras de ton père, pour t’unir à Louis Guerlot.

Ce premier époux, plus âgé que toi de douze ans, est deux fois veuf, avec une gamine de dix ans sur les bras, je doute que tu l’aies choisi. Tu retrousses les manches, tu t'occupes de ton nouveau foyer, pendant que Louis trime dans la forêt en tant que bûcheron.

Louis, que j'ai cru longtemps perdu dans la forêt ou écrasé par un arbre, a trépassé muni des derniers sacrements à la fin de l'an 1717, te laissant désemparée avec deux petits garçons dont les destins m’échappent.

Géoportail Barisis et St Gobain extrait carte Cassini
Et tout d’un coup, voilà que tu convoles à nouveau le 1er octobre 1720 à Barisis aux Bois avec Jean Barbençon - sosa 386 – ce lointain grand-père est originaire de la paroisse de Saint-Gobain. L’acte rédigé ce jour-là n’est pas filiatif, mais les témoins cités permettent de tisser la toile de ton parcours, ton père est présent de même que Jacques et Jean tes frères.

Ton nouvel époux, du même âge que toi, s’avère être aussi deux fois veuf, flanqué de quatre garçons cette fois. Leur mère Louise Antoinette Legrand vient de décéder, un inventaire après décès a été dressé en septembre, où Abraham Legrand leur oncle veille au grain pour préserver les intérêts de ses neveux et les biens maternels.

Il se dit que le couple - Jean Barbençon et Louise Antoinette Legrand- fait partie des « nantis » du village, mon aïeul étant garde de la forêt de Saint-Gobain.

La présence d’Abraham le beau-frère à votre remariage se comprend, ainsi que le contrat de mariage passé juste avant la cérémonie, mais toi Louise tu n’apportes rien : là aussi il convient de protéger les enfants du lit précédent.

Bon, Jean Barbençon est à nouveau pourvu d’une femme pour tenir le logis et gérer les enfants, et toi Louise te voilà mère de substitution ou servante corvéable ? Comme un souffle de dénégation de ta part à travers les siècles, il en était ainsi autrefois de la destinée d’une femme, oui je le sais, mais je ne peux m’empêcher de faire une grimace…

Un peu plus d’une année plus tard, peu après la naissance de Marie-Marguerite en 1721 à Saint-Gobain, la grande faucheuse a encore sévi emportant Jean dans la tombe en 1722 qui laisse cinq enfants orphelins.

Un nouvel inventaire après décès est dressé, toi Louise tu ne possèdes rien en propre, ton seul trésor et ton souci c’est Marie-Marguerite ta toute-petite dont tu es désignée tutrice avec Jean Delapierre comme curateur.

As-tu abandonné tout de suite le village de Saint-Gobain pour revenir vers les tiens ? Je t’imagine servante, manouvrière ou fileuse de chanvre, qui t’as aidée peut-être Antoine Dupire le parrain de ton enfant ? Que d’interrogations …


Cliquer pour agrandir - Fait avec Canva 

Je t’ai retrouvée à Barisis aux Bois un jour de 1738, présente au mariage de ta fille âgée de dix-sept printemps : Marie-Marguerite Barbençon, épouse Antoine Mercier clerc laïc, tu es soulagée la vie continue ainsi que la chaîne des générations.

Tu es moins seule avec les naissances de tes petits-fils ; Simon Mercier manouvrier et Antoine Mercier futur garde-vente, lui est mon ancêtre direct tu sais. Tu es rassurée lorsque ta fille se remarie avec le précieux Charles Dupont garde-vente qui veille sur ses beaux-fils, et rassénérée avec la naissance de ta petite fille Marie-Marguerite Dupont. Un peu de répit, un peu de douceur dans ton fil de vie, tu le mérites.

Sous le règne du roi Louis XV, qui a eu l’occasion de faire un détour à Saint-Gobain pour se faire expliquer le coulage des miroirs, un jour d’avril 1759 tu quittes le monde terrestre munie des derniers sacrements, tes proches t’accompagnent à ta dernière demeure, le cimetière juste à côté de la petite église de Barisis aux Bois.

Une vie en pointillé, une vie de labeur et de peine, quelques lignes pour sortir Louise Berton de l’opacité du temps.


Retrouver 


Sources 
AD 02 BMS Barisis et Saint-Gobain 
Eléments sur les actes notariés communiqués par une lointaine cousine 

dimanche 4 décembre 2022

Un registre et deux régimes

Sur un même registre on découvre la fin de l’ancien régime, et le début d’un nouveau régime. La monarchie n’est plus, vive la première République, on est le 22 septembre 1792 ou plus précisément le premier vendémiaire de l’An I selon le calendrier républicain.

Feu le registre paroissial avec les baptêmes, les mariages et les sépultures, vive l’état-civil avec les actes de naissances, de mariages et de décès. Les prêtres rangent leur encrier et leurs plumes, les officiers municipaux prennent le relai et déballent leur matériel d’écriture.

Exemple à l’appui, je vous emmène dans la paroisse de Barisis aux Bois devenue commune du nouveau département de l’Aisne.



Sur le même registre (1) sur une même page - vue 33 - du volet des mariages et baptêmes, à la date du premier octobre 1792 est baptisé par le Vicaire Bernard Meresse un fils d’André Couvreur manouvrier et de Marie Françoise Victoire Brochart.

Le lendemain 2 octobre, officie le Curé Dom Jonat Farineau pour le baptême du fils de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe.

Dans la foulée s’en suit l’arrêt du registre pour les mariages et baptêmes par les membres et officiers municipaux de la commune de Barisis conformément à la loi du 20 septembre 1792 avec l’entrée en scène de :

Pelletier maire, Thuilot officier, Liénard officier, Ville officier, Mercier officier, Bleuet officier

Juste un peu plus loin, - vue 35 - du volet des sépultures, le 2 novembre 1792, le Vicaire Bernard Méresse inhume un enfant d’Antoine Bleuet et de Marie Marguerite Dorothée Bleuet.

Et là encore dans la foulée le maire flanqué de ses officiers municipaux arrête ledit volet conformément à la nouvelle réglementation.


S’en suit chronologiquement le premier acte d’état civil enregistré par le citoyen Bleuet en tant qu’officier public : « l’an mil sept cent autre vingt douze, le 1er de la République française, le 3 novembre, le corps de Jean François, fils de Louis Lavacherie scieur de long et de Marie Louise Duponcel sa femme, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par Méresse Vicaire en présence de son père et sa mère et de Chrisostome Lavacherie qui a signé et ledit Louis Lavacherie a déclaré ne savoir signer et ce interpellé. »

Je trouve touchant cet acte civil d’inhumation, Bleuet officier public a une belle écriture, et bon il faut prendre les nouvelles habitudes de rédaction.

En fait la première déclaration de décès figure juste après, sans mention du jour, et concerne l’enfant d’un mois de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe baptisé par le curé et évoqué plus haut.

Et la vie continue avec le premier acte de mariage rédigé par le citoyen Bleuet, le 18 novembre 1792, il marie Antoine Héri manouvrier à Marie Jeanne Berton.

Sur les déclarations de naissances, les termes fille ou garçon apparaissent, et non pas les mentions d’enfant femelle et d’enfant mâle, et curieusement j’ai détecté par trois fois la référence « enfant baptisé à la maison » dans le corps de déclarations de naissance ou dans la marge. 

Fidèle au poste le citoyen Bleuet opère en 1792, 1793 et ensuite voilà que surgit Méresse en tant qu’officier public, et oui l’ex-vicaire a été nommé pour recevoir les actes qu’il dresse en la salle publique de la maison commune de Barisis ! Preuve à l’appui le 13 germinal de l’An II …


Rassurez-vous, je ne vais pas écumer toutes les pages du registre, parce que je tiens à faire un zoom sur le quintet cité plus haut, enfin le premier corps municipal de Barisis aux Bois. Ce petit monde a été élu par les citoyens actifs payant une contribution équivalente à dix jours de travail.

Je lève tout de suite le suspens pour deux officiers qui sont deux lointains ancêtres à la 7ème génération :
- Jean François Ville laboureur est mon sosa 98 dans le jargon généalogique
- Antoine Mercier garde-vente est mon sosa 96, fils d’Antoine Mercier et Marguerite Barbençon dont j’ai déjà parlé dans le blog ICI et LA.

J’ai peu d’indices pour cerner le dénommé Thuilot, aucun pour Liénard à cette époque, et pas cherché pour Bleuet le consciencieux officier d’état-civil, car ce patronyme est trop présent sur la commune.

Quant au premier maire élu, il me paraît plausible, au vu de signatures, de retenir Claude Pelletier tailleur d’habits, un collatéral époux de Marie-Louise Pasques, petite-fille de mon aïeul Louis Daubenton garde-vente évoqué dans un billet ICI.


Ce modeste éclairage constitue ma contribution - avec un décalage certes - au généathème suggéré en septembre dernier par Geneatech sur nos ancêtres et la Première république

Je vous engage à farfouiller dans les registres des lieux de vie de vos aïeux pour découvrir comment ce basculement s'est opéré pour l'état-civil et à me tenir au courant de vos éventuelles trouvailles



Source
AD Aisne Barisis BMS 1791-An V