samedi 20 juillet 2024

Joies et peines d'Angélique Fossier

Ma mie Angélique Fossier, lointaine arrière-grand-mère, à trop fréquenter le registre paroissial de Barisis les Bois en Picardie, je m’interroge sur tes sentiments éprouvés jadis, au cours de ta vie et de ton chemin partagé avec Pierre Jonquoy.

Venue au monde le 22 décembre 1712 un froid jour d’hiver, tu es aussitôt baptisée pour rejoindre la communauté des chrétiens. Fille unique de François Fossier et Jeanne Berton, remariés l’année précédente, tu grandis dans une famille recomposée avec Marie Fossier ta sœur consanguine et Marie Jeanne Guerlot ta sœur utérine et assiste gamine aux mariages de celles-ci, puis fièrement devient marraine d’une nièce à tout juste 10 ans.

Dans ta paroisse ceinte de forêts, où les bûcherons et scieurs de long côtoient les chanvriers et tisserands le métier de ton père m’a longtemps échappé. Un indice glané en 1738 sur l’acte de d’inhumation de François Fossier mon aïeul m’interpelle donc : pestre. En référence à l’ancien français pestrir et au bas-latin pistrix, c’est la personne qui pétrir et remue fortement dans tous les sens avec les mains une substance pâteuse.

Ton père est donc boulanger et œuvre dans un endroit dénommé pétril ou fournil après avoir malaxé la farine dans un meuble appelé actuellement pétrin.



Dans le même village, Pierre Jonquoy, baptisé le 11 mars 1708, se trouve être l’un des nombreux enfants de Pierre Jonquoy bûcheron et Marie Magdeleine Brebant ancêtres mis en lumière dans un ancien billet. Il va à l’école et sais donc signer comme son père et ses frères cadets Louis-Jacques et Jean.

Et parce que la destinée d’une jeune fille est de s’établir, ma petite Angélique de ton trousseau tu as extrait une belle coiffe neuve, tapoté ta meilleure jupe, noué un fichu de laine sur tes épaules et pénétré dans l’église le 8 février 1729 pour unir ta destinée à Pierre en présence de vos pères et mères. Journée d’émotion et de fête, Angélique et Pierre, vous êtes si jeunes, 16 et 20 printemps tout juste, avec un penchant l’un pour l’autre peut-être.

Pierre Jonquoy, ton homme désormais, bûcheron à un moment, est ensuite chanvrier ou marchand-chanvrier selon les actes, et avec son instruction a aussi été marguillier de la paroisse. En tant que membre du conseil de fabrique, la fonction de marguillier de Pierre, suite à son élection par l’assemblée des habitants, l’a fait intervenir dans la gestion des quêtes et offrandes, des revenus ou des legs ainsi que la location des bancs, l’entretien de l’église, des ornements liturgiques, le respect des usages comme l’ouverture de la taverne après la messe.

***

La ronde des naissances débute avec l’ainé Pierre-Louis, puis s’enchaînent pour toi ma petite Angélique six maternités rapprochées, autant de risques lors de l’enfantement, de craintes pour les nourrissons à une époque désarmée face aux maladies infantiles, autant de détresse lorsque tu recueilles leur dernier souffle.



Jean-Louis, Michel, Marie-Louise, Louis, Jean-Baptiste, des petits anges partis trop vite, enfouis dans un tiroir secret de ton cœur, lequel avait tes yeux ou ceux de son père, as-tu gardé en mémoire leur prénoms. Si peu de joies, trop de peines.

Et puis Simon qui rend son dernier soupir à 11 ans, te souviens-tu de ses mimiques, de son caractère ou des traits de son visage.

Du baume au cœur lorsque Pierre-Louis ton fils aîné chanvrier se marie en 1756 avec Marie-Jeanne Lallemand, tu es là avec ton époux. Trois fois grand-mère, survient une hécatombe dans ce foyer avec la disparition des trois petits, de leurs parents aussi. Le vide autour de toi, tout se confond dans ton esprit, dans ta mémoire, veuve qui plus est après le décès de Pierre ton époux en 1762.

Tu n’as pas retenu les dates, je ne peux les décliner dans le détail, une auto-censure inexpliquée de ma part, années sombres et noires pour ton âme et ton corps, trop d’épreuves. tu as pleuré, plié, mais pas cassé, 



Comme il y a toujours un coin de ciel bleu quelque part, lointaine aïeule Angélique il te reste tes trois filles cadettes : Marie-Jeanne Jonquoy née en 1746, Marie-Louise Jonquoy baptisée en 1749 et Angélique Jonquoy la petite retardataire née en 1757. Elles grandissent ces demoiselles et tu assistes à leur mariage, la vie continue avec un peu de joie.

Juste une confidence ta fille Marie-Jeanne est mon ancêtre, des petits-enfants vont faire à nouveau du bruit, babiller ou piquer une colère, réclamer ton attention ou le récit d'une histoire.

Je te retrouverai avec tes trois filles, tes trois gendres avec une tendresse particulière issue de mes premières découvertes dans ta paroisse, et de mes premières émotions.

Joies et peines d'Angélique une femme ordinaire, dans un village au mitan du 18ème siècle à l'écart des grandes routes, lieu peuplé de familles courageuses luttant pour leur quotidien. 


Retrouver cette famille 


Sources
AD 02 Barisis aux Bois BMS 
Geneanet indices arbre milou02 

6 commentaires:

  1. Merci, pour ce voyage au 18ème, avec son cortège de naissances, mais aussi de morts en bas-âge, c'est l'époque qui veut ça. Troisième RDVAncestral que je lis aujourd'hui, quasiment à la même époque, mais en des lieux différents. personne n'est épargné. merci encore

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  2. Femme ordinaire, peut-être, mais au combien battante !

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  3. C'est toujours très émouvant de remonter notre branche maternelle, nous sommes physiquement un petit bout d'elles toutes

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  4. Femme ordinaire, peut-être, mais que serions-nous sans nos ancêtres ?

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  5. Avec cet hommage écrit avec tant de sensibilité, je comprends que tu te sois attachée à cette ancêtre.
    Et je découvre le métier de « petre » en écho avec mes boulanger, je n’ai pas rencontré d’équivalent pour celui qui pétrit.

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  6. Jamais vu ce métier et pourtant j'ai moult boulangers dans mon arbre.

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