samedi 21 septembre 2024

Le marié venu d'ailleurs

De la lecture d’un acte, avec un esprit qui s’évade, surgissent des silhouettes sépia, aux contours flous, aux visages à contre-jour, parviennent des bruits assourdis : et un rendez-vous ancestral s’enclenche.

Là dans un coin de l’Aisne actuelle, ils se sont croisés, recroisés, souri, parlé, accordés surtout avec sa famille pour elle, occupés des papiers surtout pour lui.

En cette année 1773, la promise de 24 printemps se nomme Marie-Louise Jonquoy, avant-dernière fille d’Angélique Fossier mon aïeule veuve de Pierre Jonquoy chanvrier, l’élu venu d’ailleurs s’appelle Christophe Fauguel et affiche 41 années déjà.

Ce petit monde habite la paroisse de Barisis aux Bois, paroisse qui dépend d’un monastère fort ancien avec à sa tête un prévôt et deux ou trois autres religieux dont un faisant office de curé.

AD 02 Barisis extrait acte de mariage

Selon les règles, annonce est faite par le prêtre des fiançailles de Marie Louise et Christophe les 16, 20 et 23 mai au prône de la messe paroissiale,

On a jasé au village sur la différence d’âge des promis : dix-sept ans tout de même. On a causé sur ce marié garde des bois, chargé de veiller sur les forêts de la Prévôté et de prévenir les délits, venu d’ailleurs qui plus est, étranger au pays quoi.  Il ne faut pas compter sur sa mansuétude en cas de rapine dans les taillis…

On ne sait pas trop où se situe le village dudit Fauguel : Bonfol dans le diocèse de Besançon parait-il, dépendant des terres de Ponrrantruy, enfin c’est ce qu’a énoncé le prêtre.

Tout comme les paroissiens, j’ai tenté de combler mes lacunes sur Bonfol jusqu'en 1782, Bonfol relevait au niveau spirituel du diocèse de Besançon avant de rejoindre l'autorité du prince évêque de Bâle dont il dépendait déjà sur le plan temporel. Après les vicissitudes révolutionnaire et napoléonienne Bonfol et Ponrrentruy deviennent suisses avec le fameux congrès de Vienne en 1815. Pour faire court mon lointain grand-oncle est originaire du Jura.

Carte axée sur Barisis et Bonfol -ViaMichelin

Bon après cette petite digression, et en l’absence d’opposition à l’union, le mardi 25 mai 1773 branle-bas dans la maison d’Angélique Fossier mon aïeule. Marie-Jeanne Jonquoy Sosa 97 la fille aînée, aide sa jeune sœur Marie-Louise à s’apprêter, échange de confidences et de conseils qui sait.

Deux hommes attendent sur le pas de la porte : Simon Grandin le parrain de l’épousée est tisserand et Antoine Mercier le beau-frère, garde-vente, qui assure la garde et l’exploitation des coupes de bois pour un tiers, tous deux témoins.

En route pour la petite église où patientent Christophe Fauguel, fils de feu Jacques et défunte Marie Anne Gabroy, en compagnie de ses deux témoins Jacques Dromat sergent de la justice de Barisis son ami et Jean-Baptiste Gabroy son cousin germain garde de la paroisse de Selens, à plus de 3 heures de marche.

Des images lointaines me parviennent, des pas résonnent sur le sol de la travée au passage d’Angélique et son parrain qui la conduit à l’autel, sons confus de la cérémonie et des engagements, mots échangés lors des signatures de l’acte de mariage rédigé avec soin par Dom Jonat Farineau, seuls les hommes signent mais pas Marie Louise la mariée, même pas une croix apposée.

***

Une nouvelle page démarre pour ce couple de collatéraux, les baptêmes de trois petits : Nicolas Thomas Christophe en 1775 parti trop vite au ciel, puis un gars plus costaud Jean-Baptiste en 1778 et Marie-Louise Eléonore bonne pousse. 

La grande faucheuse, hélas, emporte le père trop tôt en 1788 à 57 ans. Veillent sur les deux enfants leur mère Marie-Louise Jonquoy  et leurs oncles qui assistent à leur mariage. 

AD 02 Barisis BMS extrait  

Christophe Fauguel tout comme ses beaux-frères Jean François Duparque et Antoine Mercier mon ancêtre Sosa 96 sont présents lors de l'inhumation d'Angélique Fossier la grand-mère, un trio souvent croisé lors de mes premières recherches et de mes interrogations sur les liens familiaux. 

Des actes et des êtres du passé ramenés à la lumière en quelque sorte. 



Retrouver cette famille

Sources
AD 02 Barisis BMS
Wikipedia


9 commentaires:

  1. Un rendez-vous tout en "atmosphère ". Les mots sont choisis. Bravo

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  2. Âgé et venu d'ailleurs, ça fait beaucoup, en effet... mais chacun a sûrement bien mesuré les avantages et inconvénients, bien compris son intérêt. Ainsi vont les choses...

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  3. On jase au village en 1773 et 251 ans plus tard, on en parle encore. Grâce à ce billet !

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  4. Il y avait les jacasseries et maintenant, il y a les articles sur internet. Le but est le même : sortir les gens ordinaires de l'oubli.

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  5. Une écriture, riche en petites touches délicates, qui m'a donné l'impression d'être aussi présente à ce mariage.

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  6. les temps changent, mais pas les mentalités ! 1773 ils se sont mariés... 1940-45... ma mère n'a pas eu cette chance. Lorraine, pupille de l'assistance, 15 ans, elle est arrivée avec plusieurs dizaines d'enfants dont sa sœur, en Bourgogne, près de Dijon. Elle a rencontré Gaby, fils de paysans... Cette Janine, d'où vient-elle, qui étaient ses parents ? C'est niet !... il a dû en épouser une autre. Mais aux alentours de 2000, la vie les a rattrapés et ils se sont revus, ils ont fini leur vie ensemble, avec la bénédiction des enfants des deux côtés...

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  7. Vos mots, votre sensibilité nous invitent à ce mariage. Des images apparaissent... celles de vos ancêtres et aussi les nôtres croisés par ces chemins, un peu plus loin, et parfois même très loin.

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