Neige d’Avent dure longtemps selon un adage : un village de montagne enfoui sous une épaisse cape blanche s’avère être mon étape ancestrale en ce mois de décembre 1765.
Le clocher de l’église d’Avrieux se distingue encore, mais les sommets alentour sont absents. Dans ce coin de Maurienne du Duché de Savoie, les maisons tassées les unes contre les autres pour se protéger du vent et du froid, desservies par de ruelles tortueuses, cachent un bon nombre de mes ancêtres.
© La Norma'attitude - Avrieux |
Joseph Porte l’héritier mâle tant attendu va sur ses 4 ans, c’est la fierté du père François Porte feu Vincent. Anne la grande fille du couple, avec ses 17 ans, devient un souci avec son établissement.
Le maître de maison presse sa troupe familiale, d’autant que sa sœur Barbe Porte débarque avec ses deux enfants, accompagnée de son homme Honoré Porte (oui le même patronyme…). Ensemble, comme tant d’autres paroissiens enveloppés dans une cape ou un mantel, ils convergent dans la pénombre vers l’église.
Le temps de l’Avent – du latin « adventus », s’achève, la nuit de la Nativité commence. ; obscurité du village, lumière et ors de l’église baroque villageoise, torsades dorées, angelots, lumière pour accueillir le Divin Enfant.
Mon petit monde suit-il l’intégralité du déploiement cultuel ?
Après les premières Vêpres - prières su soir - de la Nativité, célébrées solennellement avec encens, les confrères du Saint Sacrement chantent Matines de dix heures du soir à minuit, heure où débute la Grand’messe, suivie de Laudes, Prime et de la messe de l'aurore.
Les fidèles se réunissent évidemment pour la Grand’messe du jour de Noël, où la confrérie du Rosaire cette fois assure le service et les chants religieux auprès de la crèche.
Qui peut me souffler dans l’oreillette si des noëls populaires existaient à Avrieux comme à Bessans ?
« D'où viens-tu, belle bergère ? D'où viens-tu ?
Je viens de l'étable de Bethléem.
Qu'as-tu vu ? Est-il beau ?
J'ai vu quatre z'anges, le bœuf et l'âne ».
Chuchotements de Marie-Françoise, François et les autres, ils insistent sur la célébration joyeuse et vivace du Cycle des Douze jours qui s’étale de Noël à l’Epiphanie, du 25 décembre au 6 janvier.
Dans leur pays, c’est le moment de l'année où se déguste le pain blanc : le pain de Chalande fournée spéciale de Noël, il améliore le menu quotidien avec des rissoles ou un farçon parfois.
Au cours des longues veillées on parle aux enfants du Père Chalande et de sa femme la Chauche-Vieille, personnages mythiques qui enflamment l'imagination des jeunes cerveaux... L’un est l’ancêtre du père Noël, l’autre une sorcière maléfique et bénéfique toute à la fois.
Veillées où on chante un noël populaire en patois, et on casse des noisettes si savoureuses quand elles s'accompagnent de pain blanc, la véritable gourmandise de cette époque. Veillées qui rompent la monotonie de l’hiver où on regarde brûler l'énorme bûche qui doit durer jusqu'au Nouvel An, bûche parfois saupoudrée de sel pour garantir de bonnes récoltes pour l'année à venir... et qui met en fuite les sorcières.
Le sel encore lors de la Grand'messe de la Saint-Sylvestre, où offrande est faite du sel qui sera mélangé à celui que l'on donne aux bêtes pour demander à Dieu de les garder de tout accident et de contagion.
Esquisse de rencontre nostalgo-ancestrale avec Marie-Françoise, François, Joseph et les autres, sur fond de rituel religieux et de coutumes, et leurs murmures suggèrent de l'espérance :
« Sainte Marie, benoîte dame,
Petit Poupon fils du Saint Père
Et d'une si dévote Mère,
Nous vous adorons à genoux.
Ne regardez pas notre méchanceté
Au grand jour de yotre Justice
Et nous faites pardon à tous ».
Pour compléter un billet sur les Noëls d'autrefois à Bessans
Source
Les noëls savoyards
du Chanoine Victorin Ratel
Un rendez-vous de saison très richement documenté ... Une belle rencontre
RépondreSupprimerUn très joli rendez-vous. Apaisant. On a l’impression d’y être 🤗
RépondreSupprimerTout le merveilleux de Noël est là, j'adore ce texte !
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