samedi 21 décembre 2024

Un Noël ancestral

Neige d’Avent dure longtemps selon un adage : un village de montagne enfoui sous une épaisse cape blanche s’avère être mon étape ancestrale en ce mois de décembre 1765.

Le clocher de l’église d’Avrieux se distingue encore, mais les sommets alentour sont absents. Dans ce coin de Maurienne du Duché de Savoie, les maisons tassées les unes contre les autres pour se protéger du vent et du froid, desservies par de ruelles tortueuses, cachent un bon nombre de mes ancêtres.


© La Norma'attitude - Avrieux 
Dans une des maisons aux solides murs de pierre, une femme s’affaire, Marie-Françoise Parmier hésite sur sa vêture pour cette veillée si particulière, va-t-elle mettre sa foudelle de ratine verte ou enfiler celle qui est violette, quel fichu d’indienne retenir. Attifiaux présents dans son trousseau du temps de sa jeunesse, mais les années ont passées,

Joseph Porte l’héritier mâle tant attendu va sur ses 4 ans, c’est la fierté du père François Porte feu Vincent. Anne la grande fille du couple, avec ses 17 ans, devient un souci avec son établissement.

Le maître de maison presse sa troupe familiale, d’autant que sa sœur Barbe Porte débarque avec ses deux enfants, accompagnée de son homme Honoré Porte (oui le même patronyme…). Ensemble, comme tant d’autres paroissiens enveloppés dans une cape ou un mantel, ils convergent dans la pénombre vers l’église.

Le temps de l’Avent – du latin « adventus », s’achève, la nuit de la Nativité commence. ; obscurité du village, lumière et ors de l’église baroque villageoise, torsades dorées, angelots, lumière pour accueillir le Divin Enfant.

Mon petit monde suit-il l’intégralité du déploiement cultuel ?

Après les premières Vêpres - prières su soir - de la Nativité, célébrées solennellement avec encens, les confrères du Saint Sacrement chantent Matines de dix heures du soir à minuit, heure où débute la Grand’messe, suivie de Laudes, Prime et de la messe de l'aurore.

Les fidèles se réunissent évidemment pour la Grand’messe du jour de Noël, où la confrérie du Rosaire cette fois assure le service et les chants religieux auprès de la crèche.

Qui peut me souffler dans l’oreillette si des noëls populaires existaient à Avrieux comme à Bessans ?

« D'où viens-tu, belle bergère ? D'où viens-tu ?
Je viens de l'étable de Bethléem.
Qu'as-tu vu ? Est-il beau ?
J'ai vu quatre z'anges, le bœuf et l'âne ».


Chuchotements de Marie-Françoise, François et les autres, ils insistent sur la célébration joyeuse et vivace du Cycle des Douze jours qui s’étale de Noël à l’Epiphanie, du 25 décembre au 6 janvier.

Dans leur pays, c’est le moment de l'année où se déguste le pain blanc : le pain de Chalande fournée spéciale de Noël, il améliore le menu quotidien avec des rissoles ou un farçon parfois.

Au cours des longues veillées on parle aux enfants du Père Chalande et de sa femme la Chauche-Vieille, personnages mythiques qui enflamment l'imagination des jeunes cerveaux... L’un est l’ancêtre du père Noël, l’autre une sorcière maléfique et bénéfique toute à la fois.

Veillées où on chante un noël populaire en patois, et on casse des noisettes si savoureuses quand elles s'accompagnent de pain blanc, la véritable gourmandise de cette époque. Veillées qui rompent la monotonie de l’hiver où on regarde brûler l'énorme bûche qui doit durer jusqu'au Nouvel An, bûche parfois saupoudrée de sel pour garantir de bonnes récoltes pour l'année à venir... et qui met en fuite les sorcières.

Le sel encore lors de la Grand'messe de la Saint-Sylvestre, où offrande est faite du sel qui sera mélangé à celui que l'on donne aux bêtes pour demander à Dieu de les garder de tout accident et de contagion. 

Esquisse de rencontre nostalgo-ancestrale avec Marie-Françoise, François, Joseph et les autres, sur fond de rituel religieux et de coutumes, et leurs murmures suggèrent de l'espérance : 

« Sainte Marie, benoîte dame,
Petit Poupon fils du Saint Père
Et d'une si dévote Mère, 
Nous vous adorons à genoux. 
Ne regardez pas notre méchanceté
 Au grand jour de yotre Justice
Et nous faites pardon à tous ».


Pour compléter un billet sur les Noëls d'autrefois à Bessans 


Source 
Les noëls savoyards
du Chanoine Victorin Ratel   


vendredi 13 décembre 2024

Des jeunes parrain et marraine

Comme dans toute paroisse du Royaume de France, le prêtre de Barisis a fait une bénédiction solennelle des fonts baptismaux le samedi saint de Pâques et la veille de la Pentecôte en cette année 1706. De même il a béni une grande quantité d’eau eu égard au nombre de ses ouailles, et s'assure de détenir en quantité suffisante les saintes huiles bénites et consacrées par l’évêque le jeudi saint.

© Inventaire Patrimoine Ile de France Ecouen - Louis Ville 

Ce 13 juin 1706, le prêtre a été prévenu d’une naissance intervenue récemment chez Jean Pasques, dont l’épouse Marie Magdeleine Rossignol a été délivrée d’un garçon le cinquième enfant du couple. Au plus tôt, l’enfançon doit être accueilli dans le monde chrétien en recevant le sacrement du baptême.

Le père débarque dans la petite église, son fils, soigneusement emmailloté, est tenu par une femme d’expérience, un homme la bonne trentaine les accompagne.

Le sacristain (ou le clerc laïc peut-être) a préparé le vase des saintes huiles, un vase plus petit pour prendre l’eau baptismale dans les fonts, un bassin pour recevoir l’eau qui tombe de la tête du baptisé, un petit vêtement blanc pour être mis sur la tête de l’enfant, de l’étoupe pour essuyer les endroits où on fait les onctions.

Rédigé à l’issue de la cérémonie du 13 juin 1706, l’acte de baptême d’Alexandre Pasques stipule que le parrain est Jean Rossignol au nom d’Alexandre Rossignol, et la marraine est Marie Pierpont au nom de Marie-Catherine Rossignol.

AD 02 Barisis BMS 1721-1750 extrait

Pourquoi cette représentation et qui sont les parrain et marraine choisis par les parents :

     - Alexandre Rossignol le parrain est âgé de 4 ans, son père Jean est le cousin germain du baptisé, tous deux issus de la branche aînée de la famille.

     - Marie-Catherine Rossignol la marraine, âgée de 3 ans, est une cousine germaine du baptisé, elle et sa mère, Marie Pierpont sont mes ancêtres.

A priori ce choix s’inscrit dans l’esprit de renforcer les liens familiaux, mais cette désignation de si jeunes enfants m’interpelle.

En effet, le Rituel du Diocèse d’Amiens édité en 1784, qui cite le Concile de Trente stipule : « Comme le parrain et la marraine sont obligés de répondre pour le baptisé, et de l’instruire à défaut de ses parents, ils doivent avoir un âge suffisant, être de bonnes mœurs, savoir la doctrine chrétienne. Il serait à désirer qu’ils eussent été confirmés et il faut qu’au moins, le parrain ou la marraine ait fait sa première communion. »

Plus tardif en 1849 le manuel de théologie morale à l’usage des curés mentionne l’âge de raison soit 7 ans.  

Toujours est-il, le baptisé a pu être épaulé sur le plan spirituel par les parents des jeunes parrain et marraine. Alexandre Rossignol adulte a été témoin en tant que parrain au mariage d'Alexandre Pasques en 1732.

J'ai croisé trois ou quatre cas similaires de très jeunes parrain et marraine dans ce village.  



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Alexandre Pasques dans la mariée oubliée
Marie Pierpont dans si peu remariée 



vendredi 6 décembre 2024

La mariée oubliée

La famille de Jean Rossignol et Marie Blanchard, ancêtres picards tout en haut d’une branche, m’a fait errer dans les registres de Barisis aux Bois, village aujourd’hui dans l’Aisne : versions années 1677-1720 et années 1721-1750.

Une fille de ce couple : Marie Magdeleine Rossignol unie à Jean Pasques a donné naissance à un fils Alexandre en 1706.

Voilà que ce gaillard d’Alexandre Pasques convole en l’an de grâce 1732 avec ?

AD 02 Barisis BMS 1721-1750 extrait 

Là, le bât blesse parce que le prêtre sur sa copie du registre a été distrait, même en lisant l’acte de mariage à haute voix, et en le transcrivant cela donne :

« le 26 mai 1732 ont été solennellement mariés par moi curé soussigné Alexandre Pasques fils des défunts Jean Pasques et Marie Magdeleine Rossignol,

et ?

après les avoir fiancés, les bans publiés par trois dimanches, à la messe de la paroisse, sans qu’il s’y soit trouvé aucun empêchement,

en présence d’Alexandre Rossignol parrain, Jean Louis et Raphaël Pasques frères de l’époux, François Grandvalet père, Albert, Nicolas Grandvalet frères de l’épouse qui ont signé avec l’époux non l’épouse aux minutes. »

Qui est cette mariée oubliée, au patronyme connu, avec un père en vie et deux frères ?

Un petit tour sur les indices de Geneanet et une flânerie dans les registres s’imposent donc pour repérer la famille de la mariée, et les enfants du nouveau couple.

Côté famille répondent présents François Grandvalet meunier uni avec Marie Mennessier, heureux parents de deux fils Albert et Nicolas et d'une fille prénommée Marie-Catherine : est-elle la mariée oubliée.

Côté descendance, en février 1733 naît Alexandre fils d’Alexandre Pasques et de Marie-Catherine Grandvalet, voilà le prénom de la promise et de la jeune mère, suit en 1735 une petiote baptisée Marie-Catherine comme celle qui lui a donné la vie.

Extrait d'arbre fait avec Généatique 


Hélas l’an 1737 voit disparaître à 29 ans à peine le père de famille, et son fils le suit de peu dans l’au-delà.

Veuve le 13 mars 1737 d’Alexandre Pasques, Marie-Catherine Grandvalet se remarie moins de 3 mois après : le 4 juin avec Jean Louis Liénard laboureur fils de mon ancêtre Louis Liénard salpêtrier.

Curieux ce remariage si rapide pour une femme, dont l'enfant de ce second lit pointe son nez 17 mois plus tard. Gardons en mémoire que le délai de viduité n'existe pas sous l'Ancien Régime ni pour les femmes ni pour les hommes. 

Une mariée retrouvée, des branches qui s'entrecroisent dans mes recherches généalogiques sur la paroisse de Barisis aux Bois. 



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