samedi 15 février 2025

A bâtons rompus

Noir et blanc de registres paroissiaux, d’actes notariés, puis noir et blanc d’une photo ancienne d’Avrieux en Savoie qui révèle l’habitat groupé, les petites parcelles de jardin, plus loin les champs, à l’arrière-plan des cultures en terrasse, sans oublier plus haut les alpages.

© Musée Savoisien - Avrieux 

Avrieux, village à 1100 mètres d’altitude sur un versant ensoleillé, avec 500 âmes environ, s’est révélé être un nid d’ancêtres dans la haute vallée de la Maurienne, pas étonnant d’apercevoir en grisé des silhouettes s’activant, d’entendre des sons assourdis : des rendez-vous ancestraux somme toute.

Vincent Porte y accueille en novembre 1747 sa bru Marie-Françoise Parmier venue du village voisin du Bourget pour fonder une famille avec son fils unique François Porte, heureusement la dot est convenable et le trousseau garni. Agé de 64 ans, veuf de Marie Bertrand, Vincent le père a besoin d’être aidé par le nouveau couple pour tous les travaux, d’autant que sa seule fille Barbe a convolé l’année précédente avec Honoré Porte (et oui une autre branche Porte).

Cahin-caha, Marie-Françoise s’adapte au caractère de son homme, de son beau-père, prend ses marques dans la maison, ses repères dans le village, fraternise avec la parenté. Un premier cri d’enfant est poussé, le 29 août 1748, par une petite Marie aussitôt baptisée, Marie Parmier une cousine de la maman en est la marraine, et le parrain son oncle Honoré.

Les saisons se succèdent, comptent double pour Vincent le grand-père, les intempéries ou le trop grand soleil se répercutent sur les récoltes, et puis toutes ses charges à s’acquitter, que de souci, et en plus pas d’héritier mâle chez son fils. Echanges vifs en famille, espérances déçues avec des fausses-couches, comment savoir.

Affaibli, Vincent Porte le grand-père s’éteint le 4 juillet 1755 entouré des siens à 71 ans, silence et recueillement,

© Musée Savoisien boite à sel
La roue tourne, François Porte, courageux de tout temps, est désormais chef de famille comme en atteste le recensement de la gabelle en 1758 avec Marie-Françoise son épouse et la petite Marie. L’agent a inscrit pour le bétail : 3 vaches, 3 brebis, 2 chèvres et 1 veau à saler.

Pour cet impôt qui va dans les caisses royales, impopulaire tant en Savoie que dans le Royaume de France, François va devoir acheter 8 livres de sel par personne, 6 livres par vache, un peu moins pour les autres animaux.

Et puis en plein hiver, le 17 février 1762, effervescence au logis, espoir et inquiétude, la matrone du lieu officie, les femmes de la proche parenté s’agitent et encouragent Marie-Françoise pour une naissance gémellaire. Epuisée, la maman admire Joseph le fils tant attendu et une petite Anne pas très vaillante. Une sœur de la parturiente, une tante et un oncle, un parent prénommé Joseph tous pressentis comme marraines et parrains des jumeaux foncent à l’église proche pour le baptême comme de coutume et ramènent vite mettre les enfants au chaud. 

A-t-elle pu nourrir les deux nouveaux-nés ma Marie-Françoise, pas de trace de la petite ensuite, le petit gars a résisté.

Bienvenu à mon lointain grand-père Joseph Porte qui grandit avec Marie sa grande sœur, 14 années d’écart. L’un et l’autre sont envoyés à la petite école du village : catéchisme, calcul, lecture, écriture au programme, entre la Toussaint et Pâques, parce que les autres mois les gamins aident aux champs ou gardent les bêtes à l’alpage.

La roue tourne, Marie l’aînée de François Porte s’établit, sa mère a veillé au trousseau, laissé choisir la dentelle ou le fichu d'indienne à la future, le père méditant sur les parcelles à donner. Grand merci au notaire pour sa belle écriture dans le contrat dotal du 26 novembre 1771 entre Marie Porte et Jean-Baptiste Corrand et toutes ses précisions dont les noms des mères. 

Dans les morceaux choisis du trossel de Marie je note un petit crucifix d'argent, de ceux que l'on noue autour du cou avec un ruban, quatre coiffes de deuil parmi les nombreuses coiffes, un chaudron avec sa anse pesant 13 livres de ceux que l'on pose sur trépied dans la cheminée. Les pères, le futur et la future et les deux témoins signent, sauf les mères qui font leur marque. Contente de découvrir que François a permis à sa fille Marie d'avoir des rudiments d'instruction. 

Extrait d'arbre - cliquer pour agrandir

Journée chargée pour les mariés et les parents puisque le même jour, le mariage est célébré dans l'église d'Avrieux. Quel fichu d'indienne a été choisi par ces dames pour réchauffer leur robe verte ou violette, qui a aidé au repas de noces, les messieurs ont-ils été prévenants, empressés, point trop portés sur la dive bouteille ? Mystère. 

Joseph Porte le petit frère de presque 10 ans, a-t-il remarqué à cette occasion une cousine de son âge. En tout cas François son père et son défunt grand-père Vincent m'ont réservé des surprises, et j'envisage de vous les révéler prochainement. 


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Sources
AD 73 Avrieux BMS
AD 73 Tabellion Termignon 1771

3 commentaires:

  1. Superbe envolée ! J'attends avec impatience les surprises !

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  2. Encore un bien joli trousseau 🤗 Hâte de lire la suite !

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  3. Jolie suite de la série qui raconte Marie Françoise. C'est toujours un plaisir de lecture !

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