samedi 1 février 2025

Les accordailles

Le Bourget est le fief de Jean-Baptiste Parmier, de son père Dominique maître-bâtier, lointains grands-pères, de leur parenté Buisson, ce village fut un relais important sur la voie reliant la Maurienne à la vallée de Suse en Piémont par le col du Montcenis.

Lieu de passage qui justifie son développement, cité par des récits de voyageurs, comme celui de Jacques Lesaige, marchand de draps de soie de Douai, se rendant à Jérusalem en 1518 qui écrivit :

« de Saint-André au Bourget il y a deux grandes lieues et pénibles chemins de pierre, et monts et vallées, et toujours neige d'un côté et de l'autre. Il nous fallut passer plusieurs eaux. Nous demeurâmes au diner au dit Bourget qui est un village, et portent les femmes des alentours rouges chapeaux, et je dépensai cinq gros. Du Bourget à Termignon, il y a trois grandes lieues et tels chemins que devant".

Eglise Le Bourget ©Wikipedia Florian Pépellin

Là dans ce coin du Duché de Savoie, sur la rive droite de l’impétueuse rivière Arc, versant ensoleillé à 1200 mètres d’altitude, Jean-Baptiste Parmier bâtier vit du passage des voyageurs, avec Marie Ratel son épouse. Confection et réparation de bâts pour les mulets, réparations de sangles, ou de la selle d’un cavalier avant le passage des Alpes, voire de roues de carrosses de doctes personnages et gentes dames en route pour la cour installée à Turin, tel s'avère le quotidien du chef de famille.

Les maisons s’adaptent à la déclivité du terrain, et communiquent par des passages couverts, l’idéal pour les parties de cache-cache des enfants.

Ma chère Marie Ratel si elle n’a pas de belle-mère à supporter, se trouve sous la coupe de sa moitié certes, mais aussi celle du patriarche son beau-père, deux beaux-frères à servir avant qu’ils ne s’établissent, et des belles-sœurs qui ont pu l’aider avant de convoler. Bref la vie regroupée de l’époque…

Après Anne, le couple accueille une petite Marie-Françoise (sosa 129), baptisée le 5 août 1717 dans l’église Saint-Pierre aux Liens du Bourget, en une chaude journée estivale, bonjour chère aïeule.

Débarquent ensuite une autre petiote Marguerite, suivie d’un petit ange Etienne, encore une fille Anastasie, et enfin un héritier costaud Etienne.


Extrait arbre cliquer pour agrandir

Le temps passe, le patriarche Dominique Parmier s’affaiblit, prend ses dispositions entres ses sept enfants, et se réfugie dans le « pélo » ou « pléchotte » « poêle » dans les actes notariés. Cette pièce est tempérée par la grande cheminée de la cuisine attenante.

Marie-Françoise âgée de 9 ans perd son grand-père paternel en 1726, et à presque 18 ans voit disparaître coup sur coup Marguerite Lathoud sa grand-mère maternelle et sa pauvre maman en 1735.

Les trois aînées de Jean-Baptiste, désormais veuf, élèvent les plus jeunes, s’affairent pour l’intendance de la maisonnée, s’occupent des quelques bêtes, travaillent aux champs, sans oublier le filage du chanvre.

***
Rêve-t-elle un peu Marie-Françoise à son avenir, en tout cas le père ne « lâche » pas vite ses filles, qui dit mariage dit dot, qui dit mariage dit servante en moins.

Comme toute fille de cette époque, elle pense à son trousseau et, auprès des marchands qui transitent au village, a retenu de la toile de Cambrai pour ses coiffes, un lin très fin, et aussi un lin plus basique. Elle en confectionne plus de 24, certaines coiffes sont ajourées, toutes sont bordées de dentelle et de même elle coud 24 coiffes de toile prime de pays qui sont ornées de dentelle.

Pour agrémenter sa vêture et jeter sur ses épaules, Marie-Françoise peut choisir entre 4 mouchoirs d’indienne, autant de soie dont 3 multicolores et un vert, son mouchoir de gaze ou se contenter d’un de ses 2 mouchoirs de coton.

Bref vous vous doutez qu’il y a eu des accordailles pour ma petite Marie-Françoise Parmier (sosa 129) à 30 ans révolus son mariage se précise. L’heureux élu, François Porte (sosa 128) fils de Vincent Porte habite le village voisin d'Avrieux, il a fait la route de quelques lieues avec Maître Jacques Girard le notaire, son père et ses témoins Honoré Porte et Pierre Mulinier pour l’établissement du contrat dotal.

Grand jour ce 15 novembre 1747 pour acter les tractations antérieures entre le père Jean-Baptiste Parmier et François Porte le futur époux, le notaire royal et collégié s’applique et connaît les formules par cœur.

AD 73 Tabellion Termignon 1747 extrait

Pour contribuer aux charges du mariage, Marie-Françoise apporte en dot une pièce de terre  de trois quartellées située près de la chapelle Sainte-Apollonie, d’autres parcelles de terre et de pré toutes situées et délimitées avec précision, ainsi qu’une chènevière où pousse le chanvre en milieu humide, et une quote-part de montagne c’est-à-dire des prés en alpage.

Selon la coutume de Savoie, François donne à sa belle un augment de 180 livres.

Toutes les pièces du trossel de mon aïeule sont détaillées selon leur état : neuf, presque neuf, mi-usé, selon le tissu. Elle détient plusieurs foudelles (tabliers) de ratine verte, de drap violet, de drap de pays violet, sans oublier 4 robes dont une de drap blanc avec un corsage violet, une robe couleur vin.

Pour se réchauffer, ma promise dispose de 4 paires de bas fait à l’aiguille en laine de pays et pour se chausser de 4 paires de souliers neufs.

Dans la liste, figure une note touchante : 2 baptisés soit une pièce entourant les nouveau-nés lors de leur baptême et 4 bonnets pour enfants à la mamelle, et une note de coquetterie : une bague et une petite croix. Tout le trousseau doit tenir dans le coffre de sapin fermant à clé.

Pour les 4 livres d’étain commun (vaisselle ?), les 12 quartes de seigle, la quarte de froment, et 4 livres de méteil soit une association de céréales, des sacs doivent être prévus et chargés sur le bât d’un mulet.

Ma petite Marie-Françoise, détentrice du trousseau et des denrées, avec les siens, prend le chemin d’Avrieux le 21 novembre 1747 pour la cérémonie des épousailles dans l’église paroissiale du marié François Porte comme le veut la tradition en Maurienne.

Le chemin d’une nouvelle vie dans un nouveau village, et l’espoir que ce couple trentenaire se soit accordé.

A suivre 


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N.B. le gros est une pièce de monnaie d'argent 
         la livre est une unité de poids 
         la quartellée est une mesure de surface
         la quarte est une mesure pour les grains

AD 73 Tabellion Termignon 1747 2C 2369 vue 345 


6 commentaires:

  1. J'adore quand les trousseaux sont bien détaillés dans les contrats de mariage ! De mon coté de la frontière dans le Dauphiné (Isère) la foudelle se dit le fouda. On parle presque la même langue :)

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  2. Cette intrusion très détaillée dans la vie de Marie Françoise est très agréable à lire. J'aime beaucoup les termes régionaux !

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  3. J'adore lire ces morceaux de vie, communs à mes ancêtres de Maurienne. Nous avons le Tabellion qui détaille toujours aussi bien le contrat dotal.

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  4. Quel plaisir de connaître le détail du trousseau de la mariée !

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  5. La lecture de ce billet est une parenthèse enchantée 🤗 Merveilleux coffre de sapin qui nous révèle une jolie garde robes colorée 🥰

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  6. Tout est prévu dans ce trousseau qui ferait rêver bien de fiancées.
    Avec beaucoup de tendresse pour la jeune femme.

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