samedi 19 décembre 2020

Des signatures et des êtres

Brefs instants saisis au détour d’actes rédigés par le prêtre du lieu, à l’issue d’une cérémonie : les imaginer en train de tremper la plume dans l’encre, prendre juste ce qui est nécessaire du sombre liquide, hésiter faute de pratique, ou en habitué négligemment reproduire son paraphe. 

Sentez l’odeur de l’encre, entendez le crissement de la plume sur le grain du papier du registre ! Appliquez-vous, concentrez-vous : ce sera autant de rencontres avec des ancêtres ou des collatéraux : des signatures mais, et surtout, des êtres. 




Souvenez-vous du jour heureux à Aubenton en 1669 où Catherine Gérard a signé son acte de mariage avec Gobert Brugnon ? Jacques Gérard son père était présent ému, peut-être, à la voir partir vers un nouveau destin dans un autre village Watigny, toujours en Thiérache. 

Dans cette même église de pierres, Jacques Gérard lors d’autres jours heureux est intervenu au mariage de son neveu fils de son frère Gilles, ou comme grand-père lors de l’union de sa petite-fille Antoinette Gallois, autant de moments dérobés avec lui, avec eux tous. 

Jours plus sombres et de peine en 1675, lorsque Jean Gérard est témoin lors de l’inhumation de Marguerite Paroisse son épouse, de sa belle-sœur Jeanne Paroisse et de son gendre Antoine Gallois. Que le prêtre soit ici remercié de sa précision sur la parenté des témoins, qui comble des années lacunaires, et de sa vigilance à recueillir les signatures. 

Jours heureux dans l’église de briques de Watigny où au fil des ans furent baptisés les 6 enfants de Gobert Brugnon, maréchal, mis au monde par Catherine Gérard entre 1670 et 1686. 

Lors de ma traque aux indices, chère Catherine j’ai croisé - dans votre nouvelle paroisse - à l’occasion de ces baptêmes : Françoise Gérard votre sœur ou Catherine votre nièce fille de votre frère Jean Gérard le menuisier et Jacques tous venus d’Aubenton, mais aussi votre frère Nicolas Gérard installé à Charleroi en Hainaut. 

Brefs instantanés qui nous relient avec la chaîne des générations : grâce à eux l’entourage d’aïeux se précise, des liens apparaissent entre les êtres, entre les lieux, leurs joies ou projets, leurs peines ou espérances. 

Promis à l’occasion j’irai recueillir les confidences de Catherine et celles de Gobert le maréchal. 


Retrouver Catherine Gérard et Gobert Brugnon



Gobert Brugnon sosa 1750 ca 1642-1700 fils de Jean 
x 1669 Catherine Gérard sosa 1751 ca 1646-1700 
fille de Jacques et Marguerite Paroisse

6 enfants dont
  Jeanne Brugnon sosa 875
x 1701 Pierre Dru sosa 874


samedi 5 décembre 2020

Un vieillard au pied du chêne

Au hasard d’une recherche dans la presse ancienne, ciblée sur Barisis village de mes ancêtres, un bref entrefilet du Journal de Saint-Quentin et de l’Aisne du 30 novembre 1897 mentionne : 

« On a retrouvé vendredi, vers 9 heures du soir, dans le bois de Barisis, à proximité de la route qui conduit d’Amigny-Rouy à la fabrique de sucre de Barisis, le cadavre d’un vieillard de cette commune, nommé Cochet. 

On suppose que ce pauvre homme, qui était allé ramasser du crottin, aura été saisi par le froid, et qu’il sera allé s’asseoir au pied du chêne où son fils, qui s’étonnait de de ne pas le voir rentrer, et M. Vivet garde-champêtre, l’ont finalement découvert. »



Un petit tour dans le registre d’Etat-Civil de la commune permet de dénicher l’acte de décès de Jean-Baptiste Cochet du 27 novembre 1897 : son fils Henry Auguste Cochet âgé de 50 ans, manouvrier de son état, s’est rendu à la mairie pour la déclaration, accompagné de Florimond Vivet le garde-champêtre. 

Le défunt est mentionné avoir été examiné par un médecin et s’être éteint en sa demeure à 9 heures du soir. Comme un léger décalage sur le lieu de décès entre le journal et l’acte, toujours est-il Jean-Baptiste Cochet a été saisi par le froid un jour de novembre à l’extérieur de chez lui. 

Il était fils d’un autre Jean-Baptiste Cochet et de Catherine Courty et veuf de Rosalie Bleuet : et me voilà chercher son union et, autre découverte, car cette dernière est une lointaine collatérale, mon arbre s’est donc étoffé avec cet entrefilet sur le nommé Cochet.


Sur le thème de la presse



Sources 
AD 02 Barisis EC 
Retronews 
Le Journal de St-Quentin et de l'Aisne


mercredi 11 novembre 2020

Emile Faure l'oncle des Gallands

Le héros de ce billet, en ce jour de commémoration de l’armistice, est le grand-oncle, ou arrière-grand-oncle Emile « dit des Gallands » par certains de mes cousins : son parcours de soldat pendant la première guerre mondiale le justifie. 

Ce n’est pas mon « oncle », mais par son épouse, une lointaine de mes collatérales, il figure comme allié dans mon arbre généalogique. 

Pierre Emile Faure voit le jour dans la Drôme à Montmeyran, au lieudit Les Gallands, le 26 mars 1878, c’est le premier enfant de François Faure cultivateur et d’Adèle Sauvan mariés depuis 4 ans. Il grandira fils unique, au foyer les recensements révèlent qu’un domestique aide le chef de famille pour ses travaux, et que ses grands-parents paternels demeurent à côté. 

Le temps passant si vite, à 20 ans en 1898, Emile doit satisfaire à ses obligations militaires, la précieuse fiche matricule du Bureau de Recrutement de Romans nous apprend qu’il est cultivateur. D’une stature de 1 m 66, il a des yeux châtains tout comme ses cheveux et sourcils, un visage ovale et un menton rond, son degré d’instruction est qualifié de 3 soit une instruction primaire développée. 


AD 26 Extrait fiche matricule 


Affecté au 2e Régiment d’Artillerie, l’oncle Emile est arrivé au corps le 16 novembre 1899 comme soldat, nommé un an après brigadier et ensuite maréchal des logis, il devait donc donner satisfaction. Mis en disponibilité le 20 septembre 1902 - après 34 mois de service militaire - il regagne sa terre natale. 

Jour heureux le 23 mai 1908, Emile Faure épouse à Montmeyran Marie Louise Thezier fille d’Eugène Thezier et Sophie Comte, ils ont le même âge. 

Jour sombre avec le déclenchement de la première guerre mondiale le 4 août 1914, notre poilu intègre à 36 ans l’Armée du Nord et du Nord Est, pour un certain temps : jusqu’au 17 février 1919. 

De son parcours pendant le conflit, je retiens son affectation au départ : dans le 6e régiment d’artillerie lourde basé à Valence, puis dans d’autres régiments d’artillerie. (107e, 141e, 114e) 

Si je me réfère au précieux site chtimiste.com ce type de régiment comprend 3 groupes de 3 batteries d’artillerie de canon de 75, régiment « monté » donc à cheval. Chaque batterie comprend 9 pelotons de pièce, peloton commandé par un maréchal des logis : la place d’Emile Faure devait donc être par là. 

Loin de moi l’idée de vous infliger un parcours détaillé qui correspond en tant de pages d’histoire, j’en suis incapable. 



Tout est résumé dans la citation reportée sur la fiche matricule : 

« Cité à l’ordre de la Brigade d’Artillerie de Campagne du 1er C à C ( ? ) en date du 30 juillet 1916 a pris part à l’attaque des Eparges, aux offensives d’Artois et sur la Somme. Excellent chef de pièce, a toujours fait preuve des plus solides qualités militaires, en montrant en toutes circonstances le plus grand sang-froid et un complet mépris du danger » 

L’oncle « des Gallands » appartient à ceux qui ont traversé tout le conflit, échappé aux lames de feu contrairement en tant de ses frères d’armes, revenu avec des meurtrissures du corps je ne sais, des meurtrissures de l’âme sûrement. 

Bibliothèque de souvenirs à une époque, il ne dédaignait pas les raconter : j’ai en mémoire que Papa l’écoutait, exprimait-il l'indicible ? Maman et moi préférions deviser avec nos cousines, âgé, veuf sans enfants, il demeurait alors chez des neveux. Emile Faure s’est éteint à Die le 22 février 1970. 

Regardez, il n’a pas disparu, une carte de combattant lui a été délivré en 1929, il nous dit souvenons-nous. Courage, espérez !

 





Sur le blog des soldats de la Grande Guerre
Eclairs d'acier sur Emile


Sources
AD 26 : Etat Civil 
Carte Ancien Combattant
Fiche matricule
1 R 202 FM 1177 vue 277

Pour aller plus loin
Chtimiste.com 
Historique des régiments d'artillerie

Musée de la Grande Guerre :
L'artillerie

samedi 17 octobre 2020

Village disparu village déplacé

Si je savais faire un croquis, si je savais maîtriser un logiciel en 3 D, je reconstituerais l’ancien village de Montmeyran terroir de mes ancêtres drômois. Au lieu de cela des extraits de plans m’échappent des mains, glissent de la table, tombent sur le plancher, s’envolent jusque sur le balcon par la fenêtre ouverte. Le soleil couchant envoie une lame de lumière, éblouissement total, centaines de papillons dans les yeux et ? 

Je me retrouve assise sur un tertre herbeux, ose enlever une main de mon visage, puis l’autre et distingue la montagne de la Raye au loin, un contrefort du Vercors. 

Je suis vers 1700-1710 à apercevoir des silhouettes déjà rencontrées dans un quadruple mariage à Montmeyran, elles sont toutes un tantinet plus jeune : Isabeau Clément m’aide à me relever, à ses côtés Jean Dorelon son époux, en retrait Claude Richard et sa femme Madeleine Arnoux. 

Cette fois, je lance à la cantonade à mon quatuor d’ancêtres : racontez-moi votre village d’antan, il paraît que chacun de ces côteaux porte un nom différent ? 

Montmeyran Tour et quartier des Rollands © Delcampe

Le posé Claude Richard d’énoncer : au sud derrière nous c’est le Serre de la Motte, puis le second le Serre de la Palette, le troisième le plus élevé est le Serre de Meyran où nous sommes, ensuite le Serre de Fournier, et le cinquième le Serre de St-Genis. 

Notre village est construit sur le Serre du Meyran, tout autour le mur d’enceinte que vous voyez a 12 mètres de hauteur, et s’étend sur une longueur de 750 mètre. Qui a soufflé les mesures actuelles dans l’oreillette de mon ancêtre ? Cette enceinte est flanquée de 5 tours de plus de 15 mètres de haut. 

Vous êtes arrivée par quelle porte, celle du couchant dite Jame ou de la Garenne, ou avez-vous emprunté la porte du levant dite des Barrys ? Il me paraît exclu que vous soyez passé au nord par la petite porte qui fait communiquer le village avec le cimetière de St-Genis. 

A vrai dire, je ne sais pas comment je suis arrivée ici …… 

Moment de silence, grands doutes de mes interlocuteurs et Jean Dorelon poursuit : à votre époque il reste combien de tours ? 

Oh il se chuchote, que 3 d’entre elles en ruines se voyaient vers le 19ème siècle, puis une seule. 

Enfin notre village qui s’étend en amphithéâtre sur plus de 3 hectares à cheval sur les deux flancs du côteau, vous l’avez traversé avant qu’on vous croise ? 

A vrai dire, je ne sais pas non plus… 

Bon, certes, regards perplexes : on va se diriger ensemble vers le château qui abrite le seigneur vassal, il se prolonge par des écuries, et un puits sert à toute la population, à proximité observez la tour du Colombier. 

Docilement j’obtempère, cheminant avec à ma droite Isabeau Clément et à ma gauche Madeleine Arnoux, lorgnant toutes deux mon étrange vêture. 

Voilà on approche de l’église paroissiale placée sous le vocable de Saint Blaise, regardez plusieurs rues débouchent sur la grande porte du Vent, on va y pénétrer. 

Dans cet édifice – peut-être de 8 mètres de large et de 25 mètres de long – mes guides de ce rendez-vous ancestral s’y sont mariés et leurs enfants y furent baptisés, nouveaux convertis ayant abjuré après la Révocation de l’Edit de Nantes la foi de leurs pères. 


AD 26 Montmeyran Cadastre 1812 extrait

Je suis pensive, les tons basculent sur le sépia, puis les gris, tout s’obscurcit, les propos de mes ancêtres deviennent inaudibles. Tout disparait. Le silence. 

Comme témoins d’un passé enfoui : quelques briques du carrelage de l’église usées par les fidèles, église désormais écroulée, à fleur de terre un pan du donjon, une trace du colombier. La masse imposante des remparts n’est plus. 

Montmeyran à la suite des guerres de religion vit sa population diminuer considérablement, les protestants descendirent dans la plaine de l’est. Les catholiques peu nombreux se dirigèrent à l’ouest vers le nouveau village - implantation actuelle - ils prirent au quartier du Colombier la pierre nécessaire à la construction de la nouvelle église, l’ancienne étant en mauvaise état, pour leurs nouvelles maisons ils prirent les pierres des remparts et les matériaux de leurs anciens logis. 

Village déplacé vers 1730, vieux village disparu avec l’écroulement de l’ancienne église en 1750. 

Rencontre furtive avec mes ancêtres pour tenter d’expliquer ce qui m’a intriguée lors de la découverte d’une notice historique sur le vieux Montmeyran. 

J’ai fait un rêve mais d'anciens cadastres du vieux village citaient comme patronymes : Bonnet, Clément, Dorelon,  entre autres,  figurant dans ma généalogie. 

J’ai fait un rêve, mais le cadastre napoléonien établi en 1812 mentionne deux tours en ruine, l’ancien colombier, les ruines de l’ancienne église, l’ancien cimetière, les remparts et localise l’ancien village. 

Village disparu, village déplacé.



Billet établi dans le cadre du RDVAncestral mensuel qui permet d'aller à la rencontre de ses ancêtres


Sources 
AD 26 Montmeyran BMS et cadastre
Gallica Bulletin de la Société d'archéologie et de statistiques de la Drôme : 
Notice sur l'ancien village par M.Faure 

 

jeudi 1 octobre 2020

Félix Caillet prisonnier à Feistritz

Ce billet fait écho au souhait de Généatech de mise en lumière de soldats napoléoniens liés à notre généalogie dans le cadre de la Semaine Virtuelle de la Généalogie. 

Félix Caillet, un lointain grand-oncle, fut baptisé à Presle en Savoie le 23 août 1784, il était le premier fils de Georges Caillet - mon ancêtre – et de Barbe Dunand sa seconde épouse. Il grandit avec 5 demi-frères et sœurs dont Catherine Caillet sa marraine et mon aïeule directe, puis avec 2 autres sœurs. 

Né savoyard et sujet des rois de Piémont-Sardaigne, il devint citoyen français sous la Révolution lors de l’invasion du duché de Savoie en 1792 désormais département du Mont-Blanc. Et puis le tourbillon du temps, le tourbillon de l’histoire, la grande Histoire, l’épopée napoléonienne, le besoin constant pour l’Empereur Napoléon de nouvelles recrues, voilà que je retrouve Félix Caillet parmi les soldats de la Grande Armée du Premier Empire. 

FM Félix Caillet - Mémoire des Hommes

Laboureur de son état, 1 mètre 63 de stature, au visage plein, petit front, et menton rond, Félix a un nez allongé, des yeux noirs tout comme ses cheveux et sourcils. 

La précieuse fiche matricule n° 2738 du 84ème Régiment d’Infanterie m’indique qu’il est arrivé au corps le 20 mars 1813, soldat du 3ème bataillon, 1ère compagnie. Nouvelle recrue âgée de 29 ans ! Tiens donc … 

Félix Caillet remplace un conscrit de l’an 1810, Joseph Marie Petit en l’occurrence qui a eu malchance de tirer un mauvais numéro, mais ce dernier ou sa famille pour éviter la conscription et moyennant finances a passé un contrat avec mon lointain grand-oncle qui devait avoir besoin de revenus et figurait sur la liste du même canton. 

D'abord interdit par la loi, le remplacement est autorisé à partir de 1802, sous la pression des notables et de la bourgeoisie. Le prix d'un remplaçant a beaucoup varié sous l'Empire : de 2 000 à 10 000 francs en moyenne. Cette pratique ne touche guère que 4% des conscrits entre 1807 et 1811 et tombe à 1 à 2% à la fin de l'Empire. Le prix du remplacement est tout de même de deux à dix ans de revenus pour un paysan pauvre ou un ouvrier agricole. Les contrats, passés devant notaire sont souvent accompagnés de biens en nature. 

Simple soldat Félix Caillet est mentionné fait prisonnier de guerre à Feistritz le 6 septembre 1813. Il n’est pas rentré et a été rayé des contrôles le 1er janvier 1815. 

Où se situe ce lieu, de quelles bataille et campagne s’agit-il ? Quel rôle joua le 84ème Régiment d’Infanterie ? Electroencéphalogramme plat en ce qui concerne mes connaissances. 

Moteur de recherche au secours, mémoires et souvenirs d’illustres officiers que me révélez-vous ? 

Planter la zone géographique : Feistritz est en Carinthie province de l’actuelle Autriche, au bord de la rivière Drave. 

Carte Wikipedia extrait

Pour dénicher la bataille de Feistritz, il faut lorgner du côté des campagnes d’Italie de 1813 et 1814. 

Après la bataille de Lützen en Allemagne, le bel Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie reçut l’ordre de l’Empereur Napoléon de se rendre promptement vers la péninsule pour y rassembler un corps de troupes destiné à renforcer la Grande Armée. 

Investi des pouvoirs les plus étendus, il s’occupa sans relâche de l’objet de sa mission, forma en brigades et en divisions toutes troupes françaises et italiennes qui se trouvaient dans les places de Trieste à Turin, et les fit filer vers la Carniole et la Carinthie. 

Les bataillons n’étaient formés que de conscrits arrachés récemment du sein de leurs familles, et dont la plupart n’avaient jamais tiré un coup de fusil, parmi ceux-ci rattaché au 84ème Régiment d’Infanterie de la 1ère Lieutenance le soldat Félix Caillet mon collatéral. 


Extrait Campagne d'Italie 183-1814

Cantonné au départ à Vérone, Félix est passé à Udine puis à Gorizia le 19 août 1813 où le Vice-Roi harangua ses troupes : « la guerre allait recommencer, les soldats étaient appelés à partager la gloire et les dangers ». 

En face les troupes autrichiennes avaient franchi le Danube, celles d’Eugène de Beauharnais passé les Alpes, mais l’ennemi voulait forcer l’Armée d’Italie à se replier et tentait de couper les lieutenances. 

Les Autrichiens pour s’assurer le passage de la Drave – Drau en allemand – avaient construit à Feistritz des retranchements considérables. Le Vice-Roi ayant eu vent de ce projet décida d’attaquer ces retranchements. 

« Le 6 septembre 1813 à trois heures de l’après-midi au signal du coup de canon, le 84ème Régiment d'Infanterie et la brigade Schmitz attaquèrent de front les formidables retranchements de Feistritz. Au même moment, le général Campri à la tête de 4 bataillons se dirigeait dans les montagnes et tournaient la position. La résistance ne fut pas moins vive que l’attaque. 

Pour faire diversion les Autrichiens placèrent sur la rive gauche de la Drave de l’artillerie qui devait prendre l’attaque en flanc, mais qui furent forcés de se retirer, et les retranchements furent forcés de toutes parts. L’ennemi perdit au moins 400 hommes, autant de blessés et 500 prisonniers environ. Il fut poursuivi par l’épée dans les reins pendant deux lieues ». 

« Les jeunes conscrits, qui voyaient le feu pour la première fois, se battirent comme d’anciens soldats, et enfoncèrent à la baïonnette et au pas de charge trois bataillons de grenadiers ennemis qui arrivaient au secours du corps battus. 

Un temps affreux et la pluie tombant à verse ne ralentirent pas l’ardeur des soldats français, mais empêchèrent de poursuivre les ennemis. La perte des Français fut beaucoup moindre que celle des Autrichiens : 60 morts et 300 blessés environ. 

A cinq heures et demie, les retranchements et la position de Feistritz étaient complétement emportés.» 

Brève bataille favorable à la Grande Armée avec peu de pertes françaises et pas de mention du nombre des prisonniers faits par les Autrichiens dans les 2 sources ci-après citées et utilisées pour approcher le parcours du 84ème Régiment d’Infanterie. 

Simple soldat de 29 ans partit à la place d’un autre, Félix Caillet aura vu son destin basculer à Feistritz – fait prisonnier de guerre - en Carinthie un certain 6 septembre 1813. 

Etait-il blessé en plus d’être prisonnier des Autrichiens ? Nul ne saura ce qu’il est devenu ? Juste une petite trace sur un gros registre de matricules, et curieusement une fille de sa sœur cadette prénommée « Félisse » en souvenir de son frère parti au loin, parti pour toujours. 

Ces quelques lignes en mémoire de Félix Caillet, un soldat anonyme de la Grande Armée. 


Sources 
AD 73 BMS Presle
Mémoire des Hommes 
Généanet Indexation 
Napoléon.org
Books.google 
Histoire des batailles, sièges et combats des Français de 1792 à 1815 publié par Pierre Blanchard 
Histoire des campagnes d’Italie en 1813 et 1814 par le Général F-Guillaume de Vaudoncourt 

 

samedi 19 septembre 2020

Sur les remparts d'Aubenton

Une envie soudaine de découvrir un lieu de vie de mes ancêtres : autant profiter d’un rendez-vous ancestral qui permet de remonter le temps. Faut-il se concentrer, faut-il laisser divaguer son esprit ?

« An 1669 » me souffle dans l’oreille un vent frais de début mai, autre souffle « devine et réfléchis pour le lieu, ton ancêtre s’est déplacé pour se marier » : toujours est-il que je me retrouve transportée dans une petite cité aux ruelles étroites pavées, en fin de journée a priori. Et si ce lieu était en Thiérache au vu des murs en brique ?

Et s’il s’agissait d’Aubenton - aujourd’hui dans l’Aisne - qui jadis faisait commerce de vin et d’étoffes avec la Flandre dont on raconte que les maisons comportaient un réseau de vastes caves qui communiquaient entre elles par des souterrains ayant une fonction de refuge ?

Photos communes.com 


Toujours est-il qu’à déambuler et lever le nez pour observer, je suis légèrement bousculée par un homme : excuses réciproques. Lui est accompagné d’une jeune femme.

- Etes-vous égarée ?
- Oh, je cherche les remparts ! Réponse formulée à tout hasard.
- Comme je dois laisser ma sœur à l’instant, celle-ci va vous accompagner, d’autant qu’elle souhaite s’y rendre.
- Ne tarde pas trop Catherine, demain la journée sera chargée !

S’il s’agissait de Catherine Gérard qui a épousé Gobert Brugnon en 1669 à Aubenton, des ancêtres à la 11ème génération ?

Ma guide m’invite à bifurquer à main gauche, et au fond d’une nouvelle ruelle j’aperçois une tour au parement de briques.

- C’est la tour de Chimay, mais 5 autres tours flanquent les remparts de la cité, tiens justement voilà l’escalier pour monter, vous me suivez malgré les marches irrégulières ?

- Oui, oui  

- De là on a une vue d’ensemble, regardez la tour Mignette et aussi la tour Blanche, au loin l’église Saint-Nicolas. Juste en face avec le grand clocher il s’agit de l’église Notre-Dame.

- Demain est un jour particulier : j'épouse dans ce lieu Gobert Brugnon, son père Jean sera présent tout comme le mien prénommé Jacques, mon frère Jean que vous avez aperçu sera mon témoin.

- A 22 ans mes parents tenaient à m’établir, mon futur - qui a 26 ans je crois - est maréchal dans la paroisse de Watigny à quelques lieues d’ici, je le suivrai bien sûr. J’appréhende de quitter les miens, et désormais je ne pourrai plus me promener ici sur les remparts et admirer cette cité.

Mais pourquoi je bavarde autant, l’émotion d’un grand jour proche et d’une nouvelle vie ? Dîtes moi quelque chose - dame inconnue - qui avec moi profitez de ce lieu et de la belle lumière.

AD 02 Aubenton BMS Notre-Dame 


Chère Catherine, merci pour ces confidences et cette confiance. Un fil invisible nous relie à travers le temps, avec vous et vos proches j’ai découvert votre belle Thiérache, vos paroisses, je savoure cet instant tout simplement et demain 6 mai 1669 je serai présente par la pensée. 

Oh il se fait tard, il convient de rentrer formule Catherine, dans quelle auberge êtes-vous descendue ?

Grand embarras de ma part, puis-je lui révéler que la tour de Chimay est désormais un gîte que l’on peut louer !

Chère Catherine, vous m’avez fait la surprise d’une petite signature sur l’acte dressé par le curé, après celle de Gobert, accompagnée d’un panel de signatures assez élaborées. Jean Brugnon votre beau-père était-il aussi maréchal, et Jacques votre père que faisait-il ? Dois-je me résigner à ignorer les noms de vos mères ?

Allez l’occasion de se retrouver se présentera sûrement.

  

samedi 27 juin 2020

Une petite soeur pour Jeanne

Jour d’été le 27 juin 1666, effervescence au foyer de Jean-Baptiste Montaz-Rosset et de Jeanne Ravoire mes ancêtres, une petite fille Claudine vient de pousser son premier cri, sixième enfant du couple ancré en Savoie à Montpascal. 



Jeanne mon aïeule du haut de ses six ans regarde la petiote dans les bras de sa marraine Claudine épouse de Maître Vincent Bonivard, tandis que le père accueille le parrain François Granier. 

On partit pour l’église afin que la nouvelle-née reçoive le sacrement du baptême. 

La mère se portait bien et eut deux autres enfants. 

Claudine ma lointaine collatérale se portait bien, grandit au bon air, se maria âgée de seize ans avec Jean-Louis Tronel et s’installa à Montvernier paroisse toute proche.


°°°
Evénement écrit pour répondre à l’invitation de GeneaTech dans le cadre du premier SalonVirtuelDeLaGénéalogie du 27 juin 2020. 

 °°°


Jean-Baptiste Montaz-Rosset ca 1625-1684 Sosa 3070
x 15/07/1650 à Montpascal
Jeanne Ravoire  1635-1720  Sosa 3071 fille de Pierre

8 enfants
- Louise 1652-1723 x Esprit Albrieu
- Simon 1655-1700 x Marie Crosaz-Blanc
- Jacques 1657
- Jeanne ca 1600-1733 Sosa 1535 x André Durieu-Trolliet Sosa 1534
- Dominique 1663-1709 x Hughes Gallix
- Claudine 1666-1701 x Jean-Louis Tronel 
- Claudie 1670 
- Rémi 1672-1757 x Benoîte Tronel


Retrouver cette famille 
Qui est la mère de Jeanne
La maison d'André Durieu-Trolliet
Et la vie continua pour Jeanne


Sources 
AD 73 BMS Montpascal et Montvernier

jeudi 25 juin 2020

Un si lointain mariage en 1623

Cette année là naissait Blaise Pascal à Clermont en Auvergne futur mathématicien, philosophe et moraliste, de même s’éteignait William Byrd compositeur et organiste anglais. 

Cette année là le Roi Louis XIII régnait sur le Royaume de France, tandis que les Etats de Savoie étaient gouvernés par Charles-Emmanuel de Savoie : un petit-fils du Roi François Ier. 

Cette année là se déroulait le plus ancien mariage de mes ancêtres au Bourget dans un petit village de Maurienne en Savoie : le dimanche 25 juin 1623 s’unissaient en face de Notre Sainte-Mère l’Eglise Marguerite Parmier fille d’Etienne et Jacques Buisson fils de Jacques. 



Voici presque quatre siècles, Marguerite et Jacques avaient comme témoins Egrège Antoine Magistri, Jean Girard et Claude Charvoz. Elle, dont la mère se prénommait Pernette, avait une sœur cadette, lui dont le nom de la mère est inconnu aurait trois frères et sœur mariés. 

Ces ancêtres à la 12ème génération échapperont à l’épidémie de peste de 1630, et eurent au moins 6 enfants dont 2 auront une lignée. 

Marguerite mère de Pierre Buisson, grand-mère de Constance Buisson et arrière-grand-mère de Jean-Baptiste Parmier le bâtier, c’est tout simple à énoncer semble-t-il ! Mais sachez Marguerite et Jacques que je ne serais jamais arrivée jusqu’à vous sans les recherches d’autres passionnés de leurs racines. 

© Photos Ville de Villarodin-Bourget 

Ma petite touche personnelle, vous imaginez recueillis dans la fort ancienne Chapelle Sainte-Marguerite d’Amodon un hameau situé au-dessus du village où votre fils Pierre avait des terres. Une chapelle d’alpage, avec une simple nef où des fresques médiévales dans l’abside en cul de four, témoignent de la ferveur de l’époque : vous me l’avez fait découvrir en remontant le temps jusqu’en 1623. 


Retrouver Jean-Baptiste Parmier


Sources 
AD 73 Villarodin-Bourget RC vue 15
Famille Généanet 

samedi 20 juin 2020

Prix fait pour un mulet

Abandonner le registre des yeux, porter mon regard ailleurs, trouver le ciel, des montagnes, reconnaître les rochers de l’Esseillon – sans leurs forts – me voilà donc en Maurienne terre de Savoie. Air vif et tonifiant avec l’altitude. 

Entre les mains en guise de pense-bête, un extrait d’un acte de notaire qui fut enregistré en 1699 par le tabellion : destination de mon rendez-vous ancestral de ce mois dans le village du Bourget. 

Paroisse accrochée à la pente, chemin avec une descente à je ne sais quel pourcentage, je me retrouve vêtue de tons bruns et écru à la mode du temps, accostée par un autochtone. Quasi obligée de révéler que je cherche la maison du notaire du lieu Maître Geoffrey Magistri un de mes ancêtres. 

Je vous conduis mais il a du monde en ce moment dans sa banche, il travaille. 

L’homme me laisse sur le porche, était-il Dominique Parmier le bâtier mon aïeul ? 
Quelqu’un me pousse à l’intérieur. 



« L’an mille six cent nonante neuf et le vingt-quatre octobre par devant moi notaire et témoins en fin nommés s’est établi en personne honnête Jean-François Charvoz feu Jean-Baptiste du Bourget lequel de son plein gré pour lui et les siens confesse, promet devoir payer à honnête François Charvoz feu Barthélemy ici présent et acceptant pour lui et les siens, la somme de deux cent soixante florins monnaie de Savoie et c’est pour le prix non payé de la vente d’un mulet poil rubis. » 

Après avoir ouï ce préambule d’une obligation en faveur de François Charvoz, le notaire royal et collègié, Me Magistri note que Jean-François Charvoz le débiteur confesse et promet de payer le tiers de la somme dans 6 mois, l’autre tiers 4 mois après le premier terme, et le dernier tiers 4 mois après le second terme. 

Tiens donc un paiement échelonné sur plus d’une année, dont le premier versement débute un semestre après la vente de l’animal, un achat à crédit avec un aménagement dans le temps. Pour une bête résistante au poids du bât et de sa charge, il est plausible que ce prix soit justifié. 

« A peine de tous dépens, dommages et intérêts » ajoute le notaire étant entendu que les parties s’engagent pour leur personne et leurs biens présents et à venir jusqu'au complet paiement. Ah, les formules locales et ancestrales. Il me faudrait un petit stage. 

Me Magistri invite les parties à signer ainsi que les deux témoins Jean Bremond son gendre et Jean Magistri un parent sûrement. Voilà l’affaire est conclue, enfin tout est notifié pour que la vente se déroule dans les meilleures conditions. 

Soudain les protagonistes s’ébranlent et des regards pointent sur ma modeste personne tapie sur le chambranle de la porte. 

C’est à quel sujet m’interpelle mon aïeul le notaire ? 

Hésitant à postuler pour une tâche de secrétariat qui me permettrait de lorgner dans les paperasses de Me Magistri, je réponds platement vouloir être conseillée pour un testament. 

Vous comprendrez à ce stade que nos propos restent privés.


  En lien avec le sujet le savoir-faire du bâtier

Nota bene 
- La banche est l'appellation de l'étude du notaire jusqu'au 18ème siècle, qui rappelle le banc ou l'étal des marchands  
- le notaire collègié a fait des études dans un collège de droit 
- En 1694 un florin représente une journée de travail, d'un ouvrier ou d'un artisan a priori

Source 
AD 73 Tabellion Termignon 1699 2C 2321 vue 471


samedi 13 juin 2020

Pierre Bonnet le nominé de 2020

Alors quoi, je ne suis pas assez bien moi, Pierre Bonnet, pour être mis en lumière, pourtant je suis ton Sosa 2020, ton ancêtre héros de l’année 2020 ! Quoi cette année, elle a quelque chose de particulier ? 

Explique-leur comment tu es arrivé jusqu’à moi habitant du terroir de Montmeyran en Dauphiné. 

Pixabay 

Honneur aux dames d’abord sur les premières marches Maman, Mamie IsabelleNoémie Lagier, Elisabeth Métifiot, épouse de Daniel LagierCatherine Masserole.

Ensuite on bifurque sur la gauche avec deux autres marches pour les messieurs Claude Masserole, son père François Masserole dont la mère est Judith Bonnet, et on débouche sur votre fils Jacques Bonnet et vous-même Pierre. 

C’est en toquant à une vieille porte imaginaire, que je vous ai déniché tout en haut d’une branche de mon arbre. Vous étiez présent lors de la signature du contrat de mariage de votre fils Jacques avec Eve Imbert en 1680, tout comme à celui de votre fille Marie avec Jacques Escoffier un cardeur. 

Judith Bonnet est la seule petite-fille que je vous connaisse, née le 24 janvier 1681 à Montmeyran, elle fut baptisée par le Pasteur de Beaumont âgée de 15 jours. 

De même vos enfants, 4 a priori, reçurent le baptême à Beaumont bien que nés à Montmeyran, à cette occasion le prénom de votre père Moïse Bonnet y figure, précieux indice grapillé. 

Loin de moi, l’idée de faire l’impasse sur votre épouse Gérentonne Allier : une des 6 enfants de Gonon Allier et Anne Roche eux baptisés à l’Eglise de Montmeyran. 

Gérentonne Allier dont le très rare et ancien prénom m’a conduit à noble Gérentonne de Poitiers mariée à Montélimar à noble et puissant Eynard seigneur de Vachères et co-seigneur de Montclar. 

Dites-moi Pierre Bonnet vous devez connaître Vachères c’est juste à côté de chez vous ! Etiez-vous travailleur de terre ou tisserand ? Pas de réponse, Pierre souhaite que je me cantonne au sujet : le Sosa 2020. 

Alors je suis uniquement ton ancêtre avec le numéro 2020 ? 

Oh non sont aussi concernés certains de mes cousins comme la maman de mon filleul et ses frères qui eux ont grandi dans votre village ! 

Permettez que je souffle à la jeune pousse de février 2019 que vous êtes son Sosa 4580, et que je murmure à la jeune pousse de novembre dernier que vous portez le numéro 13284.

Et puis rassurez-vous, vous êtes aussi l’ancêtre de bien d’autres personnes !


Pierre Bonnet Sosa 2020 ca 1615->1688
 fils de Moïse Bonnet Sosa 4040
x ca 1637 avec Gerentonne Allier Sosa 2021
fille de Gonon Allier Sosa 4042 et de Anne Roche Sosa 4043

dont Pierre Bonnet Sosa 1010 1645-1724 
x 1680 avec Eve Imbert Sosa 1011 1654-1727

dont Judith Bonnet Sosa 505 1681->1750
x 1713 avec François Masserole Sosa 504 1677-1755



Thème du Sosa 2020 suggéré par la Fédération Française de Généalogie 

Sources 
AD 26 BMS Montmeyran 
Beaumont les Valence
Relevés EGDA

dimanche 31 mai 2020

Le savoir-faire du bâtier

Allez en piste pour découvrir le savoir-faire de Jean-Baptiste Parmier à l’occasion du généathème de mai suggéré par Sophie de la Gazette des Ancêtres sur les métiers d’arts, et merci au passage au notaire qui a mentionné sa profession ! Cet ancêtre à la 9ème génération était bâtier en Haute Maurienne en Savoie dans le village du Bourget, tout comme son père Dominique Parmier dit maître-bastier et peut-être son grand-père. 

Jean-Baptiste fils aîné de Dominique Parmier et Constance Buisson est baptisé dans l’église du Bourget le 1er juillet 1683, où ses parents s’étaient mariés en 1678, il grandit avec ses frères Martin et Barthélemy, et ses sœurs Marguerite, Anne-Marie et Dominique. A chaque union de la fratrie, le notaire est convoqué par Dominique le père : de la lecture en perspective. 

Jean-Baptiste, jeune veuf d’Anastasie Charvoz, s’est remarié en 1711 avec Marie Ratel mon ancêtre et la signature du contrat a fait l’objet d’un précédent billet : plusieurs robes pour Marie Ratel 



Dans ce village à plus de 1100 mètres d’altitude, et cette vallée de montagne sur la route du Mont-Cenis, mon ancêtre exerçait un très ancien métier nécessitant doigté et minutie pour équiper un animal de trait : âne ou mulet voire cheval parfois. 

En tentant de cerner le savoir-faire de Jean-Baptiste Parmier, j’ai découvert la diversité des bâts dits : à boutonner, français ou à fausses-gouttières, d’Auvergne ou de mulet ! Pas moins … 

Traditionnellement fabriqué en bois, le bât est monté sur deux arçons dont la forme épouse le dos de l'animal qui est protégé par deux coussins de paille entourés de toile. Le bât est fixé grâce à une sangle de cuir ajustable serrée sous son ventre . Deux autres sangles passant sous la queue et le cou servent à éviter le glissement du bât et de la charge vers l'avant ou l'arrière.

La dimension du bât doit s'adapter de façon précise au dos de l'animal et en fait chaque animal a son bât particulier, souvent non interchangeable, pour ne pas créer de plaie. De même l'angle d'ouverture, la précision du sanglage, le dispositif de matelassage sont destinés à éviter les blessures par frottement. 



Dans la pièce qui lui sert d’atelier, il détient comme matériaux principaux des peaux de mouton et de veau, des cuirs provenant du village voisin d’Avrieux, de la toile forte tissée dans les alentours. Il a des bourres pour matelasser certaines pièces de paille de seigle ou de bourre de mouton « dite blanche » enlevée par les tanneurs sur les peaux qu’ils vont apprêter, et évidemment du bois matière de base du bât ou les attelles du collier. 

De même, il a disposé dans des paniers, ou des boites en sapin, divers matériaux secondaires : du crin, de la laine en gros écheveaux, du fil gros, du fil blanc, de la ficelle, des clous de différentes sortes produits plus bas dans la vallée, des boucles pour les mors, et aussi de la colle. 

Tout bâtier qui se respecte veille à garder son atelier sec et bien aéré, en renouvelant l’air en raison des odeurs des bourres et des cuirs, et en s’éclairant avec une lampe – un créju ici en Savoie  – et non pas avec des chandelles à cause de la paille employée. 

Dans les outils spécifiques, il convient d’avoir sous la main des pinces de bois dont les mâchoires tiennent les peaux lors de la confection des coutures avec des aiguilles dénommées alènes, des couteaux à pied pour couper le cuir, des rembourroirs, marteaux ou poinçons et bien d’autres outils mystérieux pour tout quidam du vingt-et-unième siècle. 

Dans l’atelier, posés sur le sol : une forme composée de deux gros morceaux de bois qui sert pour les harnais communs, et un billot, sans oublier une table. 

Loin de moi l’idée, et l’aptitude à détailler l’art du bâtier-bourrelier : seul un long apprentissage permet de maîtriser toutes étapes de la confection d’un bât et ses accessoires ainsi que sa finition. Couper les peaux pour faire le collier, préparer des bandes de cuir pour faire des courroies, percer des trous avec une alène, préparer le fil qui est ciré avec de la poix, maîtriser les différents points pour que les peaux soient piquées correctement, sans négliger les modalités de rembourrage, 

Ce fût une découverte lorsque je me suis plongée – et un peu perdue – dans le métier de Jean-Baptiste Parmier qui œuvrait pour des marchands, deux d’entre eux furent témoins lors de la signature de son contrat de mariage. Pour ces marchands il convenait de prévoir une selle confortable mais aussi un solide dispositif pour permettre le port de lourdes charge – ballots ou malles – lié au commerce muletier. 

Fabrication certes, mais aussi réparations de certains éléments du bât, et dépannages de voyageurs car les routes étroites, caillouteuses et pentues mettaient à mal le matériel et les hommes ! 

Modeste ébauche d’un métier qui nécessite un long apprentissage, l’amour du travail bien fait, de l’organisation, de la précision pour ajuster en fonction du gabarit de l’animal, et des souhaits et besoins du client. Je ne sais si au détour d’un registre du Tabellion de Savoie on peut croiser un acquis pour prix fait… 

 
En lien avec le sujet ce billePrix fait pour un mulet


Sources 
CNUM Conservatoire Numérique des Arts et Métiers 

samedi 16 mai 2020

Sur le chemin de Charmaix

Eveillée ou en songe, peu importe lorsqu’on remonte le temps pour rencontrer ses ancêtres. Sur le chemin de Charmaix je dois me rendre en ce mois de mai 1858, et en Savoie je suis avec les proches de François-Benjamin Eard et son épouse Marie-Marguerite Long. Cette dernière, après moultes réticences et recommandations, a toléré que trois de ses filles m’accompagnent après avoir exigé que je me dote d’une coiffe d’emprunt. 

Avec moi Marie-Adélaïde récemment mariée, Marie-Rose mon aïeule de 24 printemps, et aussi Marie-Sylvie bien jeunette, toutes quatre comme tout pèlerin, nous allons emprunter à pied le chemin des oratoires jusqu’à la Chapelle de Charmaix. 

- Normalement c’est le 8 septembre que les pèlerins prennent ce chemin pour la procession solennelle, jour de la Nativité de la Vierge : assène l’aînée ! 

Après avoir laissé l’église de l’Assomption, et pris la direction du Pâquier, première chapelle et premier oratoire, je lorgne là-haut la montagne du Charmaix à plusieurs lieues de Modane, vaguement inquiète de l’ascension qui m’attend. 

Modane Le Pâquier - Delcampe
- Comme vous n’avez pas l’habitude, on va prendre notre temps pour monter, formule doctement Marie-Adélaïde. Tout au long du trajet s’élèvent des oratoires, liés au mystère du Rosaire, je vous expliquerai. 

Sentier pierreux, qui zigzague pour tenir compte de la pente, forêt de sapins et de mélèzes aux branches entrelacées, Marie-Rose mon ancêtre me donne le bras lorsque le chemin s’élargit, écarte des branches, tandis que la cadette prend de l’avance. 

L’aînée veille à mon instruction : le 3ème oratoire Botonnier est celui de la Nativité, suivi de ceux du champ des pins, et de l’entrée des bois. Les appellations me plaisent comme Fongelune, l’oratoire dit "du lacet 6" donne l’occasion de nous recueillir et surtout de reprendre souffle et d’admirer le paysage. 

Air doux et pur, odeur des arbres, tapis d’épines parfois ou cailloux-pièges à chevilles… 

Curieuse de l’origine de ce pèlerinage de Charmaix à une des vierges noires savoyardes, je m’entends raconter que les habitants de Modane placèrent d’abord la Vierge, protectrice des dangers de la route et des éléments naturels, dans une anfractuosité du rocher, puis ensuite l’abritèrent en construisant une chapelle. 

Marie-Rose la réservée m’a relaté « que François fils de Pierre Bertrand de Modane éprouva d’une manière particulière la protection bienveillante de Marie. Depuis l’âge de cinq ans jusqu’à douze, époque de sa guérison merveilleuse, il était non seulement boiteux, et ayant les pieds tordus, mais il était tellement faible des jambes qu’il ne pouvait faire un pas sans être appuyé sur deux béquilles. 

Un jour son oncle lui dit d’aller à la montagne du Charmaix et en passant devant la chapelle de Notre-Dame de jeter ses béquilles dans le sanctuaire et les offrir à la Sainte-Vierge et de les garder auprès d’elle, et dès lors sans secours il se dresse, fort et vigoureux, se met à marcher sans peine et va retrouver sa mère dans les champs, il vécut jusqu’à 66 ans. » 

Après une constante montée et marche de près de deux heures, arrivée à hauteur du 13ème oratoire, je suis frappée par un bruit sourd et lointain difficile à définir. Soudain à un brusque détour j’aperçois dans une gorge étroite et profonde une chapelle audacieusement suspendue à la paroi quasi perpendiculaire de la montagne. 

Chapelle du Charmaix  © OT Haute Maurienne-Vanoise 
Muette, figée à découvrir ce site, ce lieu de recueillement avec en soutien Marie-Rose Eard, une aïeule invisible et présente à la fois, comme tant d’autres ombres et feuilles de mon arbre ancestral. 

Le bruit est celui de l’impétueux torrent dont le lit accidenté précipite ses eaux en de nombreuses cascades, un solide pont de pierre comme suspendu à la cime de deux rochers qui servent d’appui permet à notre quatuor de passer sur la rive opposée et d’approcher la chapelle de Notre-Dame de Charmaix incrustée dans le flanc de la montagne. 

Ce modeste édifice comporte une galerie en bois, et une sorte de porche-narthex assez spacieux pour accueillir des pèlerins, l’entrée du sanctuaire est fermée par une grille. Marie-Rose m’invite à pénétrer dans la chapelle dont l’autel est composé de colonnes torses et d’ornements en bois sculptés et dorés. 

- Regarde là sur le piédestal c’est la statue miraculeuse de la Sainte Vierge qui tient notre Sauveur, observe la fine chape dorée et les têtes surmontées de couronnes aussi dorées, me chuchote encore Marie-Rose. 

Ses sœurs m’observent à la dérobée, il faut avouer que je me suis bornée à joindre les mains, ma façon de me concentrer, de me recueillir en quelque sorte. 

Touchante statue de Marie qui est l’œuvre d’un artiste local, de 45 centimètres environ, travaillée dans l’albâtre roche claire et transparente et peinte jusqu’à mi-corps en noir tandis que l’Enfant est entièrement noir. 

Mes « parentes » ne peuvent me révéler ce qui est caché par la chape, me souligner que la Vierge porte l’enfant Jésus sur le bras gauche presque à hauteur d’épaule et que ce dernier tient dans sa main une boule représentant le globe terrestre. 

Elles ne savent peut-être pas que la Vierge, sous cette chape, a le bras droit replié sur sa poitrine et tient un petit miroir à l’énigmatique symbolique : représente-t-il la pureté et la fidélité de l’amour ? Pas si anodine cette statue. 

- Comment sais-tu ? murmure Marie-Rose.

Et si dans ce lieu mystérieux, nos pensées parvenaient jusqu’à nos ancêtres ? 

Dans un site sauvage, où rugit un torrent au fond d’une gorge profonde, après avoir cheminé jusqu’à Charmaix, à la croisée de la généalogie, des croyances, de l’histoire, de l’art … 



Pour aller plus loin
Site du Sanctuaire de Charmaix



mercredi 29 avril 2020

François-Benjamin Eard un savoyard Acte III


Une vie en 30 questions au fil des jours du mois d'avril pour le généathème d'avril 2020, et dernière ligne droite des réponses de François-Benjamin Eard un de mes ancêtres savoyards ancré en Maurienne. 




Autour de lui deux soeurs, et un frère qui s'est marié et dont les neveux et nièces ne me sont pas encore connus. Certains liens familiaux existaient puisque l'épouse de François-Benjamin est une cousine germaine.



A farfouiller dans les registres paroissiaux de Modane, et les actes notariés du 18ème siècle,  voilà les 8 arrière-arrière-grands-parents de mon aïeul enfin débusqués. 





François-Benjamin, catholique comme tous ses proches, semble avoir eu un notaire attitré dont la consultation des minutes apporteraient des éléments sur sa vie : il n'est pas interdit de rêver. 


Un trombinoscope pour le 27ème jour ? Ne pas s'avouer vaincue : des signatures, plusieurs ! 


Pour la 28ème question, une approche pour les repas : 




Mes ancêtres vont-ils se fâcher si je révèle que voici 168 ans, le mardi 10 février 1852, leur journée fut particulière. Elle a commencé par le mariage en l'église de l'Assomption de Modane de leur fille aînée Catherine Eard avec Benjamin Clappier agricole fils Pierre-Antoine Clappier et de Marianne Eard (!).

Bon une cérémonie, a priori le matin, rien de particulier sinon une parenté, sauf que le même jour - si si - dans le registre des baptêmes cette fois, une toute-petite Marie-Adeline Clappier née à six heures est baptisée à sept heures. Elle est tenue sur les fonts baptismaux par François-Benjamin grand-père maternel et Marianne Eard grand-mère paternelle, première enfant d'un tout récent couple qui ne sera pas la seule. 

Le mariage de ma lointaine collatérale était plus qu'urgent, toutes les péripéties ou tractations antérieures, où l'émotion de la cérémonie ont-elles précipité la naissance ? 


Mais oui, voici déjà la dernière question relative à la vie publique : en fait j'ai déjà répondu avec l'adresse à l'Empereur de la commune de Modane à une époque où mon ancêtre était conseiller, et aussi avec l'interview qu'il m'a concédé sur sa fonction de secrétaire de mairie dans un Rendez-Vous-Ancestral .

Sauf que François-Benjamin m'a fait la surprise d'être donateur en 1862 de la Société du Prince-Impérial des prêts de l'enfance au travail, il est cité conseiller municipal.

Cette oeuvre de bienfaisance fondée sous le Second Empire par l'Impératrice Eugénie se propose de pourvoir assistance aux classes laborieuses par des prêts pour des achats de matériel ou de semences par exemple, à côté de fondateurs ou donateurs, des enfants peuvent être aussi associés moyennant une cotisation symbolique. Selon sa fondatrice "c'est l'avenir qui prête au passé". Merci Wikipédia !




Challenge particulier au fil des jours d'un mois confiné au temps incertain, selon une trame suggérée,  qui m'a incitée à vous présenter une "version François-Benjamin" de la généalogie dans tous ses états.


Retrouver les 11 premières réponses DANS L'ACTE I
les 10 réponses suivantes DANS L'ACTE II