jeudi 1 octobre 2020

Félix Caillet prisonnier à Feistritz

Ce billet fait écho au souhait de Généatech de mise en lumière de soldats napoléoniens liés à notre généalogie dans le cadre de la Semaine Virtuelle de la Généalogie. 

Félix Caillet, un lointain grand-oncle, fut baptisé à Presle en Savoie le 23 août 1784, il était le premier fils de Georges Caillet - mon ancêtre – et de Barbe Dunand sa seconde épouse. Il grandit avec 5 demi-frères et sœurs dont Catherine Caillet sa marraine et mon aïeule directe, puis avec 2 autres sœurs. 

Né savoyard et sujet des rois de Piémont-Sardaigne, il devint citoyen français sous la Révolution lors de l’invasion du duché de Savoie en 1792 désormais département du Mont-Blanc. Et puis le tourbillon du temps, le tourbillon de l’histoire, la grande Histoire, l’épopée napoléonienne, le besoin constant pour l’Empereur Napoléon de nouvelles recrues, voilà que je retrouve Félix Caillet parmi les soldats de la Grande Armée du Premier Empire. 

FM Félix Caillet - Mémoire des Hommes

Laboureur de son état, 1 mètre 63 de stature, au visage plein, petit front, et menton rond, Félix a un nez allongé, des yeux noirs tout comme ses cheveux et sourcils. 

La précieuse fiche matricule n° 2738 du 84ème Régiment d’Infanterie m’indique qu’il est arrivé au corps le 20 mars 1813, soldat du 3ème bataillon, 1ère compagnie. Nouvelle recrue âgée de 29 ans ! Tiens donc … 

Félix Caillet remplace un conscrit de l’an 1810, Joseph Marie Petit en l’occurrence qui a eu malchance de tirer un mauvais numéro, mais ce dernier ou sa famille pour éviter la conscription et moyennant finances a passé un contrat avec mon lointain grand-oncle qui devait avoir besoin de revenus et figurait sur la liste du même canton. 

D'abord interdit par la loi, le remplacement est autorisé à partir de 1802, sous la pression des notables et de la bourgeoisie. Le prix d'un remplaçant a beaucoup varié sous l'Empire : de 2 000 à 10 000 francs en moyenne. Cette pratique ne touche guère que 4% des conscrits entre 1807 et 1811 et tombe à 1 à 2% à la fin de l'Empire. Le prix du remplacement est tout de même de deux à dix ans de revenus pour un paysan pauvre ou un ouvrier agricole. Les contrats, passés devant notaire sont souvent accompagnés de biens en nature. 

Simple soldat Félix Caillet est mentionné fait prisonnier de guerre à Feistritz le 6 septembre 1813. Il n’est pas rentré et a été rayé des contrôles le 1er janvier 1815. 

Où se situe ce lieu, de quelles bataille et campagne s’agit-il ? Quel rôle joua le 84ème Régiment d’Infanterie ? Electroencéphalogramme plat en ce qui concerne mes connaissances. 

Moteur de recherche au secours, mémoires et souvenirs d’illustres officiers que me révélez-vous ? 

Planter la zone géographique : Feistritz est en Carinthie province de l’actuelle Autriche, au bord de la rivière Drave. 

Carte Wikipedia extrait

Pour dénicher la bataille de Feistritz, il faut lorgner du côté des campagnes d’Italie de 1813 et 1814. 

Après la bataille de Lützen en Allemagne, le bel Eugène de Beauharnais, vice-roi d’Italie reçut l’ordre de l’Empereur Napoléon de se rendre promptement vers la péninsule pour y rassembler un corps de troupes destiné à renforcer la Grande Armée. 

Investi des pouvoirs les plus étendus, il s’occupa sans relâche de l’objet de sa mission, forma en brigades et en divisions toutes troupes françaises et italiennes qui se trouvaient dans les places de Trieste à Turin, et les fit filer vers la Carniole et la Carinthie. 

Les bataillons n’étaient formés que de conscrits arrachés récemment du sein de leurs familles, et dont la plupart n’avaient jamais tiré un coup de fusil, parmi ceux-ci rattaché au 84ème Régiment d’Infanterie de la 1ère Lieutenance le soldat Félix Caillet mon collatéral. 


Extrait Campagne d'Italie 183-1814

Cantonné au départ à Vérone, Félix est passé à Udine puis à Gorizia le 19 août 1813 où le Vice-Roi harangua ses troupes : « la guerre allait recommencer, les soldats étaient appelés à partager la gloire et les dangers ». 

En face les troupes autrichiennes avaient franchi le Danube, celles d’Eugène de Beauharnais passé les Alpes, mais l’ennemi voulait forcer l’Armée d’Italie à se replier et tentait de couper les lieutenances. 

Les Autrichiens pour s’assurer le passage de la Drave – Drau en allemand – avaient construit à Feistritz des retranchements considérables. Le Vice-Roi ayant eu vent de ce projet décida d’attaquer ces retranchements. 

« Le 6 septembre 1813 à trois heures de l’après-midi au signal du coup de canon, le 84ème Régiment d'Infanterie et la brigade Schmitz attaquèrent de front les formidables retranchements de Feistritz. Au même moment, le général Campri à la tête de 4 bataillons se dirigeait dans les montagnes et tournaient la position. La résistance ne fut pas moins vive que l’attaque. 

Pour faire diversion les Autrichiens placèrent sur la rive gauche de la Drave de l’artillerie qui devait prendre l’attaque en flanc, mais qui furent forcés de se retirer, et les retranchements furent forcés de toutes parts. L’ennemi perdit au moins 400 hommes, autant de blessés et 500 prisonniers environ. Il fut poursuivi par l’épée dans les reins pendant deux lieues ». 

« Les jeunes conscrits, qui voyaient le feu pour la première fois, se battirent comme d’anciens soldats, et enfoncèrent à la baïonnette et au pas de charge trois bataillons de grenadiers ennemis qui arrivaient au secours du corps battus. 

Un temps affreux et la pluie tombant à verse ne ralentirent pas l’ardeur des soldats français, mais empêchèrent de poursuivre les ennemis. La perte des Français fut beaucoup moindre que celle des Autrichiens : 60 morts et 300 blessés environ. 

A cinq heures et demie, les retranchements et la position de Feistritz étaient complétement emportés.» 

Brève bataille favorable à la Grande Armée avec peu de pertes françaises et pas de mention du nombre des prisonniers faits par les Autrichiens dans les 2 sources ci-après citées et utilisées pour approcher le parcours du 84ème Régiment d’Infanterie. 

Simple soldat de 29 ans partit à la place d’un autre, Félix Caillet aura vu son destin basculer à Feistritz – fait prisonnier de guerre - en Carinthie un certain 6 septembre 1813. 

Etait-il blessé en plus d’être prisonnier des Autrichiens ? Nul ne saura ce qu’il est devenu ? Juste une petite trace sur un gros registre de matricules, et curieusement une fille de sa sœur cadette prénommée « Félisse » en souvenir de son frère parti au loin, parti pour toujours. 

Ces quelques lignes en mémoire de Félix Caillet, un soldat anonyme de la Grande Armée. 


Sources 
AD 73 BMS Presle
Mémoire des Hommes 
Généanet Indexation 
Napoléon.org
Books.google 
Histoire des batailles, sièges et combats des Français de 1792 à 1815 publié par Pierre Blanchard 
Histoire des campagnes d’Italie en 1813 et 1814 par le Général F-Guillaume de Vaudoncourt 

 

4 commentaires:

  1. Toi aussi, un disparu, parmi tant d'autres... Belle recherche !

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  2. C'est émouvant ce prénom donné à la jeune soeur de Félix... on imagine la tristesse et le désarroi de la famille qui est restée sans nouvelle de son fils...

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  3. Superbes recherches, tu as dû apprendre beaucoup pour bien comprendre le contexte, et tu nous instruis aussi. Vive les défis généalogiques !

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  4. C'est très intéressant parce que tenter de suivre ces malheureux, comme Félix ici, est très instructif.

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