samedi 18 octobre 2025

Louis Clément le taiseux

Comment savoir si notre ancêtre Louis CLEMENT un lointain grand-père, pisté par plusieurs de ses descendants, et frère de Marie CLEMENT tombée d’un mûrier, apprécierait d’être le modeste héros d’un rendez-vous ancestral ? Allez, je me lance dans des confidences, parce que votre famille Louis m’occupe depuis plusieurs semaines.

Gallica carte de la Drôme -extrait-

Jamais seul, toujours affairé, respectueux de vos père et mère, votre vie Louis s’est déroulée dans la plaine fertile de Valence entre le Rhône et les contreforts du Vercors qui accueillent de nombreux troupeaux de moutons, une époque marquée par l’intolérance religieuse, la grande famine de 1693, le terrible hiver de 1709. Laboureurs, travailleurs de terre, tisserands de toiles, cardeurs de laine côtoient des marchands-drapiers.

Dans cet univers, Louis CLEMENT vous naissez à Montmeyran le 2 juillet 1680, votre père Louis CLEMENT et votre mère Marie GENSEL tiennent à ce que vous soyez vite baptisé par le Pasteur dans la proche paroisse de Beaumont, et choisissent comme parrain Pierre Clément votre frère consanguin, et comme marraine Ennemonde Clément votre cousine germaine.

Enfant vous partagez des moments d’insouciance avec votre frère cadet Ogier, vos sœurs Marie, Eve, Isabeau, par ce que Jeanne est trop grande : elle prépare son trousseau et se marie en 1684.

Après avoir assisté aux alliances de vos frères et sœurs, à plus de 25 ans vous pensez à convoler à votre tour : avez-vous choisi de votre propre chef cette énigmatique Madeleine REBOUL à l’ascendance désespérément secrète.

AD 26 Montmeyran BMS 1707 

Toujours est-il que votre union est célébrée dans l’église de Montmeyran un froid jour d’hiver le 15 février 1707. Comme d'habitude le curé Morier ne mentionne pas vos filiations respectives dans votre acte de mariage, un des témoins Jean Peve est dit consul du lieu, Bernard de Gresse est drapier, et en prime un quidam Disdier signe.

Louis et Madeleine, chers ancêtres, vous êtes présents lors de baptêmes de neveux, preuve de liens familiaux pour vous Louis.

Madeleine accouche de quatre enfants Louis, Claude notre ancêtre, Marie-Magdeleine et Françoise entre 1707 et 1714 à Montmeyran, puis de Daniel en 1715 et une autre Magdeleine en 1717 à Chabeuil.

Quel est le motif de ce changement de résidence ? Dans le registre paroissial de Chabeuil apparaît un début de réponse, hélas avec la mention de décès de votre père.

« Le 26 dudit mois (janvier 1716) il nous a été rapporté que Louis Clément granger des religieuses de Chabeuil au domaine appelé Chialle est mort sans avoir averti et n’a point reçu les sacrements auquel nous avons refusé la sépulture »

Le deuil vous frappe à nouveau avec la disparition de la mère de vos enfants, au 26 juin 1719 le prêtre inscrit « Il m'a été rapporté que Madelaine Reboul âgée de 35 ans épouse de Louis Clément granger des religieuses de Sainte Ursule de Chabeuil est décédée sans avoir reçu les sacrements de l'église, ni même demandé aucun prêtre pour l'aller voir, ce pourquoi j’ai refusé sa sépulture de l'église. »

AD 26 Chabeuil BMS 1721

Pauvre Madeleine, épuisée par ses grossesses, la tenue de la maison, l'aide apportée à son conjoint, enlevée si vite à l’affection des siens, de ses jeunes enfants, ancêtre à jamais muette et pourtant indispensable.

Louis, votre propre mère s’éteint ensuite, trace en est trouvée dans le registre de votre commune natale : « Le 9 octobre 1721 est décédée à Chabeuil et ensevelie en terre profane dans cette paroisse de Montmeyran Marie Gencel nouvelle convertie veuve de Louis Clément âgée d'environ 73 ans ».

Que d’épreuves successives pour votre famille cher Louis, veuf avec des orphelins sur les bras, comment avez-vous assumé le quotidien, les travaux des champs, les soins aux bêtes et répondu aux exigences de votre contrat de granger.

Et pourtant la vie a continué, vos trois fils ont grandi, de solides gars qui se sont mariés.

A pister vos enfants dont Claude, et farfouiller dans les registres notariaux, une précieuse et étonnante quittance de 1769 m’a révélé, cher Louis, que vous aviez passé un contrat de mariage à Chabeuil le 6 février 1724 avec Eve IMBERT et qu’une fille Marie était née de cette nouvelle union. 

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Et oui Louis, lorsque les registres paroissiaux sont muets, les actes notariés contiennent des pépites, un acte devrait concerner un contrat passé avec les religieuses de Chabeuil, si vous étiez moins taiseux vous m'expliqueriez. 

A suivre dans ce billet Granger des Ursulines 



Sources
AD 26 BMS Montmeyran et Chabeuil
Relevés EGDA
Geneanet indices arbre herjacq26
AD 26 Notaires Montmeyran Me Durozet 2E 3197

vendredi 10 octobre 2025

La petite messagère

Piochée dans mes numérisations récentes de cartes postales, cette petite messagère bretonne en costume régional du Sud Finistère, transmet des nouvelles familiales de 1918.

Cette carte a été choisie par ma grand-tante Nésida ARNOUX qui réside à cette époque à Lannion dans les Côtes d'Armor avec son époux René PICARD magistrat. Le sujet d’une enfant bien apprêtée, lisant sagement, est susceptible d’intéresser sa nièce de 4 ans dite Nénette.


Document familial

Ce courrier est adressé à Montmeyran dans la Drôme où Isabelle ARNOUX ma grand-mère s’est réfugiée dans son village natal avec sa petite Jeanne pas trop en forme, épouse sans nouvelles d’Emile MERCIER soldat porté disparu au front.

Cette carte constitue la suite du billet précédent une carte de Lannion, oncle René a écrit tant à la petiote qu’à sa belle-sœur :

« Ma chère petite Nénette

Tonton René n’est plus chez les Boches et est bien en France : ce n’est pas pour cela qu’il ne vient pas te voir, c’est qu’il n’a pas de vacances. Je sais que tu vas beaucoup mieux maintenant, il faut te guérir tout à fait et pour cela obéit bien à ta bonne maman. Je t’embrasse bien fort et bien affectueusement ».
P.S. « Tante Nésida me dit que tu es bien gentille et mignonne »
 « Tonton René »

***
« Ma chère Isabelle

« Vous devez être en vacances maintenant et Nésida m’a dit que vous en aviez besoin afin de vous reposer des fatigues que vous a données la maladie de Nénette. Tâchez d’en profiter. Je vous souhaite de ne pas avoir trop de chaleur ; il fait frais ici et il pleut d’ailleurs continuellement.

Nésida a repris son service à l’hôpital, et a de quoi faire. Souhaitez le bonjour de ma part à vos beaux-parents, à la famille Cochet et ne m’oubliez pas auprès de Mr. Arnaud. Embrassez aussi Maman pour moi. Je vous embrasse affectueusement en attendant de vos bonnes nouvelles ».
« René »

Cette petite missive est pleine de références : sur la période troublée de l’été 1918 où gronde encore le canon et les soldats de différents camps se confrontent toujours, sur la présence de Tante Nésida infirmière bénévole à l’hôpital militaire complémentaire de Lannion qui accueillait à l’arrière en convalescence les soldats blessés au front.

Oncle René, en homme policé, adresse son bonjour aux grands-parents paternels de Nénette, réfugiés aussi à Montmeyran depuis que leur village de l’Aisne a été détruit : Jean-Baptiste MERCIER et Clotilde LESCOUET. La famille Cochet doit être aussi réfugiée de Barisis, j’en ai entendu parler.

Touchante je trouve la qualification de « Maman » pour sa belle-mère Noémie LAGIER récemment veuve.

On ne sait si petite Jeanne admira le beau vêtement de la petite messagère.


Ecrit dans le cadre du défi mensuel de faire parler une photo 
ou une carte postale
défi initié par le Groupe Raconter sa Généalogie de Facebook.