Brume cotonneuse, humidité glaciale et pénétrante en ce début janvier 1728, la première approche avec Barisis aux Bois – dans le département de l’Aisne aujourd’hui- est rude. Je devine deux ou trois maisons basses. Suis-je réellement dans la bonne paroisse ou égarée ?
Pas âme qui vive, est-ce un rêve ? Au loin deux silhouettes féminines paraissent pourtant se dessiner, l’une d’entre elle porte précieusement un fardeau, elles s’engouffrent dans un lieu. Est-ce l’église ce bâtiment avec une petite pointe qui semble se dégager du bouillard ? Le clocher ? Questionner les branches dénudées des arbres pour demander mon chemin ?
Gallica - Maisons picardes |
Soudain un homme débouche d’un pas très pressé, avec une cape jetée par-dessus ses vêtements, un chapeau au large bord bien enfoncé. S’il vous plait Monsieur, je cherche la maison de Jean MARLOT charron ? Je m’entends dire suivez-moi d’abord à l’église !
L’église n’est pas très grande, les deux femmes entrevues sont là, avec un bébé bien enveloppé dans un châle, le sacristain aussi vraisemblablement. Je reste dans le fond de la nef. L’homme rencontré s’avance à la hâte vers les fonts baptismaux.
L’officier du culte a la mine assez renfrognée, le 12 janvier 1728 c’est le deuxième baptême de l’année et c’est encore un enfant illégitime. L’affaire est rondement menée et le bébé entre vite dans la communauté de l’Eglise.
Je découvre que l’enfant est prénommé Jean comme Jean MARLOT le parrain, avec pour marraine Marie Jeanne Levasseur. La mère Marguerite Dubois est dite majeure, fille de défunt François Dubois et de Marguerite Bouhoury.
La pauvre éconduite, comme la loi l’obligeait pour une femme non mariée, a fait une première déclaration de grossesse le 14 septembre 1727 au Greffe de la Justice de Barisis : celle-ci est dite nulle et fausse. Marguerite la maman, le 5 novembre suivant, devant le premier notaire royal du Baillage de Coucy avec 2 témoins de son village, est revenue sur sa déclaration et indiqué que sa grossesse était les faits et œuvres d’un homme inconnu en allant au bois … Désemparée quel homme avait-elle désigné, y-a-t-il eu des pressions pour lui faire dire une version édulcorée ? On ne le saura pas.
Acte découvert au hasard, précieux à plusieurs titres, Jean MARLOT mon ancêtre n’était peut-être pas un parrain très spontané, mais désigné ou requis s’agissant d’un enfant illégitime. Indice de début 1728 révélant qu’il était déjà installé comme charron à Barisis aux Bois avec sa famille.
La minuscule assemblée s’égaye prestement, il fait encore plus froid, de quoi frissonner davantage. Et le nouveau-né va-t-il résister à cette épreuve ?
Gallica - Greuze |
Je m’évertue à suivre le rythme des pas de mon homme, à deux doigts de claquer des dents. Je pénètre dans le logis de Jean MARLOT et de son épouse Antoinette CHARLET mariés depuis 6 ans. Ils ont un fils Jean-Baptiste MARLOT qui la veille a eu 4 ans.
Mon hôte doit reprendre son travail de charron, et rattraper son retard, difficile dans ses conditions de le questionner sur son village d’origine, et sur les noms de ses parents ou de m’expliquer son métier.
Obligeant, il demande à Antoinette de me donner quelque chose de bien chaud pour me réconforter. S’interroge-t-il intérieurement sur le bizarre personnage croisé sur son chemin, dont les mains sont tendues vers la cheminée pour profiter de la chaleur des flammes. De toute façon Jean MARLOT est un taiseux. Il s’éclipse …
Discrète et vive, Antoinette CHARLET me sert dans une écuelle en bois une bonne soupe, en milieu d’après-midi c’est une première pour moi. Installées toutes deux sur un banc, je me réchauffe et me sens bien sans envie de parler et d’interroger.
Pendant tout ce temps Jean-Baptiste MARLOT, grand bambin assez costaud pour ses 4 ans, qui n’est pas né à Barisis aux Bois, m’a observé fixement. Air de dire : ce n’est pas trop tôt de venir dans notre paroisse.
Il tient à la main une petite roue sûrement confectionnée par son père. Il grandira dans un foyer lui, et apprendra le métier de charron, homme-orchestre très souvent parrain ou témoin dans les registres. Jean-Baptiste MARLOT épousera Marie-Barbe DAUBENTON fille de Jean-Louis DAUBENTON garde-ventes évoqué précédemment ici.
Capsule temporelle rêvée ou pas, je disparais pour revenir à l’occasion, lors d’un autre RDVAncestral mensuel initié par Guillaume du Blog Grenier des Ancêtres.
Pour retrouver Jean Marlot : Le manuscrit de Coucy le Château
Sources
AD 02 Barisis aux Bois BMS 1721- 1750 Baptême vue 46
Ce récit nous met tout de suite dans l'ambiance, on goûte à la soupe partagée et l'on entend les cris du bébé. Jean a assumé son rôle de parrain c'est le plus important pour la jeune maman qui devait être bien en peine.
RépondreSupprimerOh, une rencontre à Barisis, le village où ma nièce est justement en train de s'installer avec toute sa petite famille, quelle surprise :) Quelle chance d'avoir trouvé cet acte et pauvre mère, olbigée de se taire parce que séduite et abandonnée, ou violée au coin d'un bois par un inconnu, quel triste sort
RépondreSupprimerTrès belle rencontre
RépondreSupprimerMerci Aline pour cette réaction
SupprimerTu ne peux pas retrouver le détail de la 1ere déclaration de grossesse ?
RépondreSupprimerÉtrange pression exercée sur la future mère pour qu'elle revienne sur sa déposition... on a vraiment envie de découvrir la vérité...
RépondreSupprimerMerci Catherine, des pressions sont plausibles
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