jeudi 24 avril 2025

Claude Durand tailleur d'habits

Fil invisible des générations, qui nous relie à notre lointain arrière-grand-père, fil utilisé par Claude DURAND maître tailleur d’habits qui œuvrait à La Baume Cornillane en Dauphiné au pied du Vercors.

Claude né vers 1610, se marie avant 1640 avec Judith PETIT, père d’au moins trois enfants dont Moyse notre aïeul, il est qualifié de maître tailleur d’habits dans un acte notarié de 1636.

Ce n’est qu’en 1588, sous le règne du roi Henri III, qu’apparaît la « dénomination Maître Tailleurs d’Habits, avec pouvoir de faire tous les vêtements d’homme & de femme sans aucune exception ».

En 1675, le roi Louis XIV « dit Roi-Soleil », jugeant que les femmes avaient aussi le droit d’habiller leurs semblables, constitue un corps de maitrise sous le nom de Maîtresse Couturières avec pouvoir de confectionner uniquement les vêtements féminins. 

Pour porter le titre de Maître, il faut d’abord être confirmé compagnon au bout de trois ans d’apprentissage, puis présenter un chef d’œuvre trois ans plus tard.

Allons donc retrouver Claude DURAND vers 1650 qui a reçu commande d’un justaucorps de la part de Jacques EYNARD châtelain de La Baume. Au vu d’un portefeuille d’échantillons, ce dernier a choisi pour le dessus une étoffe de laine lustrée d’un côté, dénommée calmande, de couleur noisette et pour la doublure une fine serge de laine avec des côtes obliques d’un ton plus clair.



En maître tailleur minutieux, Claude a vérifié les mesures de son client avec un ruban de papier, calculé les aunes nécessaires pour le vêtement, s’est procuré les étoffes auprès d’un drapier du lieu ou de Chabeuil car on lui fait confiance.

Tout est ordonné dans sa pièce de travail, voyez le porte-chandelier entouré de petites cases où sont rangés soigneusement les fils et les aiguilles.

Le maître a dégagé son bureau, disposé son matériel, comme une craie pour reporter sur l’étoffe les différentes pièces du justaucorps, grâce à ses patrons de papier fort utiles. Pour couper deux pièces à la fois, il double l’étoffe et choisit la paire de ciseaux adéquate selon l’épaisseur, avec dextérité il entame la matière.

Intervient l’étape de la couture, du choix de la qualité du fil, du point adapté au vêtement, un maître tailleur connaît forcément tous les points : de côté, de devant, point-arrière, point-lacet, ainsi que les points à rabattre, ceux qui forment les boutonnières. 

Du fait-main en intégralité à cette époque, avec l’aide d’un apprenti sûrement, peut-être celle de l’épouse ou d’un frère, il ne m’a pas tout dit Claude DURAND, mais il assure le montage du justaucorps, l’entoilage, veille aux finitions comme celles des poches, à la disposition des boutons retenus.

En artisan avisé il prévoit un essayage avec son client pour vérifier le tombé du vêtement et faire des retouches le cas échéant. Soigneux, à la fin de l’ouvrage, pour ouvrir les coutures et remettre à plat le tissu, il sort le grand carreau ou le petit carreau, sorte de fer à repasser chauffé sur les braises, juste ce qu’il faut, afin de rendre un vêtement impeccable.

La fierté d’un savoir-faire maîtrisé, du bel ouvrage, il y tient sans aucun doute ce très lointain grand-père. Claude DURAND sait lire, écrire et signer, une signature assurée dans les actes grapillés dans des registres notariés de l’époque 1630-1655, il est souvent témoin avec la mention de sa qualité professionnelle. 

Fil de signatures, en attendant de faire un essai de décryptage de ces anciens actes à l'écriture austère, actes précieux et repères temporels pour cette famille et les autres habitants de La Baume Cornillane, village acquis très tôt aux idées de la Réforme dont les registres paroissiaux protestants ont disparus. 


Retrouver une ancienne rencontre avec son fils 



Sources 
AD 26 Actes notariés numérisés de 
           Me Bérengier de  La Baume Cornillane
Gallica - Gravure de Jost Amman extraite du livre de métiers 
            - L'art du tailleur de F P A Gersault 
ENCCRE version numérique de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert 



samedi 5 avril 2025

Jeanne Reynier une invisible

Rameau caché plus ou moins, rameau fragile et précieux, qui nous relie à plus de quatre siècles d’écart avec Jeanne REYNIER notre lointaine ancêtre.

Jeanne dont le prénom signifie « Dieu pardonne ou Dieu est miséricordieux », et le patronyme Reynier, d’origine germanique, contraction de ragin et heri, peut être interprété comme « celui qui est prudent en temps de guerre » ou « celui qui donne de bons conseils dans les affaires militaires ».

Plan de Baix © Vallée de la Drôme Tourisme

Notre aïeule Jeanne naît vers 1620 à Plan de Baix un village situé en Dauphiné, aujourd’hui dans la Drôme. Son père se prénomme Moyse et sa mère est une mystérieuse inconnue, son frère Zacharie et sa sœur Isabeau sont ses cadets, de minces indices glanés.

En ce temps-là règne le jeune Roi Louis XIII, dont la mère Marie de Médicis a assuré la régence après l’assassinat de son père le Roi Henri IV.

L’enfance et la jeunesse de Jeanne se déroulent dans un village de plusieurs hameaux, et de fermes isolées, dont les habitants se livrent à l’activité agricole et pastorale : moutons et chèvres.

Ses jours s’écoulent dans un paysage dominé par le vert, vert cru des prairies, vert plus clair des jachères, vert sombre de taillis touffus de chênes ou de pins sylvestres, quelques vergers.

Au-dessus des champs, domine le fier rocher du Vellan, falaise taillée à pic de 1000 mètres environ dont la racine vel en langage préceltique signifie hauteur ou lieu perché. Sur ce plateau calcaire, des traces d’un oppidum gaulois et des remparts et fossé d’un château du Moyen-Age, à ses pieds coule la rivière la Gervanne.

Le Vellan, véritable signal, offre un panorama à 360 degrés allant des Cévennes au Vercors, lieu idéal pour contempler et méditer, lieu idéal pour les randonneurs dont certains descendants de Jeanne.

Gallica extrait carte Drôme

Plan de Baix fait partie des villages où la Réforme s’implante facilement et il existe un temple dès 1617, mais sans pasteur, celui de Beaufort faisant le service.

En 1635 le vicaire général de Die, dans le procès-verbal de sa visite, note 20 maisons catholiques et 40 maisons huguenotes, la présence d’un maître d’école protestant, il précise que le cimetière sert pour les catholiques et ceux de la religion dite RPR (Religion Prétendue Réformée).

L’église obscure a besoin de fenêtres surtout du côté du vent, le chœur n’est pas complètement couvert de tuiles, il n’est pas blanchi et pavé, de même que la nef. Il y a les ornements nécessaires, mais point de ciboire ni de lampe ou de confessionnal, de plus le presbytère est ruiné.

Jeanne grandit et, comme toute jeune fille prépare son trousseau aidée par ses proches, Sieur Moyse REYNIER son père se préoccupe de son mariage, il en est ainsi à cette époque.

Un dimanche ensoleillé, et peut-être venteux, le 14 mai 1645, Jeanne REYNIER et Jacques SAULCE ou SAUSSE originaire de La Baume Cornillane unissent leur destinée. Le couple reçoit la bénédiction du Pasteur Burnat en présence du Notaire Béranger.

AD 26 Plan de Baix extrait mariage 1645

Sieur Moyse qui êtes-vous, cher Jacques qui est votre père, quel métier avez-vous exercé, Maître Bérenger êtes-vous Maître Bérangier notaire de La Baume Cornillane dont certaines minutes paraissent être conservées ? Faut-il farfouiller dans les registres à l’austère graphie pour dénicher un hypothétique contrat de mariage ?

Une nouvelle vie pour Jeanne et Jacques SAUSSE qui accueillent au moins quatre enfants, Marguerite, Isabeau, Jacques et Sarah, nés à La Baume Cornillane. 

Vous étiez tous présents lors du contrat de mariage d’Isabeau en 1683, contrat plein de surprises, liens révélés et contés dans un rendez-vous ancestral : passez les écouter. 

Les temps deviennent durs pour les protestants lorsque le Roi Louis XIV révoque en 1685 l’Edit de Nantes qui accordait la liberté de culte : les temples sont rasés, les pasteurs expulsés, les biens de ceux qui ont choisi l’émigration sont confisqués.

Les missionnaires bottés, soldats du souverain absolu, sèment la terreur lors de dragonnades, des réformés se convertissent, abjurent du bout des lèvres, et sont surveillés en tant que nouveaux convertis.

Jeanne est marraine d’un enfant en 1687 baptisé à l’église de La Baume Cornillane, s’y marient ses deux derniers enfants, la chaîne des générations s'est poursuivie.

Depuis son coin de Dauphiné au pied du Vercors, invisible et discrète, Jeanne REYNIER nous tend la main. 



Sources
AD 26 Plan de Baix BMS
La Baume Cornillane BMS