samedi 18 octobre 2025

Louis Clément le taiseux

Comment savoir si notre ancêtre Louis CLEMENT un lointain grand-père, pisté par plusieurs de ses descendants, et frère de Marie CLEMENT tombée d’un mûrier, apprécierait d’être le modeste héros d’un rendez-vous ancestral ? Allez, je me lance dans des confidences, parce que votre famille Louis m’occupe depuis plusieurs semaines.

Gallica carte de la Drôme -extrait-

Jamais seul, toujours affairé, respectueux de vos père et mère, votre vie Louis s’est déroulée dans la plaine fertile de Valence entre le Rhône et les contreforts du Vercors qui accueillent de nombreux troupeaux de moutons, une époque marquée par l’intolérance religieuse, la grande famine de 1693, le terrible hiver de 1709. Laboureurs, travailleurs de terre, tisserands de toiles, cardeurs de laine côtoient des marchands-drapiers.

Dans cet univers, Louis CLEMENT vous naissez à Montmeyran le 2 juillet 1680, votre père Louis CLEMENT et votre mère Marie GENSEL tiennent à ce que vous soyez vite baptisé par le Pasteur dans la proche paroisse de Beaumont, et choisissent comme parrain Pierre Clément votre frère consanguin, et comme marraine Ennemonde Clément votre cousine germaine.

Enfant vous partagez des moments d’insouciance avec votre frère cadet Ogier, vos sœurs Marie, Eve, Isabeau, par ce que Jeanne est trop grande : elle prépare son trousseau et se marie en 1684.

Après avoir assisté aux alliances de vos frères et sœurs, à plus de 25 ans vous pensez à convoler à votre tour : avez-vous choisi de votre propre chef cette énigmatique Madeleine REBOUL à l’ascendance désespérément secrète.

AD 26 Montmeyran BMS 1707 

Toujours est-il que votre union est célébrée dans l’église de Montmeyran un froid jour d’hiver le 15 février 1707. Comme d'habitude le curé Morier ne mentionne pas vos filiations respectives dans votre acte de mariage, un des témoins Jean Peve est dit consul du lieu, Bernard de Gresse est drapier, et en prime un quidam Disdier signe.

Louis et Madeleine, chers ancêtres, vous êtes présents lors de baptêmes de neveux, preuve de liens familiaux pour vous Louis.

Madeleine accouche de quatre enfants Louis, Claude notre ancêtre, Marie-Magdeleine et Françoise entre 1707 et 1714 à Montmeyran, puis de Daniel en 1715 et une autre Magdeleine en 1717 à Chabeuil.

Quel est le motif de ce changement de résidence ? Dans le registre paroissial de Chabeuil apparaît un début de réponse, hélas avec la mention de décès de votre père.

« Le 26 dudit mois (janvier 1716) il nous a été rapporté que Louis Clément granger des religieuses de Chabeuil au domaine appelé Chialle est mort sans avoir averti et n’a point reçu les sacrements auquel nous avons refusé la sépulture »

Le deuil vous frappe à nouveau avec la disparition de la mère de vos enfants, au 26 juin 1719 le prêtre inscrit « Il m'a été rapporté que Madelaine Reboul âgée de 35 ans épouse de Louis Clément granger des religieuses de Sainte Ursule de Chabeuil est décédée sans avoir reçu les sacrements de l'église, ni même demandé aucun prêtre pour l'aller voir, ce pourquoi j’ai refusé sa sépulture de l'église. »

AD 26 Chabeuil BMS 1721

Pauvre Madeleine, épuisée par ses grossesses, la tenue de la maison, l'aide apportée à son conjoint, enlevée si vite à l’affection des siens, de ses jeunes enfants, ancêtre à jamais muette et pourtant indispensable.

Louis, votre propre mère s’éteint ensuite, trace en est trouvée dans le registre de votre commune natale : « Le 9 octobre 1721 est décédée à Chabeuil et ensevelie en terre profane dans cette paroisse de Montmeyran Marie Gencel nouvelle convertie veuve de Louis Clément âgée d'environ 73 ans ».

Que d’épreuves successives pour votre famille cher Louis, veuf avec des orphelins sur les bras, comment avez-vous assumé le quotidien, les travaux des champs, les soins aux bêtes et répondu aux exigences de votre contrat de granger.

Et pourtant la vie a continué, vos trois fils ont grandi, de solides gars qui se sont mariés.

A pister vos enfants dont Claude, et farfouiller dans les registres notariaux, une précieuse et étonnante quittance de 1769 m’a révélé, cher Louis, que vous aviez passé un contrat de mariage à Chabeuil le 6 février 1724 avec Eve IMBERT et qu’une fille Marie était née de cette nouvelle union. 

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Et oui Louis, lorsque les registres paroissiaux sont muets, les actes notariés contiennent des pépites, un acte devrait concerner un contrat passé avec les religieuses de Chabeuil, si vous étiez moins taiseux vous m'expliqueriez. 

A suivre a priori 



Sources
AD 26 BMS Montmeyran et Chabeuil
Relevés EGDA
Geneanet indices arbre herjacq26
AD 26 Notaires Montmeyran Me Durozet 2E 3197

vendredi 10 octobre 2025

La petite messagère

Piochée dans mes numérisations récentes de cartes postales, cette petite messagère bretonne en costume régional du Sud Finistère, transmet des nouvelles familiales de 1918.

Cette carte a été choisie par ma grand-tante Nésida ARNOUX qui réside à cette époque à Lannion dans les Côtes d'Armor avec son époux René PICARD magistrat. Le sujet d’une enfant bien apprêtée, lisant sagement, est susceptible d’intéresser sa nièce de 4 ans dite Nénette.


Document familial

Ce courrier est adressé à Montmeyran dans la Drôme où Isabelle ARNOUX ma grand-mère s’est réfugiée dans son village natal avec sa petite Jeanne pas trop en forme, épouse sans nouvelles d’Emile MERCIER soldat porté disparu au front.

Cette carte constitue la suite du billet précédent une carte de Lannion, oncle René a écrit tant à la petiote qu’à sa belle-sœur :

« Ma chère petite Nénette

Tonton René n’est plus chez les Boches et est bien en France : ce n’est pas pour cela qu’il ne vient pas te voir, c’est qu’il n’a pas de vacances. Je sais que tu vas beaucoup mieux maintenant, il faut te guérir tout à fait et pour cela obéit bien à ta bonne maman. Je t’embrasse bien fort et bien affectueusement ».
P.S. « Tante Nésida me dit que tu es bien gentille et mignonne »
 « Tonton René »

***
« Ma chère Isabelle

« Vous devez être en vacances maintenant et Nésida m’a dit que vous en aviez besoin afin de vous reposer des fatigues que vous a données la maladie de Nénette. Tâchez d’en profiter. Je vous souhaite de ne pas avoir trop de chaleur ; il fait frais ici et il pleut d’ailleurs continuellement.

Nésida a repris son service à l’hôpital, et a de quoi faire. Souhaitez le bonjour de ma part à vos beaux-parents, à la famille Cochet et ne m’oubliez pas auprès de Mr. Arnaud. Embrassez aussi Maman pour moi. Je vous embrasse affectueusement en attendant de vos bonnes nouvelles ».
« René »

Cette petite missive est pleine de références : sur la période troublée de l’été 1918 où gronde encore le canon et les soldats de différents camps se confrontent toujours, sur la présence de Tante Nésida infirmière bénévole à l’hôpital militaire complémentaire de Lannion qui accueillait à l’arrière en convalescence les soldats blessés au front.

Oncle René, en homme policé, adresse son bonjour aux grands-parents paternels de Nénette, réfugiés aussi à Montmeyran depuis que leur village de l’Aisne a été détruit : Jean-Baptiste MERCIER et Clotilde LESCOUET. La famille Cochet doit être aussi réfugiée de Barisis, j’en ai entendu parler.

Touchante je trouve la qualification de « Maman » pour sa belle-mère Noémie LAGIER récemment veuve.

On ne sait si petite Jeanne admira le beau vêtement de la petite messagère.


Ecrit dans le cadre du défi mensuel de faire parler une photo 
ou une carte postale
défi initié par le Groupe Raconter sa Généalogie de Facebook.




samedi 20 septembre 2025

Une carte de Lannion

Cap en Bretagne à Lannion dans les Côtes d’Armor, pour un modeste rendez-vous familial de couleur sépia, à plus d’un siècle d’écart l’image se colorise, les propos parviennent assourdis. Le passé se mêle au présent, conjugué à l’émotion de découvrir un peu la ville où Nésida et sa moitié ont vécu un temps. Et soudain :

Nésida ARNOUX glisse une mèche rebelle dans son chignon, tout en pénétrant dans la pièce, avec à la main une carte postale :

Lannion document familial

Tiens j’ai choisi cette carte, à ton tour d’écrire à la petite, je la pose là, il faut soutenir Isabelle vu les circonstances. 

La petite âgée de 4 ans préoccupe ses proches, tout comme Isabelle ARNOUX sa maman, hélas sans nouvelles d’Emile MERCIER le papa, soldat disparu lors des terribles combat de Verdun en juin 1916.

Tant de souffrances dans les familles avec la déflagration d’un conflit que l’on nommera ensuite Première Guerre Mondiale, Isabelle s’est retrouvée seule avec Jeanne pendant quatre ans dans l’Aisne, territoire envahi, avant de pouvoir regagner la Drôme sa terre natale. VOIR ICI

René PICARD l’époux interpellé, au visage rond aux yeux sombres, lève le nez de ses paperasses regarde tendrement Nésida, prend la carte, et lorgne la reproduction : la promenade du Léguer et le quai de la Corderie.

Leur vue au quotidien depuis que le couple s’est installé à Lannion avec sa nomination de procureur de la République au Tribunal de la ville.

Oncle René lisse ses fines moustaches, réfléchit un tantinet, comment intéresser une petiote, sa nièce qu’il ne connaît pas encore, lui qui n’a pas d’enfant, il se lance et trempe sa plume dans l’encrier.

Document familial 

« Ma chère petite Nénette » (hélas c’est l’épouvantable surnom donné à ma petite Maman)

« Je t’envoie une carte où tu verras notre maison. La fenêtre près de laquelle il y a une croix est celle de mon cabinet de travail de Tonton René, d’où il t’écrit aujourd’hui. Devant la maison c’est la rivière, mais la mer est basse et montera bientôt. Je t’embrasse affectueusement ainsi que ta maman. »
Signé Tonton René

Il restera à expliquer de vive voix à la petiote que le Léguer (Leger en breton) est une rivière qui traverse la ville de Lannion et se jette dans la Manche et se trouve donc soumise à la marée.

L’encre bleue cède à l’encre noire, et finement Tante Nésida écrit en travers et complète :

« Guéris vite. Bois bien ton huile de foie de morue et laisse-toi mettre des cataplasmes s’il le faut. Bons baisers. »
Signé Tante Nésida

En cette fin d’été 1918, on soigne et chouchoute la petiote atteinte de typhoïde et gringalette qui a gardé en mémoire les cuillerées du breuvage évoqué et le lait de poule de sa grand-mère maternelle.

Jeanne la destinataire recevra d’autres cartes de Lannion et pourra avec l’aide de sa maman se faire une idée de cette région lointaine que celle du Trégor, région qui n’a pas connu le bruit des bottes allemandes mais hébergée dans des hôpitaux militaires complémentaires de nombreux soldats blessés.

Petite Jeanne, enfin Nénette, à qui Oncle René a réclamé une photo en attendant de pouvoir la rencontrer, la remerciant de son envoi a mentionné avoir embrassé le portrait, qui a été le plus ému (e) à vous d'apprécier. 

Seule solution continuer à numériser mes petits trésors pour découvrir ou redécouvrir quelques échanges bizarrement conservés et révélateurs de liens familiaux. 


Episode suivant La petite messagère




vendredi 12 septembre 2025

En rase campagne

Frêle et silencieuse Marie CLEMENT, une très lointaine grand-tante, naît vers 1676 à Montmeyran dans la Drôme actuelle.

Quatrième enfant d'une fratrie de huit, ses parents  Louis CLEMENT et Marie GENSEL sa seconde épouse sont mes ancêtres à la dixième génération. Son baptême a du intervenir dans la paroisse voisine de Beaumont où un Pasteur officie. Vu la graphie et les surcharges du registre paroissial concerné, l’acte de baptême se cache désespérément.

Les parents sont acquis aux idées de la Réforme et tous les enfants de Louis CLEMENT tisseur de toiles sont baptisés protestants, y compris les quatre enfants de sa première union avec Anne ARNOUX.

Marie grandit dans une famille nombreuse et recomposée, où les aînés aident le père dans sa tâche, et les filles œuvrent pour le quotidien, filent la laine ou le chanvre et par-là secondent la maîtresse de maison selon le schéma de l’époque.

Wikipedia Allex Lithographie Delabelle

Peu à peu le père établit ses enfants, Marie convole ainsi un beau jour de septembre 1704.

La famille a parcouru une dizaine de kilomètres pour se rendre dans la paroisse d’Allex, a passé la porte du Tuilier, entrée principale depuis le Moyen-Age, pour se rendre à l’Eglise Saint-Maurice. Depuis la Révocation de l’Edit de Nantes, Marie CLEMENT et les siens sont des nouveaux convertis et donc catholiques.

A la date du mercredi 24 septembre 1704 ma lointaine grand-tante unit sa destinée à un maréchal-ferrant Jean ALISSY fils de Paul et Jeanne URTIN.

Pour Marie, le bruit du métier à tisser paternel est remplacé par le bruit de la forge, du marteau sur l’enclume, le rouge du foyer et du métal, les odeurs du charbon de bois et de la corne des animaux.

Elle met au monde cinq enfants dont des jumeaux, Jean ALISSY le dernier petit en 1713 a pour parrain et marraine Louis CLEMENT son oncle et Madeleine REBOUL sa tante venus de Montmeyran (sosa 464 et sosa 465).

Cela devait être pratique pour Marie de se faufiler dans un des andrones (1) du village, étroit passage couvert pour piétons de 25 à 40 centimètres entre les maisons, et ainsi se déplacer plus rapidement.

Alors veuve, elle est sortie du village une fin octobre, avec des tâches à accomplir ou des idées sombres, on ne saura jamais.

AD 26 Allex BMS vue 158

Le prêtre dans le registre a inscrit :

« Le premier jour de novembre 1726 Marie Veuve de Jean Alissy a été trouvée morte sur le grand chemin allant à Rochemore étant tombée d'un mûrier, étant nouvelle convertie n'ayant jamais fait son devoir pascal, elle a été enterrée en rase campagne comme il m'a été déclaré. »

Inhumée en terre profane une fois de plus, comme tant d'autres ancêtres ou collatéraux, nouveaux convertis du bout des lèvres, et pas vraiment assidus aux offices religieux.

Frêle et silencieuse collatérale qui laisse une seule enfant : Marie ALISSY qui s'établit en 1731.





N.B. Une lectrice drômoise suggère " que Marie pouvait être sur une échelle pointue qui tournait facilement, en train de cueillir des feuilles de mûriers, pour nourrir ses derniers vers à soie qu'on alimentait de mai à fin octobre" 

(1) l'androne est un mot occitan dérivé du grec andron qui était la pièce destinée aux hommes, puis a désigné un corridor entre deux cours et ensuite un espace entre deux maisons, ce type de passage se rapproche de la traboule de Lyon.


Sources AD 26 
BMS Montmeyran Beaumont les Valence
BMS Allex 1696-1731 
Mémoires d'Allex 


mercredi 27 août 2025

La maison des Capucins

Comment découvrir ce que faisaient plus d’une demi-douzaine d’ancêtres à Modane il y a près de 4 siècles : s’occuper de l’ascendance de mon arrière-grand-mère paternelle Sylvie Ludimille Audé en premier. Se résigner aux actes en latin des registres paroissiaux avant 1830, utiliser les actes notariés pour consolider les liens familiaux, déboucher sur certains arbres en lignes plein d’indices.

Gallica Christine de France 
Et ensuite déambuler à nouveau dans les anciennes revues de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne et piocher un article : mes ancêtres et les Capucins.

Les frères mineurs Capucins forment une des trois branches masculines du premier ordre religieux de la famille franciscaine approuvée par le Pape Clément VII en 1528.

Lesdits Capucins, établis à Jean de Maurienne en Savoie, étaient appelés dans le cadre de leur mission à se rendre de l’autre côté des Alpes, dans les vallées d'Oulx et Bardonneche, et souhaitaient avoir un pied à terre à Modane. Le 22 décembre 1639, une première demande fut adressée en ce sens par l’Archevêque aux syndics et conseillers de Modane sans de résultat tangible.

Aux grands maux, les grands remèdes, les Capucins firent intervenir la duchesse régente Christine de France, veuve de Victor-Amédée 1er Duc de Savoie, qui écrivit de Chambéry le 26 janvier 1640 :

« Bien aimés féaux.

Etant nécessaire pour le service de Dieu et de son Eglise que les révérends pères Capucins aient une maison de retraite dans le bourg de Modane, qui soit propre et commode pour y faire leurs exercices et fonctions religieuses, tant aux temps de leur quêtes et passages des montagnes en allant et revenant du Piémont, que pour catéchiser, prêcher et opérer le salut des âmes, soit au lieu de Modane que de Maurienne selon leur dévot zèle…

Nous vous demandons expressément par cette présente lettre que promptement vous ayez à leur remettre ladite maison de ladite qualité, la clef de laquelle sera remise au gardien des Capucins pour s’en servir, ainsi que les religieux encore chaque fois qu’ils le jugeront utile…

Vous ne manquerez ainsi d’observer sans difficulté. Sur ce nous prions Dieu qu’il vous ait en garde. »

Voilà une belle injonction, sauf erreur, qui bat en brèche ce qui reste d’autonomie communale.

Résigné, le conseil de Modane se réunit le 15 février 1640 pour proposer une maison avec la possibilité d’une autre alternative.

Et puis, se ravisant pour poser ses conditions, dans la maison de ville à Modane « le dimanche, quatrième jour de mars mille six cents quarante :

honnêtes François Ratel et Michel Martin syndics de Modane,

André Paraz, Dominique Moysend, André Bernard, Guillaume Charvoz, David Villet, Abraham Taburd, Michel Tournaz, Claude Long l’aîné, et Antoine Faurin, conseillers,

ainsi assemblés dans le lieu accoutumé, assistés d’Etienne Tournaz notaire,

déclarent obéir promptement au commandement de Madame Royale et disent prêter une maison pour une année prochaine aux révérends Capucins, à condition qu’ils ne feront aucune quête, autre que celle qu’ils font une fois l’an à l’accoutumée, ainsi fait et résolu.

Nul ne sait combien de temps dura cette concession révocable au gré de la commune.

Ce qui est sûr, le 4 mars 1640, sept de mes très lointains arrière-grand-pères, un syndic et six conseillers se sont penchés sur un épineux dossier.



N.B. Christine de France dite Madame Royale est fille du Roi Henri IV de France et de Marie de Médicis, veuve du duc Victor-Amédée 1er de Savoie, elle fut Régente de ses fils François-Hyacinthe et Charles-Emmanuel II Duc de Savoie

Sources 
Société d'histoire et d'Archéologie de Maurienne année 1874 page 54

vendredi 27 juin 2025

Trois frères célibataires

Célibataires dites-vous, enfin le suggère Geneatech pour le thème mensuel ! Pas de souci, répondent présents trois frères célibataires en Savoie : Jean-Baptiste, Jean Pierre et Ferdinand AUDÉ trois lointains grands-oncles.

Nous sommes les enfants de Joseph AUDÉ cultivateur à Modane et de Marie-Catherine VILLET (Sosa 37 et Sosa 36)

- Moi Jean-Baptiste, j’ai été baptisé le 13 octobre 1816.
- Moi Jean-Pierre, j’ai été tenu sur les fonts baptismaux le 6 mars 1819.
- Et moi Ferdinand, je suis entré au sein de l’Eglise le 1er juin 1821.

Jeanne-Marie est notre sœur aînée, puis notre fratrie s’est étoffée avec l’arrivée d’Etienne-Emmanuel, Jeanne Françoise et Jean-Benjamin (Sosa 18).

Gravures Gallica

Hélas le père disparaît brusquement en 1832 à 52 ans, laissant notre mère avec de jeunes enfants et un nourrisson de 11 mois

Tous trois Jean-Baptiste, Jean-Pierre et Ferdinand AUDÉ, âgés de 16, 13 et 11 ans, nous nous serrons les coudes, avec notre sœur aînée aussi, retroussons nos manches et aidons la mère pour les travaux aux champs : seigle, avoine et chanvre poussent dans notre village perché à 1000 mètres d’altitude.

Tous trois, cultivateurs, savons signer, et veillons à ce que les plus jeunes reçoivent les bases d’une instruction.

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Tantôt l’un, tantôt l’autre, on apparaît lors d’une déclaration de naissance ou d’un mariage.

- Moi Jean-Baptiste, je suis témoin aux mariages de notre grande sœur en 1841 et de notre frère cadet en 1859.

- Moi Ferdinand, m’est advenu la triste charge de déclarer le décès de notre mère en 1867.

- Moi Jean-Pierre, je suis témoin au mariage de notre nièce Sylvie Ludimille AUDÉ en 1883 avec Louis Xavier PORTAZ (Sosa 9 et 8).

Pendant notre existence, d’abord sujets du Roi de Piémont-Sardaigne installé de l’autre côté des Alpes, nous nous retrouvons français en 1860 avec le rattachement de la Savoie à la France, et après la chute du Second Empire, citoyens de la Troisième République.

Notre bourg de Modane, lieu de passage de tout temps, se développe avec la construction de la ligne de chemin de fer, de la gare, et la percée du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, travaux qui drainent ingénieurs et ouvriers de toutes parts.

AD 73 Modane Recensement 1876 extrait

Et là regardez, dans le recensement de 1876 nous figurons domiciliés 5 rue Sainte-Barbe, dans le même immeuble de notre frère cadet veuf avec sa petite Sylvie, et notre autre frère, son épouse et ses quatre filles. Modane notre fief est passé de 1200 habitants en 1860, à 2100 en 1876, bien des jeunes délaissent la terre pour être employé aux chemins de fer, les temps changent.

De trois frères célibataires, deux se cramponnent, ensuite un seul, puis trois vieux garçons sont réunis dans l’au-delà.

Trois frères qui ont veillé sur leurs proches, partagé les joies et les peines, des vies de labeur, de sacrifice, des vies dans l’ombre mais pas isolées.

Merci Jean-Baptiste, Jean Pierre et Ferdinand AUDÉ.



Sources
AD 73 
Modane registres paroissiaux et d’état civil
Recensement 1876 
Relevé Maurienne Généalogie

samedi 21 juin 2025

Deux ancêtres éligibles

Arrête de procrastiner, me murmure Jacques SAUSSE un lointain ancêtre dans un coin du Dauphiné. Continue, afin de nous relier les uns aux autres, puisque je suis l’oncle de Pierre trop tôt disparu, utilise tous les indices trouvés lors d’une errance dans un vieux registre.

Dynamisée par l’injonction d’un grand-père à la 10ème génération (mon Sosa 1012), celui dont l’ascendance me turlupine, je reprends mon bâton de pèlerin pour un rendez-vous ancestral sur des rameaux cachés. 


Soudain tout s’emballe, me voici dans une rue de Beaumont les Valence, au 17ème siècle vu les pavages de la chaussée, hésitante : à quelle porte frapper pour me renseigner ? Des messieurs débouchent brusquement et s’engouffrent dans une demeure.

Deux commères passant par là me lorgnent et susurrent :

- Tiens voilà des retardataires, et oui du beau monde ce jour pour la signature du contrat de Marie MAGNAC, la Marie BERMOND sa mère est fière du parti qu’on dit parent au châtelain de la Baume.

Mon sang ne fait qu’un tour, je me faufile à l’intérieur, une personne de plus ou de moins, au cas où ?

AD 26 Extrait contrat de mariage 1632
Il y a foule en effet, autour du notaire ce 10 juin 1632, pour le contrat de mariage de Simon SAUSSE fils de feu Pierre SAUSSE (Sosa 2024) et feue Jeanne EYNARD (Sosa 2025) de la Baume Cornillane. Le fiancé est assisté de Sieur Simon EYNARD châtelain dudit lieu son aïeul maternel, de Jacques EYNARD son oncle maternel, et de Jean SAUSSE son oncle paternel.

La fiancée Marie MAGNAC, fille de Pierre et de Marie BERMOND, est entourée de son frère utérin, de son beau-frère, de deux notaires et d’autres parents. Tout ce beau monde paraphe de manière aguerrie. Voyez par vous-même le bataillon de signatures.

Le père de la belle, parce que le mariage lui est agréable, donne 300 livres tournois (1) , le fiancé apporte un augment de 150 livres et 50 livres pour bagues et joyaux (2) .

Coincée au fond de la pièce, je ne peux apercevoir les visages des principaux protagonistes. Dois-je présenter mes félicitations aux promis, à défaut d’oser interviewer l’aïeul châtelain (Sosa 4050). Je choisis de m’éclipser sur la pointe des pieds, et d’assimiler ces nouvelles découvertes.

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La tête me tourne, propulsée cette fois à quatre siècles d’écart, le 8 novembre 1624, Isabelle GROUSSET (Sosa 4051) épouse du châtelain de La Baume souhaite prendre ses dispositions pour ses biens terrestres et dicte ses souhaits : un legs à sa fille Jeanne EYNARD, son fils Jacques étant son héritier universel. 

Traces formelles d’ombres du passé au travers d'actes notariés, reliant des êtres qui ont vécu dans un monde si différent du nôtre, êtres qui ont aimé, souffert, espéré, travaillé. Modeste ébauche somme toute, à étoffer au fil du temps.




Retrouver cette famille 


N.B
(1) la livre tournois est une ancienne monnaie de compte utilisée en France sous l'Ancien Régime frappée originellement à Tours qui remplace progressivement la livre parisis frappée à Paris 
(2) en pays de droit écrit les bagues et joyaux constituent un don (en argent) de noces et de survie fait à la femme 


Sources 
AD 26 Archives notariale
Me Rodet 2 E 2689 vue 184
Me Bérangier E 2137 vue 246
Geneanet arbre chamcro