mercredi 27 août 2025

La maison des Capucins

Comment découvrir ce que faisaient plus d’une demi-douzaine d’ancêtres à Modane il y a près de 4 siècles : s’occuper de l’ascendance de mon arrière-grand-mère paternelle Sylvie Ludimille Audé en premier. Se résigner aux actes en latin des registres paroissiaux avant 1830, utiliser les actes notariés pour consolider les liens familiaux, déboucher sur certains arbres en lignes plein d’indices.

Gallica Christine de France 
Et ensuite déambuler à nouveau dans les anciennes revues de la Société d’Histoire et d’Archéologie de la Maurienne et piocher un article : mes ancêtres et les Capucins.

Les frères mineurs Capucins forment une des trois branches masculines du premier ordre religieux de la famille franciscaine approuvée par le Pape Clément VII en 1528.

Lesdits Capucins, établis à Jean de Maurienne en Savoie, étaient appelés dans le cadre de leur mission à se rendre de l’autre côté des Alpes, dans les vallées d'Oulx et Bardonneche, et souhaitaient avoir un pied à terre à Modane. Le 22 décembre 1639, une première demande fut adressée en ce sens par l’Archevêque aux syndics et conseillers de Modane sans de résultat tangible.

Aux grands maux, les grands remèdes, les Capucins firent intervenir la duchesse régente Christine de France, veuve de Victor-Amédée 1er Duc de Savoie, qui écrivit de Chambéry le 26 janvier 1640 :

« Bien aimés féaux.

Etant nécessaire pour le service de Dieu et de son Eglise que les révérends pères Capucins aient une maison de retraite dans le bourg de Modane, qui soit propre et commode pour y faire leurs exercices et fonctions religieuses, tant aux temps de leur quêtes et passages des montagnes en allant et revenant du Piémont, que pour catéchiser, prêcher et opérer le salut des âmes, soit au lieu de Modane que de Maurienne selon leur dévot zèle…

Nous vous demandons expressément par cette présente lettre que promptement vous ayez à leur remettre ladite maison de ladite qualité, la clef de laquelle sera remise au gardien des Capucins pour s’en servir, ainsi que les religieux encore chaque fois qu’ils le jugeront utile…

Vous ne manquerez ainsi d’observer sans difficulté. Sur ce nous prions Dieu qu’il vous ait en garde. »

Voilà une belle injonction, sauf erreur, qui bat en brèche ce qui reste d’autonomie communale.

Résigné, le conseil de Modane se réunit le 15 février 1640 pour proposer une maison avec la possibilité d’une autre alternative.

Et puis, se ravisant pour poser ses conditions, dans la maison de ville à Modane « le dimanche, quatrième jour de mars mille six cents quarante :

honnêtes François Ratel et Michel Martin syndics de Modane,

André Paraz, Dominique Moysend, André Bernard, Guillaume Charvoz, David Villet, Abraham Taburd, Michel Tournaz, Claude Long l’aîné, et Antoine Faurin, conseillers,

ainsi assemblés dans le lieu accoutumé, assistés d’Etienne Tournaz notaire,

déclarent obéir promptement au commandement de Madame Royale et disent prêter une maison pour une année prochaine aux révérends Capucins, à condition qu’ils ne feront aucune quête, autre que celle qu’ils font une fois l’an à l’accoutumée, ainsi fait et résolu.

Nul ne sait combien de temps dura cette concession révocable au gré de la commune.

Ce qui est sûr, le 4 mars 1640, sept de mes très lointains arrière-grand-pères, un syndic et six conseillers se sont penchés sur un épineux dossier.



N.B. Christine de France dite Madame Royale est fille du Roi Henri IV de France et de Marie de Médicis, veuve du duc Victor-Amédée 1er de Savoie, elle fut Régente de ses fils François-Hyacinthe et Charles-Emmanuel II Duc de Savoie

Sources 
Société d'histoire et d'Archéologie de Maurienne année 1874 page 54

vendredi 27 juin 2025

Trois frères célibataires

Célibataires dites-vous, enfin le suggère Geneatech pour le thème mensuel ! Pas de souci, répondent présents trois frères célibataires en Savoie : Jean-Baptiste, Jean Pierre et Ferdinand AUDÉ trois lointains grands-oncles.

Nous sommes les enfants de Joseph AUDÉ cultivateur à Modane et de Marie-Catherine VILLET (Sosa 37 et Sosa 36)

- Moi Jean-Baptiste, j’ai été baptisé le 13 octobre 1816.
- Moi Jean-Pierre, j’ai été tenu sur les fonts baptismaux le 6 mars 1819.
- Et moi Ferdinand, je suis entré au sein de l’Eglise le 1er juin 1821.

Jeanne-Marie est notre sœur aînée, puis notre fratrie s’est étoffée avec l’arrivée d’Etienne-Emmanuel, Jeanne Françoise et Jean-Benjamin (Sosa 18).

Gravures Gallica

Hélas le père disparaît brusquement en 1832 à 52 ans, laissant notre mère avec de jeunes enfants et un nourrisson de 11 mois

Tous trois Jean-Baptiste, Jean-Pierre et Ferdinand AUDÉ, âgés de 16, 13 et 11 ans, nous nous serrons les coudes, avec notre sœur aînée aussi, retroussons nos manches et aidons la mère pour les travaux aux champs : seigle, avoine et chanvre poussent dans notre village perché à 1000 mètres d’altitude.

Tous trois, cultivateurs, savons signer, et veillons à ce que les plus jeunes reçoivent les bases d’une instruction.

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Tantôt l’un, tantôt l’autre, on apparaît lors d’une déclaration de naissance ou d’un mariage.

- Moi Jean-Baptiste, je suis témoin aux mariages de notre grande sœur en 1841 et de notre frère cadet en 1859.

- Moi Ferdinand, m’est advenu la triste charge de déclarer le décès de notre mère en 1867.

- Moi Jean-Pierre, je suis témoin au mariage de notre nièce Sylvie Ludimille AUDÉ en 1883 avec Louis Xavier PORTAZ (Sosa 9 et 8).

Pendant notre existence, d’abord sujets du Roi de Piémont-Sardaigne installé de l’autre côté des Alpes, nous nous retrouvons français en 1860 avec le rattachement de la Savoie à la France, et après la chute du Second Empire, citoyens de la Troisième République.

Notre bourg de Modane, lieu de passage de tout temps, se développe avec la construction de la ligne de chemin de fer, de la gare, et la percée du tunnel ferroviaire du Mont-Cenis, travaux qui drainent ingénieurs et ouvriers de toutes parts.

AD 73 Modane Recensement 1876 extrait

Et là regardez, dans le recensement de 1876 nous figurons domiciliés 5 rue Sainte-Barbe, dans le même immeuble de notre frère cadet veuf avec sa petite Sylvie, et notre autre frère, son épouse et ses quatre filles. Modane notre fief est passé de 1200 habitants en 1860, à 2100 en 1876, bien des jeunes délaissent la terre pour être employé aux chemins de fer, les temps changent.

De trois frères célibataires, deux se cramponnent, ensuite un seul, puis trois vieux garçons sont réunis dans l’au-delà.

Trois frères qui ont veillé sur leurs proches, partagé les joies et les peines, des vies de labeur, de sacrifice, des vies dans l’ombre mais pas isolées.

Merci Jean-Baptiste, Jean Pierre et Ferdinand AUDÉ.



Sources
AD 73 
Modane registres paroissiaux et d’état civil
Recensement 1876 
Relevé Maurienne Généalogie

samedi 21 juin 2025

Deux ancêtres éligibles

Arrête de procrastiner, me murmure Jacques SAUSSE un lointain ancêtre dans un coin du Dauphiné. Continue, afin de nous relier les uns aux autres, puisque je suis l’oncle de Pierre trop tôt disparu, utilise tous les indices trouvés lors d’une errance dans un vieux registre.

Dynamisée par l’injonction d’un grand-père à la 10ème génération (mon Sosa 1012), celui dont l’ascendance me turlupine, je reprends mon bâton de pèlerin pour un rendez-vous ancestral sur des rameaux cachés. 


Soudain tout s’emballe, me voici dans une rue de Beaumont les Valence, au 17ème siècle vu les pavages de la chaussée, hésitante : à quelle porte frapper pour me renseigner ? Des messieurs débouchent brusquement et s’engouffrent dans une demeure.

Deux commères passant par là me lorgnent et susurrent :

- Tiens voilà des retardataires, et oui du beau monde ce jour pour la signature du contrat de Marie MAGNAC, la Marie BERMOND sa mère est fière du parti qu’on dit parent au châtelain de la Baume.

Mon sang ne fait qu’un tour, je me faufile à l’intérieur, une personne de plus ou de moins, au cas où ?

AD 26 Extrait contrat de mariage 1632
Il y a foule en effet, autour du notaire ce 10 juin 1632, pour le contrat de mariage de Simon SAUSSE fils de feu Pierre SAUSSE (Sosa 2024) et feue Jeanne EYNARD (Sosa 2025) de la Baume Cornillane. Le fiancé est assisté de Sieur Simon EYNARD châtelain dudit lieu son aïeul maternel, de Jacques EYNARD son oncle maternel, et de Jean SAUSSE son oncle paternel.

La fiancée Marie MAGNAC, fille de Pierre et de Marie BERMOND, est entourée de son frère utérin, de son beau-frère, de deux notaires et d’autres parents. Tout ce beau monde paraphe de manière aguerrie. Voyez par vous-même le bataillon de signatures.

Le père de la belle, parce que le mariage lui est agréable, donne 300 livres tournois (1) , le fiancé apporte un augment de 150 livres et 50 livres pour bagues et joyaux (2) .

Coincée au fond de la pièce, je ne peux apercevoir les visages des principaux protagonistes. Dois-je présenter mes félicitations aux promis, à défaut d’oser interviewer l’aïeul châtelain (Sosa 4050). Je choisis de m’éclipser sur la pointe des pieds, et d’assimiler ces nouvelles découvertes.

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La tête me tourne, propulsée cette fois à quatre siècles d’écart, le 8 novembre 1624, Isabelle GROUSSET (Sosa 4051) épouse du châtelain de La Baume souhaite prendre ses dispositions pour ses biens terrestres et dicte ses souhaits : un legs à sa fille Jeanne EYNARD, son fils Jacques étant son héritier universel. 

Traces formelles d’ombres du passé au travers d'actes notariés, reliant des êtres qui ont vécu dans un monde si différent du nôtre, êtres qui ont aimé, souffert, espéré, travaillé. Modeste ébauche somme toute, à étoffer au fil du temps.




Retrouver cette famille 


N.B
(1) la livre tournois est une ancienne monnaie de compte utilisée en France sous l'Ancien Régime frappée originellement à Tours qui remplace progressivement la livre parisis frappée à Paris 
(2) en pays de droit écrit les bagues et joyaux constituent un don (en argent) de noces et de survie fait à la femme 


Sources 
AD 26 Archives notariale
Me Rodet 2 E 2689 vue 184
Me Bérangier E 2137 vue 246
Geneanet arbre chamcro

 

jeudi 5 juin 2025

Baguenauder et dénicher

Celui qui est parti tôt, celui dont les dispositions testamentaires fourmillent d’indices et de rameaux cachés, Sieur Pierre SAULCE, un collatéral qui vécut entre 1634 et 1658 à Beaumont les Valence en Dauphiné. Cher Pierre, permettez cette familiarité, vous avez toute mon empathie, je vous ai rencontré alors que je baguenaudais dans un registre notarial.

Etes-vous de santé fragile, ou encore malade, lorsque dans votre maison un froid jour d’hiver, le 22 novembre 1657 précisément, le Notaire du lieu s’est déplacé pour recueillir votre testament et dernières volontés, ainsi que vos huit témoins.

En assez bonne disposition de corps, sain de mémoire et entendement, considérant qu’il n’est de rien de plus certain que la mort, vous souhaitez disposer du bien qu’il a plu à Dieu de vous donner dans ce monde. Vous recommandez votre âme à Dieu en le priant de vous pardonner vos fautes et élisez la sépulture de votre corps au cimetière de ceux de la Religion Réformée de Beaumont, puisque vous êtes protestant.

Vous prévoyez un don pour les pauvres de la paroisse, à savoir un setier de blé et de froment, ainsi que la distribution de pain cuit.

Cliché personnel Musée des costumes Moulins 

Ensuite Maître Rodet recueille avec soin toutes vos dispositions :

- Un legs de 300 livres à Honnête Jacques SAUSSE votre oncle paternel de La Baume Cornillane.

- Un legs de 600 livres à Sieur Jacques EYNARD votre grand-oncle paternel de La Baume Cornillane sur les 1000 livres que ce dernier lui doit.

- Un legs de 400 livres à Madeleine JORDAN votre filleule à charge de son père Pierre de lui les remettre lorsqu’elle se colloquera en mariage.

- Votre oncle maternel Aymard PAGARD reçoit votre part des hoirs de feu Isabeau GROUSSET votre arrière-grand-mère.

- Votre oncle maternel André FUZIER reçoit les hoirs de feu André son père.

Touchantes sont vos attentions pour votre entourage :

- Un legs de 30 livres pour votre servante Marie FOSSOURET.
- Le legs de la robe de couleur rouge de feu votre mère à Louise VIGNARD maman de votre filleule.
- Le legs d’une robe de couleur pourpre à la veuve de Pierre DELAYE aussi dénommée Madeleine JORDAN.
- Une bague d’or revient à Felippe JORDAN.

Et comme le fondement de tout testament est la désignation d’un héritier universel, vous instituez et nommez de votre propre bouche votre grand-mère maternelle Marie BERMOND pour recueillir tous vos biens.

Alors que le notaire s’applique à noter les ritournelles ampoulées de l’acte authentique, j’imagine l’angoisse de celles et ceux qui vous entourent, de votre grand-mère. Tous savent que les vies sont souvent courtes en ce milieu du XVIIe siècle.

Homme jeune, cher Pierre, vu la désignation d’ascendants comme légataires et héritière, vous disparaissez dans la fleur de l’âge vers 1658 et rejoignez votre mère et votre père dans l’au-delà, parents non dénommés hélas.

Avez-vous évolué dans un monde de marchands, de drapiers, de personnes instruites sans nul doute, vu votre signature affirmée et celles de tous ces messieurs sur votre testament.

AD 26 Notaires extrait testament 1657

Pensées émues en fin de lecture du testament de Pierre, suivies d’une vive excitation, suis-je capable de relier les ombres du passé citées et reconstituer les rameaux cachés.

Et si le registre notarial me soufflait encore un indice, et de tourner un peu au hasard des pages et de tomber sur une quittance du 28 avril 1659.

A cette date, Sieur Jacques EYNARD le grand-oncle verse le legs de 400 livres à Pierre JORDAN le père de la petite Madeleine, la filleule du testateur âgée alors de 4 ans.
Signatures de Jacques Sausse entre 1643 et 1683

Un des témoins est un certain Jacques SAUSSE, dont la signature correspond pile-poil à celle de « mon » ancêtre dont je traque les ascendants depuis un bon moment et collectionne ses paraphes dans différents actes. Stupeur et joie, que seuls les aficionados de généalogie saisissent.  

Jacques SAUSSE mon Sosa 1012 se confond avec l'oncle bénéficiaire d'un leg. Reste à pister les parents de Jacques et ceux de son neveu Pierre le malheureux testateur, et à emboiter les éléments du puzzle. 

Tout l'intérêt de travailler sur le noyau familial élargi et les relations entre les protagonistes. A bientôt évidemment. 




Retrouver cette famille 


Sources 
AD 26 Archives notariales 
Me Rodet Beaumont 2 E 4399 vue 667 et 834

lundi 5 mai 2025

Rameaux cachés de Judith Petit

Au départ, juste trois lointaines silhouettes originaires de La Baume Cornillane : Moyse DURAND fils de Claude DURAND et de Judith PETIT, deux prénoms bibliques et des patronymes passe-partout. Plus tard, Moyse m’a permis de croiser un beau-frère et son frère cadet Jean.

Récemment, une envie de la Drôme des collines (selon le jargon touristique actuel) m’a conduite à m’immerger dans des actes notariés en ligne pour progresser dans ces rameaux cachés d’un coin du Dauphiné du XVIIème siècle.

Pour Judith PETIT, des cailloux ont été semés par un généa-cousin passionné qui publie sur Geneanet sous le pseudo « chamcro » avec des références d’actes notariés, ce qui mérite d’être souligné.

Château de La Baume Cornillane -Drôme Tourisme

Là, au pied de la Raye un contrefort du massif du Vercors, la Baume Cornillane s’étage entre 350 et 1000 mètres d’altitude, terroir parcouru de plusieurs ruisseaux, dominé par les ruines du château féodal celui des Cornillan.

Fier château, édifié au XIIème siècle sur une butte, avec une vue imprenable sur la plaine de Valence, dont subsistent un donjon sur trois niveaux avec le logis seigneurial, une partie de l’enceinte et trois tours rondes.

Catherine de Cornillan, descendante d’une longue lignée, embrasse les idées de la Réforme en 1562, et le village de La Baume devient entièrement protestant soit une centaine de familles. En 1579, elle fait un legs important à l’Eglise Réformée du lieu en faveur des pauvres, du traitement du pasteur.

Blason des Cornillan


La grotte, dont le village tire le nom, sert de lieu de refuge pour les Réformés des alentours pendant les guerres de Religion jusqu’à la publication de l’Edit de Nantes en 1598 sous le roi Henri IV, édit de tolérance qui accorde la liberté de conscience et de culte aux protestants du royaume. Grotte dite de la Dame (en référence à Catherine de Cornillan) qui sert encore de repli lorsque commencent les dragonnades sous le roi Louis XIV son petit-fils, période de restrictions des libertés de culte.

Si le temple fut démoli en octobre 1687 sous ce même souverain, le château-fort fut démantelé vers 1626 sous le règne de son père le roi Louis XIII comme bien d’autres forteresses non essentielles à la défense du royaume.

Frissons et pincement au cœur à imaginer nos lointaines silhouettes en ces temps de répressions, d’abjurations forcées, d’arrestations et de condamnations, de rapt d’enfants pour les faire élever par des familles catholiques ou les enfermer dans un couvent.

Village, contraint lors de l’hiver 1683-1684, de loger une compagnie de dragons, soldats qui commettent mille exactions. Ainsi se déroule le cours d’une époque tourmentée et intolérante, avec la révocation de l’Edit de Nantes prononcée en 1685.


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Les deux fils de Judith PETIT et de Claude DURAND maître-tailleur d’habits se marient à l’église, nouveaux convertis du bout des lèvres au catholicisme. Les registres paroissiaux protestants de La Baume Cornillane antérieurs à 1685 sont perdus, la seule planche de salut pour remonter dans le temps sont les archives notariales.

Et voilà un signe de Judith PETIT et de ses proches à travers les écrits de Maître Bérangier, lors de la signature le 16 janvier 1641 du contrat de mariage de sa sœur Isabeau PETIT avec Guillaume CHENEBIER cardeur.

Judith est présente avec son époux, cités tous deux, comme ses frères Jacques et Louis PETIT, enfants et gendre d'Isaac PETIT et Marie SAUSSE. Bonjour chers nouveaux ancêtres et collatéraux, même l'oncle Daniel SAUSSE répond à l'appel. 

Emotion à découvrir ces rameaux cachés, émotion aussi pour les fiancés, Guillaume le promis est épaulé par un oncle, deux frères et un cousin tous répondant au patronyme CHENEBIER.

Selon les termes habituels d'un contrat de mariage, la fiancée passe de l'autorité paternelle sous la coupe de son futur, et ne me demandez pas le détail des conditions financières ou du trousseau, je n'ai pas le niveau de paléographie requis pour tout décrypter. 

AD 26 Archives notaire 1641 extrait 

En lot de consolation, je vous présente les signatures de l'acte, précieux témoignage d'une très ancienne réunion familiale de 1641, et un extrait des rameaux découverts de la famille d'Isaac PETIT et Marie SAUSSE, découverte de ce printemps. 


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Promenade généalogique en haut d'une branche sur une suggestion d'une blogueuse de Cétait au Tempsnouveau défi dans l'air qui me donne bonne conscience de farfouiller et m'interroger sur les liens des protagonistes. A suivre donc.


Retrouver cette famille 

Sources 
AD 26 BMS La Baume Cornillane et Montmeyran
AD 26 Archives notariales 2 E 7904 folio 40 vue 41/271
Geneanet arbre sous le pseudo chamcro 
Histoire des protestants en Dauphiné


jeudi 24 avril 2025

Claude Durand tailleur d'habits

Fil invisible des générations, qui nous relie à notre lointain arrière-grand-père, fil utilisé par Claude DURAND maître tailleur d’habits qui œuvrait à La Baume Cornillane en Dauphiné au pied du Vercors.

Claude né vers 1610, se marie avant 1640 avec Judith PETIT, père d’au moins trois enfants dont Moyse notre aïeul, il est qualifié de maître tailleur d’habits dans un acte notarié de 1636.

Ce n’est qu’en 1588, sous le règne du roi Henri III, qu’apparaît la « dénomination Maître Tailleurs d’Habits, avec pouvoir de faire tous les vêtements d’homme & de femme sans aucune exception ».

En 1675, le roi Louis XIV « dit Roi-Soleil », jugeant que les femmes avaient aussi le droit d’habiller leurs semblables, constitue un corps de maitrise sous le nom de Maîtresse Couturières avec pouvoir de confectionner uniquement les vêtements féminins. 

Pour porter le titre de Maître, il faut d’abord être confirmé compagnon au bout de trois ans d’apprentissage, puis présenter un chef d’œuvre trois ans plus tard.

Allons donc retrouver Claude DURAND vers 1650 qui a reçu commande d’un justaucorps de la part de Jacques EYNARD châtelain de La Baume. Au vu d’un portefeuille d’échantillons, ce dernier a choisi pour le dessus une étoffe de laine lustrée d’un côté, dénommée calmande, de couleur noisette et pour la doublure une fine serge de laine avec des côtes obliques d’un ton plus clair.



En maître tailleur minutieux, Claude a vérifié les mesures de son client avec un ruban de papier, calculé les aunes nécessaires pour le vêtement, s’est procuré les étoffes auprès d’un drapier du lieu ou de Chabeuil car on lui fait confiance.

Tout est ordonné dans sa pièce de travail, voyez le porte-chandelier entouré de petites cases où sont rangés soigneusement les fils et les aiguilles.

Le maître a dégagé son bureau, disposé son matériel, comme une craie pour reporter sur l’étoffe les différentes pièces du justaucorps, grâce à ses patrons de papier fort utiles. Pour couper deux pièces à la fois, il double l’étoffe et choisit la paire de ciseaux adéquate selon l’épaisseur, avec dextérité il entame la matière.

Intervient l’étape de la couture, du choix de la qualité du fil, du point adapté au vêtement, un maître tailleur connaît forcément tous les points : de côté, de devant, point-arrière, point-lacet, ainsi que les points à rabattre, ceux qui forment les boutonnières. 

Du fait-main en intégralité à cette époque, avec l’aide d’un apprenti sûrement, peut-être celle de l’épouse ou d’un frère, il ne m’a pas tout dit Claude DURAND, mais il assure le montage du justaucorps, l’entoilage, veille aux finitions comme celles des poches, à la disposition des boutons retenus.

En artisan avisé il prévoit un essayage avec son client pour vérifier le tombé du vêtement et faire des retouches le cas échéant. Soigneux, à la fin de l’ouvrage, pour ouvrir les coutures et remettre à plat le tissu, il sort le grand carreau ou le petit carreau, sorte de fer à repasser chauffé sur les braises, juste ce qu’il faut, afin de rendre un vêtement impeccable.

La fierté d’un savoir-faire maîtrisé, du bel ouvrage, il y tient sans aucun doute ce très lointain grand-père. Claude DURAND sait lire, écrire et signer, une signature assurée dans les actes grapillés dans des registres notariés de l’époque 1630-1655, il est souvent témoin avec la mention de sa qualité professionnelle. 

Fil de signatures, en attendant de faire un essai de décryptage de ces anciens actes à l'écriture austère, actes précieux et repères temporels pour cette famille et les autres habitants de La Baume Cornillane, village acquis très tôt aux idées de la Réforme dont les registres paroissiaux protestants ont disparus. 


Retrouver une ancienne rencontre avec son fils 



Sources 
AD 26 Actes notariés numérisés de 
           Me Bérengier de  La Baume Cornillane
Gallica - Gravure de Jost Amman extraite du livre de métiers 
            - L'art du tailleur de F P A Gersault 
ENCCRE version numérique de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert 



samedi 5 avril 2025

Jeanne Reynier une invisible

Rameau caché plus ou moins, rameau fragile et précieux, qui nous relie à plus de quatre siècles d’écart avec Jeanne REYNIER notre lointaine ancêtre.

Jeanne dont le prénom signifie « Dieu pardonne ou Dieu est miséricordieux », et le patronyme Reynier, d’origine germanique, contraction de ragin et heri, peut être interprété comme « celui qui est prudent en temps de guerre » ou « celui qui donne de bons conseils dans les affaires militaires ».

Plan de Baix © Vallée de la Drôme Tourisme

Notre aïeule Jeanne naît vers 1620 à Plan de Baix un village situé en Dauphiné, aujourd’hui dans la Drôme. Son père se prénomme Moyse et sa mère est une mystérieuse inconnue, son frère Zacharie et sa sœur Isabeau sont ses cadets, de minces indices glanés.

En ce temps-là règne le jeune Roi Louis XIII, dont la mère Marie de Médicis a assuré la régence après l’assassinat de son père le Roi Henri IV.

L’enfance et la jeunesse de Jeanne se déroulent dans un village de plusieurs hameaux, et de fermes isolées, dont les habitants se livrent à l’activité agricole et pastorale : moutons et chèvres.

Ses jours s’écoulent dans un paysage dominé par le vert, vert cru des prairies, vert plus clair des jachères, vert sombre de taillis touffus de chênes ou de pins sylvestres, quelques vergers.

Au-dessus des champs, domine le fier rocher du Vellan, falaise taillée à pic de 1000 mètres environ dont la racine vel en langage préceltique signifie hauteur ou lieu perché. Sur ce plateau calcaire, des traces d’un oppidum gaulois et des remparts et fossé d’un château du Moyen-Age, à ses pieds coule la rivière la Gervanne.

Le Vellan, véritable signal, offre un panorama à 360 degrés allant des Cévennes au Vercors, lieu idéal pour contempler et méditer, lieu idéal pour les randonneurs dont certains descendants de Jeanne.

Gallica extrait carte Drôme

Plan de Baix fait partie des villages où la Réforme s’implante facilement et il existe un temple dès 1617, mais sans pasteur, celui de Beaufort faisant le service.

En 1635 le vicaire général de Die, dans le procès-verbal de sa visite, note 20 maisons catholiques et 40 maisons huguenotes, la présence d’un maître d’école protestant, il précise que le cimetière sert pour les catholiques et ceux de la religion dite RPR (Religion Prétendue Réformée).

L’église obscure a besoin de fenêtres surtout du côté du vent, le chœur n’est pas complètement couvert de tuiles, il n’est pas blanchi et pavé, de même que la nef. Il y a les ornements nécessaires, mais point de ciboire ni de lampe ou de confessionnal, de plus le presbytère est ruiné.

Jeanne grandit et, comme toute jeune fille prépare son trousseau aidée par ses proches, Sieur Moyse REYNIER son père se préoccupe de son mariage, il en est ainsi à cette époque.

Un dimanche ensoleillé, et peut-être venteux, le 14 mai 1645, Jeanne REYNIER et Jacques SAULCE ou SAUSSE originaire de La Baume Cornillane unissent leur destinée. Le couple reçoit la bénédiction du Pasteur Burnat en présence du Notaire Béranger.

AD 26 Plan de Baix extrait mariage 1645

Sieur Moyse qui êtes-vous, cher Jacques qui est votre père, quel métier avez-vous exercé, Maître Bérenger êtes-vous Maître Bérangier notaire de La Baume Cornillane dont certaines minutes paraissent être conservées ? Faut-il farfouiller dans les registres à l’austère graphie pour dénicher un hypothétique contrat de mariage ?

Une nouvelle vie pour Jeanne et Jacques SAUSSE qui accueillent au moins quatre enfants, Marguerite, Isabeau, Jacques et Sarah, nés à La Baume Cornillane. 

Vous étiez tous présents lors du contrat de mariage d’Isabeau en 1683, contrat plein de surprises, liens révélés et contés dans un rendez-vous ancestral : passez les écouter. 

Les temps deviennent durs pour les protestants lorsque le Roi Louis XIV révoque en 1685 l’Edit de Nantes qui accordait la liberté de culte : les temples sont rasés, les pasteurs expulsés, les biens de ceux qui ont choisi l’émigration sont confisqués.

Les missionnaires bottés, soldats du souverain absolu, sèment la terreur lors de dragonnades, des réformés se convertissent, abjurent du bout des lèvres, et sont surveillés en tant que nouveaux convertis.

Jeanne est marraine d’un enfant en 1687 baptisé à l’église de La Baume Cornillane, s’y marient ses deux derniers enfants, la chaîne des générations s'est poursuivie.

Depuis son coin de Dauphiné au pied du Vercors, invisible et discrète, Jeanne REYNIER nous tend la main. 



Sources
AD 26 Plan de Baix BMS
La Baume Cornillane BMS