samedi 15 juin 2019

Et la vie continua pour Jeanne Montaz-Rosset

Jeanne Montaz-Rosset a fait un rêve, on parlerait longtemps après sa disparition, des personnes connaîtraient son courage, sa ténacité à aller de l’avant après le décès d’André Durieu-Trolliet. Car elle ne restât pas les bras croisés, sauf peut-être lorsque dans une benette – hotte en osier - elle remontait la terre dans les pentes raides du village de Montpascal en Savoie.


Comme on a parfois la faculté de s’évader dans le temps et l’espace, voici que je me retrouve une fin d’été 1729, avec Jeanne accrochée à mon bras, petit visage ridé, tanné par le soleil, le dos un peu voûté, mais le regard vif et l’envie de se confier.

- Tu sais une fois mon homme parti au ciel, et bien le petit homme de la maison c’était mon fils Rémi tout juste 11 ans, et si sa sœur aînée Jeanne Marie avait 17 printemps, les cadettes Dominique et Benoîte (mon ancêtre) n’étaient pas hautes : 7 et 2 ans !

- Malgré ma peine, on s’est organisé pour les travaux d’automne, et toutes les tâches domestiques et les veillées du premier hiver sans mon époux, on s’est aussi occupé du trousseau de mon aînée, filer, tisser, coudre.

- Parce qu’il faut te dire que ma Jeanne Marie, ma foi assez mignonne et vaillante, avait été promise à Denis Albrieu d’une bonne famille, celle de notre Révérend Curé Hugues Albrieu.

- Alors c’est elle qui s’est mariée en premier en 1703 ?

- Oui chère curieuse, et je me souviens comme si c’était hier de ce contrat de mariage : mon aînée avait 450 florins de dot, elle apportait aussi une terre, oh je ne sais plus laquelle !

- C’est Maître Louis Dupré le notaire de Montvernier qui est intervenu ?

- Bien sûr, vas-t'en savoir pourquoi il me reste dans la tête que la vache à lait était à poil rouge !

Et tous ses nippes et attifiaux tenaient dans un beau coffre de bois blanc avec en autre des gorgères de lin parfois avec de la dentelle (1). Bien pourvue ma coquette Jeanne Marie, et le marié avait un habit nuptial d’un blanchet (2) de bon drap neuf.

- Et puis tu sais mon gendre Denis Albrieu il avait un frère Simon Albrieu qui a vu grandir en sagesse Dominique, du coup on les a mariés ces deux-là 10 ans plus tard.

- Donc Jeanne vos filles devenaient belles-sœurs et restaient pas loin de vous, et racontez-moi pour votre troisième fille Benoîte mon ancêtre qui je crois a épousé un homme d’Hermillon ?

- Oui, Louis Arbessier est venu pour le contrat, mais c’est plus vague dans ma mémoire

- Pourtant c’était en 1721 Jeanne, ce n’est pas si vieux

- Ah cela me revient : ma Benoîte avait une robe de bon gros drap, un cotillon de laine, et elle était fière de son cornachon de velours et de son cornachon de satin – des corsages dans de beau tissus. Et puis je sais plus, à mon âge… Tu iras lui demander le détail à Benoîte, elle demeure à Hermillon depuis son mariage avec son mari et ses enfants.

- Et votre fils Rémi ?

- Il s’est marié dans d’autres villages, sa première épouse m’a donné mon petit-fils Michel, mais sa seconde épouse Jeanne Arbessier la sœur de ton ancêtre Louis est décédée. Il va devoir se remarier à nouveau, et il a quelqu’un en vue d’une autre paroisse encore.

- En tout cas j’ai pris toutes mes dispositions tant que je suis saine de corps et d’esprit, et le notaire est venu le mois dernier, tu veux connaître le détail ?

- Moi oui, les curieux peut-être.

- Pour mon luminaire 8 livres 4 sols sont prévus pour les 12 messes tant grandes que petites. Et selon la coutume de lieu il y aura un pot de vin chaque dimanche de l’année avec l’offrande accoutumée.

Silence de ma part, je découvre la coutume de ce coin de Maurienne.

- Puis après les messes de la neuvaine et du bout de l’an, je souhaite une aumône aux pauvres de Dieu qui se présenteront à la réunion : pour cela il sera employé 10 quartes (3) de seigle et d’orge en pain cuit converti avec du potage à la coutume du lieu.

- Sans oublier que je donne une livre de Savoie à chacune des confréries du Saint-Sacrement et du Rosaire payable par mon héritier une année après ma mort au procureur des confréries.

-Tu te doutes que mon héritier universel est mon fils Rémi, mon petit-fils Michel aura une pièce de terre. Je lègue à mes filles aînées 2 livres et une pièce de terre en indivis, elles auront une robe chacune et Jeanne Marie choisira la meilleure robe.

- Quant à Benoîte ta lointaine grand-mère elle aura 84 livres, deux chemises et une robe à choisir. Je ne peux pas lui laisser une terre puisqu'elle habite ailleurs, toute la fratrie est au courant de mes intentions.

Tiens voilà du monde qui rentre des champs ! Du coup je m’évapore.

Vint diou, la Mère barjaque seule ! Mince elle parle toute seule !

Tenace, organisée était Jeanne Montaz-Rosset restée veuve plus de trente ans à se soucier des siens et de son âme aussi ; légèrement décryptée au travers les lignes d’actes notariés ou le registre paroissial.



André Durieu-Trolliet ca 1650-1702 sosa 1534
 fils de Jean Cosme
x 01/05/1675
Jeanne Montaz-Rosset ca1660-1733 sosa 1535
fille de Jean-Baptiste 

au moins 7 enfants
- Marie 1684 - <1702
- Jeanne-Marie 1685-1749 x Denis Albrieu
- Hughes 1688 - <1702
- Rémi 1691 - 1764 x Marie-Marguerite Bonivard x Jeanne Arbessier x Anne Rey-Blanc
- Dominique 1695 - 1767 x Simon Albrieu
- Marie 1698 - <1702
- Benoîte 1700 - >1761 sosa 767 x Louis Arbessier sosa 766



(1) la gorgère est une sorte de collerette
(2) le blanchet est une étoffe de laine grise
(3) la quarte est une mesure pour les matières sèches


L'inventaire après décès d'André Durieu-Trolliet    
c'est ICI

Dialogue imaginaire pour le RDVAncestral mensuel
Personnes et actes liés à ma généalogie 

Sources
Femme à la hotte Jan van Bunnik Musée Magnin Dijon
Images Pixabay
AD 73 Tabellion St Jean de Maurienne
BMS Montpascal - Hermillon
Relevés Généanet et GénéMaurienne