samedi 16 février 2019

Ce que je voulais dire à Claude Clément

En ce mois de février 1841 je me retrouve face à un dilemme : rencontrer Claude CLEMENT sosa 58 un de mes aïeul drômois qui est candidat pour le rendez-vous ancestral mensuel. Sauf que… le train n’arrive pas à Valence à cette époque, je n’ai pas envie d’utiliser la voie d’eau par le Rhône car l’année précédente un bateau a sombré et la route royale n’est pas réparée suite aux récentes et importantes inondations. Vous comprenez aisément pourquoi j’ai opté pour la voie postale, Montmeyran étant desservi par le facteur rural…
 

Delcampe - Montmeyran

Cher Claude et lointain grand-père, 
 
Une petite voix me laisse entendre que vous ne serez pas étonné qu’une étrange personne  se soit prise d’une curieuse lubie de découvrir ses ancêtres et de vous rencontrer, soit-dit en passant elle n’est pas la seule chaque troisième samedi du mois. Votre fille Catherine ou votre gendre vous ont sûrement touché un mot sur ma précédente rencontre avec Jacques ARNOUX cultivateur tout comme vous. ICI

Votre silhouette et celles de vos proches me sont devenues familières quoiqu’un peu floues parfois, et notre collaboration remonte à plus de cinq années. A ce stade je vous imagine passant votre main dans votre moustache…
 
Tout d’abord, sachez que j’ai sauté de joie en débusquant votre acte de baptême du 2 octobre 1779 signé par le Pasteur Marcel sur le registre protestant de La Baume Cornillane. Petit enfant de 3 jours né à Montmeyran, fils d’un autre Claude CLEMENT et de Marie Magdeleine Louise VINCENT, vous avez pour parrain votre grand-père maternel Claude VINCENT et pour marraine votre grand-mère  maternelle Louise ROLLAND du lieu de Beaufort en Diois.
 
Tout d’un coup je découvrais les signatures de vos aïeux et la vallée de la Gervanne autre berceau de votre lignée. Dans la Drôme, votre grand-mère Louise est la première femme dont le paraphe m’est connu, femme du mitan du 18ème siècle.

AD 26 BMS La Baume Cornillane

Là, songeur vous acquiescez de la tête.
 
Heureusement que je ne me suis pas évertuée à décoder le mauvais registre pas très bien tenu par le Curé du mandement de Montmeyran, sachant qu’à cette époque vos parents et alliés s’abstenaient de cérémonies à l’Eglise et préféraient une bénédiction de mariage ou un baptême par un Pasteur lors d’une assemblée dite « du Désert ».
 
Là mon cher Claude je vous entends me murmurer : évidemment !
 
Ensuite,  sachez que j’ai passablement écarquillé les yeux pour lire votre acte de mariage civil du 19 mai 1806 dans de plusieurs tons de gris pas particulièrement attirants.  Sous le Premier Empire à Montmeyran, vous épousez Catherine SAYN sosa 59 fille de Jean SAYN et de défunte Jeanne RAGIER.  Ne me dîtes pas que cette union était pour échapper à la conscription et éviter d’être soldat  car à 25 et 29 ans vous aviez raison tous deux de fonder un foyer.
 
Puis, je vous ai entr’aperçu passer dans le centre du village devant l’arbre de la liberté, pour récupérer en vitesse  Pierre Fauchier maréchal, et Antoine Veron agriculteur vos inamovibles témoins. Ensuite, fièrement vous déclarez à l’officier d’état-civil la naissance de vos six enfants qui s’échelonnent entre 1807 et 1820 : trois filles dont « ma » Catherine mariée à Pierre ARNOUX et trois fils. J’ai appris que votre fils Claude est cultivateur comme vous et Jean-Pierre cordonnier.
 
A ce stade, vous marquerez certainement une pause dans la lecture de ma missive, porterez votre regard sur Catherine votre épouse qui rajoute une bûche dans la cheminée ; peut-être est-elle inquiète, s’interrogeant sur son contenu ?

Rassurez-vous tous deux, je suis juste un peu curieuse, voire malhabile à m’exprimer.
 
Je me suis laissée dire que plusieurs villages autour de Valence, dont le vôtre, produisaient beaucoup de fourrages ce qui facilite les approvisionnements des chevaux de la malle-poste et des cavaliers de la grande route. Peut-être avez-vous introduit de nouvelles plantes fourragères comme suggéré par les agronomes ? Prairies naturelles et artificielles jouxtent donc les champs de céréales dans votre belle plaine, où nombreux sont les mûriers pour la culture du vers à soie.
 
Au fait lors du mariage de votre fille Catherine avec Pierre ARNOUX en 1836 vous vous déclarez marchand de bestiaux, alors que les autres fois vous mentionnez cultivateur. Les deux activités peuvent se concevoir avec les quatre foires qui se tiennent chaque année à Montmeyran.

Le bourg est certainement très animé avec toutes ces transactions agricoles, les gens qui viennent en famille des campagnes environnantes, ou plus loin des montagnes du Vercors. Est-il vrai que des habitants se déplacent depuis l’Ardèche, le Rhône ou le Vaucluse pour échanger des denrées et des bestiaux, de même vos chevaux proviennent-ils du Cantal, ou vos mulets du Poitou comme je l’ai lu dans un rapport ?

Là cette fois, vous levez les bras au ciel, et marmonnez : comment lui répondre ?


AD 26 Cadastre 1820 Montmeyran extrait
 
Finalement, si vous ne voyez pas d’inconvénient, et si vous avez un peu de temps à me consacrer, je crois que je vais me déplacer aux beaux jours pour échanger sur votre quotidien et votre lieu de vie. Allez une dernière question : votre maison est-elle celle qui figure sur le cadastre avec la mention « Clément » un peu à l’écart d’autres bâtiments ?

Acceptez tous l’expression de mon profond respect et attachement.

Echange imaginé
mais personnes ayant vécues
 dans le village de Montmeyran
 selon les principes du  RDVAncestral


  

vendredi 8 février 2019

Le petit monde de Marianne Savoye

A peine évoquée dans deux billets, en tant qu’épouse ou mère, mon ancêtre Marianne SAVOYE sosa 57 mérite que je tente de la sortir des brumes du temps.
 
Née le 3 août 1773 à Montmeyran dans la Drôme, elle est la troisième fille d’Etienne SAVOYE journalier et de Marie RICHARD sosas 114 et 115. Cinq jours plus tard, elle est baptisée comme ses sœurs par le Pasteur « au Désert » et  succède à une toute petite Marianne décédée à l’âge d’un an que le Curé de Montmeyran a accepté d’inhumer au cimetière.
 
Elle grandit donc avec sa sœur Elisabeth son aînée de 4 ans, entourée de son père et je l’espère de l’affection de sa belle-mère Marie COUPIER, faute d’avoir eu la tendresse de sa mère disparue avant le 29 octobre 1775 date du remariage d’Etienne.
 
Pixbay

Pas d’élément pendant 20 ans.
 
Lors du mariage de sa sœur Elisabeth le 6 octobre 1795 à Montmeyran avec Jacques FRAISSE tisserand cette dernière est dite habitant depuis plusieurs années Allex une commune assez proche, son père Etienne SAVOYE est décédé et ses deux témoins sont des oncles du côté maternel.
 
A son tour, âgée de 26 ans,  mon aïeule  Marianne SAVOYE convole le 29 avril 1799 à Allex cette fois avec Jacques ARNOUX sosa 56 cultivateur originaire de Montmeyran fils de Jacques ARNOUX et de Marguerite ROMIEUX. Elle aussi est dite domiciliée à Allex depuis plusieurs années, un tailleur d’habits et l’instituteur du lieu sont les témoins de l’union en période républicaine où l’on se donne du citoyenne-citoyen.
 
Le couple va évidemment s’installer à Montmeyran et Marianne partagera les tâches et la maison avec sa belle-mère jusqu’en 1814 et avec l’oncle Charles frère de cette dernière qui décède en 1819. Il aura 6 enfants.
 
- Les deux premiers petits du couple causeront du souci : Antoine né en 1802 vivra seulement 3 mois, et une première Marie-Anne ne vivra que 3 semaines en 1805.
 
- Du troisième enfant Jacques Etienne, né en 1807 et prénommé comme ses 2 grands-pères, je sais qu’il fait son service militaire, il est recensé en 1836 avec ses parents. Je ne le repère ensuite qu’au recensement de 1846  en tant que chef de famille car sa mère Marianne est morte 2 ans plus tôt.  Il est célibataire à 40 ans agriculteur et habite avec une sœur Marianne dite avoir 30 ans. Il s’éteindra en 1848.
 

AD 26 Montmeyran recensement 1846
 

- Du quatrième enfant Pierre né en 1808 et marié à mon ancêtre  à Catherine CLEMENT j’aurai l’occasion de vous en reparler évidemment.

- Les cinquième et sixième enfants de mon aïeule sont deux filles Marie-Anne née en 1811 et Marie née en 1813 recensées ensemble avec leur mère veuve en 1841.
 

AD 26 Montmeyran Recensement 1841
 
Vous êtes au peu perdu avec ces Marianne, Marie-Anne, Marie ! Se rappeler que l’agent recenseur note ce qu’on lui déclare, et ce qu’il comprend. Dans cette famille, seuls les garçons savent lire et écrire. Les âges donnés peuvent être approximatifs, et les prénoms indiqués variables selon l’année de recensement.
 
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Marie-Anne ARNOUX née en 1811 se marie en 1847 à Montmeyran avec François BATARRE un cultivateur de Combovin. Elle s’installe dans cette commune où elle s’éteindra en 1864, suivie par son époux en 1877, dit alors mendiant ! Le couple semble ne pas avoir eu d’enfants.
 
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Marie-Anne ARNOUX née en 1813 se marie en 1842 à Montmeyran avec Jean Antoine BARBIER cultivateur. Que faisait ce dernier à Lyon dans le Rhône en 1871, où il meurt à l’hôpital du 4ème arrondissement ? Mystère…
 
Ce couple aura 3 enfants, leurs 2 filles Marie Emilie Louise et Marie Louise épouseront des cultivateurs et vivront à Chabeuil rejointes par leur mère.
 
S’agissant de leur fils Antoine BARBIER, j’ai remarqué une coquille sur l’acte de naissance du 7 février 1849 car Antoine est déclaré de sexe féminin, et les deux témoins qui ont la qualité d’instituteurs n’ont rien remarqué et hop une signature, en devisant certainement. Le père ému lui est excusable.
 
Toujours est-il que ce petit-fils Antoine se retrouva 20 ans plus tard garde national mobile de la Drôme (3ème bataillon 1ère compagnie) et décédera le 31 décembre 1870 à l’hospice de Beaune en Côte d’Or, comme bien d’autres soldats en cette période originaires de différents départements.  Là on touche la guerre de 1870-1871…
 
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Le petit monde de mon ancêtre Marianne SAVOYE, qui s'éteindra le 5 décembre 1844 à 71 ans, et aura habité dans deux villages Montmeyran et Allex, tient à de modestes éléments glanés dans des actes, des recensements, quelques chemins de vie dégagés : une vie simple, de labeur constant, de soucis et de joie aussi espérons-le … 
 
 
Sources
AD 26
Allex et Chabeuil Etat-civil
Montmeyran Etat-civil et recensements