samedi 19 janvier 2019

Des foyers passés au crible en 1836

Dans la Drôme, les habitants de Montmeyran ont été passés au crible avec les questions de l’agent recenseur qui a fait la tournée des foyers du village, en 1836 sous le règne de Louis-Philippe roi des Français. 
 
Concentrée sur cet instructif et indiscret recensement, il m’a fallu un moment pour réaliser que mon ancêtre Jacques ARNOUX  sosa 56 lorgnait par-dessus mon épaule et écarquillait aussi les yeux sur les feuillets.
 
Puisque je suis là, dis-moi chère descendante, ce qui te passionne tant et raconte-moi les signes de ces paperasses, et soit dit en passant tu as mis du temps pour revenir nous voir !
 
Effectivement lors d’un Rendez-Vous-Ancestral j’avais rencontré la famille de Jacques titré Les Marianne de Jacques Arnoux  
 
 
Et bien voilà : votre village totalise 1823 habitants au 22 juillet 1836
 
907 de sexe  masculin 501 garçons célibataires, 372 hommes mariés, 34 veufs
916 de sexe féminin  473 filles célibataires, 364 femmes mariées, 79 veuves.
 
Il y a plus de dames que de messieurs, plus de veuves que de veufs, c’est souvent le cas vous savez Jacques. Les femmes sont peut-être plus solides que les hommes, mais à leur décharge il y a eu les guerres napoléoniennes et ensuite les velléités de conquêtes coloniales.
 
Mouais… tout le monde a été noté sans exception, les calculs sont bon marmonne mon aïeul ?

Bien sûr le Maire a signé le recensement.
 
 
J’ai repéré votre déclaration en tant que chef de famille cultivateur avec Marianne SAVOYE votre épouse, votre fils aîné Jacques actuellement militaire, votre fils Pierre et sa jeune épouse Catherine CLEMENT sosas 28 et 29, et votre cadette dite Marie (enfin Marie-Anne).
 
L’autre fille Marie-Anne est aux abonnés absents, je n’ose pas le souligner.
 
Je n’ai pas non plus négligé la déclaration du père de votre belle-fille Jean-Claude CLEMENT cultivateur également avec son épouse Catherine SAYN sosas 58 et 59, sa belle-sœur Elisabeth, son fils Pierre  ouvrier-cordonnier à Beaumont, et sa fille Louise.

Tu sais on la connaît bien cette famille, puisque nos jeunes se sont mariés en février dernier.

Petit regard sur ceux-ci au fond de la pièce, dont les mains viennent de se dénouer…

 
 
Vous savez Jacques les chercheurs d’ancêtres et chercheurs de racines aussi, adorent ces recensements, ils se régalent de ces colonnes, des noms inscrits, des professions, situations et âges.
  
J’ai découvert que Montmeyran votre village avait 3 instituteurs et 1 institutrice, 1 garde-champêtre et 1 pompier ainsi que 2 voituriers.
 
Dis-moi Fanny, as tu remarqué que beaucoup d’habitants sont cultivateurs comme moi ?

Bien sûr  Jacques, certains sont dits propriétaires, parfois aidés par des domestiques ou des journaliers, et aussi des grangers.

Oui, dans notre région du Dauphiné on nomme ainsi les métayers.
 
L’agriculture certes, mais pas que …
Dans le centre du village vous avez 10 tailleurs d’habits, des tisserands, 9 cordonniers, les métiers autour du bois, des chevaux, tout un monde à découvrir : Jacques votre communauté est active avec aussi 2 meuniers et 2 boulangers.
 
Notre boulanger c’est Louis Cru, et faut pas oublier qu’on a des aubergistes, un cabaretier et un cafetier et plusieurs marchands de bestiaux. Tu vois je suis au courant Fanny !
 
Il faudrait me les présenter… 

Ben dis avec tout mon travail ! Déjà que l’on discute, mais bon je suis content que tu t’intéresses à nous.
 
Et au fait, là c’est qui ? et le doigt de Jacques de pointer -pile poil- sur une des familles de notables.
 
 
C’est la composition du foyer de Joseph Néry-Durozet, juge de paix de 64 ans, son épouse Sophie de Boissieu âgée de 48 ans, ses 2 fils médecin et praticien, sa fille et 3 domestiques à leur service.
 
Mais ils font quoi ces domestiques, il n’y a pas de terre à travailler ?
Oh les femmes aident la maîtresse de maison et l’homme s’occupe peut-être du jardin.

Ben la dame du juge je la croyais plus âgée …

Gloussements des jeunes : Marie ou Catherine ?
Voilà mon auditoire déconcentré !

Petit inventaire sommaire, et fil retenu pour retrouver la famille de Jacques ARNOUX arrière-grand-père de ma grand-mère Isabelle ARNOUX.

 
Dialogues imaginés
 mais personnes ayant vécues
 dans le village de Montmeyran
 selon les principes du RDVAncestral
 
 
Sources
AD 26 Montmeyran recensement 1836

vendredi 11 janvier 2019

Père prudent et fille courageuse à Fontcouverte

Au détour d’un vagabondage sur Gallica, je suis tombée sur une page de procédure sur le principe de précaution avant la lettre qui constitue une anecdote au pays de mes ancêtres et collatéraux.
 
En route pour Fontcouverte, cette paroisse de montagne en Maurienne est en grand émoi en ce début de l’an 1735, on jase, potine, cancane.  L’épouse et mère des protagonistes, non désignée comme souvent en Savoie, est Marie-Antoinette Anselme sœur d’Urbane Anselme mon ancêtre Sosa 1505
 
Il se chuchote, il se dit que …
 
Toujours est-il que le 12 février 1735, Egrège Antoine Dompnier, notaire à Fontcouverte a du comparaître devant le tribunal de l’Officialité à Saint-Jean, où il était cité par sa propre fille Michelette, et par Jean-Baptiste Sibué fils de Jean, du même lieu.
 
 
C’est que le bon notaire, en père de famille affectueux et prudent, s’oppose obstinément au mariage de sa fille Michelette, avec ledit Jean-Baptiste.
 
Le motif ?
Oh, Antoine Dompnier n’a rien à redire contre l’honorabilité du prétendant, mais ce dernier a le tort d’habiter la Roche de Charvin : il ne veut pas que sa fille soit exposée aux dangers des précipices. Ce n’est pas là une crainte vaine et puérile : dans sa carrière de notaire il a été appelé quatre fois à prêter son concours pour la visite de cadavres de gens tués dans ces précipices.
 
Non, non et non, le bon notaire, persiste dans son opposition, et si sa fille passe outre, qu’elle n’espère rien de ses parents : donc pas de dot.
 
Sauf que Michelette tient de son père, et se montre devant le tribunal aussi éloquente, et non moins obstinée.
 
L’existence d’un village à la Roche de Charvin, dit-elle en résumé, prouve bien que le danger des précipices n’est pas tellement redoutable. Le curé de Fontcouverte, lui-même, y va célébrer la messe plusieurs fois l’an, le village est bien abordable.
 
D’ailleurs, elle a de trente-quatre à trente-cinq ans, et elle ne veut plus attendre. (sic)
 
Toutes bonnes raisons  qui font que le tribunal de l’Officialité de Saint-Jean déboute le père de son opposition, ce qui permet aux fiancés de convoler, sans tarder 6 jours après la décision, soit le 18 février 1735. 
 
Effectivement le registre paroissial de Fontcouverte, mentionne à ladite date, vu la dispense de 2 bans, l’union de Michelette et de Jean-Baptiste assistés de leurs 3 témoins. Dans l’acte les deux pères sont nommés, mais le curé s’est abstenu de mentionner le métier de notaire d’Antoine Dompnier, peut-être pour ne pas s’attirer le courroux du notable.
 
Elle n’avait pas d’autre choix que d’être convaincante et têtue Michelette ma lointaine collatérale pour éviter le déshonneur, car cinq mois plus tard une petite fille prénommée Françoise pointait le nez le 4 août 1735.  Le couple eut au moins deux fils ensuite et une descendance.
 
Le bon notaire Antoine Dompnier décède à la fin de l’année 1738, l’histoire ne dit pas s’il s’était réconcilié avec sa fille, éventuellement avec la médiation de Marie-Antoinette Anselme la maman de Michelette.
 
Père prudent, ou furieux,
fille courageuse ou séduisante, galant entreprenant,
à vous de voir
 
                                                                     Un autre billet concernant le même village
                                                                     La consigne de Foncouverte en 1718


Sources
Gallica : SHAM 1927 (SER2,T7,PART1)
AD 73 RP 4 1723-1783 Fontcouverte
Arnet : peinture de Pietro Rotari