samedi 19 mai 2018

Le puzzle de Marie-Marguerite

Envie de nature, de grands arbres, le nouveau rendez-vous ancestral me donne ainsi l’occasion de retourner en forêt de Saint-Gobain dans l’Aisne. 
 
En ce dimanche de septembre 1748, aucun bruit dans la forêt, les  bûcherons sont au repos de même que les scieurs de long,  les charriots tirant les arbres après débardage sont absents. Quelques oiseaux chantent sur mon passage, mes pas sont prudents en raison des branches au sol, rêverie oblige.
 
Pixabay

L’autre jour j’avais laissé Antoine MERCIER clerc laïc bien mélancolique. Je le savais soucieux de l’ascendance de son épouse Marie-Marguerite BARBANÇON. Récemment j’ai reconstitué autour de cet ancêtre le puzzle de sa généalogie paternelle, arrêtant de bouder une hypothèse remarquée  sur un arbre de Généanet, et feuilletant les pages des registres de Saint-Gobain.
 

Ce puzzle autour de Marie-Marguerite et de son père Jean BARBANÇON ne peut être qu’en bois, constitué d’écorces d’arbres portant les noms des époux et surtout les noms des témoins, précieux témoins sur des écorces-clés.

Les données principales sont l’acte de remariage de 1720  des parents de Marie-Marguerite à savoir Louise BERTON et JEAN BARBANÇON et les témoins du marié  et aussi ceux de 1711 lors de sa précédente union avec Louise LEGRAND.
 
 
Abraham LEGRAND
Témoin en 1711 et 1720 dit frère pour beau-frère
Jean-Baptiste HAMART Témoin 1711 est un cousin
Jean HAMART Témoin 1720 dit cousin

 
J'ai même mis la main sur la première alliance du père de Marie-Marguerite  avec Marie LUZIN en 1705 me confirmant sa filiation et validant ainsi des écorces que je tenais pour fiables. Jean BARBENÇON je vous ai cerné un peu plus et déniché dans un inventaire la référence à votre métier : garde des bois de la forêt de Saint-Gobain.
 
D’autres écorces se sont ajoutées pour les grands-parents paternels de Marie-Marguerite : un autre Jean BARBANÇON et Marguerite SOREL, et même les parents de celle-ci Michel SOREL et Antoinette MACADRE. Servais et Anne SOREL des oncles et tantes et des cousins JAMART …

Sans oublier les témoins des deux unions de la principale intéressée Marie-Marguerite en 1738  avec Antoine MERCIER puis avec Charles DUPONT garde-vente en 1748 sur Barisis. Son tuteur Jean DELAPIERRE laisse entendre qu’elle perdit son père jeune, il devait être marchand, son parrain Antoine DUPIRE est un parent de son père a priori. Tout peut s’emboiter : trois frères consanguins de Marie-Marguerite sont arrivés à l’âge adulte et se sont mariés.
 
 
Jean DELAPIERRE curateur témoin 1738
Antoine DUPIRE parrain témoin 1738 et 1748
François BARBANÇON témoin 1738 est un frère
 

Surtout s’obstiner et prendre des chemins détournés, arriver à valider des écorces constitue une récompense, et permet d'aborder plus facilement une rencontre.
 
Tiens donc la voilà mon ancêtre Marie-Marguerite BARBANÇON ! Jeune et récente veuve d’Antoine MERCIER, avec ses deux fils Simon garçonnet de 9 ans et le petit Antoine âgé de 3 ans. L’aîné inquiet semble sur le qui-vive et protecteur à la fois et prononce « un vagabond ». Evidemment le décalage avec ma vêture du XXIe siècle !
 
« Mais non Simon c’est une dame, qui s’est peut-être égarée, à moins que ce soit celle qu’avait rencontrée ton pauvre père Antoine l’autre fois. »

Marie-Marguerite ne s'est pas étonnée, je la sais endeuillée, soucieuse de l’avenir de ses fils, pressée par son entourage de ne pas rester veuve, situation connue deux fois par sa mère ; je vais m’abstenir de lui infliger le détail de mes recherches.

J'exprime ma peine, comprend ses interrogations et confirme mon attachement à toute sa famille. Je laisse entendre qu’elle tient son prénom de sa grand-mère paternelle, explique que je lui ai trouvé des frères du côté paternel ce qui m’a étonnée, des oncles et tantes paternels,  un parrain qui a veillé sur elle.

 
 

Rencontre furtive, rencontre en petit comité de deux ancêtres et d'un lointain grand-oncle. Puzzle à cheval sur deux paroisses mitoyennes de Saint-Gobain et Barisis aux Bois, avec la dominante de la forêt : garde des bois, garde-vente, bûcheron, coupe de bois, abattage, martelage, récolement, que de matières à approfondir…
 
Marie-Marguerite BARBANÇON a appris à signer avec Antoine MERCIER clerc laïc, car elle apposera sa signature avec application sur le registre lors de son remariage avec Charles DUPONT garde-vente.




Tout à trac Simon me dit : « je serai bûcheron » quant au petit Antoine – mon ancêtre – il est encore trop jeune pour exprimer un vœu, mais les deux enfants seront sous l’aile protectrice de leur beau-père.

Promis je reviendrai.


Liste éclair des Sosas


Michel SOREL et Antoinette MACADRE
Jean BARBANÇON  ⚭ 1681 Marguerite SOREL
Jean BARBANÇON ⚭ 1720 Louise BERTON
Marie-Marguerite BARBANÇON ⚭ 1738 Antoine MERCIER
Antoine MERCIER





Vous pouvez retrouver Antoine MERCIER :
Boulot et mariage pour Antoine clerc laïc
La mélancolie d'Antoine Mercier

 
Sources
Archives Aisne BMS Barisis aux Bois. Fressancourt, Saint-Gobain
Google-Books Inventaire-sommaire des archives de l'Aisne avant 1790 
Geneanet 


lundi 14 mai 2018

Louis XV à Saint-Gobain

Tiens donc, le Roi chez mes ancêtres  et plus précisément Louis XV ! Voilà ma réflexion, lorsqu’en musardant sur Gallica, la bibliothèque numérique, j’ai déniché « la relation du passage du roi dans la généralité de Soissons, les 26, 27, 28 et 29 juillet 1744 menant un corps de troupes de son armée de Flandres à celle du Rhin ».
 
Oh,  Louis XV a séjourné  à La Fère, là où François DOUBLET (Sosa 444) était Brigadier des Fermes du Roi à cette époque. Ensuite Saint-Gobain, Benoît DARDENNE (Sosa 824), manouvrier, s’est peut-être vu infliger une corvée liée au passage du souverain. 
 
Je ne résiste pas à vous rapporter une partie de cette « relation » après avoir supprimé certaines majuscules et à peine toiletté le texte. Elle m'apparaît instructive d'un déplacement et de l'accueil du souverain à cette époque.

« Le Roi, qui était parti dans ses carrosses de la Ville de Saint-Quentin le 26 juillet, sur les sept heures du matin, entra dans la Généralité de Soissons au village d’Urvillers, et monta à cheval avec toute sa Cour près de Vendeuil à deux lieues de La Fère. Les décharges de douze pièces de canon placées au Polygone, annoncèrent vers les onze heures l’arrivée de Sa Majesté ; le Sieur Fouquet, Maire, à la tête du Corps de Ville, eut l’honneur de haranguer le Roi à la Porte Saint-Firmin, en lui présentant les clefs de la Ville. »
La Fère - J. Peerters 1656 Bibliothèque Carnegie Reims

« Cette porte était ornée d’un magnifique Arc de Triomphe, le Dieu Mars fut l’un des pilastres entouré de tous les attributs de la Guerre, paraissait rassembler autour de lui les drapeaux et les étendards, pour les offrir à la Victoire, que l’on voyait sur l’autre pilastre répandre les marques honorables des récompenses militaires. Le frontispice représentait une forge de Vulcain, où les Cyclopes paraissaient occupés aux différents travaux d’artillerie, pour les conquêtes du Roi. »
 
« Cet emblème convenait particulièrement à la Ville de La Fère, où l’on voit un magnifique arsenal, un moulin à poudre, un corps de casernes aussi remarquable par sa grandeur et sa beauté, que par le zèle des habitants qui l’on fait construire et elle établit une des cinq Ecoles d’Artillerie. »
 
« Plusieurs Compagnies de la Bourgeoisie sous les armes, contenaient le peuple immense qui s’était rendu de tous les environs de cette ville, et bordaient les rues sablées par lesquelles le Roi passa au milieu des acclamations pour se rendre à l’Arsenal, où son logement avait été préparé. »
 
« Sa Majesté y étant arrivée, M. Meliand Intendant de la Province, eut l’honneur de lui présenter une carte de la Généralité imprimée sur du satin. Le Roi dina sur les deux heures en public avec les Princes et les seigneurs de la Cour et tous les autres officiers de la suite trouvèrent chez M. l’Intendant des tables très bien servies. »
 
« Sur les sept heures le Roi se rendit au Moulin à Scie : Sa Majesté vie scier un fort gros arbre, et se fit expliquer la construction et l’opération de cette industrieuse machine. (1) »
 
« La joie publique fut marquée le soir par des illuminations de toutes espèces, principalement à la façade de l’Hôtel de Ville et des casernes : la régularité des lampions placés sur plus de 350 croisées, fit paraître dans toutes sa magnificence ce superbe bâtiment. »
 
« La position du logement de Sa Majesté, entouré de tous les magasins de l’Arsenal, ne permettant pas d’y tirer un feu d’artifice, le Frère Philbert, Capucin, connu pour son génie pour les mathématiques, fit jouer sur la grille d’entrée différents feux légers, qui sans s’élever, formèrent un spectacle d’un goût nouveau. »
 


Versailles- Wikipedia
 « Le lendemain 27, M. l’Intendant ayant eu l’honneur de rendre compte au Roi du zèle avec lequel plusieurs villages voisins avaient travaillé la nuit pour rendre praticable le chemin de Saint-Gobain, à une lieu et demie de La Fère, en élargissant la route dans la forêt et en élaguant les arbres, Sa Majesté se détermina à aller voir la belle Manufacture des Glaces qui y était établie. Elle partit à six heures à cheval, après avoir entendu la messe aux Capucins, dont le gardien eut l’honneur de complimenter Sa Majesté. »

Pour les non-initiés, je précise que la Manufacture Royale de Saint-Gobain a fourni les glaces de la célèbre Galerie des Glaces du château de Versailles. Ce n’est pas rien quand même !
 
 
 « Le Roi en arrivant à Saint-Gobain trouva toute l’opération préparée, elle réussit très bien ; les Inspecteurs de la Manufacture firent couler deux Glaces de la moyenne grandeur et une de la première. Sa Majesté admira la promptitude de l’opération et se fit rendre compte dans le plus grand détail de la préparation des matières, de la disposition des fourneaux et ne laissa rien échapper à sa pénétration et son goût ; le Roi vit aussi souffler différentes pièces de verrerie, et visita tous les magasins. »

Coulage d'une glace - Encyclopédie de Diderot et d'Alembert

« Il remonta ensuite à cheval, et revint par le même chemin au bout de la chaussée de La Fère, où s’étaient rendues les Compagnies de la Bourgeoisie. Sa Majesté remonta dans ses carrosses au bruit d’une triple salve de canon et prit le chemin de Laon. »
 
« Les marques de la joie la plus vive l’accompagnèrent successivement ; les villages étaient tapissés de verdure, des feuillages formaient des Arcs de Triomphe, des fêtes champêtres marquaient l’allégresse publique ; les travaux faits sur les chemins étaient témoins du zèle des habitants des campagnes qui courant sans cesse pour revoir le Roi après l’avoir déjà vu, paraissait frappé d’admiration et de respect. Sa Majesté laissa partout des marques de sa générosité et de son amour pour ses peuples. »
 
Laon fut la dernière étape de Louis XV dans la Généralité de Soissons, le programme détaillé y figure aussi dans ladite « relation ».
 
 
 
(1) Moulin à scie : selon Wikipedia, les premières scies mécaniques étaient mues par des moteurs hydrauliques, comme les moulins à eau : les scieries étaient ainsi traditionnellement situées à proximité des cours d'eau, qui pouvaient en outre contribuer à l'acheminement des grumes par flottage.

Source :
Gallica
Relation du passage du Roi dans la généralité de Soissons les 26, 27, 28 et 29 juillet 1744 menant un corps de troupes de son armée de Flandres au Rhin
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5455192g