vendredi 26 janvier 2018

Un collier de prénoms avec Nésida

Au centre du collier,  le prénom de ma grand-tante maternelle Nésida ARNOUX dont c’était le prénom d’usage. Née dans la Drôme en 1879, elle a été déclarée à la mairie de Montmeyran par son père Jean Pierre ARNOUX agriculteur sous les prénoms de Fanny et Nésida.
 
Mystérieux prénom dont j’ignore – à mon grand regret – la signification. Nésida ou sa variante Nézida est un prénom donné au 19e siècle dans la Drôme, l’Ardèche et parfois dans le Gard, terres de tradition protestante.
 
Est-il une contraction de Nessie et d’Ida : Nessie prénom féminin (de la nature) avec une étymologie latine « agnus » agneau et Ida avec une étymologie « hild » combat ?

Une hypothèse peut-être, que je formule à l'occasion du généathème sur les prénoms sortis de nulle part proposé par Sophie de La Gazette des Ancêtres.
 


Ensuite dans ce collier, les prénoms de sa mère Noémie Olympe LAGIER née en 1848 dans la Drôme, mon arrière-grand-mère maternelle.
 
Pour Noémie, j’ai extrait d’un livre « les prénoms féminins » - trouvé sur Gallica - une approche de leur personnalité assez confuse et délirante. Les Noémie sont dites femmes laborieuses, simples et bonnes. Elles ont de l'activité, mais une certaine nonchalance naturelle, ce qui n’empêche pas qu’elles soient tout le contraire des femmes paresseuses.
 
Elles sont sensibles aux maux d’autrui et toujours prêtes à se dévouer ou à faire quelque bienfait. Leurs goûts sont modestes pour elles-mêmes, mais il n'y a rien de trop beau pour leurs enfants, car elles sont dévouées à leur famille.  Curieuses, bavardes, leur mauvaise humeur n’est jamais de longue durée. Elles ont peu d’ennemies, et leurs amies sont nombreuses.
 
Plus sérieusement, Noémie prénom biblique vient du prénom hébreu Noah, qui signifie "agréable, gracieuse".  Noémie est la belle-mère de Ruth, elles s'installent toutes les deux à Bethléem après le décès de leurs maris. Noémie fait partie des ancêtres du Roi David et du Christ.
 
Le prénom Noémie a une utilisation très restreinte jusqu'au 16e siècle, on le retrouve dans les familles puritaines d'Angleterre. Ce prénom arrive progressivement en France à partir du 19e siècle, donné entre 1830 et 1910, avant d’être remis au goût du jour depuis plus de 15 ans environ. Il se fête le 21 août.
 
***
 
Olympe : ce prénom féminin a une étymologie grecque « Olumpos » montagne sacrée où reposaient les dieux grecs dans la mythologie grecque.
 
J’ai découvert une Sainte Olympias ou Olympiade, veuve très jeune du Préfet de Constantinople au 4e siècle. Elle se consacra à Dieu, et sa vie entière ne fut qu'une suite de bonnes œuvres. Ses biens, qui étaient considérables, devinrent le patrimoine des pauvres. Sa charité s'étendait à tous les pays, à toutes les Églises qui avaient besoin de secours. Sévère pour elle-même, elle jeûnait fréquemment et pratiquait dans sa maison les austérités et les mortifications du cloître. Tout était pauvre chez elle, sa table, ses vêtements, ses meubles.
 
Si je me réfère au livre « le caractère par le prénom » d’Albert de Rochetal »  Olympe est un prénom assez rare : il donne de l’orgueil, de l’intelligence, de l’énergie et beaucoup de savoir-faire. Les femmes qui portent ce prénom ne sont jamais nulles, mais elles ont des idées très exclusives.
 
Pour la France, le graphique de Geneanet révèle que ce prénom est donné depuis 1600, avec des pics entre 1830 et 1860.
 
Geneanet  prénom Olympe en France
 
Enfin pour ce collier, je retiens les prénoms de Sylvie Ludimille AUDE une de mes arrière-grand-mère paternelle née en 1859 à Modane en Savoie.
 
A mon grand étonnement Sylvie, féminin de Sylvestre, figure au calendrier révolutionnaire évoquant la forêt à travers l’étymologie « sylvestre » du mot. Sylvie existait déjà depuis l’Antiquité. Une sainte porte ce nom, fêtée le 5 novembre : la mère du pape Grégoire le Grand, issue de la noblesse romaine et décédée  vers 592. Ce prénom s’est porté en France tout au long du 19e siècle. Nom gracieux mais léger.
 
Ludimille  ou Ludmille ou Ludmila se fête le 16 septembre. Son étymologie est germanique « hlod » gloire et « mil » généreux

Ludmila est une duchesse de Bohême née ver 860. A Prague en Bohême, Sainte Ludmila, considérée comme martyre, assuma l’éducation de son petit-fils Wenceslas en s’efforçant de lui inculquer l’amour du Christ, mais dans une conjuration des nobles sa belle-fille Drahomira la fit étrangler.
  
Beaucoup de monuments lui sont consacrés à Prague, comme par exemple la statue de Sainte Ludmila avec Saint Venceslas enfant qui se trouve sur le  pont Charles, ou l’église de Sainte-Ludmila sur la place de la Paix.

Oh - Sylvie Ludimille - je ne pensais pas que tu allais me donner une raison supplémentaire pour retourner à Prague et arpenter le célèbre pont Charles, afin d’admirer toutes les statues dont celle de Sainte Ludmila…
 
 
 
Sources : Gallica    
Les prénoms féminins et  Le caractère par le prénom

samedi 20 janvier 2018

Quadruple mariage à Montmeyran

Gai, gai, marions-nous ? Et dîtes-moi les anciens, s’agit-il de vos enfants ? Si vous êtes perspicaces, vous vous doutez qu’aujourd’hui mon rendez-vous mensuel avec nos ancêtres, initié par Guillaume du "Blog le Grenier des Ancêtres" va tourner autour de la filiation.
 
Mandement de Montmeyran, terre drômoise actuellement, je me retrouve propulsée en 1727.  Les terres sont en sommeil en ce mois de janvier, les arbres ont leurs branches dénudées, et les corbeaux ont renoncé à croasser. Le ciel est bas, je ne peux apercevoir la montagne de la Raye au loin.
 
Jean DORELON a rêvé qu’une lointaine descendante voulait l’interroger, il l’a dit à son épouse Isabeau CLEMENT. De même  Claude RICHARD et Madeleine ARNOUX ont eu un rêve similaire, ils en sont peut-être inquiets. Ils sont tous là dans une maison à l’écart du village a priori, peut être au hameau Les Dorelons ?
 
Rentrez-vite il fait frisquet à l’extérieur - souligne Jean DORELON sur le pas de sa porte.  Le maître de maison a les bras chargés de bûches.

Isabeau CLEMENT - la mine un peu fermée - est debout devant la cheminée. Les deux autres protagonistes sont déjà dans la pièce où règne une douce chaleur, et sont assis sur un banc.
 

Photo Pixabay
 
Alors comme çà vous venez d’un autre temps ? Vous vous posez des questions sur nous ?
Oui à mon époque on cherche ses racines, on s’intéresse à ses ancêtres, aux lieux  qu’ils habitaient, l’histoire de leur paroisse, de leur province. On a différents outils pour les recherches.

Des outils ?
Enfin …  c’est-à-dire des facilités pour trouver les documents.
Oh dans le coin, çà n’a pas toujours été facile note Jean DORELON, Claude RICHARD opine du chef.
 
Isabeau CLEMENT marmonne quelque chose en patois, probablement du genre « fais attention à ce que tu dis, on la connait pas la dame ».
 
C’est que dans les villages de ce secteur bien des habitants ont suivi les idées de la Réforme et, après la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685, ont dû se résigner, sous les multiples pressions, à abjurer leur foi pour notamment que les enfants ne soient pas considérés comme bâtards.
 
Je suis heureuse que vous ayez accepté de me recevoir dis-je pour détendre un peu l’atmosphère en sortant de ma besace en toile de chanvre plusieurs actes.

Regards très surpris de l’assemblée.
Vous avez pris ces papiers où ?
Oh maintenant c’est possible d’avoir des copies !
 
C’est ainsi que pour vous Jean DORELON et Isabeau CLEMENT, tout comme pour Claude RICHARD et Madeleine ARNOUX, j’ai les actes de vos mariages célébrés en 1695 et 1696 dans l’ancienne église de Saint-Genis et j’ai aussi les actes de baptêmes de  vos enfants.
 
Dans votre foyer Jean et Isabeau, il y a eu Pierre, Louis, Marie née en 1701, puis André, Jean, Laurent et aussi Judith (tiens un prénom biblique).
 
Et me tournant vers Claude et Madeleine : vous avez eu aussi 7 enfants Anne, Catherine, Madeleine, François né en 1703, puis Marie-Jeanne, Claude et Guichard.
 
Tous ce petit monde a été baptisé par le Curé MORIER, en général 3 ou 4 jours après leur naissance (tiens donc comme si on hésitait à les conduire à l’église ou si on avait du mal à trouver les parrains-marraines estampillés bons catholiques ou susceptibles d’être agréés).
 
En tout cas Jean DORELON vous savez signer lui dis-je histoire de faire comprendre que je me suis appliquée à dénicher tous les indices possibles, car le père est parfois cité comme témoin à certains baptêmes.
 
Oui, oui … Bon alors vous avez évoqué un quadruple mariage ?
 

AD 26 Montmeyran 1722-1743 BMS RC vue 26
 
Le curé de Montmeyran énumère dans un seul  acte - hélas non filiatif –  l’union de 4 couples :
 - Claude BADOT et Antoinette CHASSOULIER
 - André DORELON et Madeleine RICHARD
 - Jean Louis DORELON et Catherine RICHARD
 - François RICHARD et Marie DORELON
 
Je pense que deux de vos enfants Marie DORELON  Sosa 231 et François RICHARD Sosa 230 - mes ancêtres - sont un des couples uni lors de la célébration du 8 février 1725. Marie a presque le même âge que François.
 
De même André et Madeleine unis le même jour me paraissent être aussi vos enfants, ainsi que Catherine, car pour Jean Louis je m’interroge. Celui-ci est peut être un neveu à vous. Cela ne peut être votre fils Louis qui est décédé à deux ans et demi.
 
J’ai aussi noté que le 28 octobre 1720, le même prêtre, a béni le mariage de Pierre DORELON et Anne RICHARD. Chers hôtes, j’en suis arrivée à déduire qu’il s’agit de vos aînés baptisés en 1696.
 
Silence et regards amusés à ce stade de mes explications…
 
Ces trois mariages entre vos deux familles, l’étaient-ils pour simplifier les festivités des noces, ou pour des histoires de compensations de dot. Peut-être mais pas uniquement, car au 18ème siècle la formation des couples se fait sous les yeux du village. Montmeyran a fait partie des villages avec deux communautés : les familles des nouveaux convertis et les familles restées dans la religion catholique.
 
François RICHARD époux de Marie DORELON en 1727, lors du baptême d’un neveu, est mentionné comme nouveau converti. Quant à sa mère Madeleine ARNOUX  il a été rapporté au Curé en 1739 qu’elle a été ensevelie en terre profane, elle est donc décédée hors de l’Eglise Catholique.

Foi protestante souterraine et familiale, foi identique qui plus avant dans le 18ème siècle réapparaît avec des mariages « Au Désert » par des pasteurs, des réhabilitations avec l’Edit de Tolérance de 1787 du Roi Louis XVI. 
 
Toutes les branches de mes aïeux de Montmeyran  me posent des questions similaires !
 
Cœurs en bois éparpillés, embrouillés comme les lignes, les noms et les mots de cet acte de mariage.

Ai-je résolu de façon plausible le puzzle de cette partie de mon arbre généalogique. Du moins ai-je exposé mon sentiment et les liens de François RICHARD et Marie DORELON, avec leurs parents Claude RICHARD Sosa 460 et Madeleine ARNOUX Sosa 461, ainsi que Jean DORELON Sosa 462 et Isabeau CLEMENT Sosa 463.
 
Amis lecteurs pensez-vous que je me fourvoie ?  


Sources
AD 26 Drôme – Montmeyran BMS RC
Précieux relevés de l'Association EGDA
qui sont autant de petits cailloux semés

vendredi 12 janvier 2018

Epoque remarquable pour Saturnin Chaix

Direction la Savoie, et la petite paroisse de Montgilbert, en Maurienne, où j’ai de nombreux ancêtres. En  feuilletant un registre paroissial, j’ai remarqué une mention  portée par Saturnin Chaix Curé de Montgilbert suivie d’une petite note.
 
 « Epoque remarquable de la Révolution française »
 « Le 7 avril 1793 ensuite de la proclamation du 8 février même année, je suis parti à mon grand regret de cette paroisse pour ne pas prêter le serment qu’exigeait ladite proclamation. Les officiers municipaux en vertu de ladite proclamation m’ont expédié un passeport en date du 7 avril 1793.
Je me suis retiré en Piémont dans la ville et province de Bielle jusqu’au 23 juin 1802 et le 27 je me suis rendu auprès de ce peuple qui m’a revu avec bien de satisfaction.»
                                    Saturnin Chaix Curé
 
« Notre Savoie a été sous la domination française depuis le 23 septembre 1792 jusqu’au mois de mai 1814. »
 
  
Le 22 septembre 1792, les armées françaises républicaines du Général Montesquiou entrent en Savoie. Les troupes du Roi de Sardaigne se retirent sans se mettre en état de défense, en sorte que le pays tombe en une matinée sous la domination des Français.
 
Quelque temps après, on convoqua à Chambéry une assemblée générale de la Savoie, dans cette assemblée dite des Allobroges, on décréta  la réunion de la Savoie, pour ne faire qu’une république indivisible et démocratique. Dans l’organisation du département du Mont-Blanc, les quatre commissaires, députés de Paris, publièrent une proclamation en date du 8 février 1793, par laquelle ils exigent de tous les ecclésiastiques et de tous les fonctionnaires publics le serment de maintenir l’égalité et la liberté, et de mourir en les défendant, et ordonnant à ceux qui refuseraient  ce serment de sortir de la République.
 
Saturnin Chaix, Curé de Montgilbert fût un des nombreux prêtres de Maurienne à prendre le chemin de l’exil, à ce titre il figure sur la liste des Emigrés du  Département du Mont-Blanc.
 
Il partit donc pour le Piémont avec François Molin, Curé d’Epierre. Les mémoires de ce dernier sont instructives sur la concertation entre les différents prêtres en vue de la conduite à tenir, la décision de prêter serment qui permettait de rester près de leurs ouailles, ou de partir muni d’un passeport délivré par les nouvelles autorités.
 
François Molin, menacé d’arrestation, rejoint par Saturnin Chaix Curé de Montgilbert, partirent bien d’Epierre, le 8 avril 1793, très tôt : mais après avoir dit la messe… Ils dinent à Saint-Rémy, soupent à Sainte-Marie de Cuines chez le notaire Rostaing, repartent dans la nuit au nombre de 8 à 10. Tout ce petit monde marche la nuit, hors des grands chemins. Le 9 avril, ils sont au nombre de 30, tant prêtres que guides…
 
A l’entrée de la nuit le 10 avril, après avoir traversé les montagnes, sans aucun fâcheux incident, sauf pour le Chanoine Pascal, Curé de Saint-Michel, à qui les doigts de pieds ont gelé, le groupe arrive à Bardonnechia dans la vallée d’Oulx, dans les Etats du Roi de Sardaigne. Le groupe d’émigrés y séjourna pour respirer.
 
Saturnin Chaix s’installa et demeura dans la ville et province de Bielle sans discontinuité, il ne revient dans sa paroisse de Montgilbert qu’en 1802, après la signature du Concordat entre la France et le Pape qui redéfinit les relations entre l’Etat et l’Eglise. François Molin Curé d’Epierre fît lui des va-et-vient entre les deux côtés des Alpes, et ses mémoires sont une mine sur cette période.
 
***

Soigneux et préoccupé, le Curé de Montgilbert dans le même registre inscrit aussi :
« Il y a ici une grande lacune des registres de baptêmes (1) de mariages et de sépultures depuis l’exil des Curés à cause du refus du serment porté par la proclamation du 8 février 1793.

Ainsi ceux qui désirant se procurer des extraits des registres de Baptêmes, de Mariages et de Sépultures pourront recourir à la chambre de la Municipalité de la Commune où les actes desdits Baptêmes, soit naissances, Mariages, et Sépultures se sont passés par devant l’officier public muni des pouvoirs de la République française.
 
(1) Je les recueille dans un cahier non relié avec ceux fait par Mr Cantin curé en sa qualité de desservant pendant mon absence. »
 

 
Plus loin, dans le registre, lié aux sépultures, Saturnin Chaix note :
« Les droits funéraires de M. le Curé sont pour les chefs de famille douze livres
Pour le traitement dudit Curé, chaque faisant feu, doit une carte de froment, et une carte de seigle à l’envers, avouée par délibération du conseil de la commune du 15 juillet 1741. Brunier Secrétaire.
On paye un demi pot de vin pour chaque fosserée du vignoble de Rebuffet. »
Pour mémoire pour mes successeurs.
 
Petite précision, la carte ou quarte est une mesure pour les matières sèches. La fosserée est une unité de surface approximative, correspondant à la surface de vigne qu’un homme peut piocher dans la journée.
 
Un registre paroissial peut fort bien inciter à réviser l’histoire, et à se plonger dans les délices des anciennes mesures …. Procrastination vous dîtes ?

 

Sources
Archives départementales Savoie :
Registre paroissial Montgilbert 4 E 2354 vues 11,12 et 68
Gallica :
Souvenirs de la persécution soufferte par le clergé du diocèse de Maurienne pendant la période révolutionnaire par François Molin curé d’Epierre.