jeudi 27 avril 2017

Généathème : Louis Daubenton garde-vente

Pour le généathème d’avril suggéré par Sophie de la Gazette des Ancêtres : Louis DAUBENTON s’est porté volontaire comme SOSA. Cet ancêtre du côté maternel est un homme de forêts car il était garde-vente en Picardie. Il porte le numéro 822 dans ma généalogie.
 
Naissance et jeunesse
 
Barisis les Bois - dans le département de l’Aisne aujourd’hui - est la paroisse qui a vu naître  Louis DAUBENTON le 13 juin 1692. Il est le 4ème enfant de Louis DAUBENTON  aussi garde-vente et le 2ème fils de Charlotte TOUPET.


Géoportail - Carte de Cassini - Barisis aux Bois

Veuf,  Louis DAUBENTON père,  serait né vers 1653 : il est dit originaire de la commune de Jussy, lors de son remariage à Colligis-Crandelain le 19 octobre 1688 avec Charlotte TOUPET fille d’Hubert TOUPET et de Marie LANDARIEUX.

Que dire de l’enfance de Louis DAUBENTON ? Son père décède en 1699 alors qu’il a 7 ans et son seul frère Jean est un bébé de 8 mois. A-t-il été élevé par son parrain Simon LECLERC ?
 
Je retrouve Louis DAUBENTON et son frère Jean comme témoins lors de l’inhumation de leur mère Marie TOUPET décédée subitement à 68 ans, après avoir reçu son curateur dans l’église. En 1715, ce curateur lui apportait-il de mauvaises nouvelles ?
 
Marie TOUPET aura eu la joie d’assister le 19 juin 1714 au mariage de son fils Louis DAUBENTON avec Marie GRANDIN  fille de feu Charles GRANDIN tisserand et de Marie VASSEUR.

Vie familiale
 
Louis DAUBENTON (SOSA 822) et son épouse Marie GRANDIN (SOSA 823) auront 6 enfants dont 5 arriveront à l’âge adulte :
 
- Jean Louis né en 1715, est mentionné seulement en 1755 comme témoin au mariage de sa sœur cadette
- Marie Louise née en 1717 mariée à Jacques CARLIER maréchal
Marie Barbe (SOSA 411) née en 1718  mariée en 1741 à Jean Baptiste MARLOT (SOSA 410) maître-charron
- Marie Jeanne née en 1721
- Véronique née en 1726 mariée à Jacques PASQUES clerc laïc
- Marie Catherine née en 1730 mariée à Adrien Joseph CROCHERIE cordier
 
Gallica - Coulisses de Théâtre
 
Mon SOSA 822  a une belle signature fine tout comme son fils, trois de ses filles savent signer ainsi que ses gendres.
 
Autour de Louis DAUBENTON et Marie GRANDIN : la mère de celle-ci Marie VASSEUR au début, et aussi une tante Simone GRANDIN avec ses enfants. Son épouse le laissera seul en 1741. Son frère Jean DAUBENTON,  marié en 1724 avec Marie ROUSSEAUX, décède l’année suivante laissant un bébé.
 
Louis DAUBENTON s’éteint à 59 ans ; lors de son inhumation le 17 février 1751 seront présents ses 3 gendres : Jacques CARLIER, Jean Baptiste MARLOT et Jacques PASQUES.
 
Vie rythmée par les naissances, les fêtes religieuses, les saisons, le labeur quotidien. Vie habituelle dans un village au 18ème siècle, lorsque le cercle de famille s’agrandit avec les premiers petits-enfants des filles aînées.
 
Sauf que Barisis aux Bois est une paroisse cernée par la forêt de Saint-Gobain et la forêt de Coucy-Basse, vaste massif forestier de 5300 hectares environ : c'est l'univers de Louis.

Le métier de garde-vente

Au départ, j’avais seulement une définition succincte : « le garde-vente, dit aussi facteur, est celui qu'un marchand de bois prépose à la garde et à l'exploitation des bois dont il s'est rendu adjudicataire.»
 
Pour décrypter le travail de Louis DAUBENTON,  homme de forêts, il suffit de s’engouffrer dans la bibliothèque de Gallica et de savourer l’Ordonnance d’août 1669  des Eaux et Forêts prise par le Roi Louis XIV.
 
La désignation d’un garde-vente  a été imposée aux marchands autant par leur intérêt que pour la surveillance de la forêt.
 
Le garde-vente doit être un homme de probité, afin de répondre avec fidélité à la confiance de son commettant. Il doit avoir une connaissance particulière des bois et de l’usage propre auquel chaque espèce peut servir, afin de ne les faire travailler que de la manière la plus utile pour le marchand.
 

Louis  DAUBENTON  a du  prêter serment par devant le grand-maître des eaux et forêts, ou plus vraisemblablement devant le maître particulier ou le lieutenant, sans frais, ce qui le dispense de payer aucun droit pour cette prestation de serment.
 
Gallica - Ordonnance 1664
Il est nommé pour veiller aux intérêts du marchand depuis l’adjudication jusqu’au nettoiement des coupes, et doit se conformer exactement au cahier des charges de cette adjudication.
 
Il ne peut vendre aucun arbre qui ne soit marqué du marteau de l’adjudicataire, dont l’empreinte doit être déposée au greffe de la maîtrise. A l’intérieur du périmètre d’une coupe de bois tous les arbres font l’objet d’un marquage avec le marteau du marchand (ses initiales).
 
Le garde-vente tient un registre sur papier timbré, côté et paraphé au greffe, sur lequel il inscrit jour par jour, et sans lacune, la mesure et la quantité des bois qu’il a débité et vendu, ainsi que les noms, surnoms et domiciles de ceux à qui il vend et livre du bois.
 
Il délivre aussi des billets ou certificat aux voituriers qui viennent charger du bois dans les ventes, sur papier ordinaire cette fois.
 
Comme il n’est pas permis de couper le bois depuis le 15 avril jusqu’au 15 octobre, sa mission, et celle des bûcherons et ouvriers, ne se déroule pas à la meilleure saison. Louis DAUBENTON a du disposer d’une loge dans la forêt, cabane grossièrement faite, seul endroit où on pouvait allumer du feu.
 
Il surveille les artisans, charpentiers, bûcherons et autres manœuvres qui travaillent pour le compte de l’adjudicataire qui est responsable de leurs délits et contraventions. Ces tâches ne peuvent être accomplies pendant la nuit et les jours de dimanches et de fêtes, à peine d’amende.
 
Il veille à ce que les arbres soient abattus de façon qu’ils tombent dans la vente, à peine d’amende, et il sait qu’il est défendu de donner aux ouvriers du bois pour leurs salaires.
 
Enfin il veille aussi à ce que la coupe soit vide le temps réglé, sans quoi il exposerait son commettant à la saisie de tout le bois qui s’y trouverait au moment du récolement.
 
Surtout étant assermenté, le garde-vente est autorisé à dresser des procès-verbaux pour constater les délits tant à l’intérieur de la coupe qu’à l’ouïe de la cognée ou délai de réponse.
 
Il doit indiquer les délinquants et ne peut se borner à constater le délit, ou il doit justifier que malgré toutes les diligences et les recherches, il lui a été impossible de les découvrir.
 
Le rapport pour être valable doit être signé par deux témoins, ou attesté au cas où ils ne puissent signer, par devant l’un des juges de la maîtrise. Le garde-vente doit déposer les procès-verbaux au greffe, et s’en faire délivrer un certificat par le greffier, afin que le marchand soit déchargé de ces délits.
 
Si le délit est fait de nuit, à feu ou à scie le procès-verbal du facteur fera foi, après l’avoir attesté par serment. De nuit, c’est plus difficile d’avoir des témoins !
 
Attention,  pas de dérapage ! Un garde-vente convaincu de quelque supposition ou fraude dans la rédaction d’un rapport, doit être condamné aux galères perpétuelles. Pas moins !
 
Comme les gardes-ventes sont chargés des soins et des détails de l’exploitation des coupes, les divers commentaires soulignent la nécessité qu’ils soient instruits de tout ce que l’Ordonnance de 1669 du Roi prescrit ou défend à ce sujet. Mission de surveillance du bon déroulement des coupes de bois et mission de surveillance des délits de jour et de nuit : un bon garde-vente peut par sa bonne vigilance prévenir bien des contestations.
 
J’ai fait plein de découvertes sur le métier de garde-vente de Louis DAUBENTON, qui était aussi celui d’autres ancêtres. Dans cette littérature pas vraiment récente, on trouve toutes les consignes, les définitions et les modèles nécessaires  à l’exercice du métier de garde-vente, ou de garde-marteau, la procédure à suivre pour les adjudications.
 
Pour conclure, un extrait de l’Ordonnance de Louis XIV : « On a toujours regardé la conservation des bois du Royaume, ainsi que l’entretien  et la police des rivières, comme des choses de la dernière importance dans le Gouvernement ».


Sources
Archives Départementales Aisne :
Barisis aux Bois BMS 1677-1721 vues 132 et 266,1751-1770 vue 11
Gallica :
Michel Noël Mémorial alphabétique en matière des Eaux et Forêts 1737
Daniel Jousse Commentaire sur l'Ordonnance des Eaux et Forêts 1772

samedi 15 avril 2017

RDVAncestral - Les Marianne de Jacques Arnoux

C’est un jour particulier dans la Drôme, après avoir traversé Valence, j’ai cheminé vers le gros village de Montmeyran. En cette année 1822, sous le règne du vieux roi Louis XVIII, la commune compte environ 1500 âmes.  Comme de coutume, je fais un petit détour par le chemin de la Motte, pour contempler au loin le Massif du Vercors.

Je poursuis, et aperçoit les silhouettes de deux gamines. Elles paraissent courir à mon encontre, s’arrêtent, rebroussent chemin, virevoltent. Elles changent d’avis puisqu’elles ont mission de me conduire chez leurs parents, et me font signe. Bref me voilà à leur niveau : Marianne la blonde 11 ans et Marianne la brune 9 ans, filles de Jacques ARNOUX et Marianne SAVOYE.

William Bougereau - Les noisettes - Detroit Institute of Arts

Toutes trois on descend  le chemin, on se tient par la main, sourires de part et d’autre… Un nouveau geste, histoire de laisser entendre qu’il faut tourner à gauche, une fois arrivées au Hameau des Dorelons. Je le sais mes toutes mignonnes !

Là encore, comment vais-je aborder les arrières-grands-parents de ma grand-mère Isabelle ARNOUX. Ils ne savent ni lire ni écrire, parlent problablement patois, et mélangent allègrement les dates de naissances de leurs trois filles Marianne (la première a fait un bref passage dans ce monde).

De nouveau à gauche et on est arrivé. Dans la cour de la maison se trouve Jacques ARNOUX cultivateur de 46 ans environ, pas très grand, moustaches évidemment, il s’avance, soulève et ôte son chapeau.

J’ai droit à une tape dans le dos et à une bise.
 
« Ben te voilà, t’as mis du temps pour venir ».

« Tiens voilà la patronne »  Marianne SAVOYE sensiblement du même âge, a un timide sourire, elle se tient sur le pas de la porte ; on se fait la bise.

« Là : y a les fils Jacques et Pierre. Ils m’aident bien » Petits signes de la tête.

L’aîné Jacques, du haut de ses 15 ans, affiche un air qui se veut  un peu indifférent, le cadet Pierre, 14 ans, a des yeux rieurs et un visage rond ; il est mon ancêtre.

« Les petiotes tu les connais déjà ». On s’installe dehors sur des bancs.

« Dis c’est quoi déjà ton nom »  « Euh Fanny Grand-père ».

 « Fanny ? jamais entendu ! et dis-moi le Père ».
« Paraît que toi tu lis les livres et que t’habites la ville». 

« Paraît que tu es intéressée par les vieux papiers ? T’as peiné pour trouver notre acte de mariage à la Mère et à moi, pourtant c’était pas bien loin ».

« Dis au fait c’était quand ce mariage ? Raconte nous, mais on était citoyen à cette époque, je me souviens ! hum ! »


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Respectueusement je me livre à cet adorable exercice de récitation de l’acte civil de mariage. J’ai trop eu du mal à dénouer l’écheveau. Nés tous deux sur la commune de Montmeyran dans la Drôme, l’union a été célebrée à 5 kilomètres de là sur la commune d’Allex.

Et oui, Jacques ARNOUX tu es le fils de feu Jacques ARNOUX et de vivante Marguerite ROMIEUX originaires de Montmeyran.

Et toi, Marianne SAVOYE tu es la fille de feu Etienne SAVOYE et de Jeanne RICHARD tous originaires de Montmeyran, mais domiciliée à Allex où tu demeures depuis plusieurs années.

Vous avez donc contracté mariage le  duocadi de floréal de l’An VII de la République (le 29 avril 1799) dans la salle destinée aux réunions décadaires par devant François Sixte RICHARD président de l’administration municipale. Vous avez pris comme témoins les citoyens Joseph DUCHENE tailleur d’habits, et  Jean Pierre POUDEROUX instituteur habitants du lieu.

Voilà je replie la photocopie du registre et son texte dactylographié.

« Oui c’est bien çà. »

« Bah s’en est passé des choses, la Révolution, un Buonaparte, puis un Napoléon, puis un Empereur, puis un Roi. Bof, la terre elle est est toujours la même, il faut travailler dur  pour avoir une récolte. Y a les bêtes aussi. » Effectivement, les chèvres béguètent.

« Ben justement il faut s’en occuper, c’est l’heure. La prochaine fois tu viendras un dimanche : on a plus de temps, tu connaîs le chemin maintenant ».

« Pourquoi Guillaume, il t’a pas envoyé un dimanche ?  faut lui dire, et aussi que mon grenier n’est pas bien grand. Y a des choses bizarres maintenant… Mais c’est sûr on a été content de te voir. »

« Ben le bonsoir, et attention sur la grand’ route ! »

Rencontre rapide : Jacques ARNOUX est-il toujours aussi bavard ? C’était peut-être pour cacher son émotion. Il m’a déroutée. A ma prochaine visite, je voudrais papoter tranquillement avec Marianne SAVOYE au sujet de sa petite famille pour vous les présenter, disons de façon moins décousue.

En tout cas j’ai fait la connaissance des ancêtres de ma grand-mère maternelle Isabelle, que dirait-elle de mes délires ?


Pour le non-initié : si les dialogues et descriptions des personnes sont pure fiction, celles-ci ont bien vécues dans les lieux cités aux dates évoquées. Cette façon de voir sa généalogie est proposée par Guillaume du Blog Grenier des Ancêtres lors d’un rendez-vous mensuel avec ses ancêtres.