Je voyage depuis mon canapé, et dans le temps qui plus est avec le rendez-vous-ancestral de ce troisième samedi du mois, quoi de plus merveilleux ! François-Benjamin Eard m’accompagne tous les jours d’avril, cet ancêtre est un savoyard ancré à Modane toute sa vie. Ouvert d’esprit et curieux sur le fait qu’une de ses descendantes s’intéresse à lui, il a accepté de me rencontrer afin de m’éclairer sur ses fonctions de conseiller de sa commune puis de secrétaire de mairie.
En cette année 1861, me voilà donc dans la cité de Maurienne de François-Benjamin désormais française et située dans le département de la Savoie sous le Second Empire. En cette heure médiane, pas un chat dans la grand-rue, tant au sens propre que figuré, mes pas résonnent sur la chaussée, silence, les habitants pourtant n’ont pas l’obligation de demeurer encabournés (1). A un carrefour, une précieuse fontaine à la vasque circulaire de pierre installée depuis 1572, que de mains de mes ancêtres ont été posées sur celle-ci.
Mine de rien me voici face à l’église de l’Assomption, comme prévu François-Benjamin m’attend, de justesse j’évite une accolade, haussement d’épaules de mon ancêtre.
- Quelque chose m’échappe, de l’époque où tu viens que se passe-t-il ? Une rencontre en quasi-catimini, à une certaine distance, à l’extérieur : étrange interlocutrice. Ah là là ! On commence par quoi ?
- Je suis très heureuse que vous ayez admis ma bizarre requête de lointaine petite-fille interpellée par un extrait de presse ancienne où figure votre nom en 1860 juste avant le rattachement de la Savoie à la France. Il s’agit de l'adresse à l'Empereur où vous êtes mentionné conseiller. Cela consistait en quoi cette fonction, avez-vous été élu ?
- Tiens en se dirigeant sur ce chemin, on sort du bourg, c’est bon pour toi ce tête-à tête studieux ? Election connais pas ! D’abord sous le régime sarde il est question de nomination de l’Intendant ou de son représentant qui choisit sur un état des imposés de la commune.
- Que figure-t-il sur cet état François-Benjamin ?
- Les noms, âges, profession, le montant de l’impôt, mais aussi les qualités morales et aptitude aux fonctions de conseiller. L’Intendant nomme, et on doit prêter serment sur les Saints Evangiles et promettre fidélité au Souverain.
- Tout cela est instructif, bien que je n’aie jamais douté de la respectabilité de mon aïeul, que je découvre propriétaire dans les plus imposés en plus.
- Pour ta gouverne un syndic préside le conseil dont le nombre de membres est fonction de la population de la commune, le renouvellement d’un membre s’opère par la sortie annuelle du premier de la liste de nomination.
- Tiens un " turn over " mode "of " je précise.
- Je suppose que le conseil, comme à mon époque, gère et administre les biens et revenus de la commune, s'occupe des écoles.
- En effet, et aussi de la répartition des corvées, de l’affouage, des réparations à l’église, mais tu sais il y a des codes détaillés pour tout gérer au mieux, ils doivent être dans les archives ou bibliothèques si tu manques de lecture. Sur des sujets importants, pour délibérer, le conseil est doublé par un nombre égal de conseillers pris sur la liste des plus imposés.
Chez nous les convocations aux séances se font par écrit et sont portées par le pédon (2) et la cloche sonne un peu avant pour rappeler la séance, et on ne peut s’exempter d’être présent à peine d’amende. On doit voter librement, d’une manière claire et précise, sans partialité.
Le conseil de communauté est une réunion d’hommes choisis parmi les plus recommandables et les plus éclairés de la commune, pour en faire connaître leurs besoins, exprimer leur avis et éclairer les décisions des autorités supérieures. Les délibérations sont l’expression d’un vœu, et le syndic pour les faire exécuter doit les faire approuver par l’intendant.
Là je te cite de mémoire, et j’arrête, sinon tes interlocuteurs prendront tous la fuite !
- Récemment lors de l’union de votre fille Marie-Sylvie en 1861, vous êtes cité comme secrétaire de mairie, alors que l’année précédente ce poste est occupé par M. A Jourdain un notaire. Est-ce lié au changement de régime ?
- Tout à fait sous le régime sarde le secrétaire de la commune devait être notaire obligatoirement, en devenant français, cette fonction est incompatible avec le notariat et habituellement dévolue à l’instituteur primaire.
Comment te résumer entre les pressions du pouvoir central, les circulaires, le peu d’empressement des instituteurs à assurer les écritures, d’autant qu’ils n’étaient pas encore formés pour être secrétaire de mairie, le Préfet de la Savoie a admis, exceptionnellement, que le maire prenne comme secrétaire une personne autre que l’instituteur.
- Alors c’est dans ce contexte que vous avez été proposé par le nouveau maire pour être secrétaire, il est vrai que vous connaissiez bien la commune.
Sage mesure d’adaptation de l’autorité préfectorale à une situation locale dans les vallées de montagne, je ne pense pas que mon ancêtre en ait bénéficié longtemps, "mode of " j’ajoute.
- Regarde ce cadre naturel extraordinaire, nos champs sur le replat, les alpages, là-haut, l'air pur et vivifiant, tu ne veux pas rester et faire la connaissance de toute la famille ?
- Non ce jour cette constructive visite ne peut être que brève en raison de mes contraintes, je vous embrasse tous et surtout votre fille Marie-Rose... par la pensée.
Retrouver François-Benjamin Eard un savoyard
pour 30 jours 30 questions en avril avec le #généathème30
Jours 1 à 11 Acte I
- Non ce jour cette constructive visite ne peut être que brève en raison de mes contraintes, je vous embrasse tous et surtout votre fille Marie-Rose... par la pensée.
Retrouver François-Benjamin Eard un savoyard
pour 30 jours 30 questions en avril avec le #généathème30
Jours 1 à 11 Acte I
(1) enfermés, confinés
(2) piéton, sens de facteur rural
Sources
Dictionnaire de la législation des Etats Sardes Jean-Léopold Cot
Manuel administratif, civil et criminel J.L Cot & Joseph Jacquemoud
Rémy Berthod Administration Française en Savoie au début de 1860
Et bien c'est un rendez-vous très instructif que tu nous proposes là. Quelle chance d'avoir un ancêtre si pédagogue !
RépondreSupprimerQue de complicité avec François-Benjamin ! Je crois que ce #genealogie30 nous a permis de nouer des liens plus intimes avec nos aïeux !
RépondreSupprimerMerci pour ce cours d'histoire bien intéressant ! :)
RépondreSupprimerTrès intéressant, comme toujours
RépondreSupprimerC'est très instructif ! C'est une jolie rencontre que vous avez fait là.
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