En voiture, mais pas n’importe laquelle, impériale s’il vous plait, puisqu’au top de 11 heures le train spécial de l’Empereur Napoléon III s’ébranle depuis Compiègne où la Cour séjourne à l’automne.
Donc ce vendredi 26 novembre 1858, Sa Majesté accompagnée de l’Impératrice Eugénie embarque pour une promenade improvisée dans une localité environnante pour visiter ses loyales populations et découvrir le savoir-faire français.
Si si, je réponds bien à la suggestion du généathème mensuel autour du second Empire, enfin à ma manière et grâce au truchement de deux journalistes qui relatent d’une manière délicieusement précise, surannée et dithyrambique l’épopée impériale à Chauny dans l’Aisne.
Billet dédié à tous les ouvriers et employés anonymes de l’usine de la Soudière de Chauny et ceux de la maison-mère de la Société de Saint-Gobain, manufacture royale de glaces crée en 1665, pas moins !
Billet dédié à un arrière-arrière-grand-oncle Barthélemy Frédéric Mercier qui fut un temps doucisseur de glaces à Chauny, et à un lointain collatéral Charles Brodelet employé aux chemins de fer à Chauny et à sa dulcinée, descendante de Félicité Lefort dont j’ai relaté la vie.
Donc l’impérial train atterrit, pardon arrive à midi en gare de Chauny, en descendent l’Empereur, l’Impératrice, et sa garde rapprochée mise dans ses bagages : un ministre, un chambellan, un général, un membre de l’Académie Prosper Mérimée en l’occurrence, et trois dames d’honneur aussi.
©Archives Saint-Gobain : l'atelier de polissage |
Dans la gare pavoisée de Chauny, sur le quai pour réceptionner cette arrivée impromptue, se bousculent le Préfet de l’Aisne, le Maire et l’Evêque accouru de Soissons et j’en passe, et répondent présents les administrateurs de la Manufacture de glaces.
Après les honneurs rendus par la Garde nationale, en calèches découvertes (arrivées la veille de Compiègne) ou chars à bancs locaux, et sous les ovations, jusqu’à l’usine de la Soudière pavoisée, le cortège débouche sur les lieux où tous les ouvriers des glaces sont rangés par corporations pour accueillir leurs majestés impériales, et bien sûr le directeur M. Lacroix.
« Trois jeunes ouvrières savonneuses se sont alors avancées au-devant de Leurs Majestés et après leur avoir fait un compliment l’une d’elle a offert un bouquet à l’impératrice. »
Au programme de Chauny sont inscrites les visites des ateliers du polissage, de la savonnerie, le magasin des glaces et l’étamage.
Dans la savonnerie une ouvrière renseigne avec franchise sur le mode opératoire qui consiste à frotter l'une contre l'autre deux glaces entre lesquelles on a interposé de l'émeri en pâte, délayé dans l'eau.
© Archives Saint-Gobain ; démonstration de l'étamage |
« Mais c’est dans la salle de l’étamage qu’a lieu un incident charmant qui a produit une délicieuse émotion chez toutes les personnes présentes. L’Impératrice a voulu accomplir toutes les opérations de l’étamage et se servir des différents outils pour ce travail d’une exécution délicate. On lui fournit une glace, la feuille d’étain et le mercure.
Une ouvrière guidait Sa Majesté dans cette tâche dont elle s’acquittait avec une grâce et une animation charmantes et que l’Empereur suivait du regard avec satisfaction. L’opération terminée, l’ouvrière a présentée à l’Impératrice la glace achevée qui a reproduit les traits de son charmant visage animé par le travail qu’elle venait d’accomplir.
Au dénouement de cette scène que la plume est impuissante à raconter, un cri d’admiration a éclaté dans la salle et en se retirant l’Impératrice a donné cent francs à l’ouvrière qui avait eu l’honneur de l’aider. »
L’autre source précise que la gracieuse Eugénie avait relevé les manches de son par-dessus bleu pour opérer sans gêne et que sa contribution visait à payer son apprentissage (disons son essai). Elle préféra que « sa glace » soit conservée dans l’établissement.
« Sorti de l’usine au bruit des acclamations, le cortège pris la route de Saint-Gobain en traversant Sinceny et Rouy dont la population faisait haie. »
A l’établissement de Saint-Gobain, les directeurs ont prévu une collation pour leurs majestés et pris toutes dispositions pour le spectaculaire coulage d’une glace. « Qu’on se figure en effet au milieu de l’obscurité aménagée d’une salle, une coulée de feu se déroulant comme la lave du volcan sur une table et illuminant d’une lumière magique la salle dans laquelle étaient rangés les ouvriers dans leur costume pittoresque. »
Sur le chemin de retour de cette excursion dite improvisée, alors que la nuit commence à tomber, le clocher de Sinceny s’illumine de feux de Bengale, et puis à l’arrivée de Chauny dans le beau parc de M. Lacroix directeur un superbe feu d’artifice éclate, dans la ville les illuminations d’arcs de triomphe se reflètent jusqu’au canal.
Il ne reste plus qu’à toutes ces illustres personnes à prendre congé mutuellement, et à se souvenir de cette mémorable journée, de la raconter à leurs proches.
Avez-vous trouvé des visites impériales dans les villes ou régions de vos ancêtres ?
Pour les curieux
Oui, au moins une fois, mais il faut que je retrouve la branche concernée... et que je détaille un peu... Merci pour l'idée !
RépondreSupprimerJe ne m’attendais pas à rencontrer l’impératrice Eugénie dans ton blog ! Le ton de journal la décrit de façon charmante, à faire rêver tous ceux qui la trouvent belle.
RépondreSupprimerTu me donnes envie de rechercher la lettre d’une vieille tante qui l’a vue passer à Paris…