Sous prétexte qu’au mois de mai, il est suggéré d’évoquer une profession de ses ancêtres, me voilà obligé de me livrer à des confidences, moi Antoine Jérôme Lefort dit Antoine. Quelle époque !
Premier-né vers 1730 au foyer de Louis Lefort et Marie Anne Descarsin, tout juste mariés en 1729 à Camelin, il me faut ensuite partager l’attention de mes parents avec trois sœurs et un frère.
Mon second prénom Jérôme est en lien avec la famille de ma mère, dont je n’ai pas connu ses parents. Mais côté Lefort, si j’ai des vagues images de mon grand-père Antoine Lefort, de tendres souvenirs me lient avec ma grand-mère paternelle Louise Narbonne décédée à un âge avancé.
Chanvrier le père,
Chanvrier le grand-père,
Chanvrier l’arrière-grand-père,
Chanvrier je suis !
Mon fils chanvrier le sera !
Une dynastie de chanvriers quoi !
Mon village Camelin, bâti sur un monticule allongé, situé dans l’ancien Soissonnais, est désormais dans le département de l’Aisne. Il existe déjà au 9ème siècle, désigné sous Campus Lini en latin ce qui signifie « champ de lin »
Camelin renvoie aussi à un tissu de laine, dans lequel entre une proportion de poil de chèvre, le Roi Saint-Louis portait un manteau de camelin paraît-il, de ce qu’un érudit m’a soufflé !
Courageux, sachant compter, connaissant mes lettres, je signe les actes des registres paroissiaux, tout comme le père et le grand-père. Dans la famille, en bon chanvrier, on repère un chanvre de qualité et on connaît toutes les étapes de sa transformation. On se déplace comme marchand-chanvrier pour trouver cette matière textile et des débouchés pour nos toiles ou cordages.
Bref, cinq heures de marche pour arriver à Barisis aux Bois, ne me font pas peur, quelques lieues, soit vingt kilomètres à votre époque. A faire le va et vient, j’ai remarqué une avenante et sage fille.
Avec le consentement de nos parents, en une froide journée d’hiver, le 5 février 1754, à Barisis aux Bois qui devient ma nouvelle paroisse, je dis « oui » à Marie Marguerite Tellier, fille de feu Charles Tellier laboureur et de Marie Catherine Rossignol remariée à un laboureur.
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Barisis, paroisse entourée de forêts, à l’écart d’une grande route, voit en effet plus du cinq-douzièmes de ses habitants se livrer à l’apprêt du chanvre, la confection du filet et de la toile tant au 17ème qu’au 18ème siècles.
Ma vaillante épouse Marie Marguerite met au monde onze enfants, huit garçons dont des jumeaux et trois filles, certains tout-petits passent trop vite sur cette terre. Avant de tirer ma révérence vers 1783, j’ai la joie d’assister aux mariages de trois de mes garçons et d’une de mes filles
Il paraît que celle qui me sert de secrétaire, pour mon bref récit, descend de Louis Alexis Lefort marchand-chanvrier aussi. Une dynastie de chanvriers quoi !
Toute cette chaîne de chanvriers, serait-elle vraiment étonnée de découvrir, qu'après un déclin au 19ème siècle, la culture de chanvre est remise à l'honneur aujourd'hui : sa graine intéresse l'industrie agroalimentaire et sa fibre peut être utilisée pour l'isolation des bâtiments.
Retrouver son épouse
Retrouver une des filles
Sources
AD 02 BMS Camelin et Barisis
Photo Pixabay
Carte faite avec Viamichelin
Visuel fait avec Canva
Belle découverte que ce métier dynastique, le tout porté à la première personne rendant le billet agréable à lire.
RépondreSupprimerMais c'est vrai que ces chanvriers des temps passés auraient encore leur place de nos jours tant la culture du chanvre a retrouvé une certaine noblesse
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerC'est un beau récit et je pense que nos ancêtres ont dû se connaître car les miens ont vécu dans les villages proches et étaient cordiers en tille et en chanvre.
Merci pour ce message, je découvre que la corde de tille est confectionnée avec l'écorce du tilleul
SupprimerJ'ai lu avec grand plaisir cet article ! D'une part parce que j'aime beaucoup les tissus en chanvre, très agréables à porter. D'autre part, parce que mon article pour ce Généathème m'a amenée à parler de mes ancêtres ouvriers dans la fabrication de draps du Languedoc. Pas la même fibre, mais toujours textile ! :-)
RépondreSupprimerMerci pour ce mot, tout ce qui touche au textile m'intéresse d'autant que dans ma branche drômoise j'ai des ancêtres drapiers, rien ne vaut les matières nobles
SupprimerLa secrétaire a su rendre ton récit vivant et intéressant. Cher Antoine, tu as pu trouver parmi tes descendants celle qui est digne de transcrire tes confidences ! ;-)
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