Etes-vous pain blanc, pain de campagne ou aux céréales. Pour mes ancêtres dans les montagnes de Maurienne en Savoie, c’était pain de seigle. Par je ne sais quelle mystérieuse formule propre au Rendez-Vous Ancestral me voici vers 1700 à Aussois dans la maison de Michel RATEL sosa 518 un lointain grand-père donc.
Mon petit doigt me dit que la maisonnée est en effervescence, car c’est jour de cuisson de pain, fixé en fonction de la lune dont l’âge influence la conservation. Dans les paroisses il n’y a pas de boulanger : chaque famille fait son pain de seigle.
Installé dans la pièce la plus chaude, Michel RATEL devant le pétrin moyen dit «mèt » malaxe la farine avec de l’eau tiède dans laquelle il a jeté une poignée de levain conservée de la fournée précédente
- Pourquoi restez-vous dans la pénombre derrière mon épouse Marie-Marguerite LATHOUD sosa 519, elle va un peu vous expliquez ma tâche, dit soudainement le maître de maison.
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- Aujourd’hui on s’occupe du pain de seigle ordinaire le « pancha » qu’on fait tous les mois me chuchote celle-ci. Ce pénible travail de pétrissage est réservé aux hommes. Depuis une bonne heure mon époux brasse, tape, tire, tourne, pétrit, tape et retourne la masse de la pâte.
- Bon ça y est c’est assez travaillé précise Michel. Vous voyez je recouvre la pâte d’un linge et on va attendre que la fermentation se fasse.
- J’ose questionner mon hôte : qu’appelez-vous le « pancha » ou pain ordinaire ?
- Oh c’est celui qu’on consomme frais ou presque frais, en le tenant à l’humidité il conserve une partie de sa fraicheur même un mois. C’est une fournée disons « moyenne » cette fois.
Mais il y a aussi un autre pain de seigle le pain aigre ou pain bouilli.
- Ah bon ! Qu’elle est la différence ?
- Le pain aigre est fait avec de la farine de seigle dans laquelle on laisse une partie du son, il est de qualité inférieure avec une saveur aigre pas désagréable. On l’appelle bouilli, parce qu’il est pétri dans de l’eau bouillante, et on laisse lever la pâte un jour et demi. Il a une pâte plus serrée et plus noire que celle de la « pancha ».
Pas sûr qu’il vous plairait vous de la ville et d’un autre temps !
- Je ne crains pas de goûter les différents pains vous savez.
- Mmum.
- Pour le pain aigre il faut le grand pétrin, cette importante fournée pour toute la famille faite vers décembre peut aller jusqu’à une centaine de pains. C’est une provision de secours pour quand on a plus de « pancha » ordinaire et quand une partie de la famille, se trouve dans le chalet de montagne, et ne peut être régulièrement ravitaillée.
- Le pain aigre est monté au grenier et placé sur le « parlander » sorte d’étagère qui facilite l’aération et permet une longue conservation. Ainsi desséché il devient très dur : pour le manger on doit le tremper dans l’eau et l’envelopper dans un linge humide. Pour le rompre chère curieuse, ce n’est pas avec un simple couteau : on se sert du « tailla-pon », une grande lame tranchante fixée par une charnière sur un plateau de bois.
Air goguenard de Michel RATEL à mon encontre.
- Et si on revenait au pain de ce jour : le « pancha » car je constate que la masse de la pâte est bien levée.
Mon ancêtre la prend à nouveau, la divise en morceaux qui sont façonnés en pains ronds. Il nettoie le fond et les parois du pétrin soigneusement à l’aide du « raclot » et avec la pâte ainsi récupérée il confectionne « lou colombet » petit pain qui sera enfourné avec les autres.
Marie-Marguerite me précise également que son époux va porter sur ses épaules les pains disposés sur de longues planches jusqu’au four banal qui été préparé.
Angelin son fils et frère de Marie RATEL sosa 259 mon ancêtre s’en mêle.
- Il faut une bonne provision de bois pour le chauffer : des fascines d’abord c’est-à-dire des fagots de branchages, puis des « clappes » ou si vous préférez des bûches. C’est le voisin qui a été désigné pour mettre le four à chauffer, et là il faut plus de bois, termine Angelin.
- Maintenant en route formule Michel, on s’arrange pour vite succéder à celui qui vient de se servir du four, et profiter de la chaleur accumulée dans les pierres ou les briques de la voûte.
Tous arrivés au four banal d’Aussois, mon aïeul sort les braises de la fournée du voisin avec un « raclo », puis enlève les cendres avec un écouvillon « lou paner » morceau de vieux sac attaché à une longue perche.
- Voilà le four est prêt, mais je dois vérifier si le degré de chaleur est convenable. Voyez, je jette une poignée de son. Si le son prend feu c’est que le four est trop chaud : on attend qu’il refroidisse.
- Regardez, le son charbonne seulement, le four est à point. Je ferme son orifice par la plaque de fer et aussi sa cheminée afin que la chaleur se répartisse uniformément.
- Un petit moment et zou, on enfourne….
- Un petit moment et zou, on enfourne….
J’observe Michel RATEL entailler chaque pain avec un couteau, le placer sur une pelle en bois large et ronde soutenue par un long manche. Puis il avance le pain à l’intérieur du four à la bonne place après avoir retiré la pelle d’un coup sec.
Une fois tous les pains bien répartis sur toute la surface du four, on les voit déjà prendre une belle teinte dorée. La porte est alors fermée pour la cuisson. Celle-ci terminée, les pains seront remis sur leurs planches et rapportées à la maison.
Oh cette odeur …
Mon esprit a du s’évader sur le chemin de ma boulangerie car je suis questionnée.
Mon esprit a du s’évader sur le chemin de ma boulangerie car je suis questionnée.
- Dites-moi aujourd’hui vous prenez un pain au maïs ou un pain au lin ?
Je vous disais que j’aimais découvrir différents pains.
Je vous disais que j’aimais découvrir différents pains.
Le baptême de Marie Ratel en 1685 Présence du passé à Aussois
Le mariage de Marie Ratel en 1711 Plusieurs robes pour Marie Ratel
Billet du RDVAncestral mensuel
permettant de partir à la rencontre de ses ancêtres
permettant de partir à la rencontre de ses ancêtres
Source Gallica
Société d'Histoire de Maurienne Jh Favre - Bramans
Belle découverte sur la fabrication de ces pains ! Je me demande quelles étaient les coutumes en Lorraine. Voilà un nouveau sujet à approfondir !
RépondreSupprimerEn tout cas, je me suis régalé pendant la lecture !
Mmmmh ! Le pain au seigle est l'un des meilleurs que j'ai goûté, surtout quand il est fait de façon "traditionnelle", au feu de bois. J'avais le goût dans la bouche ! Merci !
RépondreSupprimerOn a vraiment envie de goûter à ce pain qui sent si bon
RépondreSupprimerMoi qui pense souvent à mes ancêtres lorsque je fais du pain. Dans ce bel article, je découvre la fabrication du pain d’antan. Je suis étonnée de la complexité, de la force et de l’énergie que les hommes mettaient à la pétrir. Bien sûr, il fallait qu’il se conserve longtemps.
RépondreSupprimerOn en mangerai!!! Bravo pour ce #RDVancestral de gourmet
RépondreSupprimerArticle bien documenté, très agréable à lire et qui donne faim !
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