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vendredi 5 janvier 2024

Trouvé dans un panier

Dans le froid glacial et la nuit noire, on devine à peine une silhouette furtive et courbée dont les bras sont chargés d’un fardeau. Voilà mon esprit s’emballe au vu d’un acte particulier du registre d’état-civil de Montmeyran dans la Drôme, et ce après avoir fait pile sur une indexation.

Le maire a commencé sa journée sur les chapeaux de roue un certain 16 février 1815, et nous offre une chronique villageoise sur l’exposition d’un enfant avec un procès-verbal détaillé de ce qu’il advint ce matin-là, acte reporté sur le registre d'état-civil.

Photo Pixabay

« Par devant nous Jean Jacques Pons Faure atteste qu’à environ cinq heures du matin on a frappé plusieurs coups redoublés à ma porte et m’étant levé et mis à ma fenêtre, j’ai aperçu Joseph Milhan et Jean Louis Boullau tous deux aubergistes et Antoine Gueyraud fils habitant de la commune d’Upie qui m’ont dit avoir entendu en passant crier un enfant qui était dans un panier lequel était placé sur un banc de pierre devant notre porte.

Je me suis sur le champ habillé et ouvert ma porte, j’ai fait entrer le panier couvert d’osier dans la maison et fait entrer avec moi les dénommés ci-dessus, ayant vérifié qui était dedans, j’ai reconnu que c’était un enfant mâle qui ne paraissait âgé que d’un jour, le panier avec de couvertes de même bois. (1)

L’enfant était plié dans un mauvais lange, une vieille chemise et une autre pièce d’étoffe brune avec une bordure au bas de fleurs noires en laine, et avec un mouchoir de tête en toile de Hollande avec un bord en mousseline.

N'ayant trouvé dans le panier aucune marque ni distinction pour reconnaître à qui appartenait cet enfant, nous avons de suite fait appeler la nommée Fantine Chomier épouse de Pierre Boullau qui est nourrice pour donner à téter à cet enfant afin de lui conserver la vie. »

Donc après les premières constatations, les dispositions pratiques pour nourrir et calmer le nouveau-né, le maire passe à l’enquête flanqué de personnages compétents.

« Cela fait, accompagné du garde-champêtre, de Pierre Arnoux adjoint à la mairie, de Marie Anne Vial accoucheuse et de Pierre Néry secrétaire à la mairie, nous sommes allés chez une fille de la commune que nous savions être enceinte pour nous assurer si ce n’était pas elle qui avait exposé l’enfant. Nous avons vu qu’elle n’était pas encore accouchée. N’ayant pu découvrir aucune autre personne, nous avons cessé notre visite.

De suite, avons inscrit l’enfant sous le nom et prénom de Panier Joseph et avons ordonné qu’il fut remis à François Janet garde-champêtre et son épouse pour le porter à Valence afin de le faire mettre à l’hôpital, et de quoi avons dressé procès-verbal. »

Le petiot, à défaut d’avoir été sauvé des eaux et être prénommé Moïse, a été sauvé du froid, et reçoit le prénom Joseph comme un des sauveteurs, avec le patronyme Panier que je trouve attendrissant, cet objet précieux qui l’a protégé et dans lequel une mère ou grand-mère désespérée l’a déposé et abandonné avec un secret espoir.



Rassurez-vous après les premières années passées à l’orphelinat ou chez une nourrice, Joseph Panier a été mis en apprentissage auprès d’un boulanger.

Deux-trois indexations plus tard et quelques clics permettent de découvrir que Joseph Pannier se marie à Upie commune voisine de son lieu d’exposition, un jour de 1844 il ouvre une nouvelle page de vie avec Marguerite Rodet. Son premier enfant naît chez sa belle-mère, puis le couple s’installe à Montoison juste à côté, là aussi on a besoin d’un boulanger et d’autres enfants égaient la famille. Joseph s’éteint à Upie chez un fils en 1877.

Juste une trace concrète de cet enfant trouvé dans un panier, ces signatures extraites d'actes qui révèlent la maîtrise d’un beau paraphe et par là un certain niveau d’instruction.



(1) Sens de rabats ou de couvercles

Sources
AD 26 
EC Montmeyran 1813-1822 vue 119/541
EC Upie & EC Montoison 

16 commentaires:

  1. Un Happy end pour cette jolie histoire de début d'année.

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  2. Merci pour ce récit très émouvant. Ce fameux panier à couvercle devait en effet représenter une richesse importante pour la mère du nouveau-né. C'est probablement le seul cadeau qu'elle a pu faire à son fils.

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  3. Un bien joli billet pour ouvrir cette nouvelle saison généalogique. Bonne année Fanny 🙂

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  4. Mon AAGM Marie Claudine Altier fut trouvée dans un panier devant l'hospice de Crayonné (43) en 1856.

    "Cet enfant était enveloppé d'une portion en calicot blanc de la chemise d'un homme et pardessus deux mauvaises couvertures grises serrées avec une lisière de drap couleur rouge; il avait la tête couverte d'une petite bonnette en coton blanc et d'une coiffe en indienne fond blanc à fleurs rouges, garnie en dentelles noires en (?) laine ..."

    Suite ➡️ https://gw.geneanet.org/tga92_w?lang=fr&p=marie+claudine&n=altier

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    1. très émouvant témoignage d'autant qu'il concerne une proche ancêtre, merci Thierry

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  5. Ouf, l'enfant a vécu, ce qui n'est pas gagné. C'est super d'avoir retrouvé sa trace plus tard.

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  6. Une histoire vraie qu'on aimerait lire plus souvent

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  7. mon arrière grand-père était lui aussi un enfant de parents inconnus abandonné dans un hospice. Il est devenu sabotier, s'est marié et a eu 5 enfants dont mon grand-père agrégé d'anglais qui a enseigné dans de grands lycées. Mon père nous a toujours caché cette ascendance. Il devait en avoir honte. Moi j'en suis fière car ces hommes ont démontré que grâce au travail et une vie droite on peut se faire une place dans la société.

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    1. merci pour ce témoignage lié à votre histoire familiale

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  8. Mon arrière-grand-mère avait déposée dans le tour du dépôt central de la ville Chartres :

    Du 15 novembre 1857, à 9 heures du matin, devant nous, est comparu Louis Hippolyte Chaillant, employé, âgé de 48 ans, demeurant à Chartres, lequel nous a présenté un enfant de sexe féminin, qu'il nous a déclaré avoir été déposé, présumé âgé de 2 jours, le 7 de ce mois à 9 heures du soir dans le tour du dépôt central de cette ville.

    Les vêtements de cet enfant se composent de deux langes dont l'un en indienne fond bleu à petits pois blancs, le second en cotonnade à petites raies bleues et jaunes, tous deux doublés de coton rayé bleu conclu de toile, chemise et serre-tête de calicot, couche de toile, brassière et bonnet d'indienne fond brun à dessins blancs et violets doublés de grosse finette grise. Le bonnet, garni de dentelle de laine noire, pointe d'indienne à grands dessins rouges, verts et violets.

    Il a été trouvé sur l'enfant une lettre non cachetée adressée à Monsieur Le chapelain de Saint-Brice.

    Examen fait dudit enfant, on ne lui a trouvé aucune marque naturelle.

    Nous lui avons donné les noms d'Eugénie, Urusule Privat, ce dernier pour lui tenir lieu de nom de famille. Ensuite, nous avons ordonné qu'il serait confié aux soins des sœurs dudit Hospice.

    Fait en présence de Pierre Paul Bonnecarrère âgé de 45 ans et de Marc François Dieudonné Lagoutte, âgé de 27 ans, garçons de bureau.

    J'aurais tant aimé retrouver la lettre qui accompagnait cette enfant...

    Ces traces d'enfants abandonnés me bouleversent toujours.

    Marie Billon

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    1. Très touchée, merci Marie pour ce partage, Eugénie est dans votre cœur, nos pensées, tant de détresse sous-entendue

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  9. Bonjour, est-ce que cette lettre adressée au chapelain n’a pas été annexée au registre paroissial ?

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  10. Quel joli récit et si émouvant pour moi, car à l’époque où le jeune Joseph s’installe à Montoison comme boulanger, mon arrière-arrière-grand-père Victor qui y est né en 1831, a du goûter à son pain.

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  11. Sandrine Dartige3 février 2024 à 14:54

    Je suis très touchée par votre récit tellement réaliste et lorsque l’enfance commence dans un panier et dans la rue, il y a fort à dire. Rechercher ces informations relève parfois du parcours d’un combattant, mais pas autant que ce que ces petits enfants ont eut à endurer pour survivre.
    Lisez le récit de Anne Dartige mon AA grand mère et vous y verrez beaucoup de similitudes. Il se trouve dans la Gazette en 3 parties. J’attends aussi votre retours après lecture…
    Généalogiquement vôtre,
    Sandrine

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    1. Merci Sandrine pour ce message, j'ai juste sorti de l'ombre un acte de naissance détaillé par le maire, et qui a fait au mieux pour la situation de ce petit enfant. Je vais découvrir le parcours de votre aïeule.

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