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samedi 16 décembre 2023

Catherine Clément à demi-mot

Cette courte journée hivernale me donne envie de rejoindre par la pensée Catherine Marie CLEMENT une arrière-arrière-grand-mère drômoise. Là, à Montmeyran, cette discrète femme du 19ème siècle, m’attend au crépuscule de sa vie.

Ai-je pénétré ou pas dans cette maison des Dorelons pas très haute avec une génoise de trois rangées de tuiles ? Qui sait ? Je la situe, découverte adolescente, alors qu’elle était désertée et muette.

Assise au coin du feu sur une petite chaise paillée, un châle tricoté sur les épaules, un chat endormi à ses pieds, seul le tic-tac de la pendule rompt le silence de la pièce, Catherine laisse ses pensées vagabonder dans le passé. Elle est largement octogénaire en cette fin 1896, visage ridé, et articulations douloureuses en témoignent.

Photo Pixabay

Catherine Marie tu débarques au foyer de Claude CLEMENT cultivateur et Catherine SAYN le 10 juin 1808, et ta grande sœur Catherine Madeleine se penche sur son berceau du haut de ses dix-sept mois. Tu gardes comme prénom d’usage Catherine, et ta sœur celui de Madeleine !

Ensuite ton petit frère Claude fait un passage trop rapide sur cette terre, tes frères Jean Claude et Jean Pierre agrandissent la fratrie, l’un devient cultivateur, l’autre cordonnier, suivis de Louise disparue à vingt-cinq ans hélas.

Enfants sages ou dissipés qui sait ? Enfants devant rendre des services aux grands sûrement, enfants envoyés à l’école, pour tes frères je suis affirmative, et pour ta sœur Madeleine aussi, mais toi Catherine je doute, car tu ne sais pas signer, cela me chagrine.

Autour de toi gravitent alors tes grands-parents paternels Claude CLEMENT et Magdeleine VINCENT et ta tante Elisabeth SAYN la sœur de ta maman.

Papa Claude, comme grand-papa Claude, est cultivateur mais aussi marchand de bestiaux.

***

Montmeyran, gros bourg de 2000 habitants, est un grouillement tumultueux de gens et de bêtes lors de quatre foires annuelles où, blouses bleues des hommes et coiffes blanches des femmes, se côtoient dans les rues, et sur le champ de foire envahi par les bœufs, mulets et chevaux. Marchands venus du Languedoc et de Provence croisent les militaires qui s’approvisionnent pour équiper les troupes d’Algérie au moment de la conquête, lors du marché spécial mensuel aux chevaux et mulets.

Pas étonnant que ton village Catherine, outre les cultivateurs, comporte une batterie de charrons, forgerons, des bourreliers et cordonniers. De nombreux cabaretiers peuvent épancher la soif des maquignons et assouvir la faim de tout le monde drainé par les différents marchés et foires.

Le perruquier offre ses services à qui souhaite avoir une meilleure allure, la modiste et la marchande d’indienne proposent leurs nouveautés pour qui détient une bourse bien garnie, l’épicier répond présent aussi, et bien sûr l’inévitable étude notariale.

Montmeyran place de la mairie 

Le bourg se transforme avec la construction d’une nouvelle mairie et des salles de classe attenantes, sans oublier l’école des Dinas et celle des Rorivas.

Le temps file, et voilà que tu convoles avec Pierre ARNOUX cultivateur fils de Jacques ARNOUX et Marianne SAVOYE, vos parents respectifs qualifiés de cultivateurs et propriétaires donnent leur consentement le 26 février 1836, un froid jour d’hiver.

Puis le temple tout neuf accueille votre bénédiction de mariage et ensuite les baptêmes de Marie et Jean Pierre en 1839 et 1842.

Tu as délaissé la maison familiale de la Chapiane pour intégrer le noyau familial de ton époux aux Dorelons, avec un temps ton beau-frère Jacques et tes belles-soeurs Marie Anne.

Les curieux agents recenseurs fournissent de précieuses indications des proches qui t’entourent selon les années, ceux qui disparaissent, ceux qui font retentir leurs rires ou leurs caprices ! Tous les quatre, toi Pierre et les enfants êtes recensés en 1846.

AD 26 Recensement Montmeyran 1846 extrait


Et dis-moi Catherine, ta fille Marie tailleuse en robe, elle a déserté bien jeunette le giron familial pour épouser « son » fontainier Henri DEFFAISSE un froid jour d’hiver encore le 7 décembre 1855, je les ai déjà rencontrés ICI, ils logent à deux pas de toute façon.

Ton gendre a été autorisé en 1871 à amener l’eau potable, à ses frais, jusqu’au village pour améliorer la desserte des maisons du centre en plus de la fontaine publique, les ménagères disposent par la suite d’un lavoir public.

Ton village continue de changer, avec une nouveauté extraordinaire : l’éclairage au gaz avec 5 lampes à pétrole qu’on échelonne dans la principale artère, un médecin s’installe, le pasteur dispose d’un presbytère, le curé est aidé par un vicaire.

On parle d’un projet de chemin de fer entre Valence et Die passant par Montmeyran, mais toi Catherine désormais veuve tu ne connais que les villages environnants !

Cliquer pour agrandir- fait avec Canva

Ta vie, votre vie d'agriculteurs sur une petite exploitation n'a pas du être facile, soleil intense l'été, gelée blanche parfois tardive en mai, récolte détruite par la grêle hachant les blés et défeuillant les arbres. 

Enfin voilà que ton fils Jean Pierre dit Jean s’établit à plus de trente ans avec Noémie Olympe LAGIER un jour d’été cette fois le 20 août 1875, passage chez le notaire d’abord, la mairie à Upie et au temple de Montmeyran. Tu sais Catherine j’ai toujours une nappe aux initiales de Noémie.

Désormais, des jeunes pousses autour de toi égayent ton quotidien, et comme inscrit dans le marbre, enfin dans un registre de recensement de 1891 vous êtes tous là  une dernière fois : Jean agriculteur, Noémie et les enfants  Désirée, Nésida, Bénoni, Isabelle et puis toi Catherine la grand-mère. Laquelle de tes petites filles te ressemble ?

AD 26 Recensement Montmeyran 1891 extrait

Peu après Nésida et Isabelle ma grand-mère partent étudier pour devenir institutrices, incitées en ce sens par leurs parents, et toi Catherine tu désertes cette terre le 7 février 1897 âgée de 88 ans, un jour d'hiver. 

Evocation parcellaire d'une trop discrète aïeule ancrée dans un même lieu, au fil de vie ordinaire, juste pour que la mémoire de Catherine CLEMENT soit moins délavée par le temps. 
 


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sa belle-fille : chère Noémie merci 



1 commentaire:

  1. Le décor est planté avec soin, les personnages font leur entrée en scène et évoluent avec aisance dans ce village qui leur est familier.

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