Sur un même registre on découvre la fin de l’ancien régime, et le début d’un nouveau régime. La monarchie n’est plus, vive la première République, on est le 22 septembre 1792 ou plus précisément le premier vendémiaire de l’An I selon le calendrier républicain.
Feu le registre paroissial avec les baptêmes, les mariages et les sépultures, vive l’état-civil avec les actes de naissances, de mariages et de décès. Les prêtres rangent leur encrier et leurs plumes, les officiers municipaux prennent le relai et déballent leur matériel d’écriture.
Exemple à l’appui, je vous emmène dans la paroisse de Barisis aux Bois devenue commune du nouveau département de l’Aisne.
Sur le même registre (1) sur une même page - vue 33 - du volet des mariages et baptêmes, à la date du premier octobre 1792 est baptisé par le Vicaire Bernard Meresse un fils d’André Couvreur manouvrier et de Marie Françoise Victoire Brochart.
Le lendemain 2 octobre, officie le Curé Dom Jonat Farineau pour le baptême du fils de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe.
Dans la foulée s’en suit l’arrêt du registre pour les mariages et baptêmes par les membres et officiers municipaux de la commune de Barisis conformément à la loi du 20 septembre 1792 avec l’entrée en scène de :
Pelletier maire, Thuilot officier, Liénard officier, Ville officier, Mercier officier, Bleuet officier
Juste un peu plus loin, - vue 35 - du volet des sépultures, le 2 novembre 1792, le Vicaire Bernard Méresse inhume un enfant d’Antoine Bleuet et de Marie Marguerite Dorothée Bleuet.
Et là encore dans la foulée le maire flanqué de ses officiers municipaux arrête ledit volet conformément à la nouvelle réglementation.
S’en suit chronologiquement le premier acte d’état civil enregistré par le citoyen Bleuet en tant qu’officier public : « l’an mil sept cent autre vingt douze, le 1er de la République française, le 3 novembre, le corps de Jean François, fils de Louis Lavacherie scieur de long et de Marie Louise Duponcel sa femme, a été inhumé dans le cimetière de cette paroisse par Méresse Vicaire en présence de son père et sa mère et de Chrisostome Lavacherie qui a signé et ledit Louis Lavacherie a déclaré ne savoir signer et ce interpellé. »
Je trouve touchant cet acte civil d’inhumation, Bleuet officier public a une belle écriture, et bon il faut prendre les nouvelles habitudes de rédaction.
En fait la première déclaration de décès figure juste après, sans mention du jour, et concerne l’enfant d’un mois de François Joseph Bleuet chanvrier et de Marie Jeanne Dherbe baptisé par le curé et évoqué plus haut.
Et la vie continue avec le premier acte de mariage rédigé par le citoyen Bleuet, le 18 novembre 1792, il marie Antoine Héri manouvrier à Marie Jeanne Berton.
Sur les déclarations de naissances, les termes fille ou garçon apparaissent, et non pas les mentions d’enfant femelle et d’enfant mâle, et curieusement j’ai détecté par trois fois la référence « enfant baptisé à la maison » dans le corps de déclarations de naissance ou dans la marge.
Fidèle au poste le citoyen Bleuet opère en 1792, 1793 et ensuite voilà que surgit Méresse en tant qu’officier public, et oui l’ex-vicaire a été nommé pour recevoir les actes qu’il dresse en la salle publique de la maison commune de Barisis ! Preuve à l’appui le 13 germinal de l’An II …
Rassurez-vous, je ne vais pas écumer toutes les pages du registre, parce que je tiens à faire un zoom sur le quintet cité plus haut, enfin le premier corps municipal de Barisis aux Bois. Ce petit monde a été élu par les citoyens actifs payant une contribution équivalente à dix jours de travail.
Je lève tout de suite le suspens pour deux officiers qui sont deux lointains ancêtres à la 7ème génération :
- Jean François Ville laboureur est mon sosa 98 dans le jargon généalogique
- Antoine Mercier garde-vente est mon sosa 96, fils d’Antoine Mercier et Marguerite Barbençon dont j’ai déjà parlé dans le blog ICI et LA.
J’ai peu d’indices pour cerner le dénommé Thuilot, aucun pour Liénard à cette époque, et pas cherché pour Bleuet le consciencieux officier d’état-civil, car ce patronyme est trop présent sur la commune.
Quant au premier maire élu, il me paraît plausible, au vu de signatures, de retenir Claude Pelletier tailleur d’habits, un collatéral époux de Marie-Louise Pasques, petite-fille de mon aïeul Louis Daubenton garde-vente évoqué dans un billet ICI.
Ce modeste éclairage constitue ma contribution - avec un décalage certes - au généathème suggéré en septembre dernier par Geneatech sur nos ancêtres et la Première république .
Je vous engage à farfouiller dans les registres des lieux de vie de vos aïeux pour découvrir comment ce basculement s'est opéré pour l'état-civil et à me tenir au courant de vos éventuelles trouvailles
Source
AD Aisne Barisis BMS 1791-An V
J'en ai vu quelques-uns comme ça dans l'Aisne, justement. Je me demande alors comment ont "voyagé" ces registres pour changer de mains...
RépondreSupprimerC'est la première fois que je vois un tel registre. J'ai toujours (dans mes recherches en tous cas) eu le choix entre le registre civil ou le religieux mais je n'ai jamais vu un registre qui passe de l'un à l'autre. C'est bien intéressant !
RépondreSupprimerCe billet illustre ce que j’ai lu hier, dans l’ouvrage « Mariages » publié avec les Archives de Lyon, je viens de l’acheter dans leur super braderie (que je te recommande).
RépondreSupprimerLa période de transition entre BMS et NMD n’a pas été tranquille.
« Non seulement les mariages religieux ne sont plus reconnus par l’État, mais le clergé constitutionnel se voit interdire la tenue des registres BMS. »