Le héros principal, baptisé Nicolas en 1733, est le fils de Joseph Bard et de Marguerite Jullien. Le moins qu’on puisse dire est que cet ancêtre savoyard n’est pas au sommet de sa forme en ce 7 décembre 1751, malgré ses 18 printemps.
Nous sommes en Savoie, dans la maison du testateur au hameau du Pousset de la paroisse d’Orelle - Maître Claude Francoz notaire royal collégié (1) note qu’il est midi en la présence des témoins, et s’apprête à recevoir les volontés du jeune testateur Nicolas fils de feu Joseph Bard qui était fils de feu autre Joseph Bard natif et habitant dudit lieu :
« lequel considérant l’incertitude de l’heure de la mort et voulant disposer de ses biens temporels de son gré et libre volonté et fait son testament nuncupatif et ordonnance de dernière volonté nuncupative qu’il a requis, moi Notaire, de rédiger par écrit en la forme ci-après et à ces fins,
« étant, ledit testateur en son bon sens, parole, mémoire et entendement, ainsi qu’il est apparu à moi Notaire et aux témoins, quoique détenu de maladie en son lit,
« et, après s’est muni du vénérable signe de la Sainte-Croix, et avoir fait la profession de foi en bon chrétien, élit la sépulture de son corps dans le tombeau de ses feux parents ses prédécesseurs,
Dans ce testament verbal prononcé devant le notaire, selon une trame quasi immuable, mon ancêtre après avoir recommandé son âme à Dieu, détaille ses dispositions funéraires.
« et veut que le jour de son enterrement soit célébrée une messe de requiem a notte pour le repos de son âme, et que soit ledit jour faite l’offrande de pain et de vin, et fournit le luminaire convenable le tout selon les coutumes du présent lieu,
« selon lesquelles il ordonne de faire une aumône générale le jour de son enterrement, en laquelle aumône il veut que soit distribué le pain et le potage à tous les pauvres qui se présenteront selon les coutumes du présent lieu,
« selon lesquelles il veut et ordonne que soit aussi fait sa neuvaine, à la fin de laquelle il ordonne que soit célébrée une messe de requiem a notte, et une autre à la fin de l’année de son décès,
« item un jour de l’année de son décès, il veut être célébrée une messe de basse voix à l’honneur et à la chapelle de Saint-Joseph érigée dans le présent village du Pousset,
« et pour le surplus de ses funérailles et œuvres pies, il s’en rend à la bonne volonté et dévotion de sa chère Mère et héritière ci-bas nommée,
« et ayant été ledit testateur, interrogé et même exhorté par moi Notaire, s’il voulait faire quelque légat aux hôpitaux respectif du présent lieu, de la Province et de celui des Saints Maurice et Lazare érigé à Turin, il m’a répondu qu’il ne peut rien donner,
La question d’un legs pour les hôpitaux piémontais est obligatoire selon les dispositions royales, et comme de coutume, en bon savoyard, Nicolas refuse.
« et parce que l’institution de l’héritier universel est le chef et fondement de tous les testaments, à cette cause ledit testateur a institué de sa propre bouche nomme et fait pour son héritière universelle la Marguerite fille de feu Claude Jullien sa chère mère veuve dudit Joseph Bard,
J’imagine mon aïeule Marguerite, dans la pénombre au bord du lit de son fils Nicolas souffrant, penchée sur son visage enfiévré, inquiète de son état, angoissée à l’énoncé de ces dispositions si particulières : elle n’a que ce fils, son époux n’est plus.
Maître Francoz de poursuivre « par laquelle il veut que ses dettes, funérailles et œuvres pies soient payées et accomplies sans forme de procès et son présent testament vaille par droit de testament nuncupatif et par tout autre meilleurs moyens qu’il pourra subsister selon les lois et duquel il m’a requis acte qui lui est accordé et dont le droit du Tabellion est de trois livres (2),
Dans les témoins cités, je souligne seulement l’oncle du testateur : Maurice Bard fils de feu Joseph fils de Jean-Louis Bard, et un cousin germain, Maurice Bard feu Jean Antoine. Ceux-ci savent signer, ce qui n’est pas le cas de Nicolas Bard le malade, et le notaire est un collatéral, une affaire de famille somme toute.
Ne soyez-pas inquiet, Nicolas mon ancêtre précautionneux a survécu à sa maladie, puisque je vous relate son testament. Cet acte antérieur à son contrat de mariage m’a étonnée, puisque ce gars de la Maurienne a fondé une famille : fil de vie à poursuivre.
Retrouver cette famille
N.B.
(1) le notaire collégié en Savoie a fait ses études dans un collège de droit, il est dit royal car le duché de Savoie en 1751 dépend du Roi de Piémont-Sardaigne dont la capitale est à Turin
(2) en Savoie, le Tabellion désigne le registre sur lequel sont copiés obligatoirement tous les actes notariés, et par extension le service chargé de l'enregistrement de ces copies, moyennant une taxe
Sources
AD73 Tabellion St-Michel 1751 2C 2808 vue 717
C'est étonnant ! Mais en effet mieux vaut être prudent face à la maladie. Contente qu'il ait survécu à et épisode en tout cas !
RépondreSupprimerUn testament, dicté par un jeune homme de 18 ans, ce n'est pas courant. Heureusement qu'il a vécu plus longtemps.
RépondreSupprimerUn vaut mieux que deux tu l'auras ... tant mieux s'il a pu fonder une famille et passer cet épisode incertain de sa vie :-)
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