Le quotidien de nos ancêtres dans leurs villages de campagne ou de montagne, ou dans leurs bourgs ou cités était rythmé par les sonneries des cloches de leur église paroissiale. Au fait ces cloches, de quand datent-elles ?
Un bulletin de 1886 de la Société académique de Chauny dans l’Aisne m’a permis de découvrir que pendant les trois premiers siècles de l’ère chrétienne, l’évêque donnait l’heure de la prière, et la parole était portée dans les maisons des initiés par des diacres appelés cursores.
Quand l’Eglise du Christ fut libre, les cursores se servirent de crécelles, soit d’une planche sur laquelle ils frappaient avec un marteau, ou encore d’une plaque de fer et d’un marteau de même métal. Ils parcouraient toute l’étendue de la paroisse, comme le firent ultérieurement les enfants de chœur pendant les trois jours de grand silence de la Semaine Sainte, annonçant en chantant les offices divins.
L’usage des cloches ne s’introduisit guère dans les églises d’Occident que vers la fin du Ve siècle. Les cursores devinrent les sonneurs. On attribue à Saint Paulin évêque de Nole en Campanie l’initiative de cette innovation.
Aux VIe et VIIe siècles les cloches furent en usage partout dans l’Eglise Romaine, les églises rivalisèrent de zèle pour se procurer des cloches, mêmes les églises rurales ou conventuelles. Les églises furent flanquées de tours parfois gigantesques et les clochers dotés de nombreuses cloches. A un moment, le Souverain Pontife légiféra : un seule cloche dans les monastères pour sonner les offices, puis les églises cathédrales ne purent pas avoir plus de 5 à 7 cloches, les collégiales pas plus de 3, et les simples églises paroissiales plus de 2 au 3…
Il est d’usage de bénir les cloches d’Eglise, bénédiction appelée baptême des cloches dans le langage populaire. Le prêtre asperge d’abord la cloche avec de l’eau bénite, et ses ministres la lavent entièrement, par dedans et par dehors, avec la même eau, puis ils l’essuient avec un linge blanc.
Le prêtre fait ensuite 7 onctions en croix sur l’extérieur de la cloche qui représentent les 7 dons du Saint-Esprit, en employant les saintes-huiles. Puis il fait 4 onctions à l’intérieur qui marquent la plénitude de ces mêmes dons, avec du saint-chrême. Quant à l’encensoir placé sous la cloche, il signifie que le pasteur doit recevoir les vœux et les prières des fidèles, et les offrir à Dieu.
Les cloches se mêlant à tous les actes importants de la vie ont une voix pour toutes les circonstances. Elles chantent la naissance à la vie spirituelle lors du baptême, elles accompagnent par des chants joyeux lors de la première communion.
Leur voix devient plus grave et plus sérieuse lorsqu’elles appellent au pied de l’autel les deux époux qui vont unir leurs destinées. Elles pleurent presque dans leurs notes sourdes et voilées, lorsqu’elles ont un trépas à annoncer ou tintent l’agonie d’un mourant.
Elles ont d’énergiques accents pour appeler la foule sur le lieu d’un incendie.
Elles ont de superbes et éclatantes sonneries pour saluer le passage des princes ou des rois, ou des évêques.
Lorsque les armées du pays ont fait triompher le droit et l’équité, elles savent chanter la gloire du dieu des batailles.
Lorsque la discorde civile éclate dans les cités, lorsque les barricades se dressent au détour des rues, les cloches ont des clameurs stridentes qui glacent de terreur.
Les cloches prennent part en quelque sorte aux peines et aux joies, aux larmes et aux sourires de nos ancêtres. A tout moment elles parlent à nos ancêtres du temps écoulé, du passé qui ne reviendra plus…
L’auteur de l’article considère que le peuple aime les cloches, à cause de leur poésie et de leur vertu, cette dernière venant de leur bénédiction.
Côté poésie ou légendes que se racontaient nos aïeux aux veillées de l’hiver, c’est la cloche du monastère qui sonnait toute seule lorsqu’un crime était commis, ou bien la cloche de la forêt que venait agiter à minuit la main des fantômes. Il y a aussi la cloche sur laquelle on était obligé de prononcer tous les soirs de secrètes prières, faute de quoi elle serait partie pendant la nuit pour aller se placer dans une autre église.
Les cloches étant condamnées au silence pendant trois jours à partir du Jeudi Saint en signe de deuil, pour expliquer cette l’absence de sonnerie, on a dit longtemps aux enfants que les cloches partaient à Rome pour être bénies par le Pape avant leur retour.
Ce n’est que dans la nuit du samedi au dimanche de Pâques que les cloches carillonnent pour annoncer la joie de la Résurrection. Pour les enfants, elles reviennent chargées de friandises qu’elles déversent dans les jardins et les prés, sur les balcons des appartements.
Allez cette année encore, elles rempliront leur mission d'espoir et de douceur : nous avons tous des souvenirs de « cueillette » d’œufs de Pâques, et rassurez-vous la coutume perdure chez les moussaillons et petits-bouts des jeunes pousses de nos arbres.
Gallica Bulletin de la Société académique de Chauny 1886
Photo et visuel de Pixabay
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