Pages

samedi 16 novembre 2019

Le créju modeste objet du quotidien

Une main d’enfant m’a entraînée dans la maison d’un village de Savoie, celle de Benoîte Durieu-Trolliet à Montpascal vers 1705, ou celle de Jacques-François Porte à Avrieux en l’an 1825 ? Mystère d’une rencontre avec ses ancêtres, c’est un logis de montagne aux épais murs de pierre pour se protéger des intempéries hivernales, la pièce s’avère être très sombre, quelques braises rougeoient dans la cheminée. 

M’accoutumant à l’obscurité, une silhouette féminine se dégage, de profil : s’agit-il de Jeanne Montaz-Rosset jeune veuve avec plusieurs drôles à charge, ou d’Angélique Bard  épouse de Florentin Porte,  je ne saurais dire.

Cette jeune femme se saisit d’un modeste objet métallique, peut-être en cuivre ou en laiton, l’enfant me chuchote : « le créju »


Ce petit ustensile de quotidien au fond plat serait-il une lampe à huile, Jeanne ou Angélique - peu importe - vérifie que la mèche de coton ou « farêt » soit bien disposée dans le petit réceptacle qui contient de l’huile de chanvre. 

Puis mon ancêtre prend le « créju » qui était posé sur un coin de la table, et je découvre que ce petit objet comporte une tige mobile munie d’un crochet, il est ainsi aisé de porter la lampe  jusqu’au foyer de l’âtre en l’occurrence pour allumer la mèche avec les braises. 

Gestes simples et habituels, voilà le « créju » suspendu à une poutre avec son crochet mobile, la lumière de la lampe voit ainsi son rayonnement étendu. Esquisse de sourire de ma silhouette, façon de dire : voilà c’est tout simple ! 

Jeanne ou Angélique, toutes deux me signifient ainsi que ce modeste objet était intimement lié à leur vie domestique, présidait au lever et au coucher de la famille, aux repas du soir, aux longues veillées d’hiver. 

Suspendu à un crochet, au mur ou à une poutre du plafond, il éclairait les travaux de nos anciennes ménagères en train de préparer les repas, de filer la laine, de ravauder des bas, de raccommoder le linge de la famille. Plusieurs scènes - comme des flashs - me viennent à l’esprit, dont celle d’un groupe d’une dizaine de personnes éclairées par la chaude et vaillante lumière d’un « créju »

Il en est un de ces « créju » ou « créjeul » relégué comme un objet inutile dans un galetas, qui faute d’avoir atterri dans un musée provincial comme curiosité, a abouti sur une brocante. L’unique jour où j’ai chiné dans une brocante avec Papa, je me suis retrouvée dotée de deux objets dont un « créju » modeste ustensile d’autrefois qui pouvait lui rappeler des souvenirs, trop heureux que je m’intéresse à une vieillerie savoyarde. 

Tout ce que vous avez voulu savoir sur un modeste objet d’autrefois sans oser le demander, objet que l’on trouvait dans toute la France, mais aussi en Italie, Allemagne, Angleterre ou en Suisse. 




N.B
Créju, créjeul mais aussi, croejus, croisel, crosel, cruseau, ou crusol, cruzieu, telles sont les variantes en Savoie.



Sources 
Gallica 
Société d’histoire et d’archéologie de la Maurienne

8 commentaires:

  1. Je ne connaissais pas cet objet, merci Fanny (et ton ancêtre, quelle qu'elle soit) !

    RépondreSupprimer
  2. Quelle belle idée que de présenter ses objets oubliés qui étaient si indispensables jadis

    RépondreSupprimer
  3. Je découvre le créju ! Merci pour cette description précise de ce modeste objet d’autrefois mais qui avait toute son importance !

    RépondreSupprimer
  4. Que la lumière soit ! Tu nous révèles encore un pan de cette vie de nos ancêtres qui nous aide à mieux les imaginer dans leur quotidien.

    RépondreSupprimer
  5. Voilà un objet modeste, mais indispensable. Ce billet nous éclaire avec toute la lumière rencontrée dans ta maison.

    RépondreSupprimer
  6. Belle découverte ! Comme quoi , il faut recycler nos articles !

    RépondreSupprimer
  7. je cherche l'équivalent en picard, si tu l'as, fais moi un signe.

    RépondreSupprimer
  8. Merci pour la découverte de cet objet

    RépondreSupprimer

Merci pour le commentaire que vous laisserez