Au détour d’un vagabondage sur Gallica, je suis tombée sur une page de procédure sur le principe de précaution avant la lettre qui constitue une anecdote au pays de mes ancêtres et collatéraux.
En route pour Fontcouverte, cette paroisse de montagne en Maurienne est en grand émoi en ce début de l’an 1735, on jase, potine, cancane. L’épouse et mère des protagonistes, non désignée comme souvent en Savoie, est Marie-Antoinette Anselme sœur d’Urbane Anselme mon ancêtre Sosa 1505
Il se chuchote, il se dit que …
Toujours est-il que le 12 février 1735, Egrège Antoine Dompnier, notaire à Fontcouverte a du comparaître devant le tribunal de l’Officialité à Saint-Jean, où il était cité par sa propre fille Michelette, et par Jean-Baptiste Sibué fils de Jean, du même lieu.
C’est que le bon notaire, en père de famille affectueux et prudent, s’oppose obstinément au mariage de sa fille Michelette, avec ledit Jean-Baptiste.
Le motif ?
Oh, Antoine Dompnier n’a rien à redire contre l’honorabilité du prétendant, mais ce dernier a le tort d’habiter la Roche de Charvin : il ne veut pas que sa fille soit exposée aux dangers des précipices. Ce n’est pas là une crainte vaine et puérile : dans sa carrière de notaire il a été appelé quatre fois à prêter son concours pour la visite de cadavres de gens tués dans ces précipices.
Non, non et non, le bon notaire, persiste dans son opposition, et si sa fille passe outre, qu’elle n’espère rien de ses parents : donc pas de dot.
Sauf que Michelette tient de son père, et se montre devant le tribunal aussi éloquente, et non moins obstinée.
L’existence d’un village à la Roche de Charvin, dit-elle en résumé, prouve bien que le danger des précipices n’est pas tellement redoutable. Le curé de Fontcouverte, lui-même, y va célébrer la messe plusieurs fois l’an, le village est bien abordable.
D’ailleurs, elle a de trente-quatre à trente-cinq ans, et elle ne veut plus attendre. (sic)
Toutes bonnes raisons qui font que le tribunal de l’Officialité de Saint-Jean déboute le père de son opposition, ce qui permet aux fiancés de convoler, sans tarder 6 jours après la décision, soit le 18 février 1735.
Effectivement le registre paroissial de Fontcouverte, mentionne à ladite date, vu la dispense de 2 bans, l’union de Michelette et de Jean-Baptiste assistés de leurs 3 témoins. Dans l’acte les deux pères sont nommés, mais le curé s’est abstenu de mentionner le métier de notaire d’Antoine Dompnier, peut-être pour ne pas s’attirer le courroux du notable.
Elle n’avait pas d’autre choix que d’être convaincante et têtue Michelette ma lointaine collatérale pour éviter le déshonneur, car cinq mois plus tard une petite fille prénommée Françoise pointait le nez le 4 août 1735. Le couple eut au moins deux fils ensuite et une descendance.
Le bon notaire Antoine Dompnier décède à la fin de l’année 1738, l’histoire ne dit pas s’il s’était réconcilié avec sa fille, éventuellement avec la médiation de Marie-Antoinette Anselme la maman de Michelette.
Père prudent, ou furieux,
fille courageuse ou séduisante, galant entreprenant,
à vous de voir
fille courageuse ou séduisante, galant entreprenant,
à vous de voir
Un autre billet concernant le même village
La consigne de Foncouverte en 1718
La consigne de Foncouverte en 1718
Sources
Gallica : SHAM 1927 (SER2,T7,PART1)
AD 73 RP 4 1723-1783 Fontcouverte
Arnet : peinture de Pietro RotariAD 73 RP 4 1723-1783 Fontcouverte
Super anecdote qui permet de toucher du doigt la personnalité des protagonistes !
RépondreSupprimerOn ressent bien le caractère de la demoiselle dans cette anecdote. Merci pour ce moment de lecture.
RépondreSupprimerJ’adore ce récit joliment raconté, avec tous ces adjectifs en cascade pour mieux décrire le père et la fille.
RépondreSupprimerEn fait, je peux comprendre les raisons des deux personnages. Ce père aime beaucoup sa fille qui est amoureuse de son mari !
Oh quelle histoire si bien racontée! Des caractères bien trempés pour une belle tranche de vie !
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