Quelle bonne suggestion de Sophie de La Gazette des Ancêtres de nous inciter pour le généathème mensuel à plonger le nez dans les délibérations communales, sources peu explorées lors de recherches généalogiques. En piste donc pour les registres de Braine dans l’Aisne, où hasard de l’histoire, les décisions communales ont été en grande partie conservées, et numérisées.
En 1907 Isabelle Arnoux jeune institutrice, fraîche émoulue de l’école normale, affectée à plus de 600 km de sa Drôme natale, prit la route pour Braine en Picardie. Dans ce bourg de 1500 habitants trois ans plus tard y débarqua comme instituteur Emile Mercier né lui en terre axonnaise.
Les protagonistes principaux - mes grands-parents maternels ainsi cités - en feuilletant les délibérations du conseil municipal, je me suis focalisée sur ce qui touche à l’instruction publique et sur les enseignants des petits écoliers, afin de cerner le contexte précédant leur arrivée.
Dans le registre de 1881, figurent les traitements de l’instituteur de l’école de garçons qui assure aussi les cours pour les adultes soit 1800 francs, de l’institutrice de l’école de filles soit 1450 francs, et de la directrice de la salle d’asile soit 750 francs.
L’instituteur laïque pour les garçons est M. Prince-Alexandre Brot qui établit la monographie de la commune en 1884, précisant que les autres écoles sont dirigées par des sœurs de la Communauté de Charly.
Requête sans succès en 1895 de M. Siry alors instituteur pour obtenir des élus l’établissement de l’éclairage électrique dans les classes et dans ses habitations, il demandera aussi du mobilier scolaire plus tard.
Rassurez-vous l’année suivante, le registre fait état de « travaux au logement de la directrice de l’école enfantine qui vient d’être remplacée par une laïque, qui n’a pas de logement convenable, et qu’il convient de lui en préparer un dans les bâtiments même de l’école, directrice dite institutrice adjointe ».
Cette même année 1896 un crédit est voté pour le chauffage des classes, réparti entre les 3 écoles, et le détail des dépenses relatives à l’instruction publique fait apparaître 4 enseignants dont l’adjointe chargée de la classe enfantine aidée par une femme de service. Isabelle ma grand-mère avait la classe des petits et évoquait avoir été aidée par une dame, la transmission familiale s’avère exacte.
Côté instituteur adjoint M. Dizy obtient 150 francs de supplément annuel de salaire, il n’est pas resté longtemps en poste et son successeur a fait un passage éclair début 1900, qui incite les élus à porter le supplément à 225 francs pour avoir des maîtres meilleurs et plus stables. La même année Mme Charlier l’institutrice adjointe se voit refuser une faveur similaire …
En 1901 un grand nombre de père de famille demandaient un préau pour l’école de garçons, requête qui fut acceptée par le conseil municipal, ce dernier magnanime vota aussi un préau pour l’école de filles, ouf parité dans ce cas. Ces deux préaux furent construits en bois avec un toit en tôle ondulée, économes les élus, d’autant qu’ils durent aussi payer la réparation de la cour de l’école des garçons.
Au fil de demandes de remboursement de lampe électrique (tiens la fée électricité était arrivée dans les classes) ou de charbon est apparu le nom de M. Buvry instituteur, et de Mme Mauvezin institutrice pour un complément de salaire de 100 francs en 1906.
Sachez que le conseil accepta l’achat pour l’école des filles d’un compendium métrique (1), de deux cartes Vidal-Lablache et d’un boulier-compteur. Requête vraisemblablement faite par Mme Lebourque institutrice tout comme son mari instituteur à Braine.
Dans les délibérations du conseil municipal apparaissent plusieurs requêtes de Mme Lebourque née Laure Céleste Catrin épouse, sœur, fille et petite-fille d’instituteurs au passage. Celle-ci évoque les frais occasionnés par les cours d’adultes, sollicite une augmentation de son supplément de salaire de 50 francs pour passer à 250, demande une allocation supplémentaire pour l’enseignement de la couture aux jeunes filles entre 1910 et 1911, réclame des tables à deux places avec dossier et du matériel.
AD 02 Braine CM 1911 extrait |
Mme Lebourque omniprésente, collègue de mes grands-parents, quel caractère avait-elle ? Je l’imagine consciencieuse, compétente, active, autoritaire et ? à vous de voir … M. Jules Lebourque qui avait 54 ans en 1914 « remplit ses fonctions avec le plus grand courage, malgré les bombardements les plus violents, et dans les conditions particulièrement pénibles jusqu’au 28 mai 1918 ».
Dans les collègues d’Isabelle et Emile, je n’oublie pas Paul Théodore Nicolas instituteur nommé en 1911, témoin sur l’acte de naissance de Maman, il partit comme mon grand-père pour le front un certain 3 août 1914, fut blessé et reviendra.
Je ne sais si les dames de la Croix-Rouge transformèrent pendant la guerre les écoles communales de la ville en hôpital pour les soins à donner aux blessés, un avis favorable des élus avait été émis en 1912 en ce sens.
Les séances du conseil municipal étant publiques, j’ai pénétré sur la pointe des pieds dans le quotidien d’un bourg où certains des miens habitèrent, travaillèrent et aimèrent ; d’un bourg où se tenaient des foires, marchés, où existait une fanfare municipale, avec des édiles conscients de la nécessité de paver l’avenue de la gare ou réparer le portail de l’église, la vie du début du vingtième siècle avec déjà des soucis de distribution du courrier ou de fréquence d’arrêts de trains.
Précieuses et trop rares délibérations à défaut de recensement conservé dans un département qui fut particulièrement meurtri pendant le premier conflit mondial.
(1) petit meuble ou vitrine murale renfermant une collection d'instruments de mesure représentatifs du système métrique, par exemple, le mètre pliant, le décamètre à ruban et la chaîne d'arpenteur, des mesure de capacité en bois et en fer, ou la balance de Roberval accompagnée de ses poids.
Pour retrouver Isabelle et Emile
AD 02
Braine Délibérations du conseil municipal
Braine Monographie communale
Généanet
Très belle analyse du quotidien de tes grands parents ! Tu as dû passer beaucoup de temps à éplucher tout ça...
RépondreSupprimerBel article pour connaitre les préoccupations de nos institutrices et instituteurs dans les communes.
RépondreSupprimerPassionnant ! Quelle chance d'avoir eu ces délibs et bravo d'avoir aussi bien sû les exploiter !
RépondreSupprimerC'est chouette que tu aies pu retrouver des délibérations concernant tes ancêtres de près ou de loin, d'autant plus dans l'Aisne.
RépondreSupprimerQuelles belles trouvailles dans ces archives méconnues mais que Sophie nous a permis de mieux découvrir. Bravo pour cette plongée dans le monde de l'école et cette description de la vie de l'école de tes grands-parents !
RépondreSupprimerQuelle chance de trouver un tel récit sur ses grands-parents ! Merci pour cette lecture très intéressante.
RépondreSupprimerDe nouvelles sources rarement explorées
RépondreSupprimerRarement numérisées aussi d’ailleurs ceci expliquant peut être cela
L’exploitation en est belle! Bravo