« Il nous est tombé sous les yeux une consigne de tous les habitants de la paroisse de Fontcouverte en Maurienne pour l’année 1718. C’est un rôle dressé conformément aux édits de l’Intendant général Riccardi. Le total des personnes est de 1427. »
Ainsi débute un article de la Société d’Histoire et d’Archéologie de Maurienne déniché sur Gallica - précieuse bibliothèque numérique – en date de 1924 relatif à ce recensement en Savoie. Et à 300 ans d’écart cette fois, compte tenu du ton employé par l'érudit local, j’ai eu l’impression d’avoir rendez-vous avec mes ancêtres et de rencontrer par exemple Claude Rossat et son épouse Antoinette Boisson, ou les parents de cette dernière Antoine Boisson et Louise Gilbert-Collet.
« Ce n’est pas sans intérêt mêlé d’émotion que nous avons vu défiler devant nous à deux cent ans de distance actuellement, le tout Foncouverte de 1718. Ces hommes et ses femmes, allaient et venaient, comme ceux d’aujourd’hui, arrosant de leurs sueurs les prés et les terres, que possèdent encore leurs descendants. Leur horizon allait comme aujourd’hui de l’Ouillon aux Aiguilles d’Arves, du Mont Charvin au massif de Château-Bourreau. »
« Voici Claude qui devise gravement des intérêts de la communauté avec Sébastien et Barthélemy, en attendant l’heure des vêpres. Georges et Sorlin discutent vivement une question d’intérêt privé.
Et ce groupe rieur qui s’avance vivement avec l’insouciance de la jeunesse ? Sans doute Antoiniz, Philippaz et Albane, à moins que ce ne soit Gabrielle, Georgiz ou Michelette. Et n’allez pas croire qu’elles ne puissent pas soutenir la comparaison avec celles d’aujourd’hui. Est-ce qu’un soldat de Paris appartenant à l’une des trois compagnies françaises cantonnées dans cette paroisse, n’a pas épousé avant de partir, il y a cinq ans, une fille de Fontcouverte Jeanne Boisson avec la permission du commandant de Mailly ? »
« Mais aujourd’hui, le secrétaire de la communauté Jean Gilbert, quoiqu’encore garçon, ne pense seulement pas à regarder s’il y a Michelle. Il est tout préoccupé de cet état-consigne demandé par l’Intendant général. Il en aura toute une semaine à parcourir tous les villages de la paroisse avec l’honnête Jean-Claude Claraz, l’un des syndics et Antoine Boisson « l’un des apparent et des plus informé du détail de la paroisse.
Tiens voilà que je découvre que mon aïeul Antoine Boisson ou Buisson, laboureur de son état, aurait aidé le quidam chargé de la consigne !
Puis il lui faudra encore, à lui secrétaire, une autre semaine pour dresser le rôle en deux copies ; et cela au mois de septembre, pendant que les autres font leurs semailles. »
« Onze colonnes à remplir :
- une pour les chefs de famille,
- une pour les enfants majeurs de 5 ans,
- une pour les mineurs de 5 ans,
- une pour les enfants encore au berceau,
- une pour les bœufs et les vaches,
- une pour les veaux,
- une pour les brebis, moutons ou chèvres,
- une pour les agneaux et chevreaux qui tètent,
- une pour les cochons
- une pour les chefs de famille,
- une pour les enfants majeurs de 5 ans,
- une pour les mineurs de 5 ans,
- une pour les enfants encore au berceau,
- une pour les bœufs et les vaches,
- une pour les veaux,
- une pour les brebis, moutons ou chèvres,
- une pour les agneaux et chevreaux qui tètent,
- une pour les cochons
- et une pour le sel,
- et une pour les cabaretiers, boulangers ou revendeurs. »
- et une pour les cabaretiers, boulangers ou revendeurs. »
« Pour les cochons c’est zéro de haut en bas. Heureusement que Monsieur l’Intendant n’a pas eu l’idée de faire compter aussi les poules. Pour le sel, il ne s’agit pas de la consommation totale de la famille, mais seulement du sel destiné à la salaison du fromage et de la viande. De la viande, il n’est pas « en coutume d’y tuer et saler aucune viande pour l’usage de la famille, sauf s’il arrive quelque accident ». Des cabaretiers, boulangers, revendeurs, point. »
« Mais déjà tout le monde est rentré dans l’église, où le Réverend Curé Jean-Baptiste Favier vient d’entonner le dixit. «
***
Un petit éclairage sur les prénoms de ces paroissiens de Fontcouverte est possible grâce au pointage de Jean-Baptiste Albert curé-archiprêtre en 1924:
En tête pour les hommes il y a Jean (81) Jean-Baptiste (81) Claude (55) Pierre (55) Louis (41) et également présents Gaspard, Barthélemy, Etienne, Philippe et Sébastien.
Mais on trouve aussi des Catherin - cas rare d’un nom masculin dérivé du féminin- Aynard, Colomban, Sorlin et un étrange Murix !
En tête pour les femmes il y a Marie (93) Jeanne (70) Françoise (56) Michelle (36) Antoiniz (36) mais aussi des Barbe, Amblarde, Jenette, Jacquemine, et Guigonne.
Dans ces prénoms féminins on note des désinences en iz ou az à savoir Antoiniz, Georgiz, Philippaz qui se retrouvent dans des patronymes comme Claraz. Que dire sur ces désinences, élément variable à la fin d’un mot, sinon qu’elles ne se prononcent pas et que les érudits locaux peinent à trouver leur origine…
***
Sachez Monsieur le secrétaire Jean Collet que ce fastidieux travail sur le dénombrement de tous les paroissiens de Fontcouverte n’a pas été inutile, il est précieux pour des curieux « farfouilleurs » d’archives que sont les généalogistes amateurs.
Sources
- Gallica
Revue Société d'Histoire et d'Archéologie de Maurienne 1924 Tome VI 2e partie
- Tableau le dénombrement de Brueghel le jeune (détail) Palais des Beaux-Arts de Lille
Mais quelle chance de découvrir tant de personnes grâce à ce document !
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