Ce n’était pas simple de faire valider ses diplômes, lorsqu’on était étudiant en droit ou en médecine en Savoie, lorsque celle-ci dépendait de Turin, et qu’on ne voulait pas franchir les Alpes.
Il est amusant ce récit d’un certain Antony Desaix paru en 1875 alors que la Savoie a été rattachée à la France. L’auteur démarre le récit vers 1855 lorsque la Savoie dépend du Roi Victor-Emmanuel II de Piémont-Sardaigne, et effectue ensuite un retour en arrière au XVIII ème siècle.
« La Savoie possédait, il y a quelque vingt ans à peine, une école de droit et une école de médecine. Les études s’y faisaient primitivement au complet et l’on pouvait devenir docteur en droit à Chambéry, à la seule condition d’aller soutenir sa thèse devant quelque université de premier ordre. Le gouvernement se montrant assez indifférent sur le choix de la Faculté, et il agréait volontiers les titres acquis à l’étranger sur le même pied que ceux délivrés à l’intérieur.
Aussi les étudiants de Chambéry allaient-ils d’ordinaire prendre leurs grades à Valence, en Dauphiné, et nos avocats savoyards étaient-ils le plus souvent des avocats français.
Plus tard on écorna les cours, et l’on ne laissa subsister à Chambéry que ceux des premières années ; puis on vint à les supprimer tout à fait. Nous ne dirons pas toutes les doléances et toutes les réclamations auxquelles se sont livrés les habitants d’une capitale qui perdait ainsi un de ses plus beaux privilèges. Ce n’était pas du reste, la première fois que Chambéry s’était décrié contre les procédés d’un gouvernement qui petit à petit, dépouillait la capitale du duché en faveur de celle du royaume.
Gallica Château de Chambéry et sa Chapelle J Van den Velde 1820 |
Plus tard on écorna les cours, et l’on ne laissa subsister à Chambéry que ceux des premières années ; puis on vint à les supprimer tout à fait. Nous ne dirons pas toutes les doléances et toutes les réclamations auxquelles se sont livrés les habitants d’une capitale qui perdait ainsi un de ses plus beaux privilèges. Ce n’était pas du reste, la première fois que Chambéry s’était décrié contre les procédés d’un gouvernement qui petit à petit, dépouillait la capitale du duché en faveur de celle du royaume.
Au commencement du XVIII ème siècle, le roi avait ordonné que les habitants de la Savoie, iraient prendre leurs grades universitaires à Turin. Vous pouvez juger, par le souvenir des mesures analogues prises dans les temps plus récents, de l’effet que produisit alors cette royale prescription.
L’opinion publique s’irrite contre cet assujettissement, et malgré les ordres les plus précis, les étudiants en droit continuaient d’aller se faire graduer à Valence, où disait-on, l’on se montrait moins difficile. Le gouvernement déploya à cet égard une ténacité véritable, mais presque sans succès. Ses rigueurs n’obtinrent pas de meilleurs résultats.
Mais ce que l’autorité du souverain n’avait pu obtenir, une simple pasquinade (1), une farce de carnaval l’opéra. En ces jours renouvelés des saturnales où tout est permis à l’opposition, le gouvernement pensa que lui aussi pouvait bien se permettre quelque chose. Des agents le plus haut placés, les commandants de place, organisèrent la chose avec assez de discrétion, bien entendu, pour qu’on ne pût pas supposer d’où le coup était parti.
On plaça dans un carrosse et l’on promena dans les rues de Chambéry deux petits ânons habillés en avocats avec cette inscription : Le coche part pour Valence. Cette raillerie eut un succès prodigieux ; on se fit une honte d’aller à Valence, et l’on s’accoutuma à passer les Alpes tête nue pour en revenir avec le bonnet de docteur. »
(1) Au départ la pasquinade est un placard satirique que les Romains accrochaient à la statue de Pasquino contre le Pape régnant, c’est ensuite devenu le nom des valets de comédies, puis un ensemble de gestes spectaculaires, des facéties de bouffon.
Sources
Gallica : Antony Desaix Légendes et tradition populaires en Savoie 1875
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