Racontez-moi nos ancêtres, raconte-moi Oncle Albert et un peu ses parents Louis Xavier PORTAZ et Sylvie Ludimille AUDE à l’issue de la Première Guerre Mondiale. Oui je sais c’est loin 1914-1918, et cela suppose qu’un descendant s’intéresse à ses aïeux et ses collatéraux.
En cette fin novembre 1918, juste après la signature de l’Armistice le 11 du même mois à Rethondes en forêt de Compiègne, mes arrière-grands-parents paternels, Sylvie et Louis sont encore endeuillés par la perte de leur fils Albert au tout début du conflit en 1914. Trois de leurs filles sont au loin dans la capitale, certes leur fils aîné Louis Célestin PORTAZ, époux d’Annette Philomène GERVASON, n’est pas parti au front, en tant qu’employé des Chemins de Fer il est resté en Savoie. Endeuillés comme tant de familles, de plus mon arrière-grand-mère Sylvie doit être souffrante, elle décèdera en décembre.
Gallica |
Raconter Albert François PORTAZ, mon grand-oncle paternel, né le 11 décembre 1891 en Savoie à Fourneaux (à côté de Modane en Maurienne), c’est préciser qu’il est le 4e enfant de Louis Xavier PORTAZ employé aux Chemins de Fer et de Sylvie Ludimille AUDE.
Selon les affectations de son père il habitera à Petit Cœur (rattaché aujourd’hui à La Léchère) et à Grand Cœur (rattaché actuellement à Aigueblanche). Puis Albert vivra à Aiton et enfin à Aiguebelle au sein d’une fratrie de 8 enfants.
Sa fiche matricule révèle qu’Albert mesure 1m60, avec des cheveux et sourcils châtains clair et les yeux bleus jaunâtres : oh ces descriptions des fiches matricules, pourtant précieuses. Mentionné en 1911 comme ajusteur lors du recensement d’Aiguebelle, il se dit forgeron en 1912 lors de son incorporation, pour un niveau d’instruction 2 (sait lire et écrire). Ajourné en 1912, il est incorporé comme soldat le 10 octobre 1913 au 30ème Régiment d’Infanterie à Annecy en Haute Savoie.
Dès le 4 août 1914, le Régiment est prêt, et Albert François PORTAZ fait partie des 3 bataillons rassemblés au bord du Lac d’Annecy pour la cérémonie du Drapeau.
«Cette cérémonie déjà si impressionnante ordinaire, l’est encore plus en ce jour, à la veille d’événements qui vont décider du sort de la France. Dans le cadre si riant, et si joli du lac, sous un soleil radieux d’été, elle gagne encore en beauté ; à la sonnerie «au Drapeau !» gradés et soldats les yeux rivés sur l’emblème de la Patrie, font le serment intime de donner leur vie pour défendre ce sol que l’Allemand veut nous ravir ».
Arrivé à Epinal vers les 6 -7 août, ce sera pour Albert d’abord la campagne des Vosges entre le 15 et le 28 août 1914 : « on s’est battu sans arrêt; les hommes ont vécu de pommes de terre arrachées dans les champs, soumis constamment au tir démoralisant de l’artillerie lourde allemande. Malgré tout le moral est resté élevé, et le 28 les troupes sont prêtes à reprendre l’offensive. ».
L’Historique du 30ème Régiment d’Infanterie indique que l’ennemi bat subitement en retraite le 12 septembre 1914, et de ce fait le Régiment peut rentrer à Saint-Dié. Ce même document précise que le Régiment : « a perdu presque tous ses cadres de l’active et de la réserve présents à Annecy le 4 août. ». Et combien de pertes de simples soldats ?
Le régiment d’Albert débarque le 20 septembre 1914 en gare de Saint Just en Chaussée dans l’Oise sous une pluie torrentielle.
C’est le début des combats dans les Secteurs de la Somme et de la Course à la Mer ; il reste 10 jours à vivre à Albert François PORTAZ. Dans le pays de Santerre, au sein d’une zone entre les communes de Corbie, Albert et Péronne, ce sont de dures étapes avec des pertes cruelles, et un dur combat. Cet adjectif est répété dans l’Historique du régiment.
Difficile de savoir si c’est vers Faucaucourt en Santerre, Cappy ou Eclusier, et dans quelle circonstance qu’Albert sera grièvement blessé et transporté à l’Hôpital d’Harbonnières où il décèdera le 30 septembre 1914, par suite de ses blessures : Mort pour la France. Il n’avait même pas 23 ans.
Le Journal Officiel de 1920, mentionne qu’Albert François PORTAZ, soldat brave et dévoué, a été frappé mortellement à son poste de combat. Il est décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.
Extrait Journal Officiel 1920 |
Enterré dans le cimetière de la commune d’Harbonnières, il a été transféré dans l’ossuaire 4 de la Nécropole nationale de Lihons dans la Somme. Le nom de mon grand-oncle figure sur la stèle de cette Nécropole, ainsi que sur le monument aux morts d’Aiguebelle en Savoie.
Modestes lignes glanées sur divers documents, modeste devoir de mémoire, mais quel était l’homme : son caractère, ses projets : avait-il une fiancée et ce comme pour bien d’autres poilus disparus au début du conflit. Le prénom d’Albert a été donné à un de ses neveux. Voilà ce que je peux murmurer à Sylvie Ludimille et Louis Xavier.
Pour conclure, je souhaite évoquer pour le 30ème Régiment d’Infanterie un des moments de fraternisation mentionné dans l’Historique du régiment : « Le 28 décembre 1914 des relations de tranchée à tranchée entre nos troupes et les Bavarois. Un certain nombre de nos hommes et des Bavarois sont sortis des tranchées et se sont rencontrés à mi-distance environ, et se sont serrés la main, échangés des journaux, des cigarettes et provisions de diverses natures.»
Il s'agit du deuxième billet sur le thème #RMNA Raconte-moi Nos Ancêtres
Saison 1 - Année 1918 suggéré par la "team" de RDVAncestral
Sources
Archives de la Savoie
Mémoire des Hommes
Gallica : Historique du 30e Régiment d'Infanterie
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Saison 1 - Année 1918 suggéré par la "team" de RDVAncestral
Sources
Archives de la Savoie
Mémoire des Hommes
Gallica : Historique du 30e Régiment d'Infanterie
Voici un bel hommage rendu à Albert. Je pense qu'au travers de ces quelques mots, tu l'as sorti de l'ombre. C'est une triste fin, comme il y en a eu des millions comme celle-ci!
RépondreSupprimerC'est bien de sortir tous ces soldats du rang de leur anonymat, de leur rendre un peu de leur humanité, de rappeler qu'ils étaient aimés d'un père, d'une mère, d'une fiancée...
RépondreSupprimerJ'aime bien aussi ce que tu dis des fiches matricules qui nous font parfois sourire, parfos grincer des dents mais qui nous apprennent tant sur nos poilus !
Les commentaires précédents disent fort bien ce que l’on ressent à la lecture de tes billets.
RépondreSupprimerComme on aimerait réécrire l’Histoire avec des vies moins tristes que celles des poilus et de leurs familles.
Les voilà mis en lumière grâce à ces RMNA que tu nous racontes bien.
Que de vies fauchées.
RépondreSupprimerje suppose que tu connais le http://www.chtimiste.com/
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