Gai, gai, marions-nous ? Et dîtes-moi les anciens, s’agit-il de vos enfants ? Si vous êtes perspicaces, vous vous doutez qu’aujourd’hui mon rendez-vous mensuel avec nos ancêtres, initié par Guillaume du "Blog le Grenier des Ancêtres" va tourner autour de la filiation.
Mandement de Montmeyran, terre drômoise actuellement, je me retrouve propulsée en 1727. Les terres sont en sommeil en ce mois de janvier, les arbres ont leurs branches dénudées, et les corbeaux ont renoncé à croasser. Le ciel est bas, je ne peux apercevoir la montagne de la Raye au loin.
Jean DORELON a rêvé qu’une lointaine descendante voulait l’interroger, il l’a dit à son épouse Isabeau CLEMENT. De même Claude RICHARD et Madeleine ARNOUX ont eu un rêve similaire, ils en sont peut-être inquiets. Ils sont tous là dans une maison à l’écart du village a priori, peut être au hameau Les Dorelons ?
Rentrez-vite il fait frisquet à l’extérieur - souligne Jean DORELON sur le pas de sa porte. Le maître de maison a les bras chargés de bûches.
Isabeau CLEMENT - la mine un peu fermée - est debout devant la cheminée. Les deux autres protagonistes sont déjà dans la pièce où règne une douce chaleur, et sont assis sur un banc.
Alors comme çà vous venez d’un autre temps ? Vous vous posez des questions sur nous ?
Oui à mon époque on cherche ses racines, on s’intéresse à ses ancêtres, aux lieux qu’ils habitaient, l’histoire de leur paroisse, de leur province. On a différents outils pour les recherches.
Des outils ?
Enfin … c’est-à-dire des facilités pour trouver les documents.
Oh dans le coin, çà n’a pas toujours été facile note Jean DORELON, Claude RICHARD opine du chef.
Isabeau CLEMENT marmonne quelque chose en patois, probablement du genre « fais attention à ce que tu dis, on la connait pas la dame ».
C’est que dans les villages de ce secteur bien des habitants ont suivi les idées de la Réforme et, après la Révocation de l’Edit de Nantes en 1685, ont dû se résigner, sous les multiples pressions, à abjurer leur foi pour notamment que les enfants ne soient pas considérés comme bâtards.
Je suis heureuse que vous ayez accepté de me recevoir dis-je pour détendre un peu l’atmosphère en sortant de ma besace en toile de chanvre plusieurs actes.
Regards très surpris de l’assemblée.
Vous avez pris ces papiers où ?
Oh maintenant c’est possible d’avoir des copies !
C’est ainsi que pour vous Jean DORELON et Isabeau CLEMENT, tout comme pour Claude RICHARD et Madeleine ARNOUX, j’ai les actes de vos mariages célébrés en 1695 et 1696 dans l’ancienne église de Saint-Genis et j’ai aussi les actes de baptêmes de vos enfants.
Dans votre foyer Jean et Isabeau, il y a eu Pierre, Louis, Marie née en 1701, puis André, Jean, Laurent et aussi Judith (tiens un prénom biblique).
Et me tournant vers Claude et Madeleine : vous avez eu aussi 7 enfants Anne, Catherine, Madeleine, François né en 1703, puis Marie-Jeanne, Claude et Guichard.
Tous ce petit monde a été baptisé par le Curé MORIER, en général 3 ou 4 jours après leur naissance (tiens donc comme si on hésitait à les conduire à l’église ou si on avait du mal à trouver les parrains-marraines estampillés bons catholiques ou susceptibles d’être agréés).
En tout cas Jean DORELON vous savez signer lui dis-je histoire de faire comprendre que je me suis appliquée à dénicher tous les indices possibles, car le père est parfois cité comme témoin à certains baptêmes.
Oui, oui … Bon alors vous avez évoqué un quadruple mariage ?
Le curé de Montmeyran énumère dans un seul acte - hélas non filiatif – l’union de 4 couples :
- Claude BADOT et Antoinette CHASSOULIER
- André DORELON et Madeleine RICHARD
- Jean Louis DORELON et Catherine RICHARD
- François RICHARD et Marie DORELON
Je pense que deux de vos enfants Marie DORELON Sosa 231 et François RICHARD Sosa 230 - mes ancêtres - sont un des couples uni lors de la célébration du 8 février 1725. Marie a presque le même âge que François.
De même André et Madeleine unis le même jour me paraissent être aussi vos enfants, ainsi que Catherine, car pour Jean Louis je m’interroge. Celui-ci est peut être un neveu à vous. Cela ne peut être votre fils Louis qui est décédé à deux ans et demi.
J’ai aussi noté que le 28 octobre 1720, le même prêtre, a béni le mariage de Pierre DORELON et Anne RICHARD. Chers hôtes, j’en suis arrivée à déduire qu’il s’agit de vos aînés baptisés en 1696.
Silence et regards amusés à ce stade de mes explications…
Ces trois mariages entre vos deux familles, l’étaient-ils pour simplifier les festivités des noces, ou pour des histoires de compensations de dot. Peut-être mais pas uniquement, car au 18ème siècle la formation des couples se fait sous les yeux du village. Montmeyran a fait partie des villages avec deux communautés : les familles des nouveaux convertis et les familles restées dans la religion catholique.
François RICHARD époux de Marie DORELON en 1727, lors du baptême d’un neveu, est mentionné comme nouveau converti. Quant à sa mère Madeleine ARNOUX il a été rapporté au Curé en 1739 qu’elle a été ensevelie en terre profane, elle est donc décédée hors de l’Eglise Catholique.
Foi protestante souterraine et familiale, foi identique qui plus avant dans le 18ème siècle réapparaît avec des mariages « Au Désert » par des pasteurs, des réhabilitations avec l’Edit de Tolérance de 1787 du Roi Louis XVI.
Foi protestante souterraine et familiale, foi identique qui plus avant dans le 18ème siècle réapparaît avec des mariages « Au Désert » par des pasteurs, des réhabilitations avec l’Edit de Tolérance de 1787 du Roi Louis XVI.
Toutes les branches de mes aïeux de Montmeyran me posent des questions similaires !
Cœurs en bois éparpillés, embrouillés comme les lignes, les noms et les mots de cet acte de mariage.
Ai-je résolu de façon plausible le puzzle de cette partie de mon arbre généalogique. Du moins ai-je exposé mon sentiment et les liens de François RICHARD et Marie DORELON, avec leurs parents Claude RICHARD Sosa 460 et Madeleine ARNOUX Sosa 461, ainsi que Jean DORELON Sosa 462 et Isabeau CLEMENT Sosa 463.
Amis lecteurs pensez-vous que je me fourvoie ?
Sources
AD 26 Drôme – Montmeyran BMS RC
Précieux relevés de l'Association EGDA
qui sont autant de petits cailloux semés
J’aime bien ces hypothèses que tu nous confies en aparté, ce sont de judicieuses questions pour faire avancer l’enquête qui apparaît bien difficile.
RépondreSupprimerAu fil de la généalogie on acquiert des intuitions qui s’imposent au point qu’un jour on se permet de les inscrire dans un arbre (avec un point d’interrogation ?)
Dommages qu'ils soient restés sans donner de réponse ! J'ai aussi quelques mariages croisés frères et soeurs, sans doute pour ces questions de dot. Les hypothèses que tu mentionnes sont en tout cas plausibles.
RépondreSupprimerExisterait-il une sorte d'instinct généalogique ? Pas toujours facile de s'y retrouver... surtout à cette époque... Je me demande comment j'aurai abordé l'énigme si j'avais du le faire... belles réflexions en tous les cas
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