samedi 17 octobre 2020

Village disparu village déplacé

Si je savais faire un croquis, si je savais maîtriser un logiciel en 3 D, je reconstituerais l’ancien village de Montmeyran terroir de mes ancêtres drômois. Au lieu de cela des extraits de plans m’échappent des mains, glissent de la table, tombent sur le plancher, s’envolent jusque sur le balcon par la fenêtre ouverte. Le soleil couchant envoie une lame de lumière, éblouissement total, centaines de papillons dans les yeux et ? 

Je me retrouve assise sur un tertre herbeux, ose enlever une main de mon visage, puis l’autre et distingue la montagne de la Raye au loin, un contrefort du Vercors. 

Je suis vers 1700-1710 à apercevoir des silhouettes déjà rencontrées dans un quadruple mariage à Montmeyran, elles sont toutes un tantinet plus jeune : Isabeau Clément m’aide à me relever, à ses côtés Jean Dorelon son époux, en retrait Claude Richard et sa femme Madeleine Arnoux. 

Cette fois, je lance à la cantonade à mon quatuor d’ancêtres : racontez-moi votre village d’antan, il paraît que chacun de ces côteaux porte un nom différent ? 

Montmeyran Tour et quartier des Rollands © Delcampe

Le posé Claude Richard d’énoncer : au sud derrière nous c’est le Serre de la Motte, puis le second le Serre de la Palette, le troisième le plus élevé est le Serre de Meyran où nous sommes, ensuite le Serre de Fournier, et le cinquième le Serre de St-Genis. 

Notre village est construit sur le Serre du Meyran, tout autour le mur d’enceinte que vous voyez a 12 mètres de hauteur, et s’étend sur une longueur de 750 mètre. Qui a soufflé les mesures actuelles dans l’oreillette de mon ancêtre ? Cette enceinte est flanquée de 5 tours de plus de 15 mètres de haut. 

Vous êtes arrivée par quelle porte, celle du couchant dite Jame ou de la Garenne, ou avez-vous emprunté la porte du levant dite des Barrys ? Il me paraît exclu que vous soyez passé au nord par la petite porte qui fait communiquer le village avec le cimetière de St-Genis. 

A vrai dire, je ne sais pas comment je suis arrivée ici …… 

Moment de silence, grands doutes de mes interlocuteurs et Jean Dorelon poursuit : à votre époque il reste combien de tours ? 

Oh il se chuchote, que 3 d’entre elles en ruines se voyaient vers le 19ème siècle, puis une seule. 

Enfin notre village qui s’étend en amphithéâtre sur plus de 3 hectares à cheval sur les deux flancs du côteau, vous l’avez traversé avant qu’on vous croise ? 

A vrai dire, je ne sais pas non plus… 

Bon, certes, regards perplexes : on va se diriger ensemble vers le château qui abrite le seigneur vassal, il se prolonge par des écuries, et un puits sert à toute la population, à proximité observez la tour du Colombier. 

Docilement j’obtempère, cheminant avec à ma droite Isabeau Clément et à ma gauche Madeleine Arnoux, lorgnant toutes deux mon étrange vêture. 

Voilà on approche de l’église paroissiale placée sous le vocable de Saint Blaise, regardez plusieurs rues débouchent sur la grande porte du Vent, on va y pénétrer. 

Dans cet édifice – peut-être de 8 mètres de large et de 25 mètres de long – mes guides de ce rendez-vous ancestral s’y sont mariés et leurs enfants y furent baptisés, nouveaux convertis ayant abjuré après la Révocation de l’Edit de Nantes la foi de leurs pères. 


AD 26 Montmeyran Cadastre 1812 extrait

Je suis pensive, les tons basculent sur le sépia, puis les gris, tout s’obscurcit, les propos de mes ancêtres deviennent inaudibles. Tout disparait. Le silence. 

Comme témoins d’un passé enfoui : quelques briques du carrelage de l’église usées par les fidèles, église désormais écroulée, à fleur de terre un pan du donjon, une trace du colombier. La masse imposante des remparts n’est plus. 

Montmeyran à la suite des guerres de religion vit sa population diminuer considérablement, les protestants descendirent dans la plaine de l’est. Les catholiques peu nombreux se dirigèrent à l’ouest vers le nouveau village - implantation actuelle - ils prirent au quartier du Colombier la pierre nécessaire à la construction de la nouvelle église, l’ancienne étant en mauvaise état, pour leurs nouvelles maisons ils prirent les pierres des remparts et les matériaux de leurs anciens logis. 

Village déplacé vers 1730, vieux village disparu avec l’écroulement de l’ancienne église en 1750. 

Rencontre furtive avec mes ancêtres pour tenter d’expliquer ce qui m’a intriguée lors de la découverte d’une notice historique sur le vieux Montmeyran. 

J’ai fait un rêve mais d'anciens cadastres du vieux village citaient comme patronymes : Bonnet, Clément, Dorelon,  entre autres,  figurant dans ma généalogie. 

J’ai fait un rêve, mais le cadastre napoléonien établi en 1812 mentionne deux tours en ruine, l’ancien colombier, les ruines de l’ancienne église, l’ancien cimetière, les remparts et localise l’ancien village. 

Village disparu, village déplacé.



Billet établi dans le cadre du RDVAncestral mensuel qui permet d'aller à la rencontre de ses ancêtres


Sources 
AD 26 Montmeyran BMS et cadastre
Gallica Bulletin de la Société d'archéologie et de statistiques de la Drôme : 
Notice sur l'ancien village par M.Faure 

 

3 commentaires:

  1. Le village disparu revit grâce à ton RDV Ancestral.

    RépondreSupprimer
  2. Très belle visite guidée d'un village peut être disparu mais dont les traces rappelleront toujours qu'un jour il abritait des hommes et des femmes...

    RépondreSupprimer
  3. J'aime écouter vos conversations lors de ces rendez-vous.

    RépondreSupprimer

Merci pour le commentaire que vous laisserez