vendredi 27 mars 2020

Nostalgique pause-café

Je suis une modeste nappe carrée aux carreaux rouges et blanc avec des initiales brodées - I A - Isabelle Arnoux grand-mère maternelle de ma détentrice. J’ai été réveillée un peu tôt cette année, tirée de la pile de linge de l’armoire, repassée facilement vu ma qualité de coton. Tout ce tintouin est lié au généathème de mars suggéré par Sophie de la Gazette des Ancêtres sur les objets familiaux. 

Voilà que l’on m’a installée pour une séance-photo avec en vedette un moulin à café dépoussiéré soigneusement, quoique pour être honnête cela lui arrive plusieurs fois dans l’année. Ce moulin en bois et métal appartenait aussi à Isabelle Arnoux. 


Il fait le fier ce moulin : c’est un authentique de la marque déposée « Peugeot Frères » fabriqué à Valentiney dans le Doubs avec le sigle du lion sur une flèche. Sa manivelle à une seule courbe indique qu’il a été construit avant 1932, modèle TN a priori. 

A nous modestes objets du quotidien de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème, on vient de nous l’expliquer. A dire vrai mon copain le moulin : il a bien servi, son bois est patiné, tâché, un angle est poqué. A vous les jeunes, ou moins-jeunes, sachez qu’il convient d’ouvrir le haut métallique du moulin, pour mettre les grains de café à moudre. 


Ce café Isabelle, ou Noémie sa propre mère, allait l’acheter dans une épicerie, parce que le café ne pousse pas sous les latitudes de la métropole. 

Ma détentrice a le souvenir de sa grand-mère, un tablier noué sur sa robe, le moulin posé sur ses genoux, tournant la manivelle pour broyer les grains de café. Si des grains se coincent il faut forcer, rien ne vaut l’huile de coude, et petite précision pour récupérer la poudre de café on ouvre le petit tiroir, et conseil : on ne renverse pas la mouture. 

A ce stade la poudre développe son parfum, et la pause-café se rapproche, quoique la maîtresse de maison doit œuvrer et s’affairer autour de la cafetière (qui rappel n’est pas électrique), la bouilloire d’eau attend sur le coin de la cuisinière à bois ou à charbon. 

Pas de copine cafetière à vous présenter, ma détentrice a le souvenir d’une version en émail, à deux niveaux, en haut la partie filtre où est versée l’eau chaude frémissante sur le café moulu, et le corps de la cafetière où s’écoule le breuvage, partie avec un long bec. 

Sentez-vous l’arôme du café, le temps suspendu avec cette pause-café qui se précise. 

Nous, petite nappe et moulin à café tant de fois considérés avec tendresse, ne sommes pas en mesure de vous révéler si cette pause-café était prolongée ou pas, quotidienne ou pas. Si Isabelle et ses proches après des temps qui furent troublés, regrettaient, méditaient, refaisaient le monde autour d’une tasse de café dans un moment de convivialité, ou rêvaient en écoutant les oiseaux, observant les feuilles de la vigne-vierge de la tonnelle. 



Malgré nos trous de mémoire, on n’oublie pas de passer le relais à trois livres qui servirent à Isabelle Arnoux épouse d’Emile Mercier lorsqu’elle était institutrice, façon de témoigner, transmettre. 




Livres dont les titres renvoient à une autre époque : un petit mémento de la politesse élémentaire, une brochure avec 54 leçons de choses en images sans paroles, à raconter par les petits pour une initiation à l’élocution, et un livre de musique. 

Allez, je les dépose dans la pile à lire, en ce mois de mars si particulier d’un temps à nouveau suspendu et incertain. 

Précieux objets familiaux à la chaleureuse présence.



9 commentaires:

  1. Très joli exposé, ces objets qui nous parlent et nous racontent semblent s'animer devant nous. Bravo !

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  2. Oh, une nappe qui se met à parler... Génial généathème !

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  3. Et bien que d'objets pour ce superbe généathème !
    Bravo

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  4. Merci pour ce joli texte, emprunt de tant de douceur et d'amour. Ma maman possède encore ce même moulin à café... et je serais bien en peine de savoir à qui il appartenait... Pourtant il s'agit du même modèle.

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  5. Quel texte magnifique qui donnent une âme à ces souvenirs d'un autre temps.

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  6. Quel joli texte. On perçoit la bonne odeur du café fraîchement moulu à la lecture !

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  7. Merci pour cette petite pause. "oh temps suspend ton cours !"

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