vendredi 3 mai 2019

Dommages collatéraux en 1650

En ce temps-là, le jeune Roi Louis XIV avait 12 ans, la régence était assurée par sa mère la Reine Anne d’Autriche, des troubles secouèrent le royaume : fronde parlementaire, puis fronde des princes.

En ce temps-là dans la généralité de Soissons, les soldats ne laissèrent pas que de bons souvenirs aux habitants proches de l’immense forêt de Saint-Gobain, si on se réfère à l’inventaire sommaire des archives départementales de l’Aisne et l’intitulé : informations des désordres commis par les troupes en 1650.

Je vous propose de sortir de l’oubli ces témoignages de gens humbles de plusieurs paroisses et de les écouter. 

Musée du Louvre - anonyme -

Georges Anceau charbonnier à La Gillotte, paroisse de Saint-Gobain déposa :
« Le jour de la Pentecôte dernier (1650) sur le soir, l’armée conduite par M. le Maréchal du Plessis-Praslin vint camper en cette ville (Saint-Gobain) et villages voisins comme Missencourt, Errancourt et autres situés à la lisière de la forêt de Saint-Gobain, et y demeura sept semaines entières, durant lesquelles un grand nombre de paysans se seraient réfugiés en ladite forêt, notamment en une taille assez proche dudit Missencourt, contenant 90 arpents de bois ameublés par Jean Satabin le jeune dudit Saint-Gobain.

Que durant que lesdits paysans étaient en ladite taille, ils auraient pris quantité de bois et de corderie, fagots, et bourée, brûlé iceux en grande quantité et même pris et emporté les charbons de six faudes, que lesdits soldats auraient été pareillement à ladite taille,  campé dans ladite taille plusieurs jours, emporté une grande quantité de charbons, même en aurait été consommé en cette ville par les ouvriers de l’artillerie qu’il auraient pris et emporté avec leur charrettes par plusieurs jours. »

Hubert Pierrepont de Barisis déposa :
« L’armée conduite par le général Roze étant venue camper à Sinceny et les environs jusqu’aux faubourgs de Chauny, elle y fît plusieurs  désordres, tant à couper le blé et autres grains étant alors encore vert, qu’à piller, voler et ravager le pays ».

Simon Duflos de Deuillet déposa :
 « L’armée royale conduite par le maréchal du Plessis-Praslin vint camper à Deuillet et ses environs où elle ravagea la campagne, pilla le général et le particulier. »

Pierre Razoy  de Saint-Gobain déposa :
 «  Qu’il fût prié par Christophe Geoffroy et Mathieu Lecompte de les accompagner dans la forêt où ils allaient journellement pour éviter et empêcher le grand désordre qui se faisait dans la forêt de Saint-Gobain.

Plus de cinquante mille personnes  s’y étaient réfugiées avec le peu de biens qu’ils avaient, afin de conserver ou sauver  leur vie, qu’ils étaient souvent au terme de perdre.

En effet de nombreux soldats de l’armée commandée par le maréchal du Plessis-Praslin faisaient des courses continuelles dans ladite forêt, de sorte qu’ils ont pris non seulement une grande partie des bestiaux qui y étaient réfugiés, mais une grande quantité de bois et charbon qu’ils ont vendu aux environs de La Fère »

Antoine Vinchon  garde-vente dit :
« Que durant le campement de l’armée du Roi à la Fère et ses environs, les gens de guerre y vivaient en toute licence, ravageant le pays, battant, tuant tous ceux qu’ils rencontraient sans épargner personnes,  cherchaient même les réfugiés en la forêt de Saint-Gobain qui y étaient et rançonnaient indifféremment, a vu les charbonniers retourner tous nus, dépouillés et maltraités. Le moulin de Fressancourt est ruiné par les gens de guerre. »


Les patronymes de ces témoins me sont connus, je les ai croisés lors de mes recherches généalogiques sur Deuillet et Saint-Gobain. Hubert Pierrepont est sûrement à relier avec des ancêtres de Barisis aux Bois, mais les registres ne débutent qu’en 1677.

Modeste éclairage révélateur d’un cortège d’exactions, de pertes humaines et de  ruines matérielles, ayant pour cadre  la Généralité de Soissons et ce, il en était de même dans d’autres provinces en ce temps troublé de la Fronde.



Sources
Google Books
Inventaire-Sommaire des Archives Départementales de l'Aisne antérieur à 1790
Archives civiles tome I

Pour aller plus loin
La Fronde des Princes dans la région parisienne et ses conséquences
Jean Jacquart Revue d'Histoire Moderne et Contemporaine

4 commentaires:

  1. Très intéressant ! On a parfois du mal à s'imaginer tout ce à quoi ont été confrontés nos ancêtres...

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  2. Merci pour ce petit inventaire de témoignages bien instructifs.

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  3. Écoutons les témoignages des gens humbles en écho à la grande histoire.

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  4. Je ne connaissais pas cette source, en plus dans l'Aisne. A creuser un jour !
    Merci.

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